HISTOIRE D’UN BATIMENT MUNICIPAL

 Par M. Pierre Guérin.

 Membre de l’Académie de Nîmes, 1917.

VI

Le Lycée de Jeunes filles de Nîmes

 

Lycée de jeunes Filles - Carte Postale collection Gérard Taillefer

 

L'évolution politique. - La laïcisation de l'enseignement. - La création des cours secondaires. - La situation légale des religieuses. - Etrange cohabitation de religieuses et de dames universitaires laïques. - Un exemple de sagesse qui fait honneur au sexe féminin. - Caractère d'un empiètement progressif qui excluait tout esprit d'hostilité ou de rivalité. Succès des cours secondaires. - La reprise lente et continue de l'immeuble. - Le Collège. - Une séance sensationnelle au Conseil municipal. - Une joûte oratoire intéressante sur le projet de laïcisation du Bureau de bienfaisance. - Transfert des religieuses et du Bureau de bienfaisance dans les annexes de la rue Dorée. - La laïcisation du Bureau. - Un président du Bureau de bienfaisance universitaire. - Annexion d'un internat agréé et agrandissements du Collège.  Transformation du Collège en Lycée. - L'internat municipal. - Les empiètements successifs sur le Bureau de bienfaisance. - Prévisions optimistes.

 

A partir de 1882 commença une période d'épreuves pour la communauté des religieuses de Saint Vincent de Paul. L'esprit public s'était profondément modifié, le système du sectionnement aidant, la municipalité depuis les élections de mai 1880 avait pris un caractère nettement républicain et quelque peu anticlérical. Dès cette époque, comme le dira plus tard un conseiller républicain dans la séance du 10 février 1899, il soufflait déjà un vent de laïcisation qui menaçai les congrégations enseignantes et par ricochet, les institutions confessionnelles de tous ordres.

 

Pour des raisons faciles à comprendre, la municipalité en 1881 n'avait pas encore abordé la question de la laïcisation du Bureau de bienfaisance qui eut impliqué le départ des religieuses et risqué de provoquer une réelle agitation dans la ville; mais fermement résolue à soutenir et à encourager l'enseignement laïque, elle n'hésita pas à déclarer locaux communaux ceux de l'école de jeunes filles de Saint Vincent de Paul et à y installer à la place une école publique et laïque.

 

Elle considéra également comme un droit d'user d'une partie de l'ancienne préfecture pour y établir à côté des religieuses des cours secondaires publics à l'usage des jeunes filles.

 

Depuis deux ans ces cours avaient été inaugurés par un groupe de professeurs du Lycée, avec le concours bienveillant de l'Académie et de la Municipalité. L'heure paraissait venue de leur donner un caractère officiel. Par une délibération du 19 août 1882, le Conseil municipal vota un certain nombre de bourses en faveur de jeunes filles inscrites à ces cours secondaires qui étaient placés, désormais, sous le contrôle de l'Inspection académique. Il adopta même un peu plus tard une subvention de 1000 francs pour une directrice et il fut décidé que ces cours auraient lieu dans une partie de la maison de la Miséricorde. Toutefois dans aucune délibération du Conseil il n'est fait mention de cette dernière décision.

 

Les religieuses entraient donc dans une ère nouvelle. Elles subissaient une « diminutio capitis » au point de vue des services et au point de vue du local. Pour les deux cas elles ne songèrent pas à récriminer. D'après le traité qui liait la communauté au Bureau de bienfaisance, le nombre des religieuses devait être limité à douze pour s'occuper exclusivement du service du Bureau. Comme il n'était question ni d'école, ni de crèche, ni d'orphelinat dans ce traité, les religieuses n'étaient guère fondées à protester contre la violation de leurs droits stricts ou à invoquer l'importance de leur communauté qui comptait près de trente Filles de la Charité.

