Histoire des feux de la Saint-Jean dans le pays gardois.


Les Feux de la Saint-Jean d'après Jules BRETON Photogravure - 1891, 45,5 x 78,6 cm.
Origine Culture Gouvernement


Dans nos régions la tradition des feux de la "Saint-Jean" est dite moderne. A Nîmes elle débute en 1679 et perdurera plus de 2 siècles, jusqu'en 1905.
Devenus un évènement folklorique dans les villages gardois, les feux de la St Jean continueront jusqu'au début des années 1960. Le département étant une région viticole, les jeunes allaient rechercher des sarments de vigne, et les entassaient sur la place principale du village. A la tombée de la nuit, le feu était mis et la population s'assemblait progressivement autour du brasier. Quand les flammes commençaient à baisser, les plus aventureux sautaient le feu. Au fur et à mesure que le brasier diminuait d'intensité d'autres s'y aventuraient, quelquefois avec leurs promises. Suite à des dérapages au moment du saut, des accidents survenaient, mais des récipients remplis d'eau étaient là pour éviter le pire.
Mais la bienveillance des autorités a des limites. L'arrivée des habitants des villes dans les campagnes entrainera, une mixité de population moins tolérante pour ces coutumes issues des temps anciens. Quelquefois un accident ou bien un incendie vont mettre fin de façon définitive à ces pratiques d'un autre âge.
Au XVIIe siècle, la Saint-Jean avait une forte connotation religieuse. Il s'agissait de fêter la nativité de saint Jean-Baptiste le 24 juin. Il est le seul des saints dont on fête la nativité sur terre, à l’exemple du Christ et de la Vierge
Dans la plupart des villes et villages de France il y avait, jusqu'à la révolution, une place St Jean. (à Nîmes c'est l'actuelle place St Charles). Il est fort probable qu'elles accueillaient, la nuit du 23 au 24 juin, le traditionnel feu de la St Jean
 Dans d'autres pays ou régions, cette pratique est plus ancienne, la nuit du 23 juin est en effet la plus courte de l'année, c'est le solstice d'été.
 Il s'agissait d'accompagner les dernières lumières du jour jusqu'aux premières lueurs de l'aube à l'aide d'un immense feu de joie.
Depuis les temps les plus reculés, cette date a été fêtée avec pour symbole le feu. De nombreuses civilisations, y ont vu toutes sortes de signes et magies.
D'autres pratiques sont liées à la Saint-Jean. Dans certaines régions, comme le Jura ou les Cévennes, il était également habituel d’aller cueillir les herbes de la saint Jean réputées très efficaces en cas de maladie de peau. Les herbes de la saint Jean étaient réputées si bénéfiques qu’on disait souvent d’une affaire à laquelle on avait porté tous ses soins qu’on y avait employé "toutes les herbes de la saint Jean !".
Le premier feu de la St Jean eut lieu à Nîmes le 23 juin 1679 :
"ce fut par ordre de l'intendant Henri d'Aguesseau. Ce magistrat se trouvant à Nîmes ce 23 juin, veille de la Saint Jean, témoigna sa surprise aux consuls de ce que la ville ne l'avait pas encore pratiquée, et leur enjoignit de se confirmer à l'avenir aux autres villes du royaume les plus considérables, qui ne manquaient jamais à une si louable cérémonie.
En conséquence, les consuls donnèrent ordre le jour même aux ouvriers ou voyers de la ville de faire dresser un bûcher a l'esplanade. Ils communiquèrent ensuite au juge-mage Rochemaure l'ordre qu'ils en avaient reçu de l'intendant, et sur le soir, ils allèrent tous ensemble mettre le feu au bûcher en la manière ordinaire. "
Cette absence de pratique religieuse de la part des autorités nîmoises était naturelle. Nîmes étant une ville à majorité protestante ne se sentait pas concernée par cette fête catholique. Mais la volonté du roi Louis XIV, monarque absolu, qui désirait voir la religion catholique, également pratiquée dans tout le royaume, avait force de loi.
Le dernier feu de la St Jean officiellement reconnu eut lieu à Nîmes le 23 juin 1905, suite à un arrêté du Maire, Gaston Crouzet (1900-1908) en date du 20 juin 1906 :
"
Considérant que les années précédentes les feux dits "de la St-Jean" ont causé des dégâts importants à des propriétés privées et que les citoyens de la commune de Nîmes ont eu à regretter plusieurs accidents occasionnés par l'explosion de fusées, pétards, serpenteaux, etc.., qu'on a l'habitude de tirer les jours de réjouissances populaires ; Qu'il est indispensable de prévenir le retour de semblables faits de nature à porter préjudice grave aux biens des personnes, à troubler la tranquillité publique et à compromettre la sécurité des citoyens. "


