Le nîmois Jean Nicot

(1530-1600)


Nicot, une légende contestée



Plaque posée su la façade de la maison Nicot - Nîmes, place de l'horloge.

 
Jean Nicot naquit à Nîmes en 1530. Son père, notaire, jouissait d’une forte notoriété dans la société nîmoise. La maison paternelle, probablement maison natale de Jean, était située à l’emplacement de la Pharmacie de la place de l’horloge. Il quitta Nîmes de bonne heure et se rendit à Paris, où il s'attira par son esprit l'estime et l'amitié de nombreux savants. Il travailla, en 1557, à une édition de l'histoire d'Aimoin, moine de Fleuri, ce fut aussi par son savoir que Nicot s'introduisit à la cour. En 1559 Henri II le nomma maître des requêtes et la même année l’envoya à Lisbonne en tant qu’ambassadeur de France.  Le nouvel ambassadeur de France au portugal avait de nombreuses questions à traiter, la plus importante : des ports de Bretagne et de Normandie partaient sans cesse des bateaux chargé de blé, qui négligeaient d'acquitter  les droits de douane et venaient vendre des marchandises à Lisbonne, les Portugais recevant ces denrées indispensable, à bon prix se gardaient bien de faire droit aux réclamations de l'Ambassadeur de France, quand aux tribunaux portugais ils se contentaient de mettre la justice du côté de leurs compatriotes. Mission impossible, par lettre de rappel de juillet 1561, l'Ambassadeur rentre à Paris avec ce mots du roi de France obligé de reconnaître : "qu'il est aussi peu utile pour son service et le bien de ses sujets d'y tenir des ambassades que de n'en tenir poinct."

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C'est au Portugal qu'il connut la graine de pétun, plant d'Amérique, connue plus tard sous le nom de tabac. De retour en France, il la présenta à la reine. Transformée en poudre, elle était alors utilisée pour soigner les migraines. Sur ses conseils, Catherine de Médicis s’en servit pour soigner son fils, François II, fréquemment touché par cette affection. C’est dans cette circonstance que l’on donna au tabac, le nom « d'Herbe à la Reine ». Les botanistes de la cour lui donnèrent pour nom scientifique Nicotiana tabacum et la nicotine devint le nom savant d’un de ses composants. Et-ce pour le récompenser pour ce service rendu, que le roi de France lui accorda des lettres de noblesse et le fief de la terre de Villemain, située près de Brie-Comte-Robert, ou bien pour son Ambassade à Lisbonne, ou, observateur privilégié, il a pu glaner et donner des informations aux services Royaux : sur les bateaux Français, leurs armateurs, les produits et quantités débarqués, dans ce grand port Portugais plateforme du commerce mondial.

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L’histoire et les historiens qui font leur travail nous enseigne que pour parvenir en Europe l’herbe à Nicot avait pris d’autres chemins, si Nicot avait bien introduit le tabac à la cour de France et conquit les scientifiques qui lui donnèrent son nom, la vérité est quelque peu nuancée. Le tabac fut introduit en Europe par les Espagnols vers 1520, sous la forme d’une herbe que l’on brûlait en aspirant la fumée à la mode indienne, le Cardinal de Sainte-Croix l’introduisit en Italie, l’Angleterre l’a connu par les soins de François Drake, et en France, André Thevet un moine Cordelier originaire d’Angoulême célèbre par ses voyages, publia un ouvrage en 1558 où il fit une description minutieuse du tabac sous le nom « d’herbe angoumoise ». À cette époque il en cultivait des plants dans son jardin.

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Une chose incontestable que la France doit au Nîmois Jean Nicot. Son ouvrage « Les trésors de la langue Française » paru après sa mort en 1606 servit de modèle à tous les ouvrages du début du XVIIe siècle, il sera repris et amélioré par d’autres. Nicot était un précurseur, c’est seulement en 1635 que l’Académie française fut créée, avec pour fonction principale, la mise à jour du dictionnaire officiel de la langue française.

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« Là encore il existe des versions contradictoires. Certains vont avancer que Nicot le diplomate n’est pas la même personne que Nicot le philologues. Quoi qu’il en soit en 1539, M. Robert Estienne publiera le premier (connu) un « Dictionnaire françois-latin ». Un libraire très connu à Paris, Jacques Du Puy, ayant découvert un exemplaire chargé de nombreuses additions marginales confia à M. Jean Thierry le soin de coordoner ces notes et de préparer une édition augmentée, une première édition parut en 1564. Ce livre fut suivie presque immédiatement de nombreuses contrefaçons si bien que vers 1580, les héritiers de Du Puy crurent devoir renouveler l’expédient qui leur avait si bien servi une première fois : ils prièrent M. Jean Nicot et plusieurs autres personnages doctes, de faire à l’édition de 1864 de nouvelles additions et corrections, et en 1584, ils firent paraître une troisième édition du dictionnaire français-latin, enrichi pour la première fois des remarques de Jean Nicot et de plusieurs autres personnages doctes. C’est à partir de ce moment que le dictionnaire de Robert Estienne fut reçu dans le monde comme l’ouvrage de Nicot. » (la Revue de Bibliographie Analytique, par MM. Miller et Aubenas, 1845)


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Sources et références sur Jean Nicot

par ordre d’édition chronologique.



