LA BAGARRE DE NISMES

du 13 au 16 juin 1790

extrait de ʺHistoire des Révolutions de Nismesʺ – pages 108 à 130.
par Adolphe de Pontécoulant, 1820

La milice nationale est-elle à peine levée que le nombre des protestants y excède celui des catholiques ; c'est aux premiers surtout que les grades de capitaines et de lieutenants sont déférés. Cette légion était soumise à la surveillance d'un comité permanent, composé des anciens municipaux, de quelques notables et des capitaines de chaque compagnie. La majorité, dans cette assemblée, fut encore pour les protestants.
Il fallut créer un état-major. La voix publique désigne peur colonel le baron de la Baulme, avantageusement connu par l'austérité de ses principes et par ses connaissances militaires ; mais il était noble et catholique, il fut rejeté par le consistoire. On lui préféra M. de Buguet, vieillard protestant ; on lui adjoignit pour lieutenant-colonel un protestant ; un major, catholique il est vrai, mais marié à une protestante et dévoué au parti ; enfin, un aide-major protestant, nommé Jourdan, l'homme le plus fougueux que la secte puisse mettre en action pour exhaler ce que le fanatisme a de plus noir contre les nobles, les prêtres et tous les catholiques en général. On voyait cet aide-major, dans les cafés, sur les places publiques, insulter les citoyens les plus honnêtes et les plus dignes d'être révérés.
Tant de manœuvres de la part des protestants auraient dû ouvrir les yeux des catholiques ; mais, trop francs et trop confiants, ils ne s'apercevaient même pas de l'ardeur avec laquelle les protestants s'emparaient de toutes les places. La défiance est rarement la compagne de la bonne foi.
Les éclats indiscrets des protestants indisposèrent enfin les catholiques, et firent naître en eux l'esprit de rivalité. Ils sentirent qu'il était nécessaire de s'occuper aux entreprises d'un parti qui devenait tous les jours plus puissant ; ils formèrent plusieurs compagnies de gardes nationales catholiques. Les protestants ne se rebutèrent pas ; ils séduisirent le commandant de la citadelle en le faisant nommer colonel de la légion. Il se montra digne d'un pareil choix. En vain les compagnies catholiques demandèrent à être armées, le commandant multiplia les refus et les délais.
Mais il fallait mettre tout à fait les catholiques hors d'état de résister aux attaques qu'on leur préparait c'est alors que l'argent et tous les moyens de séduction furent employés pour corrompre les soldats du régiment de Guyenne alors en garnison à Nismes. Ils étaient choisis pour favoriser et même exécuter les massacres prémédités le 2 et le 5 mai : « journées trop mémorables, dit le procureur de la commune au conseil général de assemblé, où l'on vit des citoyens sans défense attaqués par des hommes armés ; la sûreté publique violée, le sang répandu, la crainte et la consternation peinte sur tous les fronts ; » le flambeau de la guerre civile allumé dans la cité. Tous les soins ont été employés à connaître les projets et les machinations des auteurs de ces désordres qui devaient avoir r des suites terribles.
Rendre suspects des citoyens respectables, en les désignant par des noms odieux ; les
dénoncer aux soldats du régiment de Guyenne comme coupables d'avoir travaillé à faire enlever aux troupes du roi l'augmentation de paie que l'équité leur a accordée ;
Engager un petit nombre de bas officiers et de soldats du même régiment à arracher des cocardes blanches que certains légionnaires n'avaient jamais quittées ; les séduire par l'appât de l'or ; les disposer, par des liqueurs, à se livrer, le sabre à la main, à cette violence ;
Aposter, sur le local destiné à devenir le théâtre sanglant de l'action, des gens, pour
semer de l'argent aux soldats, et les exciter au massacre, en leur promettant des renforts ;
Préparer des forces pour les joindre aux soldats qui auraient commencé le carnage ;
Solliciter et obtenir des secours étrangers pour consommer cet abominable complot ;
Tel est, en substance, l'effrayant tableau que présentent les preuves requises , et l'aveu de quelques coupables.
Au moment où l'action fut engagée, on tâcha d'attirer le régiment dans la querelle, en invitant les soldats à sortir des casernes et de la citadelle pour voler au secours de leurs se camarades, et les rendre ainsi complices, à leur insu, du massacre projeté.
Des conspirateurs, postés dans les environs, et armés, attendaient l'instant favorable pour
se mettre parmi eux, et envelopper dans le massacre tous ceux dont ils voulaient se défaire.
Trois compagnies de protestants , savoir , celle de de Lacoste, de Roux-Amphoux, de Verdier, parurent sur le Cours, croyant que les soldats de la citadelle et des casernes viendraient au secours et qu'ils se mêleraient du massacre, sans en connaître le motif secret. Heureusement, les officiers, qui connurent le piège qu'on tendait à leurs soldats, les empêchèrent de sortir, parvinrent, par leurs prières, à leur faire mettre bas les armes, et prévinrent de plus grands malheurs.
