D'accord - Pas d'accord

> Rol. Rapin, romancier

 

Puisque l'occasion d'exprimer mon opinion m'est aimablement offerte par mon ami Mathon, je ne vais pas manquer d'aborder un sujet qui me tient à cœur depuis pas mal de temps. J'ai nommé les réussites et les bulles architecturales de votre belle ville de Nîmes.

 

Tout d'abord, parlons des réussites !

 

Il est une réhabilitation superbe que je ne manque jamais d'aller présenter à mes amis, lors de la visite classique de Nîmes. Il s'agit de l'îlot Littré, petit groupe de maisons en plein centre ville, pratiquement riverain avec la Coupole des Halles. Malheureusement très peu fréquenté, parce que mal signalé, cet ensemble est une petite merveille de rénovation faite avec des techniques et des matériaux modernes. L'architecte qui a travaillé sur ce projet a su allier la maçonnerie avec le bois, les renfoncements, les encoignures et les différences de niveaux d'origine. Il a maintenu la cour intérieure, reliée aux rues commerçantes par deux passages voûtés. Les couleurs de l'ensemble et les contrastes ombres et lumières sont, on ne peut plus chaleureux ! Bravo !

 

Abordons maintenant un deuxième sujet de satisfaction ! II s'agit du maintien de la façade, un peu baroque, du groupe Universitaire donnant sur la place Gabriel Péri. Là aussi, l'architecte a su allier l'ancien avec le moderne d'une façon étonnante. Cette façade fait partie d'un alignement architectural qui limite les abords de la place, avec comme point de mire l'église St Baudile. Qu'il eut été dommage de casser le rythme de tout cet ensemble ! Bien sur que derrière ces vieilles pierres il y a le bâtiment fait de verre et d'aluminium, impératif dans la conception moderne d'une haute école, mais cette façade ne gène pas le regard  vu qu'elle donne sur l'étroite rue Séguier. Venons en maintenant à quelques réalisations modernes qui déparent la visite de Nîmes !

 

En premier lieu, il faut parler du bâtiment des Halles, construction grotesque au cœur de la ville. Heureusement que La Coupole, qui lui est attenante, a été construite avec un peu plus de sagesse. Malgré tout, cette façade a bien de la peine à s'intégrer au rythme des immeubles du Boulevard.

 

Citons ensuite l'erreur de l'hôtel Atria ! Si en elle-même cette façade est bien proportionnée et pas désagréable au regard, que diable fait-elle à côté de l'église Sainte Perpétue ? Comment peut-on défigurer une église plus que centenaire en lui accolant une surface dite moderne !

 

Et j'en arrive à la bulle qui stupéfie tous mes visiteurs, venus admirer le fin du fin de la Nîmes romaine. Comment, à notre époque et avec tous les moyens techniques mis à notre disposition, comment avec toute la législation protégeant les sites antiques, comment en est-on arrivé à construire une chose pareille en face de la vénérable Maison Carrée ! Je parle du Carré d'Art ! Transposée à la Ville Active, cette façade de verre n'embellirait en rien ce quartier d'affaires. Mais là, en plein centre ville, elle démolit tout l'ensemble que constituent les maisons qui entourent le vieux temple romain. Pauvre Maison Carrée, avec ses proportions idéales et l'élégance raffinée de ses colonnes. Etre malmenée à ce point après deux mille ans d'existence ! Pourquoi a-t-on démoli la façade de l'ancien théâtre ? Sans être exceptionnelle, elle avait au moins le mérite d'être en pierre et de s'approcher de l'architecture de sa noble voisine. Mon propos n'est pas de nier l'utilité et l'importance de la médiathèque, loin s'en faut ! Mais n'y a-t-il pas une autorité a Nîmes qui prenne conscience de cette « verrue » et qui fasse le nécessaire pour réhabiliter le site et la place de la Maison Carrée ? Oh ! ... Combien de visiteurs et de touristes, venus des quatre coins du monde pour méditer sur ce chef d’œuvre des architectes romains vous en seraient reconnaissants.

ROL. RAPIN, 2002

 

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Le Carré d’Art de Norman Foster

par Georges Mathon

 

Pourquoi nos élus se sont-ils fait abuser par des architectes prestigieux ?

 Dans le cahier de charge proposé aux candidats, le maintien de la façade de l’ancien théâtre était en option. Un seul projet a retenu ce choix, il n’était pas satisfaisant pour le jury municipal, l’alternative était donc réduite. Pour avoir plusieurs projets valables et permettre de donner au maintien de nos colonnes une véritable chance il aurait fallu l’imposer dans le cahier de charge.

 

Pourquoi fallait-il prendre une telle décision ? Les architectes prestigieux qui ont planché sur ce projet voulaient présenter une œuvre complète sur cet espace historique.

Quelle carte de visite ! Quelles retombées !

Pour un bureau d’architecte, signer une façade moderne en face la Maison Carrée c’est inespéré, on ne va pas masquer un « chef-d’œuvre » contemporain avec des pierres d’un autre âge...

L’impact publicitaire d’une telle photo n’aurait pas eu la même valeur !

 

Voici pourquoi notre patrimoine a pris un mauvais coup de jeune. L’authenticité d’une ville doit respecter une continuité. La pierre est le matériau de base de nos monuments, c’est le fil conducteur de toutes les architectures anciennes et modernes qui doit guider les décideurs nîmois. De nombreuses carrières, autour de la ville, en sont les témoins endormis. 