 

Certes, lors des délibérations municipales où se discutaient soit la reconstruction de la Miséricorde sur place, rue Guizot, soit l'installation de l'œuvre dans l'ancienne préfecture, ni maire ni conseillers municipaux n'avaient ignoré la diversité des services et l'importance de la communauté. En séance publique, l'institution, à cause même de ses annexes, avait été reconnue la plus populaire et la plus importante de la ville.

 

On comprend qu'avec de telles approbations la communauté eut jugé négligeable l'autorisation ministérielle.

 

Depuis, l'acceptation par la ville de la maison Brueys, la transformation de celle-ci en école, n'avait pu que confirmer cette opinion.

 

Il y avait là des antécédents favorables à la communauté dont la bonne foi était hors de doute.

 

Une discussion juridique eut pu assimiler ces antécédents à une autorisation officielle et fonder sur ce solide appui moral une résistance opiniâtre.

 

La communauté tenait sans doute à conserver sa crèche et son orphelinat,, à sauver les oeuvres qui restaient; sa mission de charité lui interdisait d'être une cause même involontaire de conflit et de scandale, elle s'inclina sans mot dire et céda une partie de son local aux cours secondaires.

 

On parle parfois de l'esprit de dispute propre au sexe féminin, de son goût pour les querelles mesquines et tatillonnes. Si jamais cet esprit et ce goût avaient eu des raisons de se manifester, c'est bien dans cette circonstance.

 

D'un côté, une communauté en partie dépossédée de certains locaux où elle régnait auparavant en maîtresse, choquée d'une cohabitation qui l'exposait à des indiscrétions contraires à sa discipline et à ses habitudes, misé en éveil contre des intruses que des préjugés fort admissibles rendaient suspectes.

 

D'un autre, des jeunes filles d'un monde tout différent, peu préparées à ce voisinage singulier; des femmes universitaires animées d'un beau zèle, qui se sentaient à l'étroit dans leurs classes, et qui dans leurs réclamations les plus légitimes, sans en avoir la moindre intention, avaient pair de répéter aux religieuses le mot de Tartuffe : La maison est à nous, c'est à vous d'en sortir.

 

Je ne parle pas des professeurs hommes dont l'apparition intermittente complétait l'étrange utilisation de ces lieux.

 

Y a-t-il beaucoup de scénario au théâtre qui prête mieux aux imbroglios les plus désopilants et si par aventure des histoires divertissantes ou regrettables se fussent produites, qui fallait-il rendre responsable?

 

Les religieuses, les dames des cours secondaires ou les initiateurs qui, dans un esprit peut-être agressif, avaient choisi ce local pour une tentative dont le succès offrait pourtant le plus haut intérêt ?

 

Rassurons-nous, pourtant. S'il y eut cohabitation, il n'y eut ni querelle, ni animosité, ni indiscrétion entre ces dames. A l'honneur des religieuses comme à l'honneur des dames universitaires il ne s'éleva jamais de part et d'autre le moindre différend et si l'on ne peut dire qu'il régna entre elles une intimité cordiale, une effusion de tendresse qui n'étaient pas de mise, du moins peut-on affirmer qu'une grande réserve, faite de délicatesse et de respect mutuel, fit éviter tout froissement, tout malentendu, toute attitude ou toit geste intempestifs. Il est permis d'imaginer que les auteurs de la résolution qui mettait des personnels féminins si différents face à face eussent peut-être moins réussi, quoique du sexe fort, dans cette impeccable observation des bienséances civiles.

 

Mais revenons à notre ancien hôtel Rivet. On a, comme l'impression que son avenir semble compromis par cette dualité d’œuvres qui l'utilisent. L'absence d'unité dans sa destination n'allait-elle pas nuire à l'harmonie de son architecture, amener de la confusion dans la disposition de ses différentes parties, le condamner à une dislocation et à une régression fâcheuse ? N'était-il pas à craindre que les divisions et les compétitions en dispersant les, attributions ne le réduisissent, lui et ses annexes, aux tristes fonctions de vulgaires bâtiments communaux propres à tout et sans caractère ?

