Topographie du Département du Gard.

Eugène Germer-Durand, 1868

GALLARGUES

Avertissement : Les extraits donnés dans VOTRE VILLAGE indiquent la situation administrative et l'orthographe de l'année 1868. Ils ne sont pas forcément identiques à ceux de notre époque.


GALLARGUES, canton de Vauvert

 

Appelé autrefois Galargues le Montueux ou le Grand Galargues, pour le distinguer du Petit- Galargues, département de l'Hérault.

 

- Non, Date, (Sources)

 

- Villa Galacianicus,1007, (cartulaire de Notre Dame de Nîmes, chapitre 114 ; histoire de Languedoc II, preuves colonne 180)

- Galazanicus, 1031, (cartulaire de Notre Dame de Nîmes, chapitre 86)

- Villa que vocant Galazanicus, 1115, (cartulaire de Notre Dame de Nîmes, chapitre 79)

- A Galadanicas, 1148, (Layette du Trésor. des chartes tome I, page 63)

- Galasanica, 1155, (cartulaire de Psalmody)

- Ecclesia de Galadanicis, cum capellis suis Sancti-Guiraldi de Vilalatella, Sanctœ-Mariœ de Ponte-Anobrosio et Sancti-Cosmœ, 1156, (cartulaire de Notre-Dame de Nîmes, chapitre 84 )

- Galazanicœ, 1217, (Ménard I, preuves page 57, colonne 2 )

- Galazanègues, 1219, (Ménard I, preuves page 67, colonne 2)

- Castrum de Galargues, 1226, (Ménard I, preuves page 70, colonne 2)

- Galazanicœ, 1310, (Ménard I, preuves page 190, colonne 1)

- Gazalanicœ, 1384, (Ménard I, preuves page 202, colonne 1 et page 204, colonne 2)

- Galasanicœ, 1384 (dénombrement de la sénéchaussée).

- Ecclesia de Galazanicis, 1386, (répartition du subside de Charles VI)

- Galargues, 1435, (répartition du subside de Charles VII)

- Galasanicœ de Montusio, 1457, (Demari, notaire de Calvisson)

- Castrum regium Galargiœ de Montus, 1461, (registre copie de lettres royaux. E, v, folio 143)

- Galazanicœ de Montusio, 1500 (Dapchuel, notaire de Nîmes)

- Sanctus-Martinus-de-Galazanicis, 1539 (Ménard I, preuves page 155, colonne 2)

- Gallargues, viguerie de Massillargues, 1582, (diocèse de Nîmes)

- Galargues-le-Montueux, 1606, (papiers de la famille d'Olivier du Merlet)

- Le prieuré Saint-Martin de Galargues, 1706, (archives départementales G 206).

 

Gallargues faisait partie de la viguerie de Lunel (plus tard de Massillargues-Hérault) et du diocèse de Nîmes, archiprêtre d'Aimargues.

- C'était une communauté considérable lors du dénombrement de 1384, puisqu'on y comptait alors 30 feux.

- Son importance n'avait pas diminué en 1435, comme on peut en juger par la somme à laquelle elle fut imposée dans la répartition du subside accordé par les États de Languedoc à Charles VII.

- En 1789, Galargues est compté pour 356 feux.

- C'était le siége d'une châtellenie royale dont Tanneguy du Châtel fut nommé titulaire en 1461, en même temps que de celle d'Aiguesmortes.

- On y trouve une tour fort ancienne, qui a servi pendant la première moitié de ce siècle au télégraphe aérien, et un ouvrage de défense contre les inondations du Vidourle, qu'on appelle Paret dei Sarrasis (muraille des Sarrasins).

- Galargues ressortissait au sénéchal de Montpellier.

- Le prieuré simple et séculier de Saint-Martin de Galargues était uni à la mense capitulaire de Nîmes et valait 2400 livres.

 

NOTA : Les villages qui ont une terminaison en -argues sont d'origine gallo-romaine (Aimargues, Estézargues, Goudargues, Galargues...) et ont un rapport avec une "villa" qui était une propriété à laquelle par la suite se sont adjoints de nombreux habitants des alentours.

