COMMENTAIRE
De
l’adresse des Directoires du Département du Gard, et du District
de Nismes, à l’Assemblée Nationale, du 3 septembre 1790.
(A)
Les directoires du département du Gard, et du district de Nismes…
Il
est important de faire observer, d’abord, que les directoires du
département du Gard, et du district de Nismes, sont composés de
membres du Club
des prétendus amis
de la constitution
de cette ville. Cette société est formée de 417 citoyens, dont 63
catholiques, 1 juif et 355 protestants. (*)
(*)
NDLR : 63+1+355=419 et non pas 417.
On
remarque dans ce nombre 12 faillis et quatre décrétés de prise de
corps. N’est-il pas évident que ce club n’est autre chose qu’une
faction protestante ? On en sera convaincu lorsqu’on saura que
le juif et presque tous les catholiques n’y sont jamais ; que
cependant on ne laisse pas, lorsque le club fait imprimer, de faire
aussi, malgré leur absence, imprimer leurs signatures ; que
tous les catholiques de bon sens se retirèrent lorsqu’ils
s’aperçurent que cette société n’étoit autre chose qu’une
cabale ; et que le très-petit nombre de catholiques qu’on y
voit encore sont de ces sortes de gens, assez communs à Nismes, qui,
se décorant du fastueux titre de négociants, ne soutiennent leur
débile crédit qu’à force de ramper auprès des protestants, qui
leur donnent à vivre bien plus par politique que par pitié. Ce sont
là des plastrons et des mannequins du parti. Faut-il faire une
démarche hasardée ; faut-il sonder le gué ; faut-il
jeter la pierre et cacher le bras ; ce sont ces misérables
catholiques qu’on emploie. Rebut de leur pays comme de la nature,
ils sont descendus si bas, si bas, que leur vue ne peut plus porter
jusqu’aux objets au-dessus d’eux, et qu’ils sont contenus même
de leur honte et de leur bassesse.
(B)
Ils se réunissent pour nous présenter un même vœu…
Et
quel vœu ? le vœu de ceux qui ont pillé et massacré, ou
ordonné le le pillage et le massacre ; en un mot, le vœu du
club ou des protestants. Mais ce n’est point du tout le vœu de la
majorité, le vœu des catholiques ou des honnêtes gens, ce qui est
synonyme ; ce n’est point du tout le vœu des accusés MM.
Descombiés, Pélatan, Folacher, etc. etc.. qui réclament sans cesse
d’être admis à leurs faits justificatifs, d’être jugés. En
faut-il une preuve par écrit ? la voici : c’est
l’adresse que M. Folacher, avocat et électeur de la ville de
Nismes, vient d’envoyer à M. le président de l’assemblée
nationale : il suffit pour démontrer qu’aucun des accusés ne
doit craindre de voir éclairer sa conduite, et que ce sont leurs
calomniateurs seuls qui doivent trembler l’approche du flambeau de
la vérité.
Adresse
de M. Folacher, avocat, électeur de la ville de Nismes, à
l'Assemblée nationale, sur l'amnistie sollicitée par les
directoires du département de Gard & du district de Nismes
Monsieur
le président,
C’est
du fond d’un cachot, que j’ai l’honneur de vous écrire, non
pour vous demander grâce, l’innocent n’en a pas besoin, mais
pour m’opposer de toutes mes forces à une amnistie vivement
sollicitée par les directoires du département du Gard et du
district de Nismes, sans la participation ni l’aveu des accusés ;
amnistie qui n’a d’autres but que de soustraire les vrais
coupables à la vengeance et à la sévérité des lois.
Tranquille
sur le témoignage de ma conscience, je proteste à la face de la
France et de l’Europe entière, que jamais je n’accepterai
d’amnistie, et que tant qu’il me restera un souffle de vie, je
l’emploierai, avec tout le courage que donne le sentiment de
l’innocence, à réclamer un jugement qui prononce l’accusation
intentée contre moi, et sur les réparations que j’ai droit de
prétendre.
Daignez,
monsieur le président, recevoir ces protestations, et les mettre
sous les yeux de l’auguste sénat qui préside au destin des
françois. Puissent-elles accélérer la décision que nos contrées
attendent de sa sagesse avec la plus vive impatience !
