L’Hôtel de Régis

 

Façade Hôtel de Régis, anciennement Hôtel de Baudan. Photo Georges Mathon, 2004

 

Au numéro 14 de la rue du Chapitre, presqu'en face de la rue de la Prévôté, s'élève un coquet édifice, qu'on appelait, à la fin du XVIIe siècle et au début du XVIIIe, l'hôtel de Baudan, et qui, de nos jours, est connu sous le nom d'hôtel de Régis.

 

Ainsi que la plupart des artères du Vieux-Nimes, la rue du Chapitre a changé plusieurs fois de dénomination à travers les temps.

 

C'est ainsi qu'au XIVe siècle elle était désignée sous le nom de rue au Campnau (ou Cannau) supérieur, pour la distinguer de sa voisine, la rue Dorée, qu'on appelait la rue du Campnau (ou Cannau) inférieur. Campnau ou Cannau, signifiait : Champ neuf.

 

Vers la fin du XVIe siècle, on ajouta à cette dénomination de « rue du Campnau supérieur » la mention : ou «de l'Evêché.»

 

Ceci s'explique du fait que le Palais épiscopal, construit par Mgr. Guillaume Briçonnet, sous le règne de François 1er, à peu près sur le même emplacement que la dernière résidence des évêques de Nimes jusqu'à la Loi de Séparation, avait son entrée principale sur la rue du Campnau supérieur.

 

Cette même artère fut appelée aussi, au début du XVIIe siècle, rue Fabrerie», et, à la fin du même siècle, « rue de la Monnaie », tandis qu'on désignait alors une partie de notre Grand'Rue actuelle sous le nom de « Grande Rue du Chapitre »

 

Ce n'est que depuis la délibération du Conseil Municipal en date du 1er Avril 1824 que la rue du Campnau supérieur a reçu définitivement la dénomination de : rue du Chapitre.

 

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Le quartier du Vieux Nimes, où s'élève l'hôtel qui fait l'objet de la présente étude, portait, avant la Révolution française, le nom de Prat, c'est-à-dire : le Pré.

 

Au premier abord, cette dénomination étonne un peu; car, pour une ville de l'importance de Nimes, on se figure mal des prairies à l'intérieur de nos remparts médiévaux. Et cependant, il en était bien ainsi.

 

En effet, la Nimes antique, qui avait été si belle et si grande sous l'empereur Auguste, puis sous le règne des Antonins, s'était étiolée et rapetissée au début du Moyen Age.

 

Jadis, la ceinture de ses remparts romains avait présenté un développement de six kilomètres ; elle avait fait de notre ville la deuxième des Gaules au point de vue de la superficie.

 

Mais, du début du Ve siècle jusqu' au milieu du VIIIe, elle avait crevé sous la pression des Barbares, d'abord les Vandales puis les Goths, les Sarrasins, et enfin les Francs de Charles-Martel.

 

C'est cette dernière invasion qui fut la plus terrible pour notre ville, et qui amena la destruction à peu près complète de la Nimes romaine.

 

Une grande partie de la population avait péri alors par le fer ou par le feu.

 

Le reste abandonna les hauteurs qui s'étendent de Montaury au Mont Duplan par la Tourmagne, et que la ruine totale de la canalisation des eaux venant de la Fontaine d'Eure avait dû rendre peu habitables. Il vint se réfugier auprès de l'enceinte romaine, qui subsistait tant bien que mal entre les Arènes, transformées en château-fort, et la porte d'Auguste, en suivant nos boulevards actuels de l'Esplanade et Amiral Courbet.

 

Petit à petit, et surtout en vue de compléter leur protection des côtés du Nord et de l'Ouest, nos pères se mirent, dès le début du XIe siècle, à élever une enceinte, qui se trouva terminée au milieu du XIIe siècle, ainsi qu'on peut le constater, par la lecture d'une charte accordée le 24 février 1139 aux habitants de Nimes par leur vicomte Bernard Aton V.

 

C'est dans cette enceinte médiévale, qui ne mesurait guère que 2 kilomètres de tour, et sur laquelle ont été construits nos « grands boulevards » actuels, que s'était réfugiée la population nîmoise : et encore, au début, elle s'y trouvait au large, puisqu'on voyait des champs à travers lesquels ont été percées ultérieurement nos rues Dorée et du Chapitre, et des prés entre la Grand'Rue actuelle et notre boulevard Amiral Courbet.

 

Ces prairies devaient leur origine au débordement des eaux de la Fontaine dont la canalisation à travers la ville avait été rompue au temps des invasions des Barbares. Plus tard, .elles furent régulièrement arrosées par une partie de ces eaux qui, sous forme d'un canal tracé en grande partie à découvert, se détachaient de l'Agau à hauteur de la rue des Lombards, traversaient la place Belle-Croix, suivaient la Grand'Rue, puis à hauteur de la rue des Greffes, passaient sous le rempart et venaient se jeter dans les fossés des fortifications. Ce canal était désigné, jadis sous le nom de « grun ».

 

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L'hôtel de Régis, dont nous venons de situer l'emplacement dans le Vieux Nimes, est actuellement un des plus beaux édifices de la rue du Chapitre. Sur cette artère, il possède une charmante façade du XVIIIe siècle (voir fig. 1).

 

fig. 1 - Hôtel de Régis.

