ENLUMINURE DE FERDINAND PERTUS
XI
 
LE DAUPHIN VAINC LES BOURGUIGNONS.
 
« VERSION 1 - Dom Vaissette – Histoire Générale du Languedoc, 1730. »
 
1420 - Le Dauphin (futur Charles VII) vient dans le Bas Languedoc. Il forme le siège de Nismes et s'en rend maître ainsi que du château. Il fait exécuter les plus rebelles et punit la ville par divers châtiments
 
Après la tenue des états, le dauphin continua sa route vers le Bas Languedoc. Il fit son entrée à Montpellier le 29 du même mois de mars. De là, il envoya sommer les habitants de Nîmes de se rendre à lui ; mais ils le refusèrent, soit que la plupart fussent encore étroitement attachés au parti des Bourguignons, soit que les gens de guerre de ce parti, dont la ville était remplie, les en détournassent.
 
De sorte que les jours suivants, ce prince se mit à la tête de ses troupes et vint en personne former le siége de cette place. Les habitants firent d'abord une vigoureuse résistance, mais elle ne fut pas longue. Faute de secours, ils furent obligés de se rendre à discrétion. Durcit l'attaque, il y en eut plusieurs de tués ou faits prisonniers. Le dauphin était maître de la ville dès le 4 d'avril de l'an 1420. Les habitants lui firent serment de demeurer désormais sous son autorité.
 
Après quoi il donna des lettres ce jour-là, datées de Nîmes même, par lesquelles il déclara qu'ils seraient compris dans l'abolition générale qu'il avait accordé en arrivant dans la province en faveur de ceux qui se soumettraient volontairement à lui, tout comme si dès son arrivée ils étaient venus se ranger sous son obéissance, et qu'ils lui eussent ouvert les portes de leur ville. Ceci prouve qu'un de nos historiens s'est trompé en rapportant au 4 d'avril l'arrivée du dauphin devant Nîmes, et au 6 le retour de cette place à l'obéissance du dauphin. Le château royal de Nîmes, où le prince d'Orange avait mis une forte garnison Bourguignonne, fit une plus longue résistance que la ville. Mais le dauphin pressa tellement les assiégés, qu’après dix ou douze jours d'attaque, il se rendit maître du château. Tous ceux dont la garnison était formée, furent tués ou faits prisonniers.
 
Aussitôt après que ce prince eut remis sous l'obéissance du roi la ville et château de Nîmes, il fit exécuter les plus rebelles, destitua les consuls, priva du consulat les habitants, et leur cita la capitainerie de la ville. De plus, afin de châtier le reste des habitants, et punir la communauté de son obstinée rébellion, il fit abattre une partie des murs de Nîmes, et fit arracher en une autre partie, en signe de châtiment, a peu près vers le milieu de la hauteur des murs, du côté des fossés, deux rangées des moellons d'assise, assemblés à la règle et de niveau, qui en forment le parement, et dans la longueur de huit ou dix pieds.
 
Ces dégradations furent faites en deux endroits différents, où elles paraissent encore, sur le pan de mur ou courtine qui règne depuis la porte de la couronne jusqu'à celle des Carmes.
 
Telles furent les marques durables que le dauphin voulut laisser à la postérité, de la vengeance qu'il avait exercée sur une ville qui lui avait si longtemps et si opiniâtrement résisté. Je sais qu'on les attribue dans le pays à Charles Martel, mais c'est sans fondement.
 
Quelques particuliers de Nîmes, fidèles au dauphin, obtiennent des lettres de ce prince, pour se faire rendre les biens que ceux du parti contraire leur avaient enlevés.
 
Quelques particuliers de Nîmes néanmoins s'étaient maintenus dans la fidélité qu'ils devaient au dauphin. De ce nombre furent Jean de Trois-Eimines, Jean Potet, Jean de Remoulins et Pierre de la Tour. Aussi avaient-ils essuyé toute la fureur des partisans du prince d'Orange, ils étaient sortis de la ville dès le commencement des troubles, et avaient passé en d'autres villes éloignées d'où ils n'étaient revenus qu'après l'entrée du dauphin dans Nîmes.
 
Leurs biens avaient cependant été ravagés et leurs maisons pillées par les Bourguignons. Pour les indemniser de ces pertes, le dauphin, qui s'était avancé vers le Rhône aussitôt après la prise de Nîmes, leur accorda des lettres, datées d'Avignon le 16 d'avril de l’année 1420, qu'il adressa au sénéchal de Beaucaire et au juge mage de la sénéchaussée, par lesquelles il ordonna à ces deux officiers de leur faire restituer tout ce qui leur avait été enlevé, et de condamner à leur payer les dommages qu'ils avaient soufferts en cette occasion, tous ceux d'entre les adhérents et les fauteurs du parti du prince d'Orange, qui s'en trouveraient les auteurs.
 