Comptant sur des secours étrangers sollicités et promis, ils auraient sans doute porté leurs te excès plus loin, si la vigilance des officiers municipaux et la prudence de MM. les officiers du régiment de Guyenne n'avaient pas arrêté les progrès de l’insurrection.
Le 3 mai 1790, une émeute éclata sur la place des Récolets ; elle alarma les citoyens, et les officiers municipaux s'y étant transportés pour faire cesser le désordre, un particulier tira deux coups de pistolet sur le groupe où ils étaient, et c'est dans ce moment terrible que, près de l'Hôtel de Ville, un scélérat ne cessa de crier « c'est le moment de couper la tête du maire ». Ah ! sans doute, les protestants auraient alors assouvi leur rage et fait ce qu'ils ont fait depuis, si le courage et l'humanité n'avaient porté les officiers municipaux sur le lieu de la scène. Quelque grand que soit le danger, rien ne les arrête ; ils volent. Le baron de Marguerittes, animé de ce zèle héroïque qui en impose toujours, environné de ses vertus, s'élance au milieu des combattants. À son aspect, les bras du peuple irrité demeurent immobiles.
C'est ainsi que les protestants préludaient aux scènes sanglantes du 13 juin et jours suivants.
Les officiers municipaux sollicitèrent, à cette époque, des armes plus fortement que jamais ; les catholiques ne devaient plus trouver de difficultés dans leur demande. L'ordre fut en effet donné de délivrer les fusils de la citadelle ; mais, par la modération imprudente des uns et l'ambition déplacée des autres, les officiers municipaux en firent différer l'exécution jusqu'après la tenue de l'assemblée électorale. Les protestants voulaient, à quelque prix que ce fût, dominer dans cette assemblée ; ils mirent tous les moyens imaginables en pratique pour que cette réunion se tînt à Alais ou à Beaucaire, où ils se flattaient de violenter impunément les électeurs. Les protestants, n'ayant pu y parvenir, formèrent un camp à Boissières pour protéger, disaient-ils, cette assemblée. En se réservant exclusivement la force des armes, ils préparèrent ainsi la liberté des suffrages.
Les protestants avaient formé une compagnie de dragons qui s'était d'abord destinée à faire le service extérieur de la ville et à protéger les campagnes ; mais, comme la vanité avait eu plu de par à cet établissement que le patriotisme, ils ne montaient plus à cheval que pour faire, en plein jour, des patrouilles dans la ville, pour faire admirer leur belle tenue, le brillant de leur armure, et promener le luxe le plus insolent au sein de la misère la plus affreuse, en insultant lâchement la pauvreté des cultivateurs, qu'ils appelaient par dérision Cébés, parce qu'ils ne mangeaient que des oignons.
Les protestants forcèrent la municipalité d'ordonner que les patrouilles ne seraient faites que par les dragons et par le régiment de Guyenne. C'est avec regret que l'on prononce le nom d'un régiment français pour parler d'autre chose que de sa bravoure et de sa fidélité.
Quelques jours après l'affaire du 2 mai, un grenadier, qui depuis est mort de ses blessures, disait à l'Hôtel-Dieu (hôpital général), qu'il était bien cruel pour lui d'être estropié le reste de ses jours, pour douze misérables francs. Peu de jours avant sa fin, il disait : Je serai estropié, mais je suis tranquille sur mon sort ; on m'a promis six cents francs de rente viagère.
L'assemblée électorale fut telle qu'elle devait être avec les préparatifs des protestants. Elle avait deux objets : la formation des départements et celle des districts. La violence la plus caractérisée avait dominé dans les délibérations. Les sentinelles postées aux avenues de la salle avaient ordre de laisser entrer tous les étrangers qui se présentaient, auxquels on avait donné les marques distinctives des membres du club ; et , comme toutes les questions portées à l'assemblée s'y décidaient par assis et levé, malgré la réclamation des catholiques qui demandaient l'appel nominal, il arriva que des intrus, joints aux protestants et à leurs associés, firent toujours pencher la balance en leur faveur. Ce fait est prouvé par l'attestation du sieur Bosquier, officier de garde, qui dénonça plusieurs étrangers qui se mêlaient dans la salle avec les protestants, et qui avaient soin de se lever lors de la décision.
Les contestations entre les catholiques et les protestants, pour le renouvellement de l'état-major de la légion de Nismes, furent envoyées par la Municipalité à la décision de l'assemblée nationale. Pendant ce temps-là, Rabaut-Saint-Étienne écrivait à son père : qu'il était temps d'éclater, et que, plus ou moins, il fallait répandre du sang.
Cependant le complot le plus épouvantable et le plus noir se tramait dans les ténèbres et le silence. Le jour destiné à éclairer les forfaits les plus exécrables s'avançait. Les chefs des contrées protestantes étaient prévenus ; ils connaissaient le jour et l'instant où devait commencer le carnage ; leur antique férocité avait redoublé ; ils comptaient déjà les victimes de leur monstrueuse barbarie, et ils savouraient d'avance l'infernal plaisir de s'abreuver du sang des malheureux catholiques.