 

La Miséricorde, les écoles communales de la rue Dorée et les cours secondaires ne menaçaient-ils pas de faire de lui comme les Bacchantes des membres épars du poète ?

 

Lacerant membra disjecta poetœ ?

 

Seulement les Bacchantes, ici, nous l'avons vu, étaient des esprits élevés, des âmes chrétiennes et pieuses consacrant tout leur temps soit à l'enseignement, soit à la charité, et si elles étaient prêtes à se partager, je n'ose dire à se disputer, tant le mot me paraît impropre, les parties du local, c'est bien plus en raison de besoins impérieux créés par les services que par suite d'animosités rivales.

 

Ce qu'il faut bien se mettre dans l'esprit, en effet, à l'occasion de ce double emploi de notre immeuble, c'est que les cours secondaires en cas de succès étaient inéluctablement contraints de s'agrandir, d'empiéter d'année en année, tandis que l'Œuvre de la Miséricorde, par le détachement de services tels que l'orphelinat ou la crèche, non compris dans le traité et tolérés avec peine, était condamnée à se réduire jusqu'au jour fatal de la laïcisation qui devait entraîner sa suppression.

 

Il importe de faire ici des distinctions nécessaires. Dans le feu des luttes politiques et religieuses, on a trop souvent fait peser sur les cours secondaires, le Collège et le Lycée de jeunes filles le discrédit résultant du départ des religieuses de leur maison.

 

Les cours secondaires étaient une institution d'enseignement laïque du plus grand avenir, conforme aux principes nouveaux de la société moderne en matière d'éducation féminine ; ils n'étaient pas une oeuvre politique ou de combat contre qui que ce soit. Ils n'avaient mission ni d'expulser ni de chasser personne. Leur unique ambition était de réussir et de prospérer. Le malheur ou mieux une loi impérieuse voulut qu'en prospérant ils eussent besoin de s'agrandir et qu'en s'agrandissant ce fut au détriment des religieuses, à moins d'obtenir immédiatement un autre immeuble mieux approprié à des agrandissements futurs inévitables.

 

Dans une séance du 8 juin 1898, où fut discutée la transformation des cours secondaires en collège, M. de Bernis après une sortie très vive contre la politique municipale à qui il reprochait de manquer de franchise et de dignité en n'osant pas laïciser le Bureau de bienfaisance, ajoutait : « On préfère employer d'autres moyens pour arriver à chasser les sœurs de leurs locaux. » M. de Bernis en parlant ainsi donnait en plein dans la confusion signalée plus haut.

 

Les cours secondaires ne pouvaient cependant se faire une obligation d'échouer ou de péricliter pour échapper à une accusation dé ce genre et si, par leurs progrès rapides, ils se faisaient les complices d'une politique hostile aux sœurs de la Miséricorde, convenons que leur, complicité était bien involontaire, inconsciente et même des plus excusables. La véritable responsabilité de ce retrait progressif des religieuses jusqu'au départ final remontait aux auteurs de l'installation des cours secondaires dans la maison et non au personnel de ces cours.

 

Il suffit d'une rapide indication de la situation en novembre 1882 et d'un rappel sommaire des éphémérides des cours pour se convaincre que l'ère des épreuves fut aussi pénible pour l’œuvre universitaire commençante que pour l’œuvre de la Miséricorde menacée.

 

En novembre 1882, à leur inauguration dans la maison de la Miséricorde, les cours secondaires eurent à leur disposition :

1° Au rez-de-chaussée, le parloir et l'économat actuels, situés à gauche et donnant sur la Grand'Rue ;

2° Au premier étage, les salles, avec accès par le grand escalier. Tout le reste était domaine interdit.

 

Au rez-de-chaussée, la cuisine des sœurs (cabinet actuel de la directrice) faisait face à la classe de musique ou de dessin, selon les heures.