Puissent,
surtout, les peuples voisins de Nismes, plus indignés qu’alarmés
de la tyrannie qui opprime cette ville, voir bientôt émaner de
l’assemblée nationale un décret qui, en aceillant la demande en
renvoi formé par la municipalité, ordonne que l’instruction de
cette horrible affaire sera recommencée devant des juges libres et
exempts de prévention ! Ainsi la confiance que l’empire
françois doit aux nouvelles lois se maintiendra dans des contrées
dont l’opinion peut influer beaucoup sur leur durée : ainsi
les ennemis du bien public perdront un prétexte dont ils pourroient
peut-être profiter, si le décret qui va être rendu pouvoit tromper
les espérances d’un peuple juste et désabusé.
Daignez
donc, M. le président, recevoir encore et mettre sous les yeux de
nos augustes représentants l’adhésion que je fais à la demande
en renvoi formée par la municipalité de Nismes.
Je
suis avec un profond respect, etc…
Signé
Folacher
Des
prisons de Villeneuve de Berg, ce 13 octobre 1790.
Que
nous représente maintenant le vœu des directoires, ou du club, ou
du consistoire, ou des protestants de Nismes ? une nouvelle
machination, au moyen de laquelle on veut étouffer la voix des
veuves et des orphelins qui redemandent leurs époux et leurs pères
massacrés ; au moyen de laquelle on veut faire succomber les
accusés sous le glaive de la justice, parce qu’ils dévoileroient
tôt ou tard la vérité, que les directoires cherchent à masquer
après l’avoir circonvenue.
(C)
Il importoit aux bons citoyens que les auteurs des troubles fussent
connus, que leurs projets fussent dévoilés…
Oui ;
mais comment parvenir à les connoître, lorsque les auteurs
eux-mêmes de ces troubles dirigoient par la crainte, ou peut-être
par des sentiments moins excusables les officiers de justice ?
En faut-il une démonstration ? je vais la donner, et je défie
les directoires, le club et le consistoire réunis de le réfuter.
D’où vient n’a-t-on décrété que ceux qu’on avoit mis en
prison, de l’autorité privé du parti protestant ? D’où
vient que dans le nombre de deux cent maisons pillées, il n’y en a
pas une seule d’un protestant ? D’où vient qu’après
avoir pillé et détruit tous les effets et tous les meubles de M.
Bragouse,
on n’a fait aucune dégradation à la maison qui appartient à la
veuve Tansard
protestante ? D’où vient qu’en saccageant l’édifice
immense du collège, on n’a respecté que deux seules pièces, et
que ce sont celles qui renfermoient une grande quantité de meubles
qu’un protestant, le sieur Amalric,
avait fait venir de Paris pour revendre ? d’où vient qu’en
pillant et dévastant la maison de sieur Veyrat, on brise toutes les
auges de pierre, qui renferment de l’huile, qu’on la répand, et
qu’on conserve l’huile du sieur Lombard-Boissier, protestant ?
D’où vient que plus de 600 prêtres ou catholiques, sans armes et
sans défense, ont été massacrés, qu’à peine 19 protestants,
dont le plus grand nombre encore a été tué dans des villages assez
éloignés de Nismes, ont perdu la vie ? d’où vient aussi
cette affectation de ne décréter que des catholiques, quand ce ne
sont que des protestants qui ont pillé et massacré ? Mais
dira-t-on, ces catholiques n’ont été décrétés que d’après
les faits résultants de l’information. Quoi ! vous osez
encore le dire ? et quelle peut être cette monstrueuse
information, faite par des juges effrayés ou corrompus ? quelle
peut être cette monstrueuse information dans laquelle on ne voit
figurer, parmi les catholiques, que des affiliés du consistoire ou
du club, ou des infortunés auxquels on faisoit dire tout ce qu’on
vouloit, en les payant ou les menaçant de la lanterne ? Ah !
croyez-moi, ne parlez plus de cette monstrueuse information ;
elle vous fait plus honte encore que le massacre dont vous vous êtes
souillés, parce qu’elle décèle que vous n’éprouvez pas même
du remord d’avoir commis tant de crimes. Mais qu’il me soit
permis de vous interroger encore : d’où vient que, dans la
nombreuse liste des proscrits, on ne trouve que des catholiques ?