Ce moment affreux arriva. Le dimanche 13 juin, les dragons extraordinairement assemblés à l'Évêché, retinrent un légionnaire catholique qui avait eu l'imprudente curiosité de pénétrer jusqu'à eux ; et, pour légitimer son arrestation, ils déclarèrent qu'il était porteur d'un billet menaçant, mais qu'il leur a été impossible d'exhiber malgré des réquisitions faites à ce sujet. Inquiets sur son sort, ses camarades se présentèrent pour le réclamer ; ils essuyèrent un refus ; ils insistèrent, on les repoussa, et ces débats se terminèrent par une décharge de mousqueterie, qui en étendit sept sur la place et mit les autres en fuite.
0 crime ! ô comble de lâcheté ! les légionnaires catholiques étaient désarmés, et ces abominables scélérats les immolaient. Les voilà donc ces patriotes de Nismes ! ils viennent de se montrer dans toute leur perfide noirceur, et leur premier exploit fut un forfait exécrable.
Au premier bruit de l'assassinat commis sur leurs frères d'armes, quelques légionnaires catholiques, la plupart sans armes, accoururent pour les venger. De leur côté, les protestants, prévenus et armés à l'avance, volèrent au secours des dragons ; les furies secouent leurs torches funèbres ; le fer et le feu brillent de toutes parts, et les deux partis s'égorgent impitoyablement dans les rues.
Dès le premier instant, les officiers municipaux furent dispersés, et la plupart proscrits ; ils coururent les plus grands dangers en se rendant à la Maison-Commune : deux ou trois seulement purent s'y rassembler. L'abbé de Belmont était parmi eux ; une compagnie protestante le force à promener avec elle le drapeau rouge dans la ville, et, sans respect pour son caractère, sans égard pour le mauvais état de sa santé, elle le maltraita, elle l'accabla des plus indignes outrages. Les catholiques frémissaient de voir l'officier municipal entre les mains des barbares, qui prenaient plaisir à le maltraiter, et l'appareil de la loi au pouvoir de ces coupables infracteurs. Ils fondèrent sur eux, et, quoiqu'en nombre bien inférieur, ils les dispersèrent, s'enparèrent du drapeau, et furent l'arborer au haut d'une tour du sieur Froment, située sur les remparts de la ville. La nuit sépare les combattants.
Il ne s'agissait encore que d'une affaire particulière entre quelques légionnaires catholiques et protestants, et l'on ne comptait pas trois compagnies catholiques qui y eussent pris part; les autres, au nombre de quinze, n'avaient pas même tenté d'aller s'armer chez leurs capitaines. Toutes les compagnies protestantes, au contraire, se trouvaient sur pied ; elles étaient soutenues des soldats de Guyenne ; elles s'emparèrent de tous les postes, de toutes les rues, et principalement de celle du sieur Froment, chez lequel étaient renfermés des légionnaires, qui préférèrent y palmer la nuit, plutôt que d'aller affronter une armée d'ennemis, pour se rendre dans leurs maisons.
Cependant, les sieurs Descombiés et Froment, deux de leurs capitaines, avaient, au premier coup de fusil tiré, dépêché un exprès à Montpellier, auprès de M. de Bouzols, commandant de la province, pour lui annoncer les troubles de la ville. Cette démarche sage et prudente leur attira, de la part des sanguinaires protestants, la qualification de chefs de la conspiration. Ainsi on voua à la proscription ceux que l'humanité conduisit, et qui se hâtèrent, avant toute effusion de sang, de recourir à l'autorité légitime, pour demander, non des secours et des renforts qui vinssent les aider à égorger les protestants, mais un régiment étranger, impartial et point corrompu, qui ne favorisât personne, en imposât à tous, prévint le massacre et forçât les deux partis rivaux à la paix.
L'exprès partit chargé de deux lettres adressées à M. de Bouzols. Il tomba au pouvoir d'un parti protestant qui l'arrêta et le dépouilla. Le paquet fut ouvert, et bientôt ces deux missives furent imprimées à la suite de leurs relations, comme des pièces de conviction très probantes. On peut juger, d'après cela, quelles devaient être les procédures secrètes de cette cabale infernale qui fondait ses accusations publiques sur des actes favorables à la justification des accusés.
Mais pourquoi les lettres à M. de Bouzols furent-elles interceptées ? pourquoi s'opposa-t-on à ce que les troupes de ligne vinssent préserver la ville dés derniers malheurs ? La suite de ce triste récit l'apprendra.