 

Extrait de « Histoire de la ville de Nîmes

par Léon Ménard, tome 5, livre 19, pages 256 à 258, 1744-1758

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Maison natale de Jean Nicot - Nîmes, place de l'horloge.

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VIII. - Mort de Jean Nicot, natif de Nîmes. 1530-1600 (An de J.-Ch. I600.)

Le 5 de mai de cette année 1600 mourut Jean Nicot, natif de Nîmes (1530), qui fit honneur à son pays par des endroits distingués. Il prit naissance en cette ville vers les premières années du XVe siècle. Son père, appelé Jean, comme lui, y était notaire, mais très-estimé et employé dans les plus importantes affaires. Il ne parait pas cependant qu'il y jouit de grands biens. De manière que Jean Nicot, le fils, fut lui seul l'artisan de sa propre fortune. Il quitta sa patrie de bonne heure et se rendit à Paris, où il s'attira par son esprit l'estime et l'amitié des savants. II travailla, en 1557, à une édition de l'histoire d'Aimoin, moine de Fleuri. Ce fut aussi par son savoir que Nicot s'introduisit à la cour. C'était un temps où le mérite et les talents seuls suffisaient presque pour s'élever. 

Il fut dans les bonnes grâces (1) des rois Henri II et François II.

Il fut fait maitre des requêtes de l'hôtel du roi en 1559. Bientôt après, et la même année il fut nommé ambassadeur en Portugal. Son ambassade dura deux ans ; il en revint en 1561. Il était seigneur de Villemain, terre située près de la ville de Brie-Comte-Robert.

On lui doit en France la première connaissance et le premier usage du tabac. Ce fut Nicot qui, à son retour de Portugal, apporta cette plante (2) qu'on nomme petun, à laquelle on donna son nom, et qu'on appela Nicotiane. Il la présenta à la reine Catherine de Médicis, mère de François II. Ce qui fit aussi appeler cette plante herbe à la reine. Généralement connue depuis sous le nom de tabac. Un auteur de nos jours a dit (3) fort ingénieusement

« qu'on pourrait l'appeler aujourd'hui plus justement planta regalis, ou l'herbe des  partisans, d'autant qu'elle attire dans les coffres du roi plus d'or et d'argent qu'il n'en pourrait tirer des mines les plus riches ».

Depuis son retour du Portugal, Nicot vécut dans le repos et dans l'éloignement des affaires. Alors, il s'attacha principalement à cultiver les belles­-lettres. Il composa plusieurs ouvrages, dont quelques-uns virent le jour. Il mit en lumière en 1567 l'édition de l'histoire Aimoin (4), à laquelle il avait travaillé dix ans auparavant.

C'est un volume in-8° qui fut imprimé à Paris chez André Wechel. L'édition en est très-correcte et contient le texte d 'Aimoin, avec toutes ses additions. M. Dupin l'attribue à M. Pichon, mais il se trompe. Nicot faisait beaucoup de cas d'un dictionnaire français qu'avait composé Aimar de Ran­connet, président au parlement de Paris. Il l'appelait le baume de la langue française.

Aussi travailla-t-il avec beaucoup d'assiduité et de soin sur cet ouvrage. II l'enrichit de beaucoup d'augmentations, oui en firent presqu'un nouveau dictionnaire. On le publia après sa mort sous ce titre : Le trésor de la langue française, tant ancienne  que moderne. Il fut imprimé à Paris en 1606 avec privilège, du roi et de l'empereur.

C'est ici le premier de tous les dictionnaires français. Notre langue est sans doute bien redevable à Nicot de l'avoir le premier enrichie de ses beautés. Ce qu'en avait d'abord donné Ranconnet était peu de chose. Les articles que Nicot y joignit furent jugés si considérables, qu'on lui a depuis attribué tout l'honneur de ce dictionnaire. Ses définitions sont très ­justes, et accompagnées de diverses richesses littéraires qui donnent un grand jour aux choses qu'il définit. On en a fait un grand usage dans les dictionnaires qui se sont faits depuis sur notre langue, et spécialement dans celui des arts et des sciences, où l'on ne manque lamais d'en rapporter les propres paroles.

Tels sont les ouvrages de Jean Nicot qui ont vu le jour. Il en a laissé quelques autres en manuscrit. Le plus considérable de ces derniers est un Traité de la marine, où sont tous les termes usités par les mariniers pour exprimer ce qui dépend de l'art de la navigation.

