Henri Pitot
(1695-1771)
extrait de la Biographie Universelle
Par M. Pérennès, tome 10, pages 144-145, 1834.


Henri Pitot
 
Henri Pitot, mathématicien, naquit à Aramon, le 31 mai 1695, et fut jusqu’à l’âge de vingt ans, rebelle à toutes instruction. Ce ne fut qu’à l’âge de cinquante ans (1) qu’il se fit enseigner, par le précepteur de son fils, pour se mettre en état de lire les ouvrages de mathématiques écrits dans cette langue, le peu de latin qu’il sut. Un livre de géométrie, qu’il vit par hasard chez un libraire, et dont les figures piquèrent sa curiosité, déterminèrent sa vocation ; il le lut parvint à le comprendre, et s’étant procuré d’autres ouvrages du même genre, il acquit un fonds extraordinaire de connaissances, lorsqu’on le croyait encore incapable d’en acquérir. Quand on le vit ensuite du haut d’une vieille tour de la maison de son père, observer le cours des astres avec des instruments qu’il avait inventé lui-même, et tracer des cadrans, on le tint pour sorcier.

Un ami de sa famille persuada à ses parents de l’envoyer à Paris, où Réaumur lui ouvrit sa bibliothèque, lui prodigua ses  conseils, et s’associa plusieurs fois à ses travaux. Pitot aida ce savant physicien dans ses expériences sur le fer, le vernis, la porcelaine, et dans la réunion des matériaux pour la description des arts et métiers. Dès 1722, Pitot commença à se faire connaître du public en insérant dans le Mercure les détails et les résultats de son calcul de l’éclipse de soleil du 22 mai 1724, calcul dont la précision et l’exactitude furent vérifiées par l’observation.

L’astronomie lui dut encore une solution très simple du fameux problème de Keppler sur la première équation des planètes, et une méthode analytique de tracer des lignes correspondantes à des minutes aux grandes méridiennes, en 1731.

L’académie des sciences lui ouvrit ses portes en 1724, et il fournit aux Recueils de cette société des Mémoires : sur les quadratures de la moitié de la courbe des arcs, appelés la compagne de la cycloïde ; - sur les propriétés des polygones circonscrits au cercle ; - sur les machines mues par un courant ou une chute d’eau, 1725 ; - sur la force qu’on doit donner aux cintres dans la construction des grandes voûtes et des arches des ponts, 1726
(2) ; - sur une machine de son invention pour mesurer la vitesse des courants d’eau et le sillage des vaisseaux, 1732 (3) ; - sur la théorie des pompes, 1735 ; - sur les causes des maladies mortelles qui règnent sur les côtes de la mer dans le Bas-Languedoc, 1746 ; - sur le mouvement des eaux, 1750 ; - etc. Ses principes sur le mouvement des eaux furent attaqués par Dufay, et l’Académie entière partagea d’abord l’opinion de ce dernier. Mais Pitot, ayant mis en action sous les yeux même de la compagnie, un modèle de sa machine, construit suivant sa théorie, triompha par le succès de cette expérience.


Couverture de l'ouvrage de Henri Pitot - Théorie de la manœuvre des vaisseaux, 1731

Outre ses nombreuses Dissertations, ce mathématicien a publié, sous le titre de Théorie de la manœuvre des vaisseaux, 1731, in-4° ; un ouvrage qui a fait oublier celui que le chevalier Renaud a composé sur le même sujet, et qui, fondé sur les principes établis  par le savant Bernoulli, en contient une démonstration plus simple et une application plus facile. Ce livre fut adopté par le gouvernement français pour l’instruction de la marine, et a été traduit en anglais. La société royale de Londres en récompensa l’auteur en l’admettant au nombre de ses membres.