La nuit du dimanche au lundi était marquée par les protestants pour assouvir leur barbarie. Des cohortes formidables s'avancèrent vers Nismes de la Vaunage, de la Gardonnenque et des Cévennes. Ce ne sont point des troupes impartiales ni des légions amies et conciliatrices qu'ils appelèrent dans les murs de leur cité ; ce n'est ni des villes et villages voisins, ni des habitants de la côte du Rhône qu'ils invoquèrent l'assistance : on connaissait, il est vrai, leur zèle pour la révolution, mais ils étaient catholiques ; c'est dans les contrées protestantes qu'ils recrutèrent leur armée ; et déjà, le lundi, au soleil levant, elle était rangée en bataille sur l'Esplanade, forte de quinze à vingt mille hommes, dont l'air farouche et le costume sinistre annonçaient de vrais brigands que l'espoir du butin a fait sortir de leurs cavernes.
Maintenant , si l'on considère l'arrivée de ces monstres, en si grand nombre, venus de dix à douze lieues pour se réunir à Nismes, à point nommé, le lundi matin à la pointe du jour, on ne peut douter un instant de leur horrible complot et de leur dessein bien réfléchi, bien combiné, d'exterminer les catholiques !
Ils étaient campés et d'un moment à l'autre renforcés par des hordes que vomissaient de toutes parts les Cévennes, la Vaunage et la Cardonnenque ; leurs frères de Nismes se joignirent à eux ; ils s'embrassèrent, et bientôt ils furent donner le signal de l'attaque ; mais, avant tout, ils s'emparèrent des avenues, distribuèrent de nombreux corps-de-garde dans toutes les rues, pour contenir les compagnies catholiques qui voudraient tenter de se réunir ; et, maîtres absolus de la ville et des avenues, ils se livrèrent en pleine sécurité à toutes les horreurs du carnage. Ce n'était pas un combat où des forces égales se disputaient le terrain ; les infortunés catholiques, désunis , désarmés chez leurs capitaines, privés de tout moyen de défense, recevaient la mort dans les rues s'ils osaient s'y montrer, ou étaient réduits à l'attendre dans leurs maisons. Ceux qui étaient assiégés dans la tour du sieur Froment firent seuls bonne contenance, et résistèrent à ce nombre incalculable d'ennemis dont ils bravèrent le feu avec un courage héroïque.
Tandis que, de ce seul côté, quarante-cinq hommes soutenaient l'effort d'une armée entière ; le reste de la ville était livré au pillage et à la désolation. Ces brigands, moins accourus pour combattre que pour voler, portaient partout le ravage et la destruction. Les maisons religieuses surtout offrirent un accès facile et sûr à la rapine, et d'ailleurs un des points principaux de leur affreuse mission c'était de détruire les religieux. On va voir avec quelle férocité ils s'en acquittèrent.
Les Capucins sont les premiers assaillis. Enfermés dans leur sanctuaire, ils adressaient au ciel des vœux ardents pour le retour de la paix. Au signal convenu, les portes de l'asile sacré sont forcées ; les brigands se répandent dans le lieu saint; cherchant de tous côtés des victimes. Un scélérat s'avance de l'autel; un religieux, les mains étendues, le pressait contre son sein ; le monstre l'aperçoit ; à cette vue sa rage redouble ; le caractère majestueux d'un ministre de la divinité ne lui en impose pas; il s'avance, ou plutôt il se précipite; le vénérable cénobite se retourne, et lui dit.: Mon ami, donnez-moi le temps d'achever ma prière, vous m'immolerez ensuite si tel est votre dessein. A ces mots, le barbare est interdit, il demeure immobile ; mais bientôt, reprenant sa férocité, il tire sa montre et lui dit : Je te donne cinq minutes ; elles sont bientôt écoulées ; le monstre s'élance sur l'homme sacré, le frappe du fer meurtrier ; son sang coule sur l'autel, et son âme s'élève vers la divinité.
Après avoir ensanglanté l'autel, on sabre un crucifix, on pille les vases sacrés du sacerdoce ; ces tigres se répandent dans le couvent. Tout y est entièrement dévasté ; les plus précieux effets du temple sont enlevés ; la voûte de l'édifice et la chapelle de la Vierge essuient une grêle de balles. Les monstres ne s'en tiennent pas au pillage et à la dévastation ; tous les religieux qui tombent sous leurs mains sont massacrés. Le père Benoît, le frère Célestin , le père Siméon , le père Séraphin périssent sous le fer assassin ; et toi, frère Fidèle, vieillard infortuné, chargé d'années et d'infirmités, la palme du martyre t'est aussi destinée ; tu meurs victime de la plus épouvantable férocité. Ce vénérable religieux, âgé de quatre-vingt-deux ans, paralytique, sourd et aveugle, fut haché à coups de sabre dans son lit. Mais la fureur de ses bourreaux n'en fut pas pour cela assouvie ; le feu fut mis à la paille de sa couche, et ses membres palpitants devinrent la proie des flammes dévorantes.