 

-O-

 

Histoire Générale de Languedoc

Dom Vaissete, 1868

(Tome 7, éditions Lacour, Livre XXXIII, page 335, paragraphe XLIV, année 1390.)

 

Isabelle de Majorque lui représente, à Montpellier, les droits sur la seigneurie de cette ville.

 

Le roi de France, Charles VI, après avoir passé à Béziers, se rendit à Montpellier, où il entra aux flambeaux le samedi 21 de Janvier 1390, et il y demeura les deux jours suivants.

Isabelle reine de Maillorques et marquise de Montferrat, fille de feu Jacques Il, roi de Majorque, et héritière de Jacques infant de Majorque, son frère, lui représenta alors ses droits sur la ville et la baronnie de Montpellier. Elle prétendoit que le feu roi de Majorque son père ayant vendu ces domaines au roi Philippe de Valois, au mois d'Avril de l’an 1349, il étoit encore du quatre vingts mille écus de cette vente.

Le roi fit examiner les demandes de cette princesse dans son conseil, et il fut décidé qu'il n'y pouvait faire droit, jusqu'à ce qu'il eut atteint l'âge de vingt cinq ans accomplis. Cette décision engagea Isabelle à se rendre à Paris, elle ajouta à ses premières demandes, qu'après la mort Yolande sa belle mère, veuve du roi Jacques son père, et de l'infant de Majorque son frère, on lui avoit assigné le château de Pézenas, pour sa demeure, avec quinze cens francs d'or de rente sur le comté de Pézenas, mais qu'elle n’avoit pas été payée, parce que le duc de Berri lieutenant en Languedoc prétendoit que tous les émolumens de cette province, lui appartenoient.

Enfin le roi étant en son conseil à Paris, donna à Isabelle, pour toutes ses prétentions, le 13 de Septembre de l'an 1395, la somme de cinq mille francs d'or une fois payée, et lui assigna une rente viagère de douze cens livres sur le château et la châtellenie de Gallargues au diocèse de Nismes, et sur divers autres domaines des environs. Elle renonça de son côté à tous ses droits sur la seigneurie de Montpellier, par un acte daté de Paris, au prieuré de sainte Catherine, paroisse de Saint Paul, où elle logeoit.

Isabelle jouissoit encore de cette rente en 1403.

 

Dom Vaissete, 1868

 

-O-

 

UNE EXCURSION AU

GRAND-GALLARGUES en 1831

par

le Pasteur Jean-Pierre Hugues

(1806-1877)

 

J'aime les villages situés sur les hauteurs ; il y a dans leur position élevée quelque chose qui nous rapproche des cieux, et qui satisfait un des besoins les plus impérieux de notre âme. De plus, du haut de ces promontoires, la nature vous offre un coup d’œil vraiment pittoresque : dans les vallées, vous verrez serpenter un fleuve au cours inégal ; au flanc de la colline, se déroulera un tapis de verdure diaprée ; au loin, s'offriront d'autres villages sur lesquels vos regards s'arrêteront avec amour ; car, dans les plus beaux paysages, la demeure de l'homme est ce qui vous frappe le plus.

Puis quand vous avez assez contemplé ce riche panorama, interrogez les habitans, ils vous répondront dans un langage original, que le contact des étrangers n'a pas encore altéré. Parcourez les rues inégales, vous rencontrerez assurément des débris de constructions antiques, que la puissance romaine ou l'autorité féodale avait élevées pour assurer leur domination, mais que le temps et le torrent révolutionnaire ont renversées, pour apprendre aux tyrans que lien ne peut enlever aux hommes leur indépendance et leur égalité.

Quelles richesses précieuses pour l'antiquaire, pour l'esprit religieux et pour l'amateur de la belle nature ! Aussi, quand pour la première fois j'aperçus le Grand Gallargues, s'élevant en amphithéâtre sur le revers d'une colline, dernier réssaut des Cévennes, je me promis bien d'aller visiter ce pays qui, selon moi, devait offrir de nombreux aliments à ma curiosité : j'eus le bonheur de pouvoir entreprendre cette excursion si désirée ; et comme mes prévisions ne furent pas démenties, je me fais un plaisir de publier le résultat de mes observations.