Façade sur la rue du Chapitre. Photo du Colonel Blanchard

 

Au rez de chaussée, on remarque, dans la partie centrale, une porte Louis XV, couronnée de trois arceaux superposés ; l'un d'eux, l'arceau médian, a de gracieuses retombées de même style, et, en son milieu, on voit un écusson porteur de jolies guirlandes (fig. 2).

 

fig. 2 - Hôtel de Régis.

Porte d’entrée sur la rue du Chapitre. Photo de M. de Baudan

 

Les deux fenêtres du rez de chaussée qui encadrent la porte, sont ornées chacune d'une clé en pierre sculptée.

 

Le premier étage, ou étage d'honneur, comporte cinq fenêtres, richement décorées; trois d'entre elles sont surmontées de têtes finement sculptées, au centre une tête de femme et à chacune des fenêtres extrêmes, une tête d'homme; les deux restantes ont leur clé, ornée d'un joli motif de style Louis XV.

 

Le deuxième étage, plus simple, constitue, à proprement parler, un attique. II est doté, comme l'étage d'honneur, de cinq fenêtres ; l'une d'elles est murée. Chacune de ces ouvertures est surmontée d'un motif sculpté.

 

Tout au haut de la façade, et au-dessous de la toiture, se déroule une corniche moulurée.

 

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Poussons un des deux vantaux de la porte d'entrée, dont le bois est, en partie, gracieusement sculpté, et qui est ornée d'un grand marteau de bronze ; et pénétrons dans l'hôtel de Régis.

 

Nous nous trouvons dans un large passage couvert, qui servait jadis aux caresses et aux chaises à porteurs, et qui est aménagé sous deux larges voûtes successives, appartenant au type, dit « d'arêtes ».

 

Sur ce passage s'ouvrent trois portes, dont deux sans aucun intérêt, niais la dernière, située à droite et près du débouché dans la cour d'honneur, mérite d'être particulièrement signalée. (fig. 3)

 

Fig. 3 - Hôtel de Régis.

Porte Louis XIII dans le passage voûté. Photo du Colonel Blanchard

 

Pourvoie d'un encadrement de pierre tout à fait simple, cette porte, qui est de style Louis XIII, est à un seul vantail, lequel se compose de 11 panneaux tracés en pointe de diamant.

 

Au centre, l'un de ces panneaux a la forme d'un losange, et est encadré à droite et à gauche par 4 petits panneaux carrés.

 

Sous le losange et son encadrement se trouvent deux rangées superposées, composées chacune de deux panneaux rectangulaires.

 

Au-dessus du losange et de son encadrement, on voit deux grands panneaux rectangulaires, entre lesquels est attaché un joli heurtoir de bronze, ayant la tête et le buste d'une femme et la queue d'un poisson.

 

Si l'on pousse cette porte Louis XIII, on a, en face de soi, une vieille porte Renaissance, dont l'encadrement supérieur subsiste seul, et sur sa gauche un escalier à vis, qui dessert les étages supérieurs. Nous nous trouvons ici en présence de la partie la plus ancienne de l'hôtel de Régis, le reste de la construction ayant été remanié, presque de fond en comble, au cours du XVIIIe siècle.

 

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Si, au lieu de s'arrêter devant la porte Louis XIII, on marche droit devant soi, on pénètre immédiatement dans la cour d'honneur, en franchissant la façade postérieure du bâtiment d'entrée qui ne comporte pas de rez de chaussée.

 

La voûte, par laquelle on débouche dans cette cour, se termine sur cette façade par un bel arceau mouluré, dont la clé est ornée d'un gracieux motif de style Louis XV. Au-dessus, on remarque à chacun des 1er et 2me étages une rangée de deux fenêtres à double cadre et avec des clés sculptées dans le même style.

 

A gauche, la façade d'aile est celle dans laquelle a été aménagé, au XVIIIe siècle, l'accès principal aux appartements de cet hôtel. Au rez de chaussée, on y voit une grande porte, flanquée de deux fenêtres; à chacun des 1er et 2me étages, une rangée de trois fenêtres encadrées et décorées comme celles de la façade précédente.

 

Sur la façade du bâtiment, qui forme le fond de la cour d'honneur, on aperçoit deux colonnes doriques, supportant jadis par une architrave un grand balcon. L'architrave a été conservée; mais le balcon a été couvert par une maçonnerie, dans laquelle on a pratiqué, à hauteur du 1er étage, deux fenêtres décorées dans le même style que celles des deux façades déjà décrites. Plus haut, on remarque deux gargouilles Renaissance qui sont antérieures à l'aménagement de la cour d'honneur, et qui ont dû être transportées là en vue de l'évacuation des eaux de pluie. Par suite de la modification résultant de la suppression du balcon, le 2eme étage de cette façade se présente en retrait par rapport au ler.

 

Au rez de chaussée de cette même façade, et en arrière des deux colonnes doriques, on voit une porte de remise, encadrée de chaque côté par d'antiques pierres encastrées dans le mur et sur lesquelles on relève des armoiries ou des inscriptions.

 

A gauche, une pierre tumulaire de l'époque gallo-romaine, avec inscription contenue dans un encadrement rectangulaire; et, au-dessus de celle-ci, une autre pierre sculptée, mais un peu mutilée, où figurent des armoiries : quatre coqs intercalés chacun entre les bras d'une sorte de croix de Saint André, avec la devise : prœcibus et vigiliis (par les prières et par les veilles). Ces armoiries sont celles des Baudan de Trescol, qui ont possédé cet hôtel pendant plus de 120 ans (fig. 4).