Le dauphin rend le consulat aux habitants de Nîmes. Il forme le siège du Pont-Saint-Esprit et s'en rend maître.
 
Les habitants de Nîmes humiliés par tous les châtiments dont le dauphin avait puni leur rébellion, et ressentant un vrai et sincère déplaisir de tout ce qu'ils avaient fait contre lui, implorèrent sa clémence, et s'attachèrent surtout à recouvrer le consulat, dont il les avait privés.
 
Le dauphin satisfait de leur soumission, donna des lettres, datées de Saint André d'Avignon le 22 du même mois d'avril, par lesquelles il déclara qu'il leur restituait le consulat, et ordonna que les consuls qui étaient en charge, lorsqu'il les en avait privés, seraient remis en leur dignité et gouverneraient les affaires communes de la ville, de la même manière qu'ils le laissaient auparavant, à la charge de faire serment entre les mains des officiers royaux d'être fidèles et obéissants au roi, sous son autorité. Le dauphin prend dans ces lettres le titre de régent du royaume.
 
Ce prince alla au commencement de mai suivant former le siège du Pont-Saint-Esprit, qui avait également persévéré dans son attachement au parti Bourguignon. II s'en rendit bientôt maître, et fit passer au fil de l'épée où retint prisonniers tous les gens d'armes Bourguignons qui étaient dans la place. II y finit en garnison le sénéchal Guillaume de Meuillon, avec vingt-quatre écuyers, un connétable arbalétrier et trente-cinq arbalétriers de sa compagnie.
 
Le pays fut alors presque entièrement réduit et soumis à l'obéissance du roi. Il n'y eut que les villes d Aigues-Mortes et de Sommières, et le château de la Mothe sur le Rhône, qui résistèrent plus longtemps, et dont les garnisons incommodèrent beaucoup les environs par les courses fréquentes qu'elles ne cessèrent d'y faire.
 
Dom Vaissette
 
« VERSION 2 - Histoire des révolutions des villes de Nismes et d’Uzès, par Adolphe de Pontécoulant, 1820. »
Le roi Philippe de Valois fit voir, dans la ville de Nismes, un spectacle des plus auguste ; il y tint un parlement. Peu après le duc d’Anjou, satisfait des deux consuls qu’on avait envoyé à l’assemblée des communes qu’il avait tenue à Toulouse, les demanda pour celle qu’il avait convoquée à Montpellier.
 
Mais on n’eut aucun égard à la prière de ce gouverneur du Languedoc ; on en députa deux autres qui même eurent ordre de s’opposer à ses demandes et d’engager dans ce refus les députés des autres villes ; l’un d’eux fut mis en prison. On donna de nouveaux ordres pour qu’on envoyât les députés qu’on demandait ; point de réponse que le consul de Nismes ne soit élargi. Le duc se rend à Nismes, fait arrêter les consuls, les déclare atteints et convaincus du crime de lèse-majesté ; prive la ville de consulat, confisque l’hôtel de ville et les biens communs ; sollicité par l’évêque, il rétablit la ville dans ses droits.
 
Les six consuls réduits à quatre, quelques-uns d’entre eux déclarés, avec le greffier, incapables d’exercer à l’avenir aucune charge, et condamnés à des amendes pécuniaires, furent les restes du ressentiment de ce prince.
 
Peu touchés du sort que s’étaient attiré les coupables, les habitants de Nismes ne furent alarmés que pour leurs privilèges ; ils en appelèrent au roi et à son parlement, et le parlement reçu leur appel ; ce fut sans doute, par des procédés différents, que Gaston Phébus, comte de Foix et gouverneur du Languedoc, s’attira l’amour des peuples de cette province. Jean, duc de Berry, que Charles VI lui avait substitué, eut toutes les peines du monde à se faire reconnaître ; les habitants de Nismes, alarmés d’ailleurs de l’avidité de ses officiers, furent ceux qui résistèrent le plus. Informés que ce gouverneur rassemblait des troupes pour les soumettre, ils firent de leur côté des préparatifs semblables ; le commandement de leur petite armée fut déféré à Pierre Pouchut, l’un d’entre eux. Ce général, apprenant que les troupes du duc étaient en marche, va au-devant. Les deux armées se rencontrent à Uchau ; la bataille se livre ; Pierre Pouchut est tué, et ses troupes prennent la fuite.
 