De là une partie de ces cannibales se rend dans la pharmacie qui était une des plus belles du royaume, et, après l'avoir dévastée, ils se servent de vases sacrés pour boire de l'eau d'angélique que renfermait un tonneau nommé sixain, et ne cessent, pendant leur orgie, de dire , dans leur patois
Aï coumo leis avén rangea aquéleï BARBU ! buguén à sa santa I
Des Capucins, les barbares protestants volèrent au Collège ; les Doctrinaires prennent la fuite, et échappent au carnage qui leur était réservé ; mais leur maison est livrée au pillage ; leurs effets leur sont enlevés ; ceux des pensionnaires ne sont pas respectés, et l'ardeur du butin transporte à un tel point ces monstres, que, si l'édifice pouvait être enlevé, ils n'y laisseraient pas pierre sur pierre.
Le sort des Doctrinaires est bientôt commun aux Jacobins; une prompte fuite les avait heureusement soustraits à la fureur des brigands. Le couvent est emporté sans coup férir ; les scélérats brisent portes et fenêtres, fouillent dans les appartements, s'emparent de tout ce qui est portatif, et incendient ce qui ne l'est pas ; les comestibles, les provisions de toute espèce disparaissent en un clin d’œil; les tonnes sont vidées, et les transports de l'ivresse suspendent pour un instant les excès des meurtriers. Mais bientôt, animés d'une nouvelle fureur, ils se répandent dans la ville, et de nouveaux forfaits, de nouveaux massacres les annoncent de tous côtés.
L'asile de l'abbé Bragouze, curé de Saint-Paul, est investi ; un jardin voisin facilite sa retraite ; la providence veille sur ses jours ; il échappe au fer des assassins, qui se dédommagent, par la spoliation de son argent, de son mobilier, de sa riche bibliothèque et de ses effets les plus précieux. On lui enlève aussi un ostensoir, plusieurs ornements sacerdotaux, d'une grande valeur, et toute la provision de cire pour une année. Les brigands se disposaient à démolir la maison lorsqu'ils apprennent qu'elle appartient à un protestant ; soudain ils l'abandonnent pour se transporter chez l'abbé Cabanel.
Ils ne se contentent pas de voler et de piller M. Cabanel ; la maison lui appartient ; elle est entièrement ruinée ; ils coupent, ils arrachent les arbres et les plantes du jardin. L'abbé Cabanel évite la mort, mais il tombe dans la plus affreuse des misères.
Une infinité d'autres maisons sont ravagées dans les deux journées du lundi et du mardi, et il n'y en a pas une qui appartienne à un protestant. Mais ce n'est encore rien en comparaison du carnage qui se fit des catholiques pendant ces deux jours ; c'était de toutes parts une affreuse boucherie. Les malheureux réfugiés dans la tour du sieur Froment y furent attaqués avec du canon. Ils résistèrent aux efforts d'une armée de scélérats ; ils capitulèrent enfin, rendirent les armes, se livrèrent sur la foi du traité, et sont inhumainement massacrés. Quelques-uns s'échappent dans la campagne, mais ce n'est qu'un petit nombre. Les rues étaient jonchées de cadavres ; le bruit effrayant de l'artillerie porta l'alarme et la terreur dans les âmes les plus affermies ; jamais ville emportée d'assaut et livrée à la discrétion des vainqueurs n'offrit un spectacle si affligeant pour l'humanité. (voyez pièces justificatives ci-dessous)
Preuves 11 – pages 273 à 277
Noms des personnes qui ont été victimes dans la Bagarre des 13, 14, 15 et 16 juin 1790, et indication des lieux où l'action s'est passée.
Le père BENOIT, de Beaucaire ( Capucin ), âgé de 5o ans, est arrêté dans une chapelle par un scélérat auquel il demande quelques instants pour faire sa prière; le barbare sort sa montre et lui accorde cinq minutes ; dès l'instant que le terme fatal est expiré, il lui tire un coup de fusil et lui plonge sa baïonnette dans le corps.
Le père SIMÉON, de Sanilhac ( Capucin), massacré à coups de fourche dans sa chambre.
Le père SERAPHIN, de Nismes ( Capucin), massacré à coups de baïonnette dans le dortoir.
Le père CÉLESTIN, de Nismes (Capucin), massacré.
Le frère FIDELLE, d'Annecy ( Capucin), âgé de 82 ans , sourd et aveugle, est haché à coups de sabre dans son lit, et on met le feu à la paillasse.
Le père THIBAUD (Jacobin) est blessé d'un coup de fusil.
Louis DEYMOND (rue des Quatre-Jambes). On lui donne un coup de baïonnette dans les reins, un coup de sabre sur la tête, et de plusieurs coups de fusils, on lui casse le bras en quatre endroits différents ; il se traîne chez lui, mais le lendemain on l'arrache de son lit, le promène dans les rues, et, après lui avoir coupé les poignets et les pieds à coups de sabre, on lui donne la mort.
Claude DAUDET , taffetassier , àgé de 28 ans (Esplanade).
Pierre MORIN, et Jean MORIN ( Esplanade), sont massacrés après qu'on leur a crevé les yeux.