 


fig. 4 - Hôtel de Régis. Cour d’Honneur

Une pierre portant les armoiries des Baudan de Trescol. Photo de M. de Baudan

 

A droite, une pierre tumulaire, également de l'époque romaine, avec une inscription latine et un gracieux encadrement; et, plus haut, des armoiries sur une poterie : d'un côté, un soleil ; de l'autre, un taureau surmonté d'une étoile.

 

Près de là, le puits, que l'on retrouve dans tous les hôtels du Vieux Nimes, trahit sa présence par une modeste pompe.

 

Sur la façade de l'aile droite, signalons, au rez de chaussée, une pierre portant une inscription tracée en latin, et dont la traduction est la suivante :

 

« Le sieur Jacques de Merez, l'aîné, chanoine de l'église de Nimes, a, de son vivant, fait placer là son tombeau et un petit oratoire en l’honneur du Christ et de la Vierge Marie se tenant près de la Croix. An de l'ère chrétienne 1614. »

 

Au-dessus de l'inscription, sont gravées les armoiries des de Mérez, vieille famille nîmoise éteinte pendant la Révolution et dont le premier membre connu, prénommé Jean, avait pris part, dit-on, à la 7e Croisade en Egypte, sous les ordres du roi Saint-Louis.

 

Ces armoiries consistent en une tour, arrondie et crénelée, avec une herse levée et qui est accostée (flanquée), en haut à gauche, et en bas à droite, d'un croissant. Au chef (partie supérieure) une croix de Jérusalem potencée, accompagnée de 4 croisettes (ou petites croix).

 

La pierre, dont il s'agit, était précédemment posée dans la Cathédrale, où le chanoine précité avait été sûrement enterré. Elle en fut retirée, il y a une soixantaine d'années, lors des grands travaux de restauration exécutés par l'architecte Révoil, et donnée à la famille de Régis, qui possède depuis plus d'un siècle non seulement l'hôtel de la rue du Chapitre, mais aussi celui situé au n° 9 de la rue Dorée. Ce dernier immeuble, antique demeure des Rovérié de Cabrières, était passé par suite d'un mariage vers le commencement du XVIIIe siècle, entre les mains de la famille de Mérez, apparentée aussi aux de Régis.

 

A hauteur du premier étage de cette même façade de l'aile droite, on remarque un balcon supporté par deux arceaux, dont un n'est visible qu'en partie. Ce balcon, qui porte des balustres carrés de style Louis XIII, communiquait jadis avec celui de la façade du bâtiment du fond qui a été masqué, au XVIIIe siècle, par de la maçonnerie.

 

En retrait et au-dessus, on voit le reste de la façade, très simple, d'époque moderne, comportant, toutefois, au deuxième étage, une jolie fenêtre.

 

Tout le long de la cour d'honneur, et au-dessous des toits, signalons la présence d'une corniche moulurée.

 

Dans cette même cour, à la jonction des façades d'entrée et d'aile droite, s'élève une gracieuse tourelle contenant l'escalier à vis, ou colimaçon, d'ont nous avons déjà signalé l'existence.

 

De la cour on aperçoit sur cette tourelle trois tronçons superposés de rampes d'escalier (fig. 5), ornés de balustres carrés, et surmontés d'arceaux jadis à ciel ouvert, et malheureusement garnis de vitrages, au XIXe siècle, pour mettre l'escalier à l'abri des intempéries. Une raison de confort l'a emporté ici sur le point de vue artistique.

 

fig. 5 - Hôtel de Régis.

Cour d'honneur - La Tourelle. Photo du Colonel Blanchard

 

Le haut de la tourelle dépasse d'un étage le reste des façades de la Cour d'honneur, formant une petite pièce qui correspond à une similaire, située à la jonction des façades d'aile gauche et du fond de la cour. Il s'agit là vraisemblablement   d'un   dispositif pour accéder aux toitures et en surveiller l'entretien, et non pour exercer jadis un service de guet aux alentours de l'immeuble.

 

Un support de lanterne en fer forgé, d'une jolie facture, a été apposé à cette même tourelle, dans la Cour d'honneur, à hauteur du premier étage. Il se termine par un bec d'oiseau, en bronze doré, et, bien que privé de sa lanterne, il complète fort bien l'ornementation de la cour. Il n'a été placé là, du reste, qu'à la fin du XIXe siècle par les anciens propriétaires de l’hôtel de Régis.

 

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Revenant à la façade du bâtiment de l'aile gauche, on franchit la porte principale de l'immeuble donnant sur la cour d'honneur, et on voit, au rez-de-chaussée, dans une antichambre, une jolie chaise à porteurs et un ancien coffre, tendu de cuir et garni de clous dorés.

 

En montant l'escalier, on arrive au premier étage, où l'on visite les salles de réception, qui se comportent de trois pièces d'enfilade :

 

D'abord, un petit salon, dont les murs peints à l'huile sont décorés en style Louis XVI et ornés de fort jolis médaillons, représentant les Quatre Saisons. Un cinquième médaillon contenant les initiales R. C. (de Rovérié de Cabrières), rappelle le souvenir de la famille à laquelle sont dus la plupart des embellissements de cet immeuble. Au dessus de la cheminée de cette pièce un habile artisan nîmois nommé M. Pinède, qui vivait au XIXe siècle, a modelé un sujet s'harmonisant bien avec la décoration du petit salon, et comprenant un arc, un carquois avec des flèches, deux tourterelles se becquetant et de gracieuses guirlandes.

