CARMEN AUX ARÈNES DE NÎMES


Historique : C'est le 3 mars 1875 à l'Opéra Comique de Nîmes, que fut représenté pour la première fois "Carmen" de Bizet, d'après la nouvelle de Mérimée.

Carmen avec corrida le 12 mai 1901 aux arènes de Nîmes
de Louis Feuillade, 1901.


Carmen en 1901 dans les arènes, avec mise à mort.

Ce
n'est point un cartel déplaisant pour les aficionados : qu'on donne l'œuvre intégrale de Bizet dans le cirque millénaire où tant de fois son rythme initial préluda aux jeux magnifiques de la corrida, me paraît fort louable pensée et comme un pieux témoignage de notre particulière reconnaissance.
Bizet est le Rouget de Lisle de la corrida. Nous lui devons l'hymne de l'aficiôn sans lequel il ne saurait exister de parfait paséo, car il est avéré que nulle autre musique ne convient mieux à la marche triomphale des cuadrillas. Une telle affirmation peut susciter les sarcasmes de ceux-là seuls, qui n'ayant jamais ouï l'ouverture de Carmen aux arènes, ignorent quel enthousiasme provoquent les premières mesures dès que paraissent les alguaziles veloutés de noir et chapeautés de plumes.
Avant les premières luttes s'affirme l'esthétique des tauromachies tandis que les cua­drillas promènent sous le soleil le scintillement des ors et de soies éclatants, par la noblesse des attitudes espagnoles et la gravité solennelle de cette heure que le génie de Bizet marque d'un signe d'une inimitable beauté. Un frisson sacré s'empare des foules latines à ce moment. Il semble qu'elles reprennent conscience des lointaines origines et que dans l'amphithéâtre reconquis, après des siècles, à sa primitive splendeur, s'éveille pour quelques instants, l'âme rajeunie des ancêtres.
Et Bizet n'est pas le moindre artisan de cette résurrection. C'est surtout par lui que l'impression demeure ineffaçable, son air chante dans les mémoires et le charme opère longtemps après que se sont évanouies les visions fulgurantes du drame.
Voilà donc la raison pour laquelle les aficionados applaudissent à la représentation de Carmen aux arènes. Ces témoignages ne s'adressent qu'à notre musicien. Meilhac et Halévy, les experts maîtres-queues par qui fut cuisinée, découpée et servie en couplets, la gitane de Mérimée, ne méritent pas cet excès d'honneur en la circonstance. D'ailleurs, en tout autre cas, l'auguste vieillesse des arènes nîmoises s'accorderait mal des flonflons habituels à l'opéra comique, ce genre éminemment français ! paraît-il.
Si, parfois des jeux scéniques peuvent attirer la foule dans le cirque romain, qu'ils s'inspirent de la majesté de l'immuable cadre et que les directeurs s'entourent de conseils avisés s'ils sont ignares en la matière.
Béziers a montré la voie, et le succès de Prométhée devrait exciter l'émulation des cités avoisinantes, encore que nulle ne se puisse enorgueillir d'un mécène pareil à celui de Biterre.
Des poètes et des musiciens séduits par la magnificence naturelle de ce théâtre où s'étend sur la couronne dorée du faite le velours d'azur estival y trouveraient peut-être, une formule d'art nouvelle jaillie des sources profondes de l'antiquité aux mêmes lieux où surgissent immortels les arceaux du cirque et les temples.
Et l'éducation de la foule, instinctivement éprise de beaux gestes au grand soleil, et que séduisit pleinement la corrida, se parerait à ces fêtes de l'esprit alternant, dans un égal souci de beauté, avec celles du courage. Ce serait une force nouvelle infusée à la vie intellectuelle des cités méridionales ; leur charme en serait accru : elles y dépenseraient à propos les aptitudes héréditaires qui les font merveilleusement vibrantes et ouvertes aux choses d'art et de vénusté et quelle superbe réponse aux gouailles du septentrion !
Mais j'entends ici murmurer le cœur indigné des aficionados intransigeants. J'y reconnais la voix de vieux aficionados mais que je vénère et que j'aime, et de vieilles barbes du Toril, s'insurgent - en révolte ! d'aucuns penseront, peut-être que Le Torero n'est point fait pour plaider de telles choses.
"L'aficiôn n'est pas assez malade, aimez-vous mieux qu'on la tue ?" me disent des voix. Je ne pense pas la desservir en formulant le souhait que si des représentations de théâ­tre se donnent aux arènes, on les choisisse dignes d'elles ; et je me demande pourquoi l'on y refuserait aux artistes de lettres, l'hospitalité qu'on y accorde aux saltimbanques et aux bateleurs de toutes sortes, très estimables gens sans doute, mais fort déplacés en cet endroit. Ils n'ont pas reçu l'éducation du baladin antique, qui devant la multitude, exécutait ses tours selon une méthode naturellement appropriée à l'ambiance, comme de nos jours se meuvent à l'aise sur le tapis feutré de la piste ou sur les tréteaux du music-hall, les modernes acrobates. Et tous ceux qui aiment profondément ces vieilles arènes, monstre qui de loin, semble veiller sur la cité nîmoise préféreraient les voir désertes qu'assister à l'intrusion du sacrilège, laideurs enserrées par le géant de pierre, dans son elliptique ceinture.
 