 

Au premier étage, les deux ailes dépendaient de la communauté.

 

La cour donnait passage à là clientèle de la crèche ou aux pauvres du Bureau munis d'un bon de charbon et les élèves n'y paraissaient qu'un quart d'heure d'interclasse, matin et soir.

 

C'était tout : au fond, de la gêne, de la promiscuité ; le cadeau n'avait rien de très enviable.

 

Au milieu de difficultés d'organisation assez naturelles et d'autres de tous genres que notre confrère, M. Gal, a rappelées avec un bonheur d'expressions charmant clans sa commémoration du vingt-cinquième anniversaire du Lycée, les cours secondaires se développaient, comptaient un personnel de plus en plus important, une clientèle scolaire qui passait de 26 élèves en 1882 à 115 en 1887, lors de l'arrivée de Mlle Graverol, la directrice actuelle.

 

Mais l'institution n'eut pas seulement ses critiques et ses détracteurs ; elle eut aussi des ennemis résolus. Elle eut beau se tenir en dehors des conflits politiques. Elle reçut les éclaboussures des rivalités locales.

 

Le parti venu au pouvoir en mai 1888 essaya de prendre sa revanche en battant en brèche une des créations du parti battu, encore tout puissant, et d'octobre 1885 aux premiers mois de 1891, malgré des succès croissants, une affluence d'élèves plus grande chaque année, de trimestre en trimestre le glaive de la suppression des cours fut suspendu à un fil de plus en plus ténu et fragile.

 

Le retour aux affaires en 1891 du parti favorable à l’œuvre universitaire mit fin au péril d'une issue fatale et imminente.

 

Notre dévoué trésorier, M. Emile Reinaud, alors adjoint au maire, a sans doute gardé plus d'un souvenir personnel et intéressant de cette époque.

 

Tout cet historique des cours secondaires a été trop bien exposé par M. Gal pour que nous y revenions, Il ne touche à notre étude que dans la mesure où, malgré les misères communes à tout établissement humain, les cours secondaires prospérèrent assez pour réclamer un élargissement -de local devenu indispensable.

 

Déjà, une pétition adressée en mai 1894 au Conseil municipal demandait la transformation des cours en collège et un aménagement nouveau conforme aux besoins de l'enseignement.

 

Le 6 juin 1898, la question fut portée devant le Conseil par M. Maroger, rapporteur d'un projet de transformation des cours secondaires en collège.

 

D'après ce rapport, la Commission des Ecoles avait pensé que le collège devait être installé dans L'immeuble de l'ancienne préfecture, déjà affectée aux cours secondaires très à l'étroit.

 

La Commission des travaux publics, après examen de l'aménagement étudié par la Commission des écoles, proposait la transformation et le vote d'une somme de 18000 fr. pour aménager le bâtiment de l'ancienne préfecture.

 

Remarquons en passant que pas une fois le rapport ne mentionna le mot de Miséricorde ou celui de Bureau de bienfaisance.

 

La séance fut orageuse. La question confessionnelle qui n'est pas près de finir à Nîmes, fut nettement posée par M. de Bernis qui, maladroitement ou très habilement files deux opinions peuvent se soutenir, mit en avant la laïcisation du Bureau de bienfaisance.

 

Au milieu de ces débats, les conclusions du rapport n'en furent pas moins adoptées.

 

Elles assuraient au futur collège de jeunes filles l'occupation de tout l'ancien hôtel Rivet, moins les acquisitions de Mme Rivet aux frères Chaballier, les remises, les bureaux et les archives de l'ancienne préfecture.

 

La cour devenue collégiale était déblayée des terrasses qui l'encombraient.

 

Seulement, puisque le service du Bureau de bienfaisance était maintenu aux religieuses, il fallait se préoccuper de loger ailleurs les sœurs et le Bureau.