 

Puis, un grand salon, magnifique pièce- à trois fenêtres, dont les murs et les portes sont décorés dans le plus pur style Louis XV.

 

Enfin, un cabinet contenant de beaux meubles, un portrait de la reine Marie Caroline de Naples, donné aux de Régis par cette souveraine, et des portraits de familles valentinoises les de Bressac et les de Franquières, qui leur sont alliées.

 

Ces trois pièces, disposées en enfilade, donnent au midi, par une façade très simple, sur un petit jardin, ayant accès à la rue Dorée par un étroit passage aménagé entre les immeubles portant les numéros 11 et 15.

 

Dans ce jardin se trouve une ancienne écurie, dont le toit, aménagé en terrasse, permet de communiquer avec l'hôtel situé au n° 9 de la rue Dorée.

 

II

 

Comme pour tous les édifices privés du Vieux Nimes, qui ont fait l’objet de nos études précédentes, nous ignorons la date à laquelle fut construit l'hôtel de Régis.

 

Dans le Cannage de 1596 - document où sont mentionnées toutes les rues de la ville ainsi que les maisons avec les noms de leurs propriétaires - nous relevons la présence de cet immeuble dans la rue du Campnau supérieur avec la rubrique suivante :

 « M. Blisson, avocat,

Une maison et jardin, confrontant du levant M. d'Aigremont du couchant M. Antoine Melin et le sieur de Rouvéirié (de Cabrières), du vent droit, (c'est-à-dire : du vent du Nord, du côté Nord) la dite rue (du Campnau), et du Midi la rue Daurade et Raymond du Vieux. Contenance : cent cinquante quatre « canes ».

 

La maison du baron d'Aigrement, qui n'était pas très grande, a été ultérieurement démolie. Tous les autres immeubles, ci-dessus mentionnés, subsistent encore ; seuls, les noms des propriétaires ont changé,

 

Ainsi donc, à la, fin du XVIe siècle, c'est entre les mains d'une famille Blisson que se trouvait l'hôtel faisant l'objet de la présente étude.

 

Nous le verrons passer successivement, au cours des siècles, des Blisson aux de Baudan, puis aux de Rovérié de Cabrières, ensuite aux de Brueys d'Aigalliers, et enfin aux de Régis, qui le possédait encore récemment.

 

Signalons, en passant, que toutes ces familles, à part les de Régis arrivés à Nimes après la Révolution française, ont joué jadis un rôle important dans la vie politique de notre ville, à laquelle elles ont fourni de nombreux consuls.

 

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Qu'étaient-ce que les Blisson, qui sont les premiers propriétaires entre les mains desquels nous trouvons l'immeuble de la rue du Chapitre ?

 

De père en fils, c'étaient des avocats qui jouirent jadis dans notre ville d'une grande notoriété.

 

Certes, à notre époque, les membres du barreau sont, dans Nimes, l'objet d'une haute considération; mais, ils l'étaient peut-être encore davantage avant la Révolution française.

 

Dans notre antique cité, ils avaient de nombreux privilèges. De 1390 à 1588, ils possédèrent, presque exclusivement, celui de pourvoir à la charge de 1er consul; et de 1588 à 1789; ils l'ont partagé avec les membres de la noblesse qui, au XVe et au XVIe siècles, en avaient été totalement privés.

 

Les nobles, qui exerçaient la profession d'avocat, ne dérogeaient point, et nombre de roturiers y trouvèrent mainte facilité pour parvenir à la noblesse, en passant ultérieurement par les hautes charges judiciaires.

 

Les alliances entre familles d'avocats et de gentilshommes étaient fréquentes.

 

C'est ainsi que le premier propriétaire connu de l'hôtel de Régis, l'avocat Claude Blisson épousa successivement deux personnes, appartenant à l'aristocratie de notre ville : Suzanne de la Cassagne, puis Suzanne de Lageret, une fois devenu veuf de sa première femme.

 

Il fut 1er consul de Nimes en 1602, et mourut en 1616.

 

Son fils Daniel Blisson avocat comme son père, fut à son tour 1er consul en 1622.

 

Un troisième membre de cette même  famille, également avocat, Antoine Blisson fut, lui aussi, 1er consul en 1706.

 

Si l'on consulte nos archives municipales, on y trouve la mention d'une somme de 60 livres, payée en cette même année 1706 au sieur Blisson fils (sans doute, du 1er consul), avocat au présidial, pour « les harangues « qu'il avait faites aux grands seigneurs qui ont passé dans cette ville et dont le passade a été très fréquent à cause, des affaires  du temps. »

 

Les harangues, dont il s'agit, étaient les compliments de bienvenue, qu'on avait coutume d'adresser solennellement aux grands personnages qui traversaient Nimes. Et, en 1706, après l'insurrection des Camisards, et au cours de la guerre de la Succession d'Espagne, les occasions à harangues durent être nombreuses. Nous relevons notamment, dans l'histoire de Nimes par Ménard, les réceptions qui furent faites, à cette époque, au duc de Berwick puis au duc de Roquelaure, qui se succédèrent l'un l'autre dans les hautes fonctions de Lieutenant général du Roi en Languedoc et aussi à la duchesse de Roquelaure.

 

De 1714 à 1732, François Antoine Blisson remplit au Présidial de Nimes la charge d'avocat du Roi, qui cumulait les fonctions de membre du parquet et aussi celles de juge pour les affaires civiles de peu d'importance.

