Dimanche 3 Juin 2001

 

E n   r é g i o n

L'arrivée du TGV Méditerranée, une manne pour l'économie régionale ?
(Midi Libre)

La traversée du Rhône ne réussit pas toujours au TGV Méditerranée. Tandis qu'à Marseille et à Aix-en-Provence, les décideurs économiques multiplient les projets de développement et les campagnes de promotion pour attirer des entreprises, à Nîmes - où le train à grande vitesse entrera aussi dans la gare -, on réfléchit encore à ses éventuelles répercussions. Le doute l'emporte sur l'enthousiasme. « Il est trop tôt pour dire si le TGV Méditerranée aura un impact économique. Et ce, d'autant qu'en terme d'implantation industrielle, les chefs d'entreprise sont aujourd'hui plus sensibles à la présence sur place d'installations à hauts débits », estime ainsi Franck Proust, l'adjoint aux affaires économiques de la ville de Nîmes. La messe est dite, sans regret sûrement, car, à ses yeux, la SNCF négligerait Nîmes dans ses campagnes de publicité : « Le TGV constitue un atout à condition que la SNCF arrête de communiquer sur la ligne Paris-Montpellier. »

Résultat : quand Provence Développement, une structure créée par la chambre de commerce et d'industrie de Marseille et le conseil général des Bouches-du-Rhône, arrose les entreprises parisiennes de cartes de voeux, tout en courant les salons, la nouvelle municipalité nîmoise remet en cause le "Triangle de la gare", un projet imaginé par l'ancienne équipe municipale pour tirer partie des retombées du TGV. Emmenée par le communiste Alain Clary, un camarade du ministre des Transports Jean-Claude Gayssot, l'ancienne municipalité voulait rénover l'espace urbain de chaque côté de la gare, en prévoyant notamment d'installer dans ce vaste périmètre plus de 15 000 m² de surfaces commerciales. La création d'un palais des congrès était également envisagée. Ce projet est désormais enterré. Le RPR Jean-Paul Fournier, nouveau maire de Nîmes, n'avait jamais caché son hostilité à son égard. Il a toujours défendu, d'ailleurs, l'installation de la gare TGV à Manduel, dans la périphérie de Nîmes, où passe la ligne. Le projet de "Triangle de la gare" sera donc remplacé par un autre, moins coûteux (160 contre 300 millions de francs), destiné à réaménager l'espace entre la gare et les arènes, afin de doter Nîmes d'un véritable coeur de ville. Exit, du coup, le grand ensemble commercial projeté par l'ancienne équipe et, sans doute aussi, le projet de palais des congrès. « Où sera la gare TGV d'ici cinq ans ? Peut-être pas dans le centre de Nîmes », explique Franck Proust. Alors, les retombées économiques lui paraissent hypothétiques.

De son côté, Denis Volpilière, le président de la CCI de Nîmes, se pose aussi des questions : « Il y aura bien des courants d'affaires et de loisirs avec Paris. Mais personne n'arrive à extrapoler. » Quoi qu'il en soit, la compagnie consulaire et la ville envisagent, toutes deux, de mettre en place des produits touristiques, destinés aux Parisiens, aux Lyonnais et aux Marseillais. En complément, plusieurs zones d'activités doivent être étendues, faute de surfaces suffisantes pour accueillir de nouvelles entreprises. C'est le cas du parc scientifique Georges-Besse, voué au multimédia et aux biotechnologies, où trois projets, en cours de négociations, pourraient achever de le remplir, s'ils se concrétisent. Autre extension en vue, elle aussi indépendante de l'arrivée du nouveau TGV : celle de la zone industrielle de Grézan, qui pourrait être étirée vers Manduel. De plus, la municipalité nîmoise réfléchit à la construction d'une nouvelle « structure polyvalente », capable d'accueillir 1 000 à 2 000 personnes, pour compléter l'offre existante : les arènes (4 000 places) et le théâtre de Nîmes (800 places). Mais rien ne dit que ce futur équipement sera créé près de la gare actuelle. « Où devra-t-on le mettre ? Il est urgent d'attendre », commente Franck Proust.

A Marseille, en revanche, changement d'ambiance : « On prépare l'arrivée du TGV depuis un an », explique Pierre Distinguin, le chargé du développement international à Provence Développement, une structure dotée d'un budget de 20 millions de francs. « Depuis le début de l'année, 600 emplois ont été créés entre Aix et Marseille, dont 150 sont directement liés à l'arrivée du TGV Méditerranée. » Exemple : Creata, une entreprise spécialisée dans l'intelligence artificielle, s'est installée près de la gare TGV d'Aix. D'autres emplois sont attendus, dont ceux de Cognitis, une société parisienne de services informatiques qui créera, dit-elle, 50 emplois à Marseille. Elle n'est pas la seule : « Protécrea, une filiale de TF1, et le concepteur de logiciels Ubisoft envisagent également d'implanter une antenne à Marseille », ajoute Pierre Distinguin. Pour séduire ces sociétés, Provence Développement communique sur le thème "Marseille, proche banlieue de Paris". Le TGV Méditerranée mettra en effet la cité phocéenne à 3 heures de train de la capitale. Pour elle, c'est un atout majeur qu'il faut savoir valoriser, même si Nîmes ne sera, pour sa part, qu'à 2 h 50 de Paris, donc quelques minutes de moins. Mais ça, c'est une autre affaire.
Pierre BRUYNOOGHE
(Midi Libre, 03.06.2001)