Nicot se maria et laissa postérité. Jean Nicot, son fils, seigneur de Ville­main, posséda une charge de secrétaire du roi, maison et couronne de France et de ses finances. Il épousa Catherine Bochard dont il eut, entre autres, deux enfants mâles, savoir François, seigneur de Villemain, et Jean qui fut trésorier des menus plaisirs du roi. Catherine Bochard survécut à son mari. Elle en était veuve dès le 17 de mai de l'an 1632. Je vois qu'elle fit ce jour-là une procuration (5) étant dans la maison seigneuriale de Ville­main, tant en son nom que comme tutrice et ayant la garde noble de ses enfants mineurs, par laquelle elle donna pouvoir à François Nicot, son fils de vendre, céder et aliéner les maisons, moulins, terres, olivets, rentes et autres bien lui appartenant, situés dans la ville de Nîmes et aux environs.

Au surplus, Jean Nicot, qui fait le sujet de cet article, mourut à Paris, et fut inhumé dans l'église de Saint-Paul, où l'on voit son épitaphe. Sa tombe est dans la chapelle de Notre-Dame. On lui donne dans son épitaphe, outre les titres d'ambassadeur en Portugal et de maitre des requêtes, celui de conseiller du roi en ses conseils d'état et privé.

(1) La Croix du Maine, biblioth. franc. Blanchard, généal. des maîtres des requêques.

(2) Tournefort, instit. rei. herbar. t. 1, verb. Nicotiana. La Croix du Maine, biblioth. franc.

(3) Mélange d'histoire et de littérature, tome l, page 16.

(4) Bibloth. abbat. S. Petri de Cultura.

(5) Archives de l'hôtel de ville de Nîmes.

 

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Extrait de la « Revue de Bibliographie Analytique »

Par MM. Miller et Aubenas, T. 6, pages 929 à 932, 1845.

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Réédition du dictionnaire de Nicot en 1614.

 

Notes et documents pour servir à l'histoire de Lyon, sous le règne de Henri IV. 1594-1610, par Antoine Pé­ricaud aîné, des académies de Lyon, Turin, etc., etc., vice-président de la Société littéraire de Lyon, etc. - Lyon, Mougin Rusand, 1845. In-8°.

M. Péricaud aîné avait déjà publié, de 1839 à 1844, les premières feuilles de cet important ouvrage. Il est seulement fâcheux qu'il se soit contenté d'en enrichir les Annuaires de sa chère ville de Lyon, et qu'il soit impossible aux amateurs des histoires provinciales de les réunir et d'en former un premier volume. Espérons que l'intérêt naturel qui s'attache à ce genre de révélations, décidera le judicieux antiquaire à don­ner une deuxième édition de ces articles de l'Annuaire. Espé­rons surtout que les Notes et documents seront poursuivis jus­qu'à la fin du XVIIIe siècle ; car plus que toute autre ville, Lyon est liée à tous les souvenirs, à tous les événements de l'histoire de France. C'est une sorte de colosse qui sépare la France de l'Italie, et pour les sectes religieuses comme pour les débats politiques et littéraires, c'est un terrain neutre sur lequel il a toujours été permis de se démener et débattre. Dès qu'un soulèvement ébranle les provinces italiennes ou le cœur de la France, Lyon en ressent le contrecoup prolongé. On ne devine donc pas toute la portée des grands évènements, quand on n'en étudie pas les effets dans l'enceinte de cette grande ville.

Les Notes et documents composés en assez grande partie de pièces inédites, offrent un journal suivi de toutes les choses relatives à l'histoire de Lyon, pendant le règne de Henri IV.

Excellent bibliophile non moins que judicieux annaliste, M. Péricaud a pris le plus grand soin de mentionner toutes les anecdotes relatives à la fameuse imprimerie lyonnaise et aux livres publiés par les habiles de la province. Malheureusement pour nous, dans plusieurs milliers d'indications précieuses, il est malaisé de faire un choix et de donner une idée même approximative de l'intérêt qui s'attache à chacune d'elles. Le rédacteur, on le sent à chaque page, est au courant de tous les travaux de l'érudition contemporaine : il loue souvent, il redresse quelquefois, mais toujours avec une urbanité d'autant plus recommandable qu'elle n'a jamais cessé d'être fort rare chez les érudits et les bibliophiles. Nous prendrons la liberté de faire à M. Péricaud une seule question et non pas un reproche. À la page 252, sous l'année 1607, il mentionne a le « Nouveau Dictionnaire françois-latin..... cueilli et escrit des plus doctes et entre autres de M. Nicot, et soigneusement revu par Jean Baudouin.., P Lyon, Cl. Morillon. » Il rappelle qu'en 1612, CI. Morillon donna du même Dictionnaire une nouvelle édition, et qu'une autre édition en avait été préparée en 1609, par le P, jésuite Michel Coyssard, chez Jean Pillehotte. Mais, comment aux années 1608 et 1609, M. Péricaud n'a-t-il pas cité : « Le Grand Dictionnaire françois-latin, enrichi en ceste dernière édition plus exacte et correcte que les précédentes, de plus de six mille dictions ou phrases françoises... Recueilli des observations de plusieurs hommes doctes de.notre siècle, entr'autres de M. Nicot, conseiller du Roy, et de M. Guichard, Me des requestes de son altesse... par Pierre Marquis, estudiant ès-lettres humaines au collège du Dau­phiné à Vienne. Lyon. Jean Pillehotte. 1609. »