Joseph BRUN, âgé de 48 ans (Amphithéâtre). Il fut frappé de plusieurs coups de sabre ; il fut jeté sur un toit ; on l'en précipita à coups de fourche. On l'écharpe à coups de sabre ; on le jette dans le fossé du rempart, et là on achève de le tuer, malgré les instances de sa femme.
MAURIN aîné et MAURIN cadet ( Amphithéâtre) sont tués à coups de fourche et à coups de sabre.
François PERRILLIER (Amphithéâtre) est grièvement blessé ; on le monte au faîte de l'édifice, et de là on le précipite dans la rue.
SABATIER, est précipité dans un fossé où on le lapide.
Denis LEFÉVRE (Porte du Palais). Il fut renversé d'un coup de fusil, traîné dans le fossé où il fut noyé.
CEAS le fils , avocat (Grand'Rue), fut tué sur le seuil de sa porte par un coup de fusil.
Joseph BOUSCHON, âgé de 15 ans (rue Margueritte). Il était à dessiner à sa fenêtre, quand il fut tué d'un coup de fusil.
Pierre ROUQUETTE, tué d'un coup de fusil sur le seuil de sa porte.
Pierre BATAILLE ( Esplanade). On le pend à la lanterne ; la corde casse, et l'infortuné s'enfuit ; il se réfugie dans une maison ; il entre dans la cheminée ; il y est aperçu, et tué à coups de fusil et de baïonnette.
Jean-Baptiste AUZÉBY , Claude DUMAS, Louis LÉVÈQUE, ROUSSEL, PROVENÇAL ( Métairie du sieur Charles) , furent assaillis , dépouillés et tués à coups de fusil dans ladite métairie.
MERCIER (Maison-Commune) fut tué sa tête coupée et clouée devant ladite Maison-Commune.
Jean TRIBES est mort des coups de baïonnette qu'il avait reçus dans le ventre.
Claude VIOLET (Maison du sieur Froment). Il fut suspendu vivant, par le menton, au crochet de fer auquel on pendait la viande, où il resta plus d'une heure, et il fut tué à coups de fusil.
LE ROUGE (Cours-Neuf). On lui tire plusieurs, coups de fusil ; après lui avoir fendu le crâne d'un coup de baïonnette, on lui plante avec force un pouf rouge dans la tête.
François HÉBRARD (Rue Dorée). Il fut tué d'un coup de fusil.
CASTANIER fut massacré devant ses enfants et sa femme enceinte de sept mois, que la frayeur fit accoucher.
Antoine GUIRAUD. Il fut entraîné hors de chez lui, percé de coups de baïonnette, mutilé de coups de sabre enfin tué par une troupe d'hommes armés, parmi lesquels se trouvaient les sieurs Rebuffat, procureur de la commune de Sommières ; Saussine, de la même ville ; Rouvière taffetassier ; Bouvière dit le Dragonnet ; Laguillat père et fils, fabricant de bas ; Daniel Martin, agriculteur ; 1'Enfer fils, domestique ; Batifort, serrurier.
Chrétien DELTRET (Rue du Collège) , tué à coups de fusil.
Suit une liste de personnes qui périrent par le fer ou par le feu :
BONNAFOUX père , GRAFFEUILLE , AUGIER, VINCENT, Jean AUGER, Antoine CLAVEL, Castor JACOB, Guillaume CORDIER, Antoine DUPIN, Pierre ANNOUAI, Jean TURCA, Pierre ARNAUD, Louis MAISON, Jean-Louis GERIN, François GERIN, Paul VERNET, Pierre MABEILLE, André BOULANGER, Jean ADAM, Jean LANGLAIS, Pierre MARCELLIN, Antoine FRANÇOIS, Pierre PETRI , Paul SABATIER, COURBIER, Pierre BORNE, François BOULET, Sébastien JOUVE, Joseph DANIS, BOULANGER, Jean ARNAUD, Michel D'AUGER,
François-Bernard BESTION, Jean MAURIN, Pierre MAUR1N,
Le lundi 15, onze cadavres furent portés à l'Hôtel-Dieu ; le mardi, dix-huit ; le mercredi, un seul ; le vendredi, quatre , et le dimanche, on trouva à demi-pourris, dans les fossés, plusieurs membres séparés, et deux têtes.
Vingt-neuf cadavres qui furent trouvés dans la Tour du sieur Froment, et quatre dans la Tour des Jacobins ;
Deux qui furent trouvés sous l'Arc-de-Dugras ; Deux qui furent trouvés dans le canal du Moulin ;
Deux ouvriers du sieur Lamy , tués le 14 et le 15 ;
Un dans la maison du sieur Nicolas, rue Neuve.
Les malheurs qu'éprouva la famille Gas sont terribles ; la tête de son chef fut mise à prix. On force les portes de sa maison, en le cherche ; femme se présente, on est sur le point de la tuer ; on met une corde au cou de sa fille aînée, on veut la pendre ; on poursuit son fils à coups de fusil ; on renverse et l'on traîne ses quatre enfants en bas âge ; on fouille dans la maison, et Gas n'est pas découvert ; aucun des enfants ne veut dire où son père est caché.