Avoient-ils, comme les protestants, des émissaires qui parcouroient,
huit jours avant le massacre, tous les lieux circonvoisins, et
donnoient rendez-vous à leurs brigands pour se rendre à Nismes le
dimanche au soir, ou le lundi de très-grand matin ? Avoient-ils
des dragons soi-disant nationaux, mais véritablement protestants, ou
membres du club, pour commencer le massacre, en tirant lâchement sur
des gens désarmés, et se borner à imaginer, pour excuser cette
honteuse barbarie ; de supposer un billet qu’on n’a jamais
pu produire, puisqu’il n’a jamais existé ? Ah !
très-certainement non, les catholiques n’avoient point parmi eux
de semblables scélérats ; et s’ils ont montré du courage
dans cette terrible circonstance, ce n’a pas été comme leurs
ennemis, en assassinant par derrière leurs malheureux concitoyens.
(D)
La preuve de ces attentats est suffisamment acquise, la cause du
patriotisme est justifiée…
Quoi !
vous osez même en imposer à l’assemblée nationale ! Et où
est-elle cette preuve ? Vos sourdes menées n’ont-elles pas
empêché jusqu’à présent les accusés de faire juger leurs faits
justificatifs ? Pourquoi l’avez-vous empêché ? c’est
que vous n’ignorez pas qu’ils feroient connoître à toute la
France que les protestants de Nismes, n’ayant point dégénéré de
leurs factieux et cruels ancêtres, n’ont commis le massacre du
mois de juin que pour s’emparer de toutes les administrations. Ils
n’ont exécutés au moment de l’assemblée électorale que pour
la dominer, et chasser par la crainte ou la proscription, les
électeurs catholiques. On peut se rappeler que dans le mois de mai,
à la veille des assemblées primaires, les protestants vouloient en
faire autant ; mais que la prudence et la fermeté du maire, et
du corps municipal de Nismes, suffirent dans ce moment pour
l’empêcher.
(E)
Il faut écarter aujourd’hui le glaive de la justice suspendu sur
la tête des coupables…
Quelle
révoltante hypocrisie ! On plonge le poignard dans le sein
catholique, on les ruines, on les calomnies, et leurs bourreaux,
leurs voleurs, leurs calomniateurs font demander par des directoires
qui les protègent, le pardon de ceux qu’on a massacrés, pillés
et calomniés ! Juste Dieu ! quel est donc cet exécrable
abus de mots et des choses ! Allez, vils assassins, ceux que
vous voulez faire croire criminels ont su démasquer votre fausse
pitié qu’ils méprisent. Ils ne demandent point de grâce, ils
veulent être jugés, et ils ont encore assez d’énergie et de
caractère pour prouver que leurs accusateurs sont les seuls
coupables. Qu’ils tremblent donc, les assassins, il ne faut qu’un
instant pour déchirer le voile de l’hypocrisie et du mensonge. Le
jour de la justice et de la vérité arrivera bientôt, et la foudre
de ces divinités vengeresses saura bientôt aussi quels sont ceux
qu’elle doit frapper.
(F)
Afin que, cessant de se considérer réciproquement comme
accusateurs, accusés, témoins ou complices, les citoyens se
traitent et s’aiment en frère.
Qui
pourroit promettre un semblable bonheur lorsqu’il connoît les
protestants ? Qui ne sait pas que leur unique but est d’exciter
les haines, les dissensions, la guerre civile ? Quel est celui
qui se rappelle assez peu ce qu’il a lu dans l’histoire, pour ne
pas voir que les protestants ne tendent qu’à bouleverser tout en
France ; que leur but est d’y établir, à la faveur de
l’anarchie, leurs républiques fédératives tant désirées ?