L'épître de l'imprimeur, placée en tête de ce dictionnaire, est datée du premier jour de 1608 ; le privilège est du mois de juin 1608, et l'impression en a été terminée le 15 décembre 1608. Comment Pillehotte, la même année, 1609, aurait-il publié l'édition du P. Alichel Coyssard ? Et pourquoi Claude Morillon, en 1612, aurait-il mentionné le travail de ce jésuite, plutôt que celui de Marquis ? Sur toutes ces questions, il reste beaucoup d'incertitudes. Qu'il nous soit donc permis de dire ici quelques mots des premières éditions du Dictionnaire français-latin.,

La première série de ces ouvrages comprend tous les dictionnaires imprimés avant les travaux de l'Académie française : On est convenu de les placer tous sous les auspices de Jean Nicot, l'ambassadeur du Portugal, l'introducteur du tabac en France. À nos yeux cependant il n'est pas certain que maître Nicot, le philologue, soit le même que messire Nicot, le diplomate. Et, quoi qu'il en soit de cette question, nous pensons que sa gloire a été fort injustement grandie aux dépens de celle de Robert Estienne, l'autour d'un premier Dictionnaire françois-latin, publié en 1539.

Après la mort d'Estienne, un fameux libraire de Paris, nommé Jacques Du Puy, ayant découvert un exemplaire de son Dictionnaire chargé de nombreuses additions marginales, confia à Me Jean Thierry le soin de coordonner ces notes et de préparer une seconde édition augmentée. L'édition parut en 1564, et fut suivie presque immédiatement de contrefaçons sans nombre ; si bien que vers 1580, les héritiers de Du Puy crurent devoir renouveler l'expédient qui leur avait si bien servi une première fois : ils prièrent donc Me Jean Nicot de faire à l'édition de 1564 de nouvelles additions et corrections ; et en 1584, ils firent paraitre une troisième édition du grand Dictionnaire français-latin, enrichi pour la première fois des remarques de Me Jean Nicot, et de plusieurs autres personnages doctes. C'est à partir de ce moment que le Dictionnaire de Robert Estienne fut reçu dans le monde comme l'ouvrage de Nicot. Plus tard, Baudouin, Marquis et d'autres encore grossirent les additions de 1584 ; mais, moins heureux, ils n'enlevèrent pas à Jean Nicot l'honneur qu'il avait lui-même usurpé ; tant il est vrai que le royaume de Justice n'est pas de ce monde. Vespuce a donné son nom à la découverte de Colomb ; et les anciens dictionnaires français de Robert Estienne sont cités aujourd'hui, même par les plus habiles, comme le titre de gloire de Jean Nicot.

Est-ce ainsi que Me Jean Nicot aurait introduit le tabac en France ?

 

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Extrait de « Les Plantes Industrielles ».

Par Gustave Euzé, page 142-143, 1859

 

Tabac ou Nicotiane.

Le tabac est originaire de l’Amérique méridionale. C’est Christophe Colomb qui fit connaître pour la première fois aux Européens, à la fin du XVe siècle, que les Indiens aspiraient la fumée d'une herbe qu'ils brûlaient dans un appareil à deux branches appelé tabacco, et ce fut François Hermandez, de Tolède, qui envoya cette plante en Espagne et au Portugal. C'est le cardinal de Sainte-Croix qui l'introduisit en Italie. L'Angleterre l'a connu par les soins de François Drake.

Est-ce à Nicot que revient l'honneur d'avoir introduit le tabac en France ?

L'opinion générale basée sur la tradition résout affirmativement cette question. L'histoire ne permet pas d'adopter une telle opinion. C'est le moine cordelier André Thevet, né à Angoulême, qui, le premier, le fit connaitre, ainsi que le constate l'ouvrage qu'il a publié en 1558, c'est-à-dire deux ans avant l'envoi fait par Nicot et deux ans après l'avoir im­porté du Brésil et désigné sous le nom d'herbe angoulmoisine (1).

Si l'on doit à Thevet les premières graines de tabac, c'est à Nicot que revient l'honneur d'avoir rendu populaire cette herbe estrange, en la propageant sous le nom d'herbe à l’am­bassadeur, de nicotiane, noms auxquels on substitua plus tard les dénominations suivantes : herbe a la reine, catherinaire, médicée.

Malgré les bulles, les décisions synodales, les ordonnances qui en défendirent l'usage pendant les XVIe et XVIIe siècles, le tabac est aujourd'hui connu dans toutes les parties du monde et partout on le fume et on le prise avec plaisir.

Au milieu du XIXe siècle, le tabac était cultivé en France, en Belgique, en Hollande, dans toute l'Allemagne, en Russie, en Turquie, en Égypte, en Amérique, à La Havane, à Porto-Rico, à Cuba, etc., etc.

(1) Au Brésil, on nomme le tabac petum ; les Bretons l'appellent betun. Cette similitude de nom permet de dire que Thevet a dû en envoyer sous le premier nom dans l'ancienne province de Bretagne.

 

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Extrait de « Le Savant du Foyer »

par Louis Figuier, pages 411à 415, 1867

 

LES EXCITANTS.