 

Jusqu'à la Révolution française, nous retrouvons fréquemment le nom des Blisson dans les registres servant à l'état civil. Depuis lors, il n'est plus fait mention de cette famille, qui a dû s'éteindre ou disparaître de Nimes.

 

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Après les Blisson, ce furent les de Baudan qui devinrent les possesseurs de l'hôtel de la rue du Chapitre, et qui lui donnèrent longtemps leur nom.

 

Le premier propriétaire que nous avons mentionné, Claude Blisson, avait laissé plusieurs enfants. Sa succession fut longue à liquider.

 

Dix neuf ans, après sa mort, en 1635, ses héritiers vendirent pour ta somme de 9.500 livres, son hôtel et une autre petite maison, située en face dans la rue du Campnau supérieur, à Jean Baudan, conseiller au Présidial de Nimes. Ce fut le notaire, M. Mathieu Liboud, qui établit l'acte de vente.

 

Les de Baudan ont rempli autrefois un rôle de premier plan dans les affaires politiques de notre cité et dans celles d'Alès et de Montpellier.

 

Dans les diocèses, dont ces trois villes étaient les chefs-lieux, ils ont possédé de nombreuses seigneuries. A Nimes, ils ont été les propriétaires de plusieurs immeubles, et dans sa banlieue immédiate, de diverses terres ; l'une d'elles, le Mas de Baudan, appartenant actuellement aux Vivier de Chatelard, et située près du chemin de Nimes à Caissargues, porte encore leur nom.

 

Le premier membre de cette famille, dont le nom nous est connu, était Maurice Baudan qui vivait dans notre ville dès la fin du XVe siècle, et qui y mourut en 1532.

 

Son fils aîné fut Jean Baudan, qui remplit à deux reprises, en 1557 et en 1567, la charge de second consul.

 

Ce fut à l'époque de son deuxième consulat qu'eurent lieu les tristes journées de la Michelade.

 

Tandis que périssait le premier consul Gui Rochette, les trois autres consuls Jean Baudan, François Aubert et Christol Légier eurent la vie sauve, sans doute grâce à l'intervention du frère du second consul, M. Pierre Baudan, qui avait adhéré à la Réforme et qui était membre du Consistoire.

 

Un des petits-fils de Jean Baudan prénommé Antoine et né à Nîmes en 1584, fut un des ingénieurs les plus remarquables du XVIIe siècle.

 

Cet Antoine Baudan, qui avait succédé à son père Guichard dans les fonctions de « maître des œuvres et bâtiments du Roi », c'est-à-dire d'architecte et d'ingénieur des Ponts et Chaussées, et qui mourut en 1667, conçut le premier l'idée du « Canal du Languedoc », dont la réalisation fut effectuée plus tard par l'illustre enfant de Béziers, Paul Piquet.

 

De concert avec un de ses collègues Antoine Richot, ingénieur du Roi, il dressa en 1635, un projet qu'il intitula :

« Avis présenté à Monseigneur l'éminentissime Cardinal duc de Richelieu, pair, grand maître, chef et surintendant de la navigation et commerce de France pour la conjonction de la Mer océane avec la Méditerranée. »

 

Ce projet, qui était fort bien établi, différait de celui de Paul Riquet, qui a été réalisé de 1667 à 1681 grâce à l'appui énergique du ministre Colbert, sur les deux points suivants :

 

1° Prévoyant la même ville au départ et ce devait être Toulouse, l'ingénieur nîmois voulait faire aboutir son canal à La Nouvelle en passant par Narbonne, au lieu que le canal de Paul Riquet débouche dans la Méditerranée à Sète après avoir passé devant Béziers.

 

2° II comptait utiliser, sur le versant océanien, les eaux de l'Ariège et ne paraît pas avoir envisagé la création de l'immense bassin, de St Ferréol, qui fut exécuté sur les plans du grand ingénieur biterrois.

 

Le frère précité du second consul de 1567, Pierre Baudan, eut deux fils :

 

1° L'aîné, Maurice, chef de la branche des Baudan, seigneur de St-Denis (ou Vendargues, près Bouillargues), mourut en 1602, après avoir été conseiller au Présidial de Nimes. Un des fils de celui-ci, Jean, décédé en 1658 et un de ses petits-fils, François, mort en 1663, furent, tour à tour conseillers au même Présidial. Le Conseiller, Jean Baudan fut celui qui acheta aux hoirs de Claude Blisson, l'hôtel de la rue du Chapitre; il eut lui-même pour fils, Maurice de Baudan, qui fut 1er consul de Nimes en 1652 et aussi le chef de la branche des Baudan de Trescol.

 

2° Le cadet, Jacques, chef de la branche des Baudan, seigneur de Vestric, fut 1er consul de notre ville en 1586. Il a été le grand-père du pasteur Henri de Baudan, qui eut, en 1650, avec l'évêque de Nimes un différend, resté célèbre dans nos annales locales.

 

Mgr Hector d'Ouvrier avait fait loger à l'évêché un jeune orphelin, issu d'une famille protestante, Pierre Coutelle qu'il faisait élever dans la religion catholique,

 

Un jour, une troupe de calvinistes en armes, ayant à sa tête le pasteur de Baudan, fit irruption dans le palais épiscopal, après en avoir forcé les portes, et enleva le jeune Coutelle, qui disparut ainsi et ne fut plus jamais retrouvé.

 

D'après les traditions existant dans la famille de Baudan, cet orphelin aurait été l'objet d'une « conversion forcée» au catholicisme, et s'il a été enlevé de force par Henri de Baudan, c'est que ce dernier était son propre oncle, Pierre Coutelle serait retourné au protestantisme aurait changé de nom pour ne pas être reconnu et se serait fait pasteur.