 

Le Conseil municipal, le 3 août 1893,, se prononça pour l'aménagement du Bureau de bienfaisance dans les locaux communaux de la rue Dorée devenus vacants par le transfert des écoles, si bien que la communauté de Saint-Vincent-de-Paul retrouva pour asile l'immeuble dont une partie lui avait appartenu et occupa toutes les annexes de l'ancienne préfecture, avec sortie exclusive sur la rue Dorée.

 

Le 7 décembre 1898, le projet de traité entre l'Etat et la Ville fut adopté et les travaux d'aménagement du Bureau de bienfaisance furent commencés d'urgence.

 

Désormais les deux oeuvres se partageaient en deux parties à peu près égales l'hôtel rivet agrandi de toutes ses annexes. Mais s'il est vrai que le collège de jeunes filles avait la plus belle, la partie monumentale, il n'est pas sûr qu'il eut la plus spacieuse, ni la plus propice à des agrandissements ultérieurs. Aussi la force des choses allait faire des bâtiments du Bureau de bienfaisance la future proie du collège. La meilleure preuve que la laïcisation du Bureau de bienfaisance, oeuvre politique, et l'extension des locaux collégiaux; oeuvre universitaire, sont deux choses distinctes et non liées par des rapports de cause à effet, c’est dû, depuis la laïcisation, le collège a occupé d'abord des locaux gracieusement offerts par le Bureau lui-même, puis s'est étendu de proche en proche, jusqu'à ne plus laisser au Bureau qu'un espace dérisoire.

 

L'histoire de notre bâtiment de 1901 à 1917 se résume dans cet empiètement incessant.

 

Le collège, comme ces plantes à drageons multiples et envahissants, a poussé sans relâche ses racines prenantes et ses rejets avides du côté de ces annexes, jusqu'au jour inévitable d'une occupation totale ou d'une transplantation nécessaire.

 

La laïcisation du Bureau de bienfaisance, amorcée dans la séance du 6 juin 1898, fut discutée dans un débat mémorable à la séance du 10, février 1899, à la suite d'un projet de laïcisation présenté par M. Pieyre. La lecture du procès-verbal des délibérations du Conseil est faite pour enorgueillir un membre de l'Académie de Nîmes. Les deux thèses pour et contre la laïcisation furent soutenues avec éclat par cinq conseillers dont trois faisaient déjà du devaient faire partie de notre Compagnie, MM. Maruejol, Robert et Roux.

 

La correction de ces débats fut rehaussée par la sincérité des convictions et par la profondeur des observations. M. Robert y fit preuve d'un don bien rare, celui de seconde vue prophétique, quand il laissa entendre qu'en matière de bienfaisance les préjugés politiques sont encore plus à craindre que les préoccupations confessionnelles. Le Conseil se partagea en nombre égal pour les deux thèses et comme la Commission administrative du Bureau de bienfaisance qui seule avait voix délibérative sur la question était opposée aux conclusions du projet, la proposition n'aboutit pas. Mais désormais la marche pour laïciser le Bureau de bienfaisance paraissait des plus simples. Au lieu de recourir à une seconde joute oratoire en séance publique, il suffirait de procéder à la composition d'une commission administrative du Bureau favorable à la laïcisation.

 

Les élections de mai 1900 permirent le renouvellement d'une partie du Bureau et la majorité de celui-ci se prononça alors pour la laïcisation d'une façon décisive.

 

M. Paut, président de la Commission administrative, dans une lettre du 18 février, lue en séance du 22 février 1901, put annoncer que la Commission avait complètement laïcisé ses services à partir du ter janvier 1901.

 

La laïcisation n'intéresse notre étude que parce qu'elle signifie évacuation par les religieuses des locaux annexes à notre bâtiment.