Les aliments et les boissons ne suffisent pas à l'homme, qui n'est pas uniquement composé de matière. Les produits alimentaires réparent les pertes matérielles de notre corps, mais notre élément intellectuel et moral réclame l'usage de certains autres agents. Exposé, comme les animaux, aux souffrances physiques, l'homme est sujet, en outre, aux peines morales, aux incessantes préoccupations de la vie sociale, qui de nos jours est devenue de plus en plus difficile. Par la loi même de sa nature, il éprouve le besoin de secouer pour un moment le poids de ses ennuis et de ses chagrins, de verser quelques gouttes de passager bonheur dans la coupe douloureuse de la vie, d'échapper aux lourdes chaines du monde réel, pour s'envoler dans la région éthérée des rêves, de l'imagination et de l'idéal. De là l'usage des excitants, que l'on retrouve chez les divers peuples, anciens ou modernes, dont l'emploi n'a rien da condamnable en soi, et ne devient dangereux que par l'abus. Chez les anciens, le lotus et le népenthès ; chez les Orientaux modernes, l'opium et le haschisch ; dans notre Occident, le tabac, le café, le thé, l'alcool, les eaux-de-vie, telles sont les substances qui ont joué et qui jouent encore le rôle d'excitant. Chaque pays a, d'ailleurs ses excitants ou ses narcotiques particuliers. L'Australie et la Polynésie ont leur ava ou kava ; le Pérou, sa coca, analogue au café par ses propriétés excitantes ; la Nouvelle-Grenade et les montagnes de l'Himalaya, leur pomme épineuse ; les Indiens de la Floride, leur apalachine émétique ; l'Amérique du Nord et l'Europe, leur galé odorant et leur ledum. En un mot, tous les peuples ont possédé ou possèdent encore leurs excitants particuliers. Nous passerons ici en revue, au point de vue spécial de cet ouvrage, c'est-à-dire pour en donner un signalement scientifique précis, les excitants qui sont d'un usage habituel dans notre société moderne, à savoir le tabac, le café, le thé, les diverses eaux-de-vie et les liqueurs.

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LE TABAC.

Le tabac nous est fourni par une plante du genre nicotiana, qui fait partie de la famille des Solanées. Toutes les espèces du genre nicotiana peuvent être cultivées pour produire le tabac à fumer ou à priser; on en connait cinquante-huit espèces, dont la plupart donnent des feuilles propres à cet usage. Mais l'espèce qui est le plus communément cultivée, et qui a donné naissance à plusieurs variétés fournissant autant de tabacs différents, c'est la nicotiana tabacum, connu sous les noms vulgaires de nicotiane à grandes feuilles, de grand tabac, tabac vrai. C'est une plante haute de 1 mètre 60 centimètres , glutineuse, rameuse et velue, à feuilles ovales entières. Ses fleurs sont roses, tubuleuses, disposées en belles panicules terminales ; elles donnent naissance à un fruit sec, capsulaire, qui renferme dans chacune de ses loges un, grand nombre de très petites graines brunes et ridées.

Le tabac est originaire du Nouveau-Monde. Il fut connu des Espagnols vers l'année 1520. C'est en 1560 qu'il fut introduit en France. Jean Nicot, bourgeois de Nîmes, devenu secrétaire du roi de France, avait été envoyé en ambassade à Lisbonne par le roi François Il. Un marchand flamand, qui probablement avait eu connaissance du tabac par les Espagnols, donna à I'ambassadeur du roi de France des graines de cette plante, et même, dit-on, du tabac en poudre. Jean Nicot envoya le tout à la reine Catherine de Médicis ; la plante nouvelle reçut donc, en France, les deux noms d'herbe de la reine ou de nicoliane.

Mais toute gloire a ses prétendants. André Thévet, moine cordelier, célèbre par ses voyages, et qui fut aumônier de la reine Catherine, en 1558, dispute à Jean Nicot l'honneur d'avoir doté la France du tabac. « Je puis me vanter, dit André Thévet (dans un gros in-folio publié en 1517 ( ?) pour appuyer ses droits de priorité à la découverte du tabac), d'avoir été le premier en France qui ait apporté la graine de cette plante, et pareillement semé et nommé ladite plante l'herbe Anqoumoise. Depuis, un qui­dam qui ne fit jamais le voyage, quelque dix ans après que je fus de retour, lui donna son nom. » Ce quidam est néanmoins considéré encore par beaucoup de critiques comme le véritable introducteur du tabac en France.

Comment les hommes ont-ils été amenés à employer la plante américaine selon les trois modes usités, c'est-à-dire en fumée, en poudre, en masticatoire ?