 

En tout cas, l'incident fit un très grand bruit. L'évêque de Nimes eut beau porter plainte en justice. L'affaire n'eut aucune suite, le pasteur de Baudan ayant obtenu du roi Louis XIV l'autorisation de continuer son ministère dans notre ville, avec la promesse qu'il ne serait point molesté pour cette affaire.

 

A deux reprises, sous le règne de Louis XIV, les de Baudan avaient vu leur noblesse confirmée par les Commissaires royaux. Leurs richesses, les hautes charges qu'ils remplissaient dans notre région, leurs alliances avec les grandes familles de notre cité, les de Brueys, les de Montcalm, les de Gênas, les Villar de Vallongue etc. rendaient leur situation enviable.

 

Mais, le malheur vint à fondre sur eux.

 

En 1685, la Révocation de l'Edit de Nantes porta un coup terrible à cette famille dont plusieurs branches étaient très attachées à la religion protestante. Plutôt que d'abjurer, bien des Baudan firent le sacrifice de tout ce qu'ils possédaient et se réfugièrent en Brandebourg ou en Hollande, d'où ils ne revinrent plus en France.

 

Il ne resta dans notre pays que les Baudan de Cabannes (seigneurie près de Poulx) et les Baudan de Trèscol (seigneurie près de Portes). Ces deux branches s'éteignirent la première en 1750, et la seconde en 1856.

 

Les petits fils du dernier Baudan de Trescol ont été autorisés, en 1923, par le Président de la République à ajouter à leur nom de Dugas celui des de Baudan. Et l'un d'eux, M. François de Baudan est venu il y a deux ans, se fixer dans cette ville de Nimes, où ses ancêtres jouèrent jadis un rôle si important.

 

Au cours du XVIIIe siècle, en 1759, Maurice de Baudan, seigneur de Trescol, mousquetaire du Roi, avait vendu l'hôtel de la rue du Chapitre, qui était la propriété de sa famille depuis 1635. L'acquéreur fut M. Pierre David Planchut, conseiller au Présidial de Nimes, acceptant pour « ses amis élus » le contrat qui avait été dressé par M. Fontanier, notaire dans notre ville. Le prix de vente avait été fixé à 15.000 livres; et on peut constater. à cette occasion, que les noms de tous les confronts, mentionnés au Cannage de 1596, avaient déjà changé.

 

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Voici les de Cabrières devenus à leur tour les propriétaires de l’hôtel de Baudan ; car, c'était pour leur compte que le conseiller Planchut en avait fait l'acquisition.

 

Au XVIIIe siècle, la famille de Cabrières était une des plus notables de notre ville.

 

A l'origine, son nom était Rovérié, qu'on peut voir aussi, à certaines époques, orthographié: Rouveirié ou Rouveyrié.

 

Le plus ancien membre de cette famille, à partir duquel on puisse retrouver la filiation, fut Pierre Rovérié, notaire à Nimes au XVe siècle. II eut pour fils Bausile, qui fut le 4e consul de notre ville en 1456 et pour petit-fils Gabriel, avocat « licencié dans l'un et l'autre droit », qui acquit en 1511 des héritiers de Léonard d'Aramon la seigneurie de Cabrières avec pleine juridiction de haute, moyenne et basse justice.

 

Un des fils de Gabriel, Antoine Rovérié, qui était juge des « conventions royaux » - sorte de Tribunal de Commerce - périt tragiquement pendant les guerres de religion. En 1569, lors de la prise de Nimes par les troupes de Nicolas Calvière, dit le capitaine St Côme, il se heurta à la tête de 25 catholiques, Contre 200 protestants sur le Plan de la Trésorerie (actuellement : place de l'Hôtel-de-Ville). Au cours du combat acharné qui se livra en ce point, il tomba percé, dit-on, de 35 blessures et succomba le lendemain.

 

Un autre fils de Gabriel, Jean Rovérié, docteur es droits et avocat comme son père, fut 1er consul de Nimes dans cette même année 1569.

 

Deux des petits-fils d'Antoine Rovérié furent, à leur tour, premiers consuls dans notre cité,, l'un François en 1633 et en 1653, l'autre Jean en 1644.

 

Ce dernier, qui était le beau-frère de notre illustre compatriote, le maréchal de Toiras, fut le grand père d'un homme qui joua un rôle important dans notre ville.

 

Ce petit-fils, Claude de Rovérié, seigneur de Cabrières, fut deux fois 1er consul de notre ville en 1663 et en 1679. Au cours de son premier Consulat, il fit, avec l'aide de l’évêque Mgr Cohon, reconstruire et agrandir l'hôpital Ruffi, qui avait beaucoup souffert à la suite des guerres de religion. Au cours de son deuxième, il attacha son nom à la création de l’Hôpital général. En outre, il fut un des fondateurs de l'Académie de Nimes en 1682.

 

Un des petits-fils de Claude, Jean Louis de Rovérié fut 1er consul de Nimes en 1763 ; un autre, François de Rovérié de Cabrières, officier d'infanterie, qui passa toute sa carrière active au régiment d'Auvergne - celui auquel appartint aussi le célèbre chevalier d'Assas - fut par l'intermédiaire de son ami, le Conseiller Plauchut, l'acquéreur de l'hôtel de Baudan en 1759.