 

En effet, le départ des religieuses de la rue Dorée laissait complètement vacants :

1° L'ancien immeuble Chaballier (vestiaire des, professeurs au premier étage et cours ménager au deuxième) ;

2° Le bâtiment de raccord entre l'aile gauche et les bureaux de l'ancienne préfecture (ancienne terrasse Rivet salle de musique, salle de dessin, appartement de répétitrice) ;

3° Les anciens bureaux de la préfecture ;

4° Le bâtiment perpendiculaire à la rue Dorée qui rattache l'immeuble du Bureau de bienfaisance à l'internat actuel (ancienne terrasse Chaballier, anciennes archives, cuisine de l'internat et ses dépendances) ;

5° Une partie de l'immeuble de la rue Dorée.

 

En un mot, tout l'emplacement occupé par la communauté, l'orphelinat et le service de la, crèche.

 

Le collège dont la population scolaire avait encore augmenté depuis sa transformation, dont certaines classes avaient été dédoublées, pouvait, sans trop de prétention, espérer s'approprier quelques-uns de ces locaux.

 

M. Paut, le véritable organisateur du Bureau de bienfaisance, laïcisé, était en même temps universitaire et professeur au collège de jeunes filles.

 

A ce titre, ni la compétence ni la bienveillance ne pouvaient lui faire défaut pour bien connaître les besoins du collège des jeunes filles et pour les servir de son mieux

 

Or, depuis quelque temps, le collège, tout en se développant, souffrait de l'absence d'un organe que nos mœurs rendent nécessaire à tout établissement d'enseignement secondaire, un pensionnat ou un internat. Sans doute, des sortes d'internats auxiliaires établis dans la ville amenaient au collège quelques-unes de leurs jeunes filles, mais outre que ces pensionnats pratiquaient à côté un enseignement libre réservé à la majorité de leur clientèle, il 'y avait là une diversité d'organisation sans lien avec la maison enseignante qui déconcertait un peu les familles.

 

L'évacuation des locaux énumérés plus haut donna l'idée d'y loger ce pensionnat, tout en réservant largement de la place à l'extension probable du collège.

 

M. Paut à qui une délibération spéciale avait accordé l'administration, de l'immeuble et l'autorisation de faire recette du prix de location au`bénéfice du Bureau de bienfaisance, dans une lettre du 13 mai 1903, lue en séance, faisait part au Conseil des difficultés qu'il trouvait à tirer un parti avantageux de la maison. Sa construction bizarre, sa situation particulière en bordure de la cour du collège compliquaient considérablement la question et limitaient le nombre des solutions.

 

Des pourparlers engagés avec Mme. Bourguet, directrice du pensionnat d'internes agréé, une connaissance éclairée et bien informée des nouveaux besoins du collège en classes et logements de répétitrices, la vue très nette et très juste que le collège ne pouvait se développer matériellement que du côté du Bureau de bienfaisance le déterminèrent à proposer au Conseil municipal un projet de répartition qui divisait les locaux disponibles en trois sections

 

La première, comprenant six salles pour classes supplémentaires, deux chambres de répétitrices, deux vestiaires ou petites classes, serait affectée aux services du collège (il s'agissait de tout le bâtiment qui suit l'aile gauche et de la partie gauche des anciens bureaux donnant sur la cour) ;

 

La deuxième, comprenant la partie droite des anciens bureaux, le bâtiment perpendiculaire à la rue Dorée, et l'étage supérieur des immeubles de la rue Dorée était désigné pour servir à l'installation d'un pensionnat qui jouirait.de la cour du collège et aurait son entrée sur la rue du Chapitre: Un bail à 1800 francs engagerait la directrice pour six ans.

 

Enfin, la troisième comprenant de sept à huit pièces, resterait vacante pour le moment.

 

Le Conseil était invité à voter une sommé de 21500 fr. pour procéder aux réparations nécessaires.

 

Le Conseil adopta ces différentes propositions et dès ce moment le collège avec l'internat agréé s'étendit sur toute l'ancienne Miséricorde, moins les locaux vacants de la troisième section et ceux occupés par le Bureau de bienfaisance, c'est-à-dire moins le rez-de-chaussée, le premier et le deuxième étages des immeubles de la rue Dorée.

