NîMES, Concours Régional de 1863
Extrait d'Histoire de la Ville de Nîmes, 1886 d'Adolphe Pieyre

tome 2, pages 331 à 333.



Le Concours Régional de Nîmes en 1863 - Collection Gérard Taillefer

Les préparatifs touchant le concours régional furent activement menés et toutes les expositions purent être inaugurées le 8 mai. Cette inauguration fut solennellement faite. Le cortège officiel se composait du Préfet, du Maire, des conseillers généraux présents à Nîmes, des conseillers municipaux et des. principaux fonctionnaires. Parti de la préfecture, il se rendit successivement à la Fontaine où se trouvait l'exposition d'horticulture ; à l'Esplanade, où était installée l'exposition de minéralogie et de l'industrie, et revint à la préfecture où était placée l'exposition des beaux-arts.
 
Dans le trajet de la Fontaine à l'Esplanade, on visita le square de l'abreuvoir, ainsi qu'on le nommait alors, qui venait d'être terminé d'après le dessin de M. H. Révoil et qui fut livré le même jour au public. (a)
 
L'exposition resta ouverte jusqu'au 30 août (1).

NDLR :
(a) C'est l'année suivante le 13 février 1864 que fut voté sous l'administration du maire Fortuné Paradan, le projet d'érection sur cet emplacement, de la statue d'Antonin le Pieux. Réalisée par le sculpteur nîmois Auguste Bosc, elle sera inaugurée le 8 octobre 1874 sous l'administration du maire Adolphe Blanchard. Ce square est dénommé : Square Antonin.

(1)
Durant les cent dix-huit jours qu'elle resta ouverte, elle reçut 94255 visiteurs.

 
La municipalité organisa pour cette période des fêtes publiques exceptionnelles. On eut l'idée de faire deux fêtes de nuit à la Fontaine, sous le nom de fêtes vénitiennes. L'entrepreneur de ce spectacle, s'enga geait à disposer suivant les indications des commissaires ordonnateurs, 2000 verres de couleurs et 500 ballons orientaux ou lanternes vénitiennes. Des portiques lumineux furent dressés à chaque entrée. La Tourmagne était éclairée par des flammes de bengale et le Temple de Diane .par des lampions adroitement disposés. Enfin la soirée au cours de laquelle se faisaient entendre des musiques ou des sociétés chorales, devait se terminer par un feu d'artifice. C'était là un spectacle nouveau pour la ville et d'une très heureuse conception.
 
Un autre spectacle, non moins curieux, fut imaginé pour rehausser l'exposition. Il fut décidé qu'un carrousel aurait lieu aux Arènes. Pour un pays qui n'avait jamais reçu de garnison de cavalerie, un carrousel était chose presque inconnue. La population se porta en foule aux Arènes le 21 juin, pour jouir de cette nouveauté et demeura si agréablement impressionnée des exercices divers qui furent faits devant elle qu'on en donna une nouvelle édition le jour de la fête de l'Empereur. Le corps de-troupes qui devait figurer dans cette fête équestre était le 1er hussards en garnison à Tarascon. A l'occasion de ce spectacle, on eut l'idée d'essayer l'effet d'une restauration archéologique : on rétablit à l'aide de toile et de charpente le podium antique , servant d'appui à la première série des gradins en amphithéâtre. Cette restitution provisoire, exécutée avec une parfaite exactitude par M. Révoil, décida l'administration municipale à comprendre le podium dans les travaux de restauration entrepris aux Arènes.
 

Corrida de 1863

Mais ce„ qui fut le spectacle par excellence de, l'exposition , que les Nîmois et étrangers attendaient impatiemment, étaient les deux courses de taureaux promises par la municipalité (1) ; le programme annonçait, pour le dimanche 10 mai et le jeudi 14 mai : «
Les Toros de Muerte, » c'est-à-dire que les taureaux seraient mis à mort. Mmes, pendant cette semaine, fut envahie par une multitude d'étrangers. Les villages environnants se vidèrent pour se rendre au chef-lieu. Les cartes étaient arrachées d'avance.
 