Quand les Espagnols abordèrent au Mexique, ils trouvèrent le tabac en usage chez les indigènes, qui l'aspiraient en fumée, au moyen de morceaux de roseaux, plus ou moins longs, remplis de feuilles de cette plante. On allumait ces roseaux par un bout et on aspirait la fumée par l'autre. L'origine de la pipe est moins connue. Elle est toutefois plus ancienne qu'on ne le croit généralement, car on a trouvé dans les monuments funéraires d'une race d'hommes aujourd'hui éteinte, qui habitait l'Amérique six cents ans au moins avant sa découverte par les Européens, des pipes de diverses et curieuses formes, souvent décorées d'ornements et de sculptures. D'après ces vestiges, l'usage du tabac à fumer remonterait, en Amérique, à un millier d'années avant notre époque. Selon M. Ampère, la première description de la pipe fut donnée, vers l'an 1498, par un prêtre que Colomb avait laissé à Haïti lors de son grand voyage, et qui, à son retour en Europe, publia cette description.

L'origine du cigare est sans doute tout aussi ancienne, car les Caraïbes des Antilles, auxquels il faut joindre les Cingalais, ainsi que les habitants des îles de l'océan Oriental et des deux pres­qu'iles de l'Inde, ne fumaient le tabac que sous cette forme.

C'est probablement aux Espagnols et aux Portugais qu'on doit l'usage du tabac à priser. Catherine de Médicis fit, comme on l'a vu plus haut, la fortune de cette poudre en France. C'étaient autrefois l'Espagne et le Portugal qui nous envoyaient le tabac à priser ; il était alors sous forme de carottes, qu'il fallait râper pour en faire de la poudre. Le roi Louis XVIll, qui en usait beaucoup, préparait lui-même son tabac à priser avec des carottes de tabac de Lisbonne et une râpe d'ivoire.

L'habitude de mâcher le tabac est également très-ancienne. Ce sont les Indiens qui ont dû donner aux Européens la première idée de cette dégoûtante habitude.

Il ne sera pas sans intérêt de faire remarquer ici que les peuplades américaines attachaient une idée religieuse à l'usage du tabac à fumer.

« La fumée du tabac était, dit M. J.-J. Ampère, chez les peuples de race américaine et chez les sauvages de l'Amérique septentrionale, une chose sacrée. Elle joua un rôle dans les cérémonies du sacre de Monté­zuma, et sur un bas-relief du Vatican on voit deux hommes offrant à une sorte de croix la fumée d'un cigare. Les Indiens de la Virginie croyaient que le manitou (l'esprit) résidait dans la fumée du tabac. Chez les Natchez, le prêtre, marchant à la tête du peuple, allait sur un tertre attendre le lever du soleil, et alors il lançait une bouffée de tabac en l'honneur de l'astre que ces peuples adoraient.... La pipe ne figure pas seulement dans les conseils indiens et dans leurs assemblées pacifiques, il y a le calumet de la guerre aussi bien que le calumet de la paix. »

L'usage du tabac, devenu de nos jours si général en Europe, a rencontré à l'origine une terrible opposition. Le roi d'Angleterre Jacques 1er composa une violente diatribe contre le tabac, qu'il voulait absolument proscrire de ses États. Le sultan Amurat VI, qui ne savait pas écrire de dissertations, eut recours à des moyens plus directement coercitifs: il faisait appliquer cinquante coups de bâton sur la plante des pieds de tout musulman convaincu d'avoir fumé; à la première récidive, il faisait couper le nez au délinquant. Le grand Sophi, souverain des Perses, faisait couper la lèvre ou le nez â ceux de ses sujets coupables d'avoir fumé ou prisé. En Russie, les fumeurs furent d'abord rangés au nombre des suspects politiques, et c'est assez dire si on les surveilla de près. Plus tard, l'empereur Federowith appliqua avec zèle, dans son empire, le système des coups de bâton sur la plante des pieds et de l'amputation du nez. En Italie, le pape Urbain VIII lança une bulle d'excommunication contre ceux qui fumeraient dans les églises. Cette excommunication fut étendue par des évêques â ceux qui se borneraient à priser dans les églises. Au dix-septième siècle, de célèbres médecins de la Faculté de Paris soutenaient de violentes thèses contre l'usage du tabac. Mais l'histoire ajoute que ces docteurs, qui ne savaient pas prêcher d'exemple, aspiraient d'énormes prises de tabac, et fermaient à grand bruit leur tabatière, pendant qu'ils argumentaient avec feu contre la drogue incriminée.

Le tabac, qui a trouvé de bonne heure, comme on le voit, de féroces et de ridicules détracteurs, devait sortir triomphant de tant d'épreuves diverses. Il ne tarda pas, en effet, à s'emparer du monde presque tout entier. Cultivée aujourd'hui sous toutes les latitudes, cette plante plaît au nègre, au Hottentot, au Samoïède, aux naturels de la Nouvelle-Hollande, comme aux peuples les plus civilisés de l'Europe et du Nouveau-Monde.

 

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Extrait de « Nîmes et ses rues »

par Albin Michel, 1876, T. 2, page 212 à 215, 1876.

 

Ce Nîmois a en effet joui, d'une célébrité assez grande et assez universelle pour mériter d'être rappelé au souvenir de ses compatriotes et voici les détails biographiques que nous donne M. Michel Nicolas dans son histoire littéraire de Nîmes.