 

Retraité avec rang de major, il fut nommé, dans le Nord de la France, Lieutenant du Roi dans la place d'Avesnes-sur-Helpe.

 

Pendant que son mari était retenu souvent loin de Nimes par les exigences du service militaire, sa femme, née de Royer de Châteauneuf et originaire du Comtat, faisait transformer et embellir l'ancien hôtel des Baudan.

 

Déjà, en 1746, la façade de cet immeuble sur la rue du Campnau supérieur (ou de l'Evêché) avait dû être reculée par ordre des Consuls de Nimes, pour être mise à l'alignement.

 

La nouvelle propriétaire, si tôt en possession de son hôtel, se mit à l'œuvre. Ce fut elle qui, renonçant à l'usage journalier de l'escalier à vis, situé dans la tourelle, fit pratiquer un escalier moderne dans le bâtiment d'aile gauche. Ce fut elle encore qui fit masquer par une maçonnerie le balcon existant au 1er étage du bâtiment occupant le fonds de la cour d'honneur. Ce fut elle, enfin qui fit décorer dans un goût exquis les salles de réception de son hôtel.

 

Son mari fut le premier des Cabrières à porter le titre de marquis, sans qu'il soit possible de retrouver la date où le brevet a dû lui en être accorde par le roi. Ayant quitté en 1790 ses fonctions sédentaires à Avesnes pour prendre sa retraite définitive, il se retira dans notre région, où il mourut en 1806. Il devait être l'arrière grand père du Cardinal.

 

Son fils, Isidore de Rovérié, marquis de Cabrières, avait épousé en 1785 Sophie Reinaud de Génas, qui eut pour nièce la marquise de Balincourt, dont les descendants possèdent le bel hôtel de ce nom dans la rue des Lombards.

 

Son petits-fils, Eugène de Rovérié, marquis de Cabrières, qui était né dans l'Hôtel de Baudan, fut d'abord officier de cavalerie, puis il donna sa démission et fut premier adjoint au maire de Nimes d'octobre 1824 jusqu'en août 1830. En 1825, à la mort du marquis de Vallongue, il refusa d'être nommé maire, parce qu'il ne jugeait pas ses revenus suffisants pour faire face aux frais de réception que lui aurait imposée cette importante fonction, II mourut en 1874, laissant quatre fils.

 

Le plus jeune des quatre, Anatole de Cabrières (voir fig. 6) naquit le 30 Août 1830, à Beaucaire où sa mère s'était réfugiée par crainte des troubles qui avaient surgi à Nimes lors de la chute de Charles X.

 

fig. 6

Portrait du Cardinal de Cabrières

 

Elève au Collège de l'Assomption, que venait de fonder le Père d'AIzon, et dont il devait être nommé lui-même directeur en 1856, l'abbé de Cabrières passa ensuite par le Séminaire de St-Sulpice à Paris. Il fut plus tard ordonné prêtre, à Nimes, par Mgr Cart. Vicaire général honoraire et chanoine titulaire de la Cathédrale en 1864, il fut nommé évêque de Montpellier par décret du 16 décembre 1874.

 

Consacré à Nimes, par Mgr Plantier, il quitta notre ville, à laquelle il était attaché non seulement par ses traditions de famille, mais aussi par le long séjour qu'il y avait fait, pour aller prendre possession du siège épiscopal de Montpellier, dont il devait être le titulaire pendant 47 ans.

 

Décoré du Sacré Pallium, en 1890, par le pape Léon XIII, plus tard 1er assistant au trône pontifical et comte romain, il fut créé cardinal par le pape Pie X en 1911. Il mourut à Montpellier le 21 décembre 1921, à l'âge de 91 ans, et fut enseveli dans la cathédrale de cette ville, où lui a été érigé un superbe monument funéraire, dû au ciseau du grand sculpteur Magron.

 

II a laissé le souvenir d'un écrivain et d'un orateur des plus distingués.

 

Le 2 Août 1914, il s'était rendu chez le Préfet de l'Hérault pour lui offrir tout soin concours pendant la guerre. Aussi, en 1921, lors de la célébration du 7° centenaire de la fondation de l'Ecole de médecine de Montpellier, le Président de la République, M. Millerand, avait-il célébré en lui l'infatigable ouvrier de l'Union sacrée, dont il restait dans le département de l'Hérault « comme le vivant symbole ».

 

Grand officier de l'Ordre de Léopold de Belgique, il avait été fait chevalier de la Légion d'honneur le 14 juillet 1921, quelques mois avant sa mort

 

Des trois frères du Cardinal, un seul, l'aîné le marquis Artus de Cabrières, décédé en 1903, avait eu un fils, le comte Antoine, ancien officier de cavalerie ; mais celui-ci mourut avant son père.

 

Le nom de Cabrières n'est plus porté que par la veuve de ce dernier et par l'une de ses filles, l'autre fille ayant épousé M. Frédéric Sabatier d'Espeyran.

 

Le château de Cabrières est resté en la possession des derniers membres de cette famille, qui résident tantôt à Montpellier et tantôt à Paris.

 

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Il n'en est pas de même de l'Hôtel de la rue du Chapitre, qui a passé entre les mains des deux autres familles au cours du XIXe siècle.

 

En effet, dès 1809, par acte notarié en date du 25 Avril, Isidore de Cabrières le grand-père du Cardinal, avait vendu, pour la somme de 28.000 frs, le bel hôtel de Baudan à M. de Brueys, baron d'Aigalliers.