Chabaud de Latour, membre du directoire du département, survient alors et demande Gas, et, apprenant qu'il n'y est pas, il fait entourer la maison par un piquet du régiment de Guyenne qu'il conduit. Une jeune fille de sept ans, par le moyen de laquelle le sieur Blanc-Pascal, procureur, et membre du club, veut le découvrir, demeura inébranlable ; il la menace, il la frappe même au sein, avec le pommeau de son pistolet ; après l'avoir ainsi maltraitée il tente encore, vainement de la faire parler. Vainement encore ce barbare la menace de la pointe de son épée, rien ne l'ébranle ; elle ne tourne même pas la tête vers l'endroit où son père est réfugié. On chassa cette héroïque famille de sa maison ; on la pilla , on la démolit.
Mais, par malheur, Gas est découvert le lendemain. On le saisit, on l'emmène ; on feint de vouloir le traduire dans les prisons du palais ; mais un garçon menuisier de la troupe lui porte un coup de hache sur le cou, qui l'étend par terre ; on le perce à coups de baïonnette ; on lui coupe les bras et les jambes à coups de faux et de hache, on le tue à coups de fusil ; les bourreaux trempent leurs mains dans son sang bouillonnant. À peine l'est-on tué, qu'on le traîna par les cheveux devant la porte de sa maison, et, pendant trente-six heures, il servait d'escalier à tous les barbares que la curiosité y amenait pour en contempler les débris. Ses restes déchirés furent traînés à l'Esplanade. Et quel était donc le crime de ce malheureux Gas ? C'était d'avoir, par la seule éloquence des bons exemples et des vertus, porté sa femme à se faire catholique. Personne ne s'intéressa à cette famille ; tout le monde la délaissa : le fanatisme avait rompu les liens de l'amitié et ceux du sang ! Qui le croirait ? la mère, la propre mère de la veuve Gas, a refusé à sa fille son secours ; elle n'a même pas voulu lui accorder l'hospitalité.
Un malheureux catholique , fuyant la mort qui le poursuit, rencontre un protestant avec qui il a été lié ; Darboux est son nom, il est boucher de profession. Mon ami, lui dit le catholique, sauve-moi je t'en conjure. Je le veux bien, répond Darboux, mais sois des nôtres. Tiens, voilà un fusil, de la poudre, des balles ; suis-moi. Le malheureux le suit en tremblant ; il rencontre bientôt sur sa route une victime qu'une horde féroce conduisait à la mort. Elle s'arrête ; Darboux instruit les monstres. C'est le moment, s'écrient-ils, de nous prouver que tu es à nous. Voilà ce papiste, tue-le ; ta vie dépend de ton obéissance. Ce catholique jette un cri d'horreur. Quoi, dit-il, je tuerais un frère ! je serais capable d'un si grand crime ! ah ! non, non ; immolez-moi plutôt ; je ne rachèterai jamais ma vie à ce prix. La victime lève les yeux, et, dans ce moment d'horreur, le danger que court un catholique l'intéresse ; elle lui adresse ces paroles touchantes : mon ami , puisque je suis destiné à mourir, ne balance pas à sauver ta vie au prix de la mienne. Je te recommande une seule chose, c'est de prier Dieu pour moi lorsque je ne serai plus. Le malheureux catholique, égaré, lâche son coup, et voit tomber son frère infortuné. La douleur le suffoque ; on le conduit chez lui. Ah ! ma femme, dit-il, à son épouse, j'ai commis le plus grand des forfaits........ Il n'a pas la force d'en dire davantage. On le fait coucher, on lui prodigue des secours ; vains efforts ! sa douleur est mortelle, et il expire le lendemain dans le tourment des remords.
Le sang se glace dans les veines au souvenir de tant de Cruauté ; à peine a-t-on la force de peindre ces scènes douloureuses où tant de victimes innocentes implorèrent en vain la pitié des meurtriers ; où des catholiques, arrachés des bras de leurs femmes et de leurs enfants, traînés avec violence sur des places publiques, expirèrent sous le fer des forcenés qui se disputaient le barbare plaisir de les frapper. D'un côté, on les attend avec les armes à feu ; de l'autre , avec les fatales lanternes ; et lorsque les préparatifs de cette exécution emportent trop de temps, cinquante baïonnettes sont dirigées contre eux, et terminent leurs destinées. Les uns sont jetés vivants dans les canaux de la Fontaine les autres lancés d'en haut des remparts dans les fossés ; aucun n'est épargné, tous rencontrent le trépas ; s'ils osent paraître sur leur porte ou traverser la rue, et qu'ils soient aperçus, ils périssent. Ces impitoyables assassins les guettent, les épient comme un chasseur épie sa proie ; et, quand il faut frapper, ils ne s'informent pas si le malheureux est aristocrate, mais seulement s'il est catholique. Lorsque la réponse est affirmative, il est mort.