Qui pourroit se méprendre sur les prétentions factieuses des
protestants, lorsqu’il les voit emprunter aux juifs du comtat
Venaissin deux millions pour salarier dans le royaume des boutefeux
et des espions ; lorsqu’il les voit encore s’imposer entre
eux de fortes taxes pour entretenir clandestinement des troupes ;
faire des achats considérables d’armes, de poudre et de munitions,
se retrancher à Nismes, dans les Cévennes et le Bas-Languedoc, et
s’y mettre à l’abri des événements ? Et pourquoi ?
pour tout oser, lorsque la guerre civile qu’ils formentent sera
devenue générale dans le royaume. Qui pourroit ne pas être
convaincu de ces vérités, lorsqu’il voit l’ame de ce parti, le
ministre R……, traverser toute la France, pour prendre ou donner
du guet, partout où ses affidés sont répandus, et laisser à
Toulouse, à Montauban, à Bordeaux les étincelles qui ont produits
depuis de grands incendies ? Qui pourroit ne pas être
convaincu, lorsqu’il voit ce R……, en arrivant à Paris, ramper
bassement, tout républicain qu’il est, aux pieds des Polignac,
qu’il appelle maintenant des créatures du despotisme, et auprès
desquels il ambitionnoit alors de placer sa femme ? Qui pourroit
ne pas être convaincu, lorsqu’il voit ensuire ce R……, non
moins bas, non moins flagorneur auprès des Necker et des La Fayette,
les appeler tour-à-tour ses héros, s’étayer de leur crédit, les
exalter dans la prospérité, et les abandonner quand il croit que la
faveur les abandonne ?qui pourroit méconnoître le but et le
projet des protestants et de R…… lorsqu’il voit celui-ci
exciter les troubles par ses écrit incendiaires, mander au sieur
A….. de Nismes, que, puisque
la guerre civile est indispensable, autant vaut qu’elle commence à
Nismes, pourvu qu’on ait soin d’y faire les dispositions
convenables ?
Qui pourroit ne pas être convaincu, lorsqu’il voit de R……
détourner les procès-verbaux, les lettres, et tout ce que la
municipalité de Nismes adresse à l’assemblée nationale, et
faire, au moyen de détestable ruse, mander par un décret le
vertueux maire de Nismes à la barre ? Qui pourroit ne pas être
convaincu, lorqu’il voit ce R…… écrire à un membre du club,
après que ce décret fut rendu : Nous
avons obtenu tout ce qu’il étoit possible d’obtenir, et même
plus que je n’espérois, en faisant mander le maire à la barre ;
c’est à vous maintenant de justifier cette mesure en vous
procurant des témoins pour tous les faits contenus dans l’adresse,
et que je n’ai avancés que d’après vous. Nous devons beaucoup à
M. Barnave qui s’est montré autant notre défenseur que celui de
la révolution ; il a surtout appuyé sur le silence des
officiers municipaux dont aucune des nombreuses lettres n’a été
lue à l’assemblée ? Qui
pourroit ne pas être convaincu, lorsqu’il voit ce R……
détourner insidieusement les comités de l’assemblée de s’occuper
des dépêches d’un courrier extraordinaire qu’il contraignit,
par cette ruse, à se rendre sans réponse auprès de la municipalité
de Nismes, qui l’avoit envoyé ? Ces dépêches étoient
cependant si importantes, que jamais le massacre de la Saint-Antoine
(13
juin)
n’auroit eu lieu si l’assemblée nationale avoit répondu. Qui
pourroit ne pas être convaincu, lorsqu’il voit ce R…… composer
ou faire composer les libbellés diffamatoires dans lesquels, usant
d’une vieille manœuvre qui a souvant réussi à ses prédécesseurs,
il suppose que ses protestants sont persécutés, quand ce sont eux
qui persécutent, qu’ils sont massacrés, quand ce sont eux qui
massacrent ? Qui pourroit ne pas être convaincu, enfin,
lorsqu’il voit ce R…… faire insérer dans le Moniteur,
dans la Chronique de Paris, et plusieurs autres journaux pour
lesquels il fait souvent des articles, que c’est
actuellement du nom de protestants qu’on qualifie tous les
patriotes et les amis de la constitution,
comme s’il n’étoit pas reconnu et démontré aujourd’hui que
ces protestants, qui se décorent du nom imposant de patriotes et
d’amis de la constitution, ne sont autres chose que ses ennemis,
puisqu’ils pillent, qu’ils massacrent, et qu’ils n’accueillent
les décrets de l’assemblée nationale qu’autant qu’ils leurs
avantageux, et cela pour perpétuer les désordres, faire dissoudre
la monarchie, et fonder, comme je l’ai déjà dit, la république
que depuis deux cents ans ces factieux sujets cherchent à établir ?
Et ce sont de semblables gens qui se disent frères ; mais ils
ont été nos bourreaux ! Et ce sont de semblables gens qui
demandent une amnistie pour nous ; mais ceux sont nous qu’ils
ont assassinés !....