Le pont Pitot adossé au Pont du Gard (pont romain)


Coupe du pont Pitot adossé à l'aqueduc Romain. (album Clérisseau, 1804)
.
En 1740, Pitot fut appelé par les états de Languedoc pour vérifier la possibilité et indiquer les moyens de dessécher les marais qui s’étendent d’Aigues-Mortes à Beaucaire. Il eut aussi l’inspection générale du canal royal, qu’il répara et perfectionna par des travaux assidus, pendant plus de vingt années, ainsi que la direction des travaux publics dans la sénéchaussée de Nîmes, qui lui dut le rétablissement de l’usage antique des pierres milliaires sur les grandes routes. Cette ville lui dut en outre la construction de quelques beaux ponts, dont celui du Gard, adossé à l’aqueduc romain qui porte ce nom n’est point indigne de ce magnifique monument, et a reçu des habitants du pays le nom de Pont-Pitot.

Le pont de Cette
, formé de cinquante-deux arches, ne lui fait pas moins d’honneur (voir fig.5).

(fig. 5 ) NDLR : Le Pont de Sète - Le Pont de la Peyrade à Frontignan, réalisation de Henri Pitot au XVIIIe siècle.
Aujourd’hui en partie détruit, certains voudraient le voir réhabilité. 
.

Les arceaux à Montpellier - Réalisation Henri Pitot.

Pitot enrichit la ville de Carcassonne des belles eaux qui l’arrosent, au moyen d’un canal élevé sur ses dessins ; son plus bel ouvrage, en ce genre, est l’aqueduc de la fontaine de Saint-Clément, à Montpellier (les arceaux) qui parcourt un espace de 15 000 mètres sur des arcades, quelquefois à double rang, ou creusé dans le roc sur une longueur de 400 mètres, et qui n’apportent pas à la ville, dans les plus grandes sécheresses, moins de quatre-vingts pouce d’eau. Cet ouvrage coûta  à son auteur treize ans de peine et de travaux, et il a donné à ce sujet une intéressante notice à la société royale de Montpellier, à laquelle il soumit aussi des observations importantes sur les inondations du Rhône.


Maison natale d'Henri Pitot à Aramon, 1695

Henri Pitot mourut à Aramon, le 27 décembre 1771, après avoir reçu, avec la piété la plus édifiante, les sacrements de l’Église. Son Eloge, prononcée par Grandjean de Fouchy, se trouve sur le Recueil de l’Académie des sciences de 1771.
(4)
 
M. Pérennès, 1834.
  
NDLR :
(1)  Erreur, car dès l’âge de 27 ans, il calculera grâce à des  connaissances acquises en géométrie et en math, une éclipse de soleil !
(2) Ce système lui permettra de construire plus aisément, et à la façon des romains, les arceaux de Montpellier et le pont routier adossé au Pont-du-Gard.
(3) C’est le tube de Pitot, qui permet à tous les avions de mesurer la vitesse relative par rapport à l’air environnant. Cet appareil est actuellement utilisé dans tous les avions. Précision, il n’a aucune pièce en mouvement dans la sonde.
(4) Quelques petits oublis dans cette biographie :
A ses débuts il devint l’assistant de Réaumur. Après son arrivée en Languedoc il acquiert la seigneurie de Launay (1748), en 1751 il sera admis dans la confrérie des Pénitents Blanc de Montpellier, la même année il sera chargé de combler le bras du Rhône, côté Provence, de l’île de Vallabrègues (qui posa par la suite un problème d’enclave gardoise dans les Bouches-du-Rhône). Il restaura aussi les arches du pont romain de Sommières endommagé par les vidourlades. À la fin de sa vie malade, il se retira dans son village natal et consacra ses loisirs au jardinage et à la culture des vergers. Il ne pourra s’empêcher d’appliquer la méthode qui avait fait de lui un grand homme de science. Autodidacte avec ses observations et lectures d’ouvrages, son jardin deviendra rapidement un lieu d’expérimentation admiré par tous. Il supplantera tous les professionnels environnants qui se transmettaient un savoir de génération en génération de façon empirique. Mais sa maladie mettra fin à ses nouvelles découvertes, son travail non encore abouti et publié, ne restera qu’un souvenir pour ses proches.


    
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