Jean Nicot naquit à Nîmes en 1530, son père, notaire fort estimé de ses concitoyens, mais peu riche, ne négligea cependant rien pour son éducation et lui donna les moyens de se perfectionner à Paris tant dans les lettres et les sciences que dans la gestion des affaires publiques.

Henri II et François II l'honorèrent de leur confiance, le premier le nomma maître des requêtes et le second l'envoya en ambassade à Lisbonne en 1539.

C'est dans cette ville et pendant le cours de cette mission qui dura deux ans, qu'il reçut d'un marchand flamand de la graine de pétun, plants d'Amérique alors inconnue en France et qui depuis, s'y est si abondamment répandue sous le nom de tabac. Nicot en envoya à. Catherine de Médicis et à son retour de Portugal, il lui présenta la plante elle-même, à laquelle cette circonstance fit donner le nom d'Herbe à la Reine. Thevet a disputé en vain à Nicot la gloire d'en avoir enrichi la France, mais le nom de Nicotine qui fut d'abord donné au tabac et qui lui est resté dans le langage scientifique, constate les droits de notre compatriote à la reconnaissance du fisc pour qui cette plante a toujours été, une source d'abondantes richesses, on sait qu'actuellement l'impôt sur le tabac fournit su trésor un revenu annuel de plus de cent millions.

Pour récompenser les services qu'il avait rendus pendant son ambassade en Portugal, le roi lui accorda des lettres de noblesse et le fief de la terre de Villemain, située prés de Brie-Comte-Robert (Seine-et-Marne).

Depuis son retour en France, Nicot se consacra exclusivement à la culture des lettres.

En 1567, il publia une édition de l'histoire d'Aimoin, moine bénédictin, mais son principal ouvrage qui ne parut qu'après sa mort, fut un dictionnaire de la langue française, le premier ouvrage de ce genre qui ait été publié.

La langue française s'étant perfectionnée, ce livre qui est d'une époque où elle n'était  pas encore fixée, a nécessairement perdu de son autorité, mais comme vocabulaire du vieux langage, il pourrait être encore de quelque utilité. Un mérite qu'on ne peut lui contester, c'est d'avoir servi de base aux travaux semblables exécutés plus tard.

Nicot laissa plusieurs autres ouvrages inédits.

Le principal est un Traité sur la Marine, volumineux écrit destiné à expliquer les termes usités dans le langage nautique.

Il mourut à Paris en 1600 et fut inhumé dans l'église Saint-Paul où l'on voit son épitaphe.

Sa tombe est dans la chapelle de Notre-Dame et porte dans son épitaphe outre les titres d'Ambassadeur en Portugal et de maître des requêtes, celui de conseiller du roi en ses conseils d'État et privé.

 Voici ce que nous dit Ménard tome V sur ses descendants :

Nicot se maria et laissa postérité. Jean Nicot, son fils, seigneur de Villemain, posséda une charge de secrétaire du roi, maison et couronne de France et de ses finances.

Il épousa Catherine Bochard, dont il eût, entr'autres, deux enfants mâles ; savoir François, seigneur de Villemain et Jean qui fut trésorier des menus plaisirs du roi. Catherine Bochard survécut à son mari. Elle en était veuve dès le 17 Mai de l'an 1632 car se jour-là, elle fit une procuration étant dans la maison seigneuriale de Villemain, tant en son nom que comme tutrice et ayant la garde noble de ses enfants mineurs, par laquelle elle donna pouvoir à François Nicot, son fils, de vendre, céder et aliéner les maisons, moulins, terres, olivets, rentes et autres biens à lui appartenant situés dans la ville de Nîmes et aux environs.

Nous savons que la maison paternelle de Jean Nicot se trouvait à Nîmes dans la rue actuelle de l'Aspic. Un des descendants de cette famille est mort il y a quelques années à Nîmes, recteur de l'Académie. (Jean-Baptiste-Pierre Nicot  1789-1864)

 

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L’Ambassadeur Nicot

Extrait de « La revue du Midi »

N° 9, 1 mars 1897, pages 241 à 244, texte de E. D.

 

Jean Nicot, ambassadeur de France en Portugal au XVIe siècle. Sa correspondance inédite, par Edmond Falgairolle, procureur de la République à Aubusson, membre de la Société d'archéologie, membre de l'académie de Nimes. Paris, Augustin Challamel, 1897.

Le nîmois Jean Nicot, conseiller du roi et maître des requêtes en son hôtel « diplomate consommé, littérateur et écrivain apprécié, homme de cœur et de société, possédant un savoir et une science pro­fonde », fut désigné par Henri II pour l'ambassade de Portugal en avril 1559, et séjourna deux ans à Lisbonne. M. Edmond Falgairolle, procureur de la République à Aubusson, vient de publier la correspondance inédite de cet ambassadeur, 46 lettres et 16 minutes de dépêches, tirées de la Bibliothèque de Saint-Pétersbourg et de la Bibliothèque nationale. Il a fallu neuf ans de recherches pour recueillir tous ces documents, et M. Falgairolle les a réunis en un fort volume de 350 pages, en les faisant précéder d'une étude aussi consciencieuse qu'intéressante.