Non,
non, point d’amnistie ; si les protestants sont des
calomniateurs et des assassins, que le fer de la loi s’appesantisse
sur leurs têtes. Tel sera toujours le langage des catholiques de
Nismes.
(G)
Le tribunal des crimes de lèse-nation doit prononcer sur leur
attentat.
Eh
quoi ! misérables, vous demandez une amnistie pour les uns et
vous voulez qu’on punisse les autres ! Eh bien ! nous,
que vous accusez, nous n’en voulons pour personne, et nous
réclamons, pour être jugés, et le droit de l’homme et du
citoyen, et tout ce que les hommes peuvent avoir de sacré. Nous
déclarons à la face de l’univers que si on ne nous juge pas, on
commet envers nous l’injustice la plus révoltante. Mais quel est
le but de votre hypocrite pitié, en feignant de pardonner aux uns,
et en voulant que le tribunal du lèse-nation prononce sur ce que
vous appelez l’attentat des autres ? Quel est votre but ?
Je vais le dévoiler aux yeux de la France étonnée.
Ceux
pour qui vous demandez une amnistie sont de ces citoyens actuellement
nombreux à Nismes, que vous avez intimidés, et auxquels vous avez
fermé la boucle par vos cruautés et vos injustices ; en un
mot, ce sont ces citoyens pauvres que vous entretenez dans la crainte
et dans l’espérance, en les menaçant de leur ôter le peu de
travail, ou pour mieux dire, le peu de pain que vous leur donnez, et
leur faisant entendre que vous les en priverez tout-à-fait, s’ils
ne se conforment point à vos désirs.
Les
citoyens que vous désignez au tribunal des crimes de lèse-nation
sont ceux qui vous ont échappé pendant le massacre, malgré toutes
les précautions que vous aviez prises, parce que l’être suprême
veut que la vérité ne puisse pas entièrement être bannie de la
terre. Ce sont, puisqu’il faut le dire, les citoyens que vous
voudriez perdre, parce que vous craignez avec juste raison que, par
leur talent, leur fortune, leur caractère ou leur énergie, ils se
montrent tels qu’ils doivent être les traits de cette divine
vérité que vous avez tant défigurée dans vos libellés ; et
qu’en déchirant le voile dont vous vous enveloppez ils ne fassent
voir le scélérat assassin sous le masque de patriote. Voilà
pourquoi vous avez tenu dans les fers M. Vigne ; voilà pourquoi
vous y tenez encore MM. Descombiés, Pélatan, et tant d’autres que
vous avez si souvent voulu faire assassiner ; voilà pourquoi
vous tenez par une odieuse proscription, éloignés de leurs foyers
tant dhonnêtes citoyens ; voilà pourquoi vous voulez-les
noircir aux yeux de l’univers ; et si vous cherchez maintenant
à les traduire devant le tribunal des crimes de lèse-nation, c’est
que vous pensez pouvoir vous débarrasser d’eux en les accusant
d’un crime chimérique. Quel est en ceci votre dessein ? de
faire croire que les troubles de Nismes ont eu pour cause un projet
de contre-révolution, et d’accréditer par-là les libellés que
vous avez répandus et que vous ne cessez de répandre pour justifier
l’horrible massacre que votre ambition vous a fait commettre.
(H)
Epargnez à ces magistrats qui ont vu de trop près les malheurs de
leur patrie, le pénible devoir de juger leurs concitoyens, de peur
que la rigueur des lois ne paroisse être encore que la vengeance de
l’homme...
Tartufes
méprisable ! croyez-vous qu’on soit dupe de votre
hypocrisie ? Pensez-vous qu’on ne voit pas que vous dites tout
ceci pour empêcher que de nouvelles informations soient faites par
des juges étrangers, hors de portées d’être intimidés par vos
brigands, ainsi que l’ont été les magistrats de Nismes, par les
bas-officiers protestants de votre légion ? Vous croyez donc
que la France ignore les déportements de ces bas-officiers ?
Vous croyez donc qu’on ne ait pas qu’ils firent les plus
criminelles menaces à M. Fajon et aux conseillers présidial, parce
qu’ils ordonnèrent l’élargissement de M. Vigne fut obligé de
se travestir pour échapper au fer assassin de ces bas-officiers ?