Quand on se rend du pont de Lunel à Grand Gallargues, on longe pendant dix minutes le Vidourle, connu chez les Romains sous le nom de Viturlus. Les eaux de cette rivière, rares et limpides, sont encaissées dans des chaussées élevées pour empêcher les inondations. Mais ici on retrouve une de ces nombreuses contradictions dont l'esprit humain se rend coupable. Tandis qu'on élevait à grands frais ces digues énormes pour se mettre à l'abri des débordements, on pratiquait dans leurs flancs des brèches nombreuses par où les eaux s'échappant avec furie, inondent la plaine en un instant. Combien de fois, à la veille des vendanges, les brèches n'ont-elles pas vomi des flots impétueux, qui, dans leur course rapide, ont détruit ces grappes si belles qui excitaient l'admiration des étrangers, et qui faisaient la gloire et l'espoir des agriculteurs.

Après avoir quitté le Vidourle, la route traverse une plaine très bien cultivée, couverte de jeunes vignes, ombragée par des cerisiers au feuillage étendu, par des pêchers dont les fruits sont plus nombreux que les feuilles, par des oliviers autrefois bien soignés, mais négligés aujourd'hui à cause de la modicité de leurs produits et des accidents auxquels ils sont exposés.

Après une demi-heure de marche, sur la gauche du chemin, à vingt pas dans les vignes, on voit un reste de muraille que dans le pays l'on nomme La Paret des Sarrasins. Au premier abord, cette construction n'offre rien de bien frappant ; mais, en l'examinant avec plus d'attention, la curiosité augmente, et, pour en deviner la destination primitive, l'esprit se jette dans mille conjectures plus ou moins vraisemblables. Cette muraille a 80 mètres de longueur, 4 mètres de largeur, et 2 mètres de hauteur ; elle est fortifiée par des éperons éloignés les uns les autres de 4 mètres environ. Aurait-elle servi à la défense d'un camp romain. On peut admettre cette supposition, car le camp supposé aurait été défendu dans les autres parties, et par le Vidourle, et par une petite rivière voisine. Serait-ce une ancienne digue ?

Cette explication est bien admissible, car, avant la construction des chaussées actuelles, le lit de la rivière aurait bien pu se trouver dans la direction de la Paret. Aurait-elle été un ouvrage avancé pour défendre ou attaquer Gallargues ?

Cette explication est fortifiée par la tradition, qui rapporte qu'autrefois c'était une redoute d'où l'on se battait du temps des Sarrasins ; et son nom confirme cette tradition, car le mot Paret vient nécessairement du mot latin paries, qui signifie muraille, fortification. Quoiqu'il en soit, cette muraille offre beaucoup d'analogie, sous le rapport de la construction, avec la Tour Magne de Nismes : même ciment, même taille et même dispositions des matériaux, même apparence d'éternelle durée.

On entre dans Gallargues par un chemin sinueux, triste et raboteux ; de là le voyageur, n'apercevant que le derrière de quelques maisons, n'entendant aucun bruit, se demande s'il se trouvera réellement sur l'avenue d'un bourg de 2100 âmes ; mais bientôt il débouche dans une rue large, bien alignée, bordée de jolies maisons. C'est dans cette rue qu'est située la fabrique de toiles peintes établie depuis cinq ans par la maison Espion-Puech, et qui occupe déjà plus de cent ouvriers. A côté, l'on aperçoit, dans un enfoncement, l'église, au-dessus de laquelle s'élève le clocher en forme de tour carrée.