Le nouvel ambassadeur de France en Portugal avait de nombreuses questions à traiter. Les routes maritimes étaient aussi peu sûres que les routes de terre. Fréquents étaient les actes de piraterie ; l'occasion faisait le larron ; quand deux bateaux se rencontraient, le plus tort courait sus à l'autre et s'emparait de la cargaison. De là, plaintes et récriminations incessantes.

Le Portugal avait de riches colonies, sur la côte d'Afrique ou au Brésil, sans parler des possessions lointaines de l'Orient : ici, c'était le calviniste Villegagnon qui bâtissait un fort sur la terre d'Amérique ; là, des capitaines inconnus, en quête de gains illicites, qui rôdaient dans les parages de la Guinée, à la recherche d'un chargement de poivre ou de poudre d'or. Et la Cour de Portugal de renouveler ses plaintes.

Le roi de France n'était guère plus satisfait. Des ports de Bretagne et de Normandie partaient sans cesse des bateaux chargés de blé, qui négligeaient d'acquitter les droits de douane et venaient vendre leur marchandise à Lisbonne. Les Portugais recevaient avec joie une denrée indispensable, dont le prix était diminué de tout ce que perdait le trésor du roi de France, et le gouvernement se gardait bien de faire droit aux réclamations de Nicot, pour un tort dont une puissance amie était seule à souffrir. Ajoutons que les tribunaux portugais mettaient la justice au service de leurs compatriotes, et que, pour nos nationaux, procès engagé était d'avance procès perdu.

Enfin, en dehors et au-dessus tous ces différends l'ambassadeur semblait chargé d'une mission politique de haute portée : préparer le mariage de Marguerite de Valois et du jeune enfant, don Sébastien, afin d'assurer ainsi l'avenir de la dynastie portugaise et l'indépendance du royaume contre l'ambition et les intrigues espagnoles.

Comment l'ambassadeur de France s'est-il acquitté de sa tâche ?

M. Falgairolle rend un juste hommage à son zèle, à son activité, ainsi qu'à la précision et à la variété de ses renseignements. Jean Nicot a en effet rempli honorablement une tâche difficile et absorbante. Mais a-t-il été bien payé de ses peines ?

Il semble qu'il n'ait eu à se louer ni de son souverain, qui, par négligence ou pénurie, fait de lui un ambassadeur « besoigneux », pressé par ses créanciers, toujours à court d'argent, ni de la Cour de Portugal, qui, sans rien refuser, n'accorde jamais rien. Les blés continuent à être exportés en fraude ; les marchands sont molestés et dépouillés. De temps en temps, quand on craint d'avoir dépassé la mesure, on relâche quelques Français illégalement détenus ou frappés de peines excessives. Mais Nicot plaide en vain les intérêts du fisc, réclame inutilement la vente directe de quelques chargements d'épices à nos nationaux, essaye sans succès de sauver la colonie de Villegagnon. Quant à la grande question, le mariage de :Marguerite de Valois, il constate bien que tout le monde le désire, mais n'arrive pas à provoquer une proposition ferme et nette, qu'il puisse transmettre officiellement. En fin de compte, dans la lettre de rappel du juillet 1561, le roi de France est obligé de reconnaître qu'il est aussi peu utile pour son service et le bien de ses sujets « d'y (à Lisbonne) tenir des ambassades que de n'en tenir poinct. »

M. Falgairolle a étudié dans tous ses détails l'ambassade de Nicot ; et, dans ce commerce avec un homme éminent, il a passé peu à peu de l'intérêt à la sympathie, de la sympathie à l'affection, de l'affection à l'admiration, L'historien, qui voulait juger en magistrat, est devenu l'ami, qui plaide en avocat, et le défenseur de Nicot a mis au service de sa cause la science de l'érudit et l'art de l'écrivain. Il aime à entendre le roi appeler Nicot « son amé et féal conseiller » ou la reine de Portugal lui dire que sa conduite est « très chrétienne, très sainte et très bonne. »

Il s'indigne à l'idée qu'on a pu lui contester la gloire d'avoir fait adopter en France cette Nicotiane, qui fut d'abord une plante médicinale, la panacrée universelle. Il conclut que Nicot se place « au premier rang des diplomates, » et que « sa part. de gloire est assez large pour que rien ne puisse l'amoindrir, » Enfin il demande pour cet homme illustre l'honneur accordé déjà par la ville de Nîmes à l'empereur Antonin et au poète Reboul.

Nicot aura-t-il sa statue ?

Cette statue fera-t-elle revivre le diplomate et le lettré « peu connu et presque oublié de nos jours ?»

Nîmes ne semble pas, jusqu'à présent du moins, atteinte de statuomanie, et son crédit en pareille matière est loin d'être épuisé :

Qu'elle élève donc, un monument à Jean Nicot ; mais en disant bien haut qu'elle veut honorer l'ambassadeur, le conseiller d'état, l'homme de lettres : c'est peut-être le seul moyen de prévenir une protestation bruyante des sociétés contre l'abus du tabac.

 

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