Vous croyez donc qu’on ne sait pas que les menaces de vos
bas-officiers, d’autant plus redoutables qu’elles avoient
récemment été précédées d’affreux massacres ; en ont
imposé aux magistrats, et les ont non-seulement empêché de faire
sortir de prison Descombiés, mais encore de juger ses faits
justificatifs ? Ah ! si vous croyez qu’on a oublié tout
cela, c’est que le ciel commence à prendre pitié des malheureux
opprimés, et qu’il veut que vous fassiez la fin des scélérats,
qui ne périssent jamais que des suites de leur aveuglement.
(I)
Cette amnistie salutaire fut le premier vœu du corps administratif
assemblé pendant les troubles de Nismes ; ce fut même sa
promesse…
On
ne voudra pas le croire, mais c’est la vérité. Un corps
administratif, qui a vu de sang-froid massacrer les citoyens, même
sur le seuil de la porte du lieu des assemblées, s’avise de
proclamer la grâce… de qui ? de ceux qu’il a souffert qu’on
massacrât ! Et il n’a recours à l’assemblée nationale que
pour ratifier la promesse et les exceptions qu’il a faites !
Quel despotisme insupportable ! Quels hommes que ceux qui, dans
un moment où l’on préconise de toutes parts la liberté,
cherchent à charger leurs compatriotes de chaînes dont les Phalaris
et les Néron auroient osé charger à peine leurs victimes !
(K)
Ces sentiments de bienveillance et de pitié peuvent seuls rétablir
la paix…
Vos
bouches parlent de paix, et vos mains attisent le feu de la guerre,
qu’une horrible politique vous fait désirer. Ce n’est point en
calomniant des innocents, après les avoir assassinés ; ce
n’est pas en mettant en usage tout ce que le pouvoir arbitraire a
d’odieux ; ce n’est pas en persécutant les catholiques de
la manière la plus inquisitoriale et la plus cruelle, que vous
voulez sincèrement la paix ; d’ailleurs, ne savons-nous pas
que votre bilan est d’entretenir la guerre ; que vous ne
négligez rien pour cela ? Et si l’on avoit besoin d’une
preuve, ne la trouveroit-on pas dans l’adresse même que je
réfute ? Peut-elle avoir été faite dans un autre dessein que
de porter le désespoir dans l’âme de ceux qu’elle calomnie,
désespoir qui doit être d’autant plus vif, qu’il est causé par
une fausse pitié, par une hypocrisie qui ne peuvent trouver modèle
que dans le parti protestant. Si vous désiriez véritablement la
paix, et que vous ne fussiez pas comparables, vous qui osez nous
inculper, s’écrient les malheureux que la tyrannie du parti
protestants tient encore dans les fers ; si vous désiriez
véritablement la paix, vous vous rappelleriez qu’elle ne peut
s’établir que quand on n’étouffera plus la voix de l’accusé
qui demande à prouver son innocence ; vous vous rappelleriez,
qu’on doit laisser faire le procès de ceux qui ont conseillé,
favorisé, ou commis les pillages, les sacrilèges et les
assassinats : vous ne feindriez pas d’ignorer qu’il n’est
point d’autres coupables de ces crimes que les protestants ;
mais alors, on verroit pour qui votre adresse est faite. Pensez-vous
toutes fois qu’on ne devine pas ? Si cela étoit, vous seriez
bien aveuglés. Résumons nous, et disons : qu’il ne faut
point de coupables : c’est une loi constitutionnelle, mais
qu’importe les lois à ceux qui ont à commettre, ou cacher des
criminels ?
(L)
Après avoir jeté un voile sur nos malheurs, vous voudrez sans doute
les soulager…
Arrêtez !
vous vous trahissez vous-même. Car si vous voulez jeter un voile sur
nos malheurs, est-ce dans d’autres vues que d’empêcher ceux que
vous avez accusés de se justifier ? Est-ce dans d’autres vues
que d’empêcher les véritables criminels, tous de votre parti,
d’être connus ? Est-ce dans d’autres vues que d’empêcher
la manifestation des troubles de Nismes, et peut-être de ceux du
reste de la France ? Ah ! je le vois, vous voulez
précipiter la vérité dans l’abîme de l’oubli, comme vous avez
précipité vos concitoyens dans l’abîme du trépas. Mais je ne
vous quitterai point un seul instant ; je vous étreindrai dans
mes bras, je vous poursuivrai jusques dans la nuit éternelle :
et si, comme je dois le craindre, un crime de plus ne vous coûte
rien, vous n’anéantirez pas pour cela la vérité ; elle me
survivra, car je l’ai gravée en caractères ineffaçables, et j’en
ai multiplié les copies à l’infini.