Le presbytère est attenant à l'église ; peu d'habitations sont aussi vastes et aussi agréables que cette demeure du curé, qui dessert également les communes de Vergèze et de Mus. Bientôt on se trouve vis-à-vis des remparts qui entouraient la ville. ces remparts ne sont conservés que dans leurs portions occidentale et méridionale ; encore de ces côtés-là ne sont-ils pas dans toute leur intégrité, car tous les jours on les perce pour y pratiquer des portes, ou bien on les démolit pour construire des maisons sur leur emplacement. L'antiquaire blâme ces démolitions continuelles ; il craint qu'un jour on ignore qu'elle était l'étendue de nos cités et les moeurs de nos devanciers. Mais le philanthrope s'en réjouit, car il ne voit dans les remparts que des moyens de destruction et des obstacles à la civilisation.

Quant à moi, craignant que les impitoyables maçons ne détruisissent entièrement ces précieux restes, je me suis hâté d'en mesurer toutes les dimensions et d'étudier la nature des fortifications. Les anciens murs décrivaient un carré irrégulier, terminé au sommet de la colline par un château-fort ; ils étaient flanqués, de distance en distance, de fortes tours carrées ; au-dessus des remparts étaient des terrasses semblables à celles qu'on voit à Aiguesmortes : deux portes en ogive s'ouvraient sur la campagne. Ces murs, épais d'un mètre six décimètres, avaient six cents mètres de circuit, et renfermaient au moins deux cents maisons. Il est impossible de constater leur hauteur primitive (1). La position et la solidité de ces fortifications devaient faire de Gallargues une place très forte pour l'époque. Cela nous explique l'importance que, dans le moyen-âge, les rois de France attachaient à la possession de ce village ; et surtout cela nous fait comprendre les combats sanglants que, dans les guerres des Camisards, on se livrait pour s'en emparer.

Quand on a dépassé les remparts, les rues deviennent plus étroites, plus irrégulières. Je m'attendais à cette irrégularité, car je l'avais retrouvée dans toutes les villes entourées de murailles et qui datent du moyen-âge. Mais je fus surpris que l'on n'eût pas évité ce grand inconvénient, depuis que l'on bâtit en dehors des anciennes fortifications. Dans les constructions nouvelles on n'a suivi aucun alignement ; chaque habitant, ne consultant que son intérêt, a placé sa demeure dans son propre fonds. De sorte que la plupart des maisons nouvellement bâties sont enfoncées dans des impasses, ou cachées dans des enclos. Cette irrégularité, augmentant le nombre des carrefours fait de Gallargues un véritable labyrinthe (2).

La mauvaise disposition des rues me faisait mal auguer de l'intérieur des maisons ; mais je fus agréablement surpris en apercevant ces dernières, quoique peu favorisées par leur emplacement, étaient en général vastes et commodes.

Les façades n'ont pas cette apparence vulgaire et ignoble des maisons villageoises. Elles sont presque toutes construites dans le genre moderne. Partout règne la propreté ; les murs des cuisines sont tapissés par une profusion d'ustensiles en cuivres, qui ne sont pour la plupart d'aucune utilité. Mais déjà ces vastes et riches cuisines sont insuffisantes pour recevoir l'étranger, et le salon tapissé, plafonné, offre sa fraîcheur et son ottomane aux amis qui viennent visiter le Gallarguois. On pense bien que le luxe ne s'est pas arrêté au rez-de-chaussée ; il a envahit le premier étage, et la chambre de noces, portant le titre pompeux de chambre de relais, renferme tous les meubles que l'on ne trouvait jadis que dans les demeures des riches citadins.

Après avoir parcouru les principaux quartiers, je fus conduit au temple protestant, situé sur le sommet de la colline, et servant de couronnement à cet amphithéâtre naturel.

Cet édifice a été bâti, depuis vingt ans, sur l'emplacement du château qui fût brûlé en 80, et qui appartenait à Monsieur de Rochemore. Le temple n'a pas une forme monumentale, parce qu'on a voulu profiter des restes des murs du château : c'est un carré long de 34 mètres, large de 17 mètres. Le plafond repose sur des colonnes : ces colonnes sont posées sur des piles qui soutiennent les tribunes.

Des marches du perron du temple, le voyageur contemple avec étonnement une vaste étendue de terre qui commence au pied de Gallargues et qui va finir à la mer. Au midi, on voit une grande plaine tachetée de vert, de jaune, de bleu, de violet, semblable à la palette d'un peintre où les couleurs sont jetées sans ordre et avec profusion.