Louis Feuillade (l'auteur de Fantomas) Hebdomadaire "Le Torero" 12 mai 1901


Carmen en 1901


Carmen en 1901

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Carmen aux arènes de Nîmes en 1960
Extrait de « Le Moniteur municipal », ville de Nîmes, N° 7, 1960.


Carmen avec mise à mort, le 22 juillet 1972

La Féria 1960 a été marquée par une représentation exceptionnelle de "Carmen", dans notre amphithéâtre. À première vue de telles soirées avaient déjà eu lieu, cependant celle que nous avons eu l'occasion de voir comportait la mort effective du taureau au 4e acte. Et c'est ce qui fait l'intérêt de notre "Carmen". Il ne nous appartient, pas d'évoquer ici le côté artistique disons tout de suite cependant qu'il fut parfait. Mais il convient de revenir d'une manière très particulière sur ce genre de spectacle unique surtout dans un cadre comme nos arènes. Certes ces dernières n'ont pas été prévues pour des spectacles lyriques ou théâtraux. On a tendance à oublier que les Romains avaient construit un théâtre à l'intérieur du jardin de la Fontaine. Et depuis des années un parle de notre petit théâtre antique, alors que ce dernier arrivait à
un rang enviable immédiatement après ceux de Lyon et d'Arles. De vieux Nîmois se souviennent encore d'avoir aperçu les derniers gradins où se trouve maintenant une pelouse.
Nous aurons d'ailleurs, par la suite, dans de prochains numéros l'occasion de revenir sur cette question de notre histoire locale. Cependant si nos arènes ne se prêtent pas à tous les spectacles, une judicieuse organisation permet de grandes réalisations. C'est ainsi que l'on se souvient encore de la représentation d'Aïda qui a eu lieu il y a quelques années. Ce fut une réussite totale, et les amateurs de "bel canto" souhaitent des soirées analogues. Ce qui d'ailleurs amènerait à notre ville un élément touristique supplémentaire.
Mais il nous faut souligner dans la dernière représentation de "Carmen", non pas une innovation, mais plutôt une judicieuse reprise, la mort effective du taureau. En pleine Féria, au moment où le taureau forme comme le thème principal de nos fêtes, une telle réalisation est donc digne d'intérêt. D'ailleurs, bon nombre de journaux français ont souligné son opportunité. Car tout ce qui se fait sous le signe de l'aficion est, "à priori", digne d'intérêt pour notre ville. Et, au cours de la réunion de la Commission des festivités qui a eu lieu quelques semaines plus tard, M. le docteur Baillet a fort judicieusement souligné ce fait : nous avons là une sorte de thème qu'il nous appartient de reprendre. Ainsi que le faisait remarquer M. le docteur Baillet, on saura qu'une représentation de a Carmen n d'un genre particulier a lieu à limes pendant les fêtes de la Féria. On voit dès lors toutes les possibilités que nous offre une telle réalisation surtout dans le domaine de la propagande touristique. Car il ne faut jamais oublier ce point qui est en l'occurrence d'une importance capitale.
C'est donc dans ce sens que nous pouvons utiliser nos arènes, car l'amphithéâtre a été construit surtout pour des ,jeux, et, non pour des spectacles et théâtre pur. Il offre donc de nombreuses possibilités, mais il convient de bien discerner ces possibilités et de les exploiter au maximum dans l'intérêt, de notre ville et de sa Féria de Pentecôte. Car une représentation de "Carmen" est susceptible de devenir le sommet de cette dernière avec les grandes corridas. Cela, il nous appartient de le faire dans le courant de l'année, sans oublier pour autant le Jardin de la Fontaine qui reste le grand méconnu. Carmen est donc un succès pour les organisateurs de notre Féria, il faut donc poursuivre l'effort qui nous n'en doutons pas sera fructueux.
 
Louis Boyer
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Ce genre de spectacle perdurera jusqu'en juillet 1979 avec la participation de Niméno II. (Christian Montcouquiol)


Carmen avec mise à mort, le 26 juillet 1979

Carmen dans les Arènes avec Niménio II, le 26 juillet 1979 - Photo Michel Pradel, collection Alain Montcouquiol
 
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