Pour contenir ce peuple entreprenant, on fit construire un château dans un lieu appelé le Chanal des Carmes. La ville, assiégé en 1418 par le duc de Bourgogne, se rendit ; le château tint un peu plus longtemps, mais le comte de Genève s’en empara.
 
En 1420, le Dauphin attaqua et la ville et château, après s’en être rendu maître ; il fit abattre une partie des remparts, priva les habitants du consulat, supprima leur capitainerie ; mais, étant devenu roi, il les rétablit bientôt dans tout leurs droit. Charles VIII confirma tous les privilèges dont Nismes avait été gratifié jusqu’alors, et François Ier qui lui succéda consentit à ce qu’elle se servît désormais, pour armes, du revers de la médaille de sa colonie, dont elle venait de faire la découverte.
 
« VERSION 3 - Histoire et description de Nîmes  par D. Nisard, 1842. »
 
(1420). Le duc de Berry mourut le 15 juin 1416, après trente-cinq ans d’une administration ou plutôt d’une exploitation violente du Languedoc. Le roi reprit le gouvernement de cette province. Le duc de Berry avait été le chef des Armagnacs, et Nîmes s’était trouvé engagée dans la fortune de ce parti. Lui mort, et en haine de sa mémoire, Nîmes se rangea sous l’autorité de la reine Isabeau de Bavière, unie en ce moment au duc de Bourgogne contre le Dauphin. Le parti de la reine, c’était le parti de l’étranger. Ce serait donc une tache pour Nîmes d’avoir été de ce parti, si on lui tenait compte de ces trente-cinq années pendant lesquelles le nom du duc de Berry et des Armagnac avait été en exécration dans ses murs. D’ailleurs, le parti bourguignon promettait l’abolition des subsides. Or, avec ce seul mot, on ébranlait la fidélité des villes ; et quoique Nîmes eût appris à ses dépens ce que durent ces abolitions et ce qu’en vaut la promesse, le peuple cria : « Vivent la reine et Bourgogne ! Plus de subsides ! » Les gens de guerre du parti s’emparèrent du château royal et le fortifièrent. La ville suivit le mouvement, sans trop de chaleur, entraînée par la peur des gens d’armes ses amis bien plus que par la haine du dauphin son ennemi, et assistant à la guerre plutôt qu’y prenant part ; elle avait à peine encore le souffle de vie. En outre le dauphin, y comptait beaucoup d’amis ; les partisans de la reine et du duc de Bourgogne y étaient tièdes et défiants ; le peuple, après les premiers cris de joie, était retombé. La ville se fût rendue au dauphin, sans combattre, si le château royal ne l’eût jetée malgré elle dans une apparence de résistance qui ne tint pas contre le vigoureux coup de main du dauphin.
 
Ce fut le 4 avril 1420 que le dauphin, depuis Charles VII, en fit l’attaque et s’en empara. Les habitants se rendirent à discrétion. Toutefois, le château royal tenait encore. Le dauphin, pour n’avoir pas l’embarras dans la ville, pendant qu’il ferait le siège du château, imagina de donner des lettres d’abolition en faveur des habitants, sauf à les déchirer plus tard, dès qu’il serait maître de la ville et du château. Dans la lettre qui suit, il appréciait très bien la situation de Nîmes :
 
« Si les habitants de Nîmes, ont refusé d’en faire l’ouverture à aucuns de nos gens que nous y avions envoyés, et à notre personne ont délayé de faire la dite ouverture, ce n’a pas esté par la faulte de bonne voulonté qu’ils aient envers nous, ne pour nous vouloir désobéir aucunement ; mais pour ce que bonnement ils osoient ne povoient venir ne envoyer par devers nous, pour la double et crainte d’aucuns ettrangiers gens de guerre, qui estoient en laditte ville et ou (au) chastel d’icelle, qui les menassoient de destruire de corps, chevances (biens), et bouter (lancer) feux en laditte ;… pourquoy nous, ces choses considérées, et que les habitants de laditte ville sont fort dolents et repentents des faultes qu’ils ont faictes le temps passé, voulant préférer miséricorde à rigueur de justice, pour reverence de Dieu, et aussi pour contemplation du saint temps de la glorieuse passion de nostre Seigfneur Jhesus-Christ et de la saincte sepmaine où nous sommes de présent… faisons et donnons grâce, remission et abolition généraulx de tous quelsconques cas, crimes et delits que avant ou depuis nos dittes présentes lettres d’abolition, ils et chascun d’eulx ont et puent (peuvent) avoir commis et perpetrez généralement et particulièrement… Et affin que ce soit chose ferme et estable à tous jours mais, nous avons fait mettre notre scel (sceau) ordonné en l’absence du grand (grand sceau) à ces présentes, sauf entre autres choses le droit de mondit seigneur, et nostre, et l’aultruy en toutes. »
 
Ces lettres produisirent l’effet qu’en attendait le dauphin. La ville ne bougea pas, et le château, réduit à ses seules forces, après dix jours de vigoureuse défense, fut pris et tous les gens d’armes tués ou faits prisonniers.
 