Au milieu de ces couleurs si nuancées apparaît : Massillargues avec son clocher aigu et ses allées touffues ; Aimargues aux rues alignées et étroites ; Saint-Laurent entouré de meules de blé ; Vauvert jeté sur une colline comme un immense tas de pierres ; Beauvoisin avec le château qui le domine ; Le Caylar avec ses immenses prairies ; Mus avec ses carrières si renommées ; Codognan s'étendant vers la grande route comme un serpent qui se déroule aux rayons d'un soleil brûlant ; la tour Carbonnière avec sa porte béante ; Aiguesmortes qui se cache derrière la tour de Constance, comme si cette tour faisait sa honte et sa gloire ; le phare du Grau, qui, dans les nuits obscures, effraie le voyageur par les reflets périodiques de son immense foyer ; derrière, et au loin, s'étendent les étangs avec leurs molles vapeurs ; enfin la mer qui, en se perdant dans la rue, semble rappeler que tout cela vient de Dieu, et attire les regards vers le ciel. Ici l'on doit contempler le ciel, car il est magnifique par sa transparence, par son azur et par les vapeurs légères qui l'unissent à la terre.

On a dit que les plaines sont sans intérêt à cause de leur ennuyeuse monotonie : ce jugement, vrai en quelques circonstances, ne l'est pas pour la plaine qui se déroule au midi de Gallargues ; du haut de l'observatoire où nous avons placé le voyageur, c'est surtout la variété qui la distingue. A côté d'un sol d'une fécondité incomparable, s'étendent des steppes stériles et incultes ; des routes bien entretenues se croisent avec des canaux longs et réguliers ; au milieu des cités ouvertes et sans défense s'élèvent des fortifications imprenables ; au pied des tours immenses, sortent à peine du sol de chétives cabanes de pêcheurs ; des animaux sauvages et farouches paissent sous la conduite de quelques enfans ; les terres cultivées sont baignées par la mer ; et sur les étangs vaporeux et malsains brille un ciel pur et serein.

Un tableau d'un autre genre, et non moins remarquable, se présente du côté du nord. Le contraste est complet : ce sont les teintes grisâtres des Garrigues, les couleurs foncées des Cévennes, les contours du Vidourle, les moulins à vent de Calvisson, le pic de Saint-Loup avec sa crête aiguë et menaçante, enfin les montagnes de la Lozère, blanches de frimas ou dorées par un soleil brûlant.

Voila ce que j'apercevais à l'oeil nu ; mais quand l'obligeance de l'employé du télégraphe, eut braqué sa lunette de six pieds de long, alors un monde nouveau vint se ranger autour de moi. A gauche, c'était la Tour-Magne de Nismes, et même le château de Beaucaire ; vis-à-vis, les vaisseaux qui voguaient en pleine mer ; à droite, je reconnaissais des villages situés derrière Montpellier ; au nord-est, je croyais apercevoir les bastides du Vigan.

La tour sur laquelle est située le télégraphe, est carrée ; elle est haute de treize mètres sept décimètres ; les murailles ont un mètre sept décimètres d'épaisseur ; toutes les pierres sont bosselées dans leur face antérieure. Malgré l'absence complète de documents relatifs à cette tour, je crois qu'on peut lui assigner une double destination : c'était le cachot et la terrasse fortifiée d'un château comme on en rencontre dans tous les manoirs du moyen-âge. L'édifice renferme un étage séparé de la partie inférieure par une voûte très épaisse dans laquelle on avait pratiqué une ouverture : cette ouverture était la seule communication qui exista entre ces deux parties de la tour. On montait à i'étage supérieur par un escalier ménagé dans le mur, et sans communication avec le bas de l'édifice. Je pense qu'au moyen de l'ouverture faite dans la voûte, on faisait descendre les objets nécessaires aux prisonniers enfermés dans ce vaste cachot ; prison que je ne puis mieux comparer qu'aux oubliettes de la tour de Constance.