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SOURCES

Les premiers feux de la Saint-Jean à Nîmes en 1679.
Extrait de l'Histoire de la ville de Nîmes.
Léon Ménard, 1636-1755 - livre XXIV, page 227

IX. - Etablissement d'un feu de joie à Nîmes, pour la fête de la nativité de Saint Jean-Baptiste. (An de J.-Ch. 1679.)
L'établissement d'un feu de joie, à l'occasion de la fête de la nativité de Saint Jean-Baptiste, le précurseur de Jésus-Christ, si ancien dans l'église, n'avait jamais eu de force et d'usage à Nîmes.
Cette pieuse coutume n'y fut introduite qu'en 1679 par l'ordre de l'intendant Henri d'Aguesseau. Ce magistrat se trouvant à Nîmes le 23 de juin de cette année (1), veille de la Saint Jean, témoigna sa surprise aux consuls de ce que la ville ne l'avait pas encore pratiquée, et leur enjoignit de se confirmer à l'avenir aux autres villes du royaume les plus considérables, qui ne manquaient jamais à une si louable cérémonie.
En conséquence, les consuls donnèrent ordre le jour même aux ouvriers ou voyers de la ville de faire dresser un bûcher a l'esplanade. Ils communiquèrent ensuite au juge-mage Rochemaure l'ordre qu'ils en avaient reçu de l'intendant, et sur le soir, ils allèrent tous ensemble mettre le feu au bûcher en la manière ordinaire.

(1) Archives de l'hôtel de ville de Nîmes, registre du XVIIe siècle, contenant les délibérations du Conseil de ville.

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Interdiction des Feux de la Saint-Jean à Nîmes en 1906

NIMES - Bulletin Municipal - 20 juin 1906.
Le Maire de la ville de Nîmes, chevalier de la Légion d'honneur ;
Vu l'article 97 de la loi du 5 avril 1884 :
Vu les articles 458 et 471, numéros 2 et 15 du Code pénal ;
Considérant que les années précédentes les feux dits "de la St-Jean" ont causé des dégâts importants à des propriétés privées et que les citoyens de la commune de Nîmes ont eu à regretter plusieurs accidents occasionnés par l'explosion de fusées, pétards, serpenteaux, etc.., qu'on a l'habitude de tirer les jours de réjouissances populaires ;
Qu'il est indispensable de prévenir le retour de semblables faits de nature à porter préjudice grave aux biens des personnes, à troubler la tranquillité publique et à compromettre la sécurité des citoyens.
ARRETE :
Article premier. - Les feux dits "de la St-Jean" sont expressément défendus dans la Commune de Nîmes ;
Article 2. - Les fusées, pétards et pièces d'artifices quelconques, tirés à cette occasion, y sont formellement interdits.
Article 3. - Les contraventions aux dispositions qui précèdent seront punies et poursuivies conformément aux lois.
Article 4. - M. le Commissaire Central de Police est chargé de l'exécution du présent arrêté.
Fait à Nîmes, en l'Hôtel de Ville, le 20 juin 1906.
Vu pour exécution immédiate.
Nîmes le 20 juin 1906.
Pour le Préfet, Le Secrétaire Général, Morlé.
Le Maire de Nîmes, Dr G. Crouzet.

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