Le dauphin, à peine délivré de la citadelle, revint sur ses lettres de grâce et d’abolition. Il viola sans scrupule la promesse qu’il avait faite pour contemplation du sainct temp. de la passion et frappa la ville dans ce qu’elle avait de plus cher, à savoir dans ses consuls en exercice, dans l’institution même du consulat dans le droit de nommer son capitaine. Tout cela fut aboli. Plusieurs têtes tombèrent, ce furent celles des habitants les plus compromis par le parti du duc de Bourgogne.
 
Enfin, pour laisser un souvenir tout à la fois plus durable et plus blessant de sa vengeance, le dauphin fit abattre une partie des murs de Nîmes et arracher tout le parement d’un des remparts du côté de la campagne. Ces dégradations se voyaient encore au dix-huitième siècle, au temps de l’historien Ménard, et passaient, sans raison, pour être l’ouvrage de Charles Martel.
 
Nîmes, privée de son consulat, prodigua, pour le recouvrer, les démonstrations publiques de repentir et d’attachement pour le dauphin. L’éclat en fut tel, que le dauphin se radoucit, et le 22 du même mois d’avril, par des lettres datées de St André les Avignon, restitua aux habitants leurs consuls et leur consulat et tous leurs droits et privilèges :
 
« Comme n’agaires, après ce que nous eusmes mis en obéissance de monseigneur et nous la ville et chastel de Nysmes, eussions pour certaines causes et considérations lors à ce nous mouvants mis le consolat de ladicte ville en nostre main, et deffendu à ceulx qui lors pour consouls d’icelle ville se potoient, qu en quelque maniere ne se entremeissent ne se portassent pour consouls (consuls),… neantmoins, pour ce que depuis nous avons esté informés que les habitants d’icelle ville de Nysmes ont eu et ont très-grant desplaisance des choses advenues à l’encontre de nous, et qu’ils ont obeissant à monseigneur et à nous,…ce que dit et considéré, et pour certaines autres causes et considérations à ce nous mouvans, aux manants et habitants de lacdite ville de Nysmes avons restitué et restituons par ces présentes le consolat. »
 
Ces autres causes et considérations, c’est que le dauphin avait besoin d’amis. C’était, de sa part, affaire de bonne politique bien plus que de sensibilité. Du reste, la restitution n’était pas complète. Le dauphin rétablissait les consuls destitués et leur rendait le droit « d’ordonner des besognes et affaires communes de la ville », mais pour autant de temps que cela lui plairait, il voulait en outre que les consuls fissent « bon et loyal serment » entre les mains des officiers du roi, « d’être bons et loyaux obéissant » au roi et au dauphin, restriction qui portait atteinte à l’indépendance du consulat.
 
Ce n’est pas tout, sous prétexte de repousser les attaques des routiers qui infestaient encore le plat pays, Charles VII avait laissé dans le château royal de Nîmes une garnison formée de Gascons et d’étrangers et commandée par Jean Lavedan, chevalier. C’était dans la réalité un moyen de tenir la ville en respect. Les habitants de Nîmes s’en plaignirent avec vivacité.
 
Adolphe Pontécoulant
 
« VERSION 4 - 2000 ans d’histoire – Ville de Nîmes, 1980. »
 
(1420). Aidé par les Nîmois, le Dauphin vainc les Bourguignons. Jeanne d’Arc n’était encore venue mais le futur petit roy de Bourges, se battait et Nîmes supportait mal la garnison bourguignonne du Château Royal. Dès qu’apparurent les troupes du Dauphin, la ville rallia sa cause et participa au siège du château. Curieusement, cette puissante forteresse féodale englobait en ses murs l’ancienne porte gallo-romaine dite Porte d’Auguste. Assaillis par de puissantes machines de siège, les Bourguignons finirent par se rendre. Plus tard, ce château fut complètement détruit, ne laissant subsister que la Porte d’Auguste qui fut conservée jusqu'à nos jours. La l’actuelle Place du Château se situe à l’ancienne place du Château Royal. 
 
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