HISTOIRE DE LA VILLE DE NÎMES.
Léon Ménard, 1760
Réédition de 1875, tome 24, page 315-316

PROJET DE VISTRE NAVIGABLE

 
Projets de fertiliser par des arrosements les plaines de la Calmette et de Boucoiran, et de rendre navigable la rivière du Vistre depuis les murailles de Nîmes jusqu'au port de Cette. (1696)
 
Les états généraux de Languedoc, assemblés à Montpellier cette année 1696, s'occupèrent de deux grands desseins. L'un proposé pour augmenter la fertilité des terres, consistait à procurer l'arrosement des plaines de Villedagne, de la Calmette, de Boucoiran et de Lézan. L'autre, dont l'objet était de faciliter le transport des denrées et des marchandises, devait rendre navigables les rivières du Gardon et du Vistre. La ville de Nîmes, qui en retirait le principal avantage, s'intéressa vivement à leur succès. Denis Veiras, natif d'Alais, en avait dressé le projet par écrit, (1) dont on fit la lecture dans la séance des états du 22 de décembre de cette année-là. Donnons-en ici le précis, et faisons connaître un dessein si utile au commerce du pays, et à celui de Nîmes en particulier.
 
(1) Archives de l'hôtel de ville de Nîmes, registre du XVIIe siècle, contenant les délibérations du conseil de ville.
 
Après avoir discouru sur la possibilité d'arroser par un canal de l'Aude et de l'Orbieu la plaine de Villedagne, l'auteur parla des moyens d'en fertiliser trois autres situées sur les bords du Gardon. Il dit que la plus basse de ces plaines, qui est entre les villages de la Calmette et de Boucoiran, sur le chemin d'Alais, et commence à deux lieues au-dessus de Nîmes à l'extrémité des garrigues ou bruyères de cette ville, avait dans l'espace de deux lieues de diamètres, sur le bord méridional du Gardon, une pente aussi aisée pour les arrosements que si elle avait été faite exprès, et que bien que le terrain en fût généralement maigre et sec, il ne laisserait pas d'être bon, s'il était arrosé, et ses endroits sablonneux fertilisés, que la seconde plaine, qui est celle de Boucoiran, simplement séparée dé la première par un rocher et par le village de ce nom, s'étendait dans une lieue de diamètre entre certaines hauteurs qui la dominent, et la rivière qui l'environne du côté opposé, et se terminait du côté d'en haut par un rocher contre lequel est bâti le moulin du pont de Ners.
 
Que là était une forte écluse, d'où l'on pouvait commodément dériver un canal et le conduire le long des hauteurs, pour arroser non seulement la plaine du Gardon, mais aussi celle de la Calmette, ce qui était d'autant plus facile à exécuter que le Gardon qui depuis le moulin de ce pont tarit souvent dans son cours près de ces deux grandes plaines jusqu'au village de Dions, trois lieues plus bas où elles finissent, ne tarissait jamais depuis ce moulin jusqu'à ses sources, et qu'au moulin, appelé de la Resse où se fait la jonction des deux Gardons, il y avait toujours assez d'eau pour faire aller deux meules de moulin sans discontinuer.
 
Qu'à l'égard de la troisième de ces plaines qui est celle de Lézan, toute située sur le Gardon d'Anduze, où elle s'étendait plus de deux lieues en longueur, on pourrait l'arroser par le moyen d'un canal qu'il serait facile de tirer depuis la ville d'Anduze jusqu'au-dessus du confluent des deux Gardons, que ces trois plaines étant ainsi arrosées et converties en pâturages et en prairies, produiraient de quoi nourrir plus de vingt mille vaches, plus de dix mille chevaux et un nombre innombrable de brebis, et qu'on y pourrait aussi planter près d'un million de mûriers, qu'enfin ces canaux construits pour l'arrosement durant l'été, serviraient encore dans les autres saisons pour la navigation depuis Anduze jusqu'à Dions, d'où la rivière continue son cours jusqu'au Rhône près de Montfrin.
 


L'auteur du projet passa ensuite aux moyens de rendre la rivière du Vistre navigable depuis les murailles de Nîmes jusqu'au port de Cette et jusqu'à toutes les villes et bourgs qui sont situés sur les étangs.
 
II représenta que l'exécution de cet article lui paraissait d'autant plus aisée, qu'il avait observé que depuis le pont de la Bastide sur le Grand Vistre, où l'eau ne manquait jamais, on pouvait la faire refluer jusqu'à un quart de lieue de la ville par un canal de niveau, pratiqué dans un large chemin creux qui se trouvait parfaitement bien disposé dans le terrain uni de la Vistrenque, et qui aboutissait à la portée du mousquet des faubourgs.
 
Il ajouta qu'une seule écluse de trois toises de haut, tout au plus, suffirait pour lier un canal supérieur d'un quart de lieue, qui pourrait se terminer à un champ creusé et environné de murailles, qui était contigu à l'esplanade, et dont on ferait un port très-commode.
 
Qu'ensuite par le moyen de larges réservoirs faciles à pratiquer et à remplir de l'eau de la Fontaine, lorsqu'elle était dans ses grandes crues, on pourrait en fournir une quantité suffisante, non-seulement pour la navigation de ce canal supérieur, mais aussi pour d'autres excellents desseins utiles et agréables, dont la ville de Nîmes avait un extrême besoin.
 
Quelque avantageux que fût ce projet, il resta toutefois sans exécution.
 
  
En savoir plus sur la couverture du Vistre en 1868
> L'affaire Talabot et le triangle de la gare

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