 

Ce qui l'avait décidé à se défaire de cet immeuble, c'est qu'il avait acheté trois ans plus tôt, en 1806, en vue de s'y installer, l'hôtel des Teissier de Marguerittes, qui porte actuellement le n° 13 de la rue de la Maison Carrée.

 

En 1664, Jacob de Rossel, appartenant à une famille connue en Languedoc depuis le XIIIe siècle, avait vu sa terre d'Aigalliers - située dans la région d'Uzès - érigée en baronnie par le roi Louis XIV.

 

Son fils Jean-Jacob de Rossel baron d'Aigalliers, qui était protestant, joua un rôle important dans notre région à l'occasion de la guerre des Camisards, dont il aurait désiré la fin par la voie d'une réconciliation générale.

 

Ce fut lui qui mena entre le maréchal de Villars, commandant les troupes, royales en Languedoc, et le chef des insurgés, Jean Cavalier, des négociations importantes ; celles-ci aboutirent à la rencontre de ces deux personnages à Nimes dans le jardin des Pères Récollets, et d'Aigalliers y assista.

 

Le couvent de ces moines était situé sur l'emplacement actuel de notre Théâtre municipal, hors des remparts de la cité : et leur jardin, qui était clos de hautes murailles, s'étendait jusqu'au quai actuel de la Fontaine et serait bordé de nos jours par la rue Gaston Boissier, à l'Ouest, et par le boulevard Alphonse Daudet, à l'Est.

 

La rencontre de Villars et de Jean Cavalier a fait l'objet d'un tableau de notre compatriote, M. Jules Salles, qui a été donné par la Ville de Nimes au Musée du Désert.

 

Le plan de pacification de d'Aigalliers ne réussit pas comme le désirait son auteur, qui avait pris là une initiative généreuse ; et plus tard, en 1726, cet infortuné gentilhomme périt au cours d'une tentative d'évasion du château de Loches, où il avait été emprisonné pendant assez longtemps.

 

Sa sœur Olympe de Rossel, qui avait épousé en 1707 le capitaine Pons de Brueys, seigneur de Flaux, et qui avait hérité plus tard de la baronnie d'Aigalliers, la transmit à son mari. Elle fut l'aïeule de l'amiral de Brueys d'Aigalliers, le glorieux vaincu de la bataille d'Aboukir (1798), et aussi du cousin de ce dernier, M. de Brueys d'Aigalliers, le nouvel acquéreur de l’hôtel de Baudan en 1809.

 

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L'hôtel de la rue du Chapitre ne resta pas longtemps entre les mains de son nouveau propriétaire ni de la femme de celui-ci.

 

En septembre 1815, la baronne d'Aigalliers, née Surville, qui était devenue veuve, décédait à son tour, en léguant cet immeuble à sa nièce Angracie de Cabrières, qui épousa M. Edouard de Régis.

 

Voilà donc l'ex-hôtel de Baudan passant dans les mains de la famille de Régis, qui le possèdera jusqu’au début des années 2000.

 

Celle-ci fait remonter son origine à Odot d'Esplas de Régis (1460-1520), qui vécut à Nozeray en Franche Comté et qui fut secrétaire de l'archiduchesse Marguerite d'Autriche, tante de l'empereur Charles Quint.

 

Après Odot de Régis, sa famille se partagea en trois branches : l'aînée resta en Franche-Comté et s'éteignit en 1822 ; la plus jeune, qui prit fin au XVIIIe siècle, a fourni à l'église catholique l'illustre St-François Régis (1597-1640), surnommé « l'Apôtre du Vivarais », qui mourut à La Louvesc, près d'Annonay, et qui fut canonisé en 1737 par le pape Clément XII.

 

La branche cadette est la seule qui subsiste de nos jours. Un de ses membres, Benoît de Régis, arrière petit-fils d'Odot, vint se fixer, sur les bords du Rhône, à Roquemaure, en épousant Mlle de Féraudy. Pendant cinq générations, du début du XVIIe siècle jusqu'en 1790, ses descendants occupèrent dans cette ville les fonctions de viguier - analogues à celles d'un juge de paix, et qui étaient, du reste, fort appréciées sous l'Ancien Régime.

 

Le dernier de ces viguiers, Charles Joachim de Régis de Gâtimel émigra, lors de la Révolution française, d'abord en Suisse, puis dans le royaume de Naples.

 

Son fils Edouard de Régis (1786-1871), qui avait été quelque temps officier dans l'armée napolitaine, vint se fixer à Nimes et épousa Mlle Angracie de Cabrières, nièce, filleule et héritière de la baronne d'Aigalliers.

 

Son petit-fils, Charles de Régis, qui précéda son père dans la tombe, avait épousé Mlle de Cabot de la Fare.

 

De ce mariage sont issus Mlle Henriette de Régis qui vit dans son château de St-Pierre de Mézoargues (Bouches-du-Rhône) et deux fils, le comte Georges mort en 1911 et le vicomte Louis, décédé en 1919.

 

Le comte Georges de Régis a laissé plusieurs enfants, dont le comte Henri, propriétaire de l'hôtel de la rue du Chapitre (en 1936) et qui vivait à l’époque à Paris, Mlle Marthe qui possédait l'antique hôtel des Cabrières à la rue Dorée et Roselyne de Régis, femme du comte Xavier de Balincourt lequel a hérité, en 1934, la propriété de l'hôtel de la rue des Lombards, qui portait déjà son nom.

 

Le Vieux Nîmes - mai 1936 - Lt. Colonel BLANCHARD.

 

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