 

Le président du Bureau de bienfaisance ne se faisait aucune illusion sur la destination prochaine des locaux vacants. Mais son âme d'universitaire lui faisait à l'avance éprouver des joies compensatrices dans la prévision d'agrandissements continus qui en réduisant les dépendances du Bureau proclamaient la prospérité du collège.

 

Celui-ci, en raison de ses succès toujours croissants, de sa population scolaire qui s'élevait maintenant à 330 élèves, fut transformé en Lycée le 1° janvier 1907.

 

En octobre 1909, la municipalité à l'expiration du bail de Mme Bourguet décida de prendre à son compte l'administration de l'internat dont, la gestion fut confiée à l'économe du Lycée, sous le contrôle et la responsabilité de la directrice.

 

L'internat devenait ainsi partie intégrante du Lycée.

 

Ce rattachement plus étroit à l'établissement, l'heureuse influence de maîtresses habiles et dévouées, des circonstances favorables ont multiplié les rentrées d'internes et entraîné l'occupation d'une partie du deuxième étage pour un nouveau dortoir en 1912, puis de l'autre partie de cet étage enlevée aux mutualistes en 1916, pour l'appartement de la directrice de l'internat, Mme Gignoux, puis enfin l'aménagement de la pharmacie du Bureau au premier étage en nouveau dortoir au cours de 1917.

 

Il ne reste plus au Bureau dé bienfaisance que la parie ouest du premier étage (ancienne maison Brueys) et tout le rez-de-chaussée (anciennes maisons Pouzols, Brueys), avec les remises et écuries de l'ancien hôtel Rivet.

 

La prochaine extension du Lycée, si elle se produit jamais, aura pour effet non de chasser, mais de faire déplacer le Bureau de bienfaisance réduit aux limites les plus exiguës.

 

Ainsi s'est accomplie l'évolution prévue par M. Paut.

 

Le Lycée tend à se développer sur tout l'emplacement occupé jadis par les religieuses de Saint-Vincent-de-Paul.

 

Mais il n'est pas nécessaire de s'ériger en prophète pour prévoir l'époque peut-être prochaine ou tout cet emplacement lui-même sera encore insuffisant.

 

Que ne peut-on dès aujourd'hui s'inspirer de l'exemple de la sœur Pitra et trouver des donateurs généreux qui assureraient à notre Lycée la disposition des immeubles qui le prolongent sur la Grand'Rue jusqu'à la rue Dorée et de ceux qui de, l'angle de la rue Dorée rejoignent le Bureau de bienfaisance !

 

Mais voici que par une inclination propre aux faibles humains nous rêvons, nous aussi, d'une pérennité chimérique en faveur de notre­ établissement universitaire de' jeunes filles, comme si le rôle des municipalités n'était pas de décréter des affectations successives pour les divers immeubles communaux ou même des éversions et des démolitions qui mettent fin à leurs destinées.

 

Peut-être que, au moment où nous mettons la dernière main à l'étude de ce monument du passé, s'élabore dans le cerveau d'un inconnu quelque projet original, d'où sortira rajeuni, métamorphosé, méconnaissable plus encore le vieil immeuble des Montclus.

 

Si le statuaire de la Fontaine pouvait s'écrier dans un bel élan de foi artistique en parlant de son bloc de marbre

 

Sera-t-il dieu, table ou cuvette ?

II sera dieu ! même je veux

Qu'il ait en ses mains un tonnerre !

 

l'architecte, de nos jours, a de plus justes raisons encore de glorifier son art, lui qu'assistent dans ses conceptions grandioses l'emploi des matériaux les plus variés, des moyens prodigieux d'extraction, de transport ou de mise en oeuvre et par dessus tout le recours à des emprunts démesurés.

 

18 mai 1917.

 

-oOo-

 

> Contact Webmaster