La Cuadrilla à laquelle on avait fait appel avait pour première épée le plus célèbre matador d'Espagne, Antonio Sanchez, dit El-Tato. Parmi les picadores était Calderon et parmi les banderilleros, El-Cucu. Il n'y eut qu'un changement au programme ; les taureaux espagnols sur lesquels on comptait, ne purent arriver ; il fallut se contenter de taureaux pris dans la Camargue (2). Mais les deux courses furent admirablement réussies et encore aujourd'hui, où Nîmes a vu depuis d'autres cuadrillas et d'autres matadors, le souvenir des courses de 1863 domine et on se rappelle toujours lé sang froid, l'adresse et l'habileté d'El-Tato et de ses comparses (3).
 
(1) Six taureaux seront piqués, banderillés et mis à mort, avec le cérémonial et les règlements en vigueur dans les Arènes de Madrid. Ces courses seront, en tous points, semblables à celles qui se donnent en Espagne. Costumes, harnachements de chevaux, attelages de mules, banderilles, lances, accessoires, exécutés à Madrid, spécialement pour les courses de Nîmes. Sonneries au genre espagnol pour les diverses phases des courses.
(2) Ils provenaient de la manade de Coulomb frères et coûtèrent 6100 francs.
(3) le personnel de la cuadrille espagnole fut payé 19457 fr. 70 centimes,
 
Les dépenses de toute nature faites en vue des deux courses, y compris des travaux de charpentes sur les gradins (8,000 francs) s'élevaient à 44576 fr 32 cents. Les recettes ne s'élevaient qu'à 40,867 fr. Il n'y eut, il est vrai, à la première des courses que 16185 entrées payantes et l'Amphithéâtre ne coûtait qu'un franc. À la seconde course, les entrées payantes s'élevèrent à 8238. Le nombre des entrées payantes pour le carrousel ne s'éleva qu'à 1,508 et pour le festival des orphéons à 14709.
 
L'ensemble des recettes de toute l'exposition fut de 171354 fr. 95 c. et les dépenses de 286499 fr. 89 centimes. Le déficit : 115144-fr. 94 c. fut supporté un tiers par le département, deux tiers par la ville qui fit toutes les avances. La ville ne se récupéra qu'en 1868, par le produit de l'imposition extraordinaire de un centime additionnel, votée par le Conseil général pour payer le contingent du département.
 
La distribution solennelle des prix eut lieu le 30 avril à neuf heures du matin dans la cour du Lycée, sous la présidence du Préfet du Gard. Le soir, un splendide banquet, offert par la ville de Nîmes, et servi par Durand, réunissait dans la salle de Théâtre les principaux fonctionnaires du département et de la ville, les membres du Conseil général et du Conseil municipal, ceux des divers jurys, les exposants honorés de médailles d'or, les ouvriers qui avaient obtenu le prix dé leur catégorie, en tout 200 personnes.
 
Les populations du Gard et particulièrement celle de Nîmes et de ses environs n'avaient pas été seulement émerveillées par les spectacles multiples organisés à grands frais par la municipalité nîmoise. Ailleurs qu'à Nîmes flottaient les banderoles, se dressaient des mâts multicolores, se pressaient les invités, des .curieux accourus de tous côtés. Ce fut pour une journée seulement, mais cette journée fit un bruit énorme et est encore présente aux souvenirs d'un grand nombre de nos concitoyens. « Cette journée, disait le Préfet, sera rangée désormais au nombre des plus heureux anniversaires que peut compter le département du Gard ».

Adolphe Pieyre, 1886

NDLR : A l'occasion du Concours régional de 1863, un Cosmographe sera installé sur l'Esplanade, face à la rue Régale. Devant céder la place à une estrade remplacée elle même par un Kiosque à musique en 1890, la place d'Assas héritera provisoirement de cet appareil jusqu'en 1902, date ou un monument commémorant les combattants de la guerre de 1870-71 fut installé sur cette même place. Devenu encombrant et gênant la perspective du monument de Mercié le Cosmographe sera déplacé sur le plateau du Mont-Duplan. Son voyage ne s'arrêtera pas là, en 1960, après un séjour provisoire dans la cour d'un établissement scolaire voisin (S.E.S.), il terminera son périple dans les locaux du planétarium du Mont Duplan.
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