(M)
Dès le mois de juillet, nous avons sollicité des secours
extraordinaires.
Pourquoi
donc ne sollicitez-vous point des secours d’un autre genre pour
empêcher les prêtres et les catholiques d’être pillés,
emprisonnés, massacrés ? Mais auroit-on eu besoin de ces
secours extraordinaires que vous sollicitiez, si vous n’aviez pas
fait venir vos hordes de brigands des Cévennes, de la Vaunage et de
la Gardonenque ? Si, pour les engager à entrer dans la ville,
vous ne leur aviez promis le pillage des maisons catholiques ?
si vous ne les aviez encouragés au massacre, en mettant certaines
têtes à prix ? Que faisiez-vous alors, et pourquoi ne
réclamiez vous point de secours extraordinaires ? que dis-je ?
vous les aviez réclamés, avec cette différence que c’étoit pour
piller et assassiner, tandis qu’en juillet vous avez réclamé que
pour ne pas payer vous-mêmes les immenses dégâts que vous aviez
occasionnés. Cependant, lorsque vous fîtes venir ces hordes
barbares, il existoit un décret qui défend aux gardes nationales
d’entrer sur le territoire sans en être requises par cette
municipalité elle=même. Il en existoit un autre qui porte que les
municipalités dont on aura requis les secours, seront obligées de
les fournir, sous peine d’être responsable des évènements. Vos
brigands avoient-ils été requis par la municipalité de Nismes ?
Non, sans doute, quoique vous vouliez lui faire payer les chemises et
les bas que vous leur aviez fournis. Or donc, si, comme cela est de
toute justice, les municipalités qui vont fondre sur une autre,
malgré ses proclamations et ses oppositions, doivent être
responsables des évènements, des désordres qui résultent de ces
infractions, surtout lorsque le pillage et les assassinats en sont la
suite ; qui, faut-il que nous attaquions ? qui ? ceux
qui ont provoqué ces excès, ils doivent en être garants. Oui, ils
le doivent, sans cela il n’est plus de bonne foi, il n’est plus
de justice sur la terre.
(N)
Ainsi les noms du roi et de l’assemblée nationale ne retentiront
aux oreilles des peuples que pour leur rappeler ceux de protection et
d’humanité, d’amour et reconnoissance.
Roi,
assemblée nationale, protection, humanité, amour et reconnoissance,
ces mots-là sont-ils faits pour vous ? N’est-ce pas vos
protestants qui disoient aux infortunés qu’ils massacroient :
criez
donc maintenant vive le Roi ,
n’est-ce pas vos protestants qui, en se disant amis de la
constitution, ont toujours éludés les décrets de l’assemblée
nationale lorsqu’ils contrarioient leurs intérêts ? n’est-ce
pas vos protestants qui, dans le moment où les lois leur accordoient
une protection bienfaisante, ont cherché à tout bouleverser dans le
royaume ? n’est-ce pas vos protestants qui, dans un siècle où
l’humanité est tant préconisée, se sont livrés au pillage et
aux massacres ? N’est-ce pas, enfin, vos protestants qui, pour
preuve d’amour et de reconnoissance envers le roi et son auguste
compagne, les ont odieusement calomniés, et ont assassiné ceux qui
leur donnoient tous les jours de véritables preuves de leur amour et
de leur reconnoissance ? Ah ! ne profanez plus les mots
dont il vous est impossible de connoître la valeur, et apprenez que
la protection est due à des accusés qui veulent prouver leur
innocence ; que l’humanité demande justice pour les veuves et
les orphelins de ceux que vos protestants ont massacrés ; que
c’est aux coupables seuls de trembler et de demander une amnistie ;
et que c’est à ceux qui seront condamnés de demander une grâce
qui flétriroit l’innocent dans l’opinion publique.
oOo
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