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Il n’y a pas que cette façade signée Norman Foster manquant de cohérence architecturale face à la Maison Carré, il y a beaucoup d'autres lacunes... un cumul de gravissimes erreurs.

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- Une salle de lecture ouverte sur le hall d’entrée, véritable caisse de résonance, surtout quand des groupes scolaires jacassant comme des pies circulent dans les communs.

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- L’accès aux différents niveaux n’a pas été traité de façon pratique par l'architecte N. F., il a mis en spectacle un immense escalier, plus théâtral qu’utile, en oubliant les modernes escalators qui peuvent transporter d’un niveau à l’autre et sans effort tout un flot continu de visiteurs, " pour certains gravir ou descendre ces marches ce n’est pas évidant". Ce n’est pas une paire d’ascenseurs, plutôt destinés aux personnes à mobilité réduite qui peuvent remplacer cette fonction. Rien de plus énervant que d’attendre ce fichu retour d’ascenseur… et puis cette question qui se pose immanquablement aux diverses personnes qui rentrent dans une même cage : Vous allez où ? moins 1 ! plus 2 !  moins 2 ! plus 3 !       

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- Et ce "modeste" mur Foster, destiné à recevoir des expositions temporaires, véritable emplâtre qui occulte  une partie de la surface lorsqu'il n’est pas utilisé. Un exemple, il contribue à diminuer l’espace réservé au salon de la biographie, carrément à l'étroit depuis qu'il a abandonné l'espace éphémère et couteux de la bulle des arènes, autre couac. Pourtant, il existait des solutions techniques pour l'effacer temporairement. M. Norman Foster aurait-il été en manque d’imagination ?  

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- Autre erreur de conception, des lecteurs vidéo avec canapés côtoient les tables de consultation. Même si l’écoute se fait avec un casque ce n’est pas destiné à un même public. Des jeunes gens circulent au milieu du secteur de lecture, n’ayant rien à y faire, en draguant les jeunes étudiantes... Je l’ai vu maintes fois, et cela m’a été rapporté par le père de deux jeunes filles étudiantes, sans arrêt importunées pas des perturbateurs qui dans un milieu de lecture exclusif se seraient fait expulser immédiatement.

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- Autre problème, un musée d’Art Contemporain, qui ne se contente pas de ponctionner largement le budget culturel de la ville, il prend aussi, une place monstre dans ce bâtiment.  

Ce n’était pas une priorité, avec nos réserves de vestiges antiques nous avions de quoi remplir l’un des plus riches musées du monde gallo-romain... il reste à construire !

Jean Bousquet Maire de Nîmes, n’aimait visiblement pas l’histoire de sa ville, pour lui ce n’était probablement que du passé… " Ce passé qui a, pourtant, fait la renommée de Nîmes dans le monde ! "

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- Plus grave encore, les décideurs de ce projet ont pris une décision extrêmement risquée, ils ont stocké l’énorme collection de livres rares et documents anciens dans les sous-sols potentiellement inondables de carré d’Art.

Même si la hauteur critique des entrées d’eau, est prévue au dessus du niveau historique des inondations, que vaut de nos jours cette référence ?

J’aurai préféré, par exemple, voir ces archives stockées dans les salles du musée d’Art Contemporain à plusieurs dizaines de mètres de haut ! 

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- Que dire de ce fabuleux espace qu’est le café-restaurant situé sur les toits de Nîmes tout en haut du Carré d’Art, une des meilleures idées de l’architecte pour ce bâtiment… mais, car il y en a un… aucun accès privé pour le public. Conséquences, les heures d’ouverture sont assujetties à celle de Carré d’Art. Pour ouvrir en dehors de ces heures il faut une autorisation ponctuelle avec un vigile pour surveiller le passage des clients dans le hall de la Médiathèque et pour alourdir la chose, l’administration n’a rien trouvé de mieux : "en cas de soirée prévue au restaurant, celui-ci et fermé à l’heure de fermeture de la Médiathèque et rouvert à 20h."

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Certains défenseurs du Carré d'Art de "Norman Foster" prétendent encore, que, après tout « où malgré tout », cette Médiathèque est un immense progrès si on la compare à la bibliothèque Séguier de la Grand’rue, désolé, mais presque toutes les communes de France et de Navarre de plus de 10 000 habitants possèdent une médiathèque, et même, si elles n’ont pas été signées par de grands architectes, elles sont loin de cumuler autant d’imperfections.

Et pour terminer ce réquisitoire, à l’exemple de certaines bibliothèques, notre Carré d’Art tant encensé par ses partisans ne fait pas du tout preuve d’innovation et modernité, son architecte n’a même pas exploité toute la palette des solutions qui auraient fait de ce lieu un espace de détente et de culture frisant la perfection. Il n’y a qu’à voir ce qui se fait ailleurs, en beaucoup mieux. Un jardin intérieur à ciel ouvert par exemple. Ce coin de lecture, nature, fleuri et évolutif en fonction des saisons, aurait offert aux lecteurs un espace plus profitable que cet énorme escalier central ne flattant que l’égo de son concepteur.

Aux dernières nouvelles, la ville aurait confié à Normand Foster la réalisation d’un futur bâtiment au quartier des Carmes, sous prétexte qu'il connait bien les spécificités de notre ville !!! Souhaitons pour nos enfants que cette architecture soit plus pratique que flamboyante et que notre brillant architecte, avec la sagesse du temps, ait un peu plus de respect pour les futurs usagers de ce très beau quartier qu’est « le plan des Carmes ».

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G. M. août 2011

 

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