Il n'y avait aucun escalier pour monter au sommet de l'édifice ; on devait donc s'y rendre par les terrasses attenantes. Les habitants se rappellent encore que la partie inférieure servait de prison, et que le seigneur du village faisait nicher des pigeons dans la partie supérieure. Après l'incendie du château, la tour fut vendue à un maçon, qui l'acheta dans l'intention de la démolir et d'en revendre les pierres. Heureusement le mur, trop dur, résista aux efforts du levier ; heureusement après que le gouvernement en a fait l'acquisition, et les Gallarguois n'ont plus à craindre qu'une spéculation mal entendue les prive d'un édifice si intéressant, et par son antiquité, et par sa destination primitive, et par son incomparable position.

Après être descendus de la tour, nous nous trouvâmes bientôt sur une place ayant la forme d'un rectangle, autrefois appelée Cordoulier mais portant, depuis la révolution de juillet, le nom belliqueux de place d'Armes. C'est à l'est de cette promenade qu'est situé l'Hôtel-de-ville, édifice remarquable par sa simplicité et par sa belle distribution. J'étais trop curieux de posséder des renseignements officiels sur Gallargues, pour que je ne demandasse pas l'autorisation de fouiller dans les archives de la ville.

Ayant obtenu la permission que je sollicitais, je me hâtais d'exhumer de la poussière les parchemins déjà rongés par les vers. Mais malgré toute notre bonne volonté, nous ne pûmes déchiffrer aucun des caractères bizarres et à demi effacés, qui étaient tracés sur ces vieilles chartes données par divers rois de France. Nous ne fûmes pas plus heureux quand nous voulûmes compulser les anciens compoix dressés du temps de Henri IV, qui tombent aujourd'hui en lambeaux. Voyant que nos recherches sur l'histoire de Gallargues étaient complètement infructueuses, nous nous contentâmes de puiser dans les documents actuels….

 

(1) Les terrasses ont disparu, il ne reste aujourd'hui qu'une des tours appelée bornbardière. Les remparts qui existent encore ont un développement de 450 mètres.

(2) Le conseil municipal commence à reconnaître la nécessité de restaurer la voie publique. Quelques rues ont été agrandies, d'autres ont été pavées. On parle de réparations à faire pour l'aimée prochaine. Espérons que ces heureuses dispositions iront toujours en se fortifiant.

 

Le Château de Gallargues une suite de propriétaires, par Jean Pierre Hugues :

 

..….Vers l'an 1340, Charles d'Espagne, comte d'Angoulême, lieutenant du roi en Languedoc, hérita de la même baronnie. Un petit fils du précédent, en 1366, Jean II, comte de Boulogne et d'Auvergne, donne le château de Gallargues à sa fille Jeanne se mariant avec le duc de Berry, d'éxécrable mémoire, qui commit tant de vexations dans le Languedoc, dont il était le gouverneur.

Après la mort du Duc de Berry, Gallargues dut rentrer dans les domaines de la couronne ; car Charles VI, en 1394, s'étant approprié la baronnie de Montpellier, pour faire cesser les prétentions qu'Isabelle de Majorque avait sur cette baronnie, fait une concession dans laquelle

« pour le bien de la paix, il baille et transporte à sa cousine, Isabelle de Majorque, durant sa vie seulement, le chatel et la châtelenie de Gallargues, avec toutes les appartenances et douze cent livres de rentes à prendre sur les revenus desdits chatel et châtelenie ; en sorte que, s'ils n'étaient pas suffisans, on assiegerait le surplus en la sénéchaussée de Beaucaire, le plus près qu'il pourrait dudit Gallargues. » (1)

Et voilà ce que l'histoire nous transmet sur les commencemens de toutes les villes de France. Les actes de ventes, de concessions, de donations, d'échanges, sont les seuls monumens qui nous restent.

Quant à l'état des moeurs, aux spécialités de l'industrie, silence !.....

 

(1) Histoire de Languedoc par Dom Vaissete.

 

Edition Georges Mathon, 2003


 

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