Dans les journées du 14 et 15, plus de six cents catholiques furent couchés sur la place, parmi lesquels quatre cents pères de famille ; et qu'on ne pense pas qu'ils aient péri honorablement, les armes à la main ; on les en avait dépouillés, ils étaient sans défense, et c'est de leurs maisons que la plupart ont été conduits au supplice. Les protestants n'ont pas perdu en tout vingt hommes. À cette énorme différence, que l'on juge si le fanatisme le plus horrible n'a pas été le motif de toutes ces cruautés, et si l'amour de la constitution et l'intérêt de la chose publique n'est autre chose que le voile dont le protestantisme s'est paré pour déguiser tous ses crimes.
Cependant, le bruit se répandit, le mardi, que six mille catholiques s'avançaient du côté de Remoulins, pour défendre leurs frères ; la terreur suspendit les forfaits ; ils transportèrent sur le chemin une partie de leurs canons, et se retranchèrent derrière cette batterie. Moins jaloux de combattre ces nouveaux ennemis, que d'éviter leur rencontre, ils avisèrent aux moyens de les détourner de leur entreprise ; et le mieux conçu sembla être celui d'envoyer au-devant d'eux quelque catholique adroit et dévoué à la secte, qui les engagea à rétrograder. On fit briller l'or aux yeux de l'infâme Coulet, huissier de profession ; il accepta la commission. Coulet était riverain du Rhône ; il pensa bien qu'il ne pouvait être suspect à ses compatriotes. Il vole à leur rencontre ; il porte à la main une branche d'olivier en signe de paix les trouve à deux lieues de la ville, leur annonce la cessation des troubles et la réconciliation des deux partis ; il les invite à regagner leurs foyers, en leur représentant que leur présence pourrait occasionner de nouvelles hostilités, et jeter la famine dans la ville. Ils cèdent à ces puissantes considérations, et rebroussent chemin. Le perfide messager vient porter cette agréable nouvelle aux assassins des catholiques, qui, revenus de leur épouvante, se livrent avec une nouvelle ardeur à tous les mouvements de leur férocité.
Le meurtre, le pillage, et la démolition des édifices recommencèrent ; et il n'était pas aisé de prévoir quel serait le terme de ces débordements, lorsqu'un détachement de la légion de Montpellier, dont on ne put prévenir l'arrivée par la même ruse employée avec tant de succès auprès des milices de la côte du Rhône, se présente avec une artillerie imposante, et vient préserver la ville de sa ruine entière. Ces vrais patriotes ne sont pas peu étonnés de voir les chemins couverts de morts, et d'apprendre que c'est là l'ouvrage des barbares Cévenols. Amenés par le désir de concilier les deux partis, et non par celui de favoriser l'un en tournant leurs armes contre l'autre, ils sont indignés de ce que des étrangers au lieu de s'occuper de la paix, et d'interposer efficacement leurs forces pour l'établir, ont au contraire, porté des mains homicides sur des citoyens qu'il était de leur devoir de protéger. Le pillage des monastères, le massacre des religieux surtout, les révoltent. Ils eurent la noble fermeté de déclarer, en présence de ces tigres altérés de sang, qu'ils venaient pour en prévenir l'effusion, et pour assurer la tranquillité, de la ville ; qu'ils regarderont comme traîtres et ennemis, et traiteront comme tels, tous ceux qui oseraient se permettre des excès dont ils gémissent , sans examiner de quel parti ils pourraient être.
Cette conduite honorable en imposa aux malfaiteurs à qui le pillage était promis. On les entendit murmurer et se plaindre de la trop prompte arrivée de ces pacificateurs, qui déconcertaient toutes leurs mesures ; mais le club, l’infâme club, qui voulut sauver les apparences, parvint à contenir leur fougueuse rapacité.
Le mercredi 16, les légions réunies se fédérèrent sur l'Esplanade ; on supprima dix-neuf compagnies Catholiques ; l'état-major fut réélu ; les plus zélés clubistes se formèrent ; on proclama la paix. Les tombereaux parcoururent la ville pour enlever les cadavres dont les rues étaient obstruées. Le calmé succéda au tumulte ; les troupes auxiliaires se retirèrent ; mais on laissa aux portes de la ville quinze cents Cévenols, qui, moyennant la solde journalière de quarante sous, protégeaient les protestants et faisaient trembler les catholiques. Tel est l'état d'humiliation auquel ces derniers sont réduits, état bien douloureux et bien déplorable.
Dans le courant de la journée, les officiers municipaux, prévenus qu'un grand nombre de maisons étaient marquées par ces mots bons citoyens, pressèrent de faire une proclamation pour détendre cette marque distinctive, qui aurait infailliblement exposé au pillage les maisons qui ne l'auraient pas eue ou à qui on l'aurait arrachée.
Mais, pendant ces temps d'épouvante et d'horreur que devenait l'assemblée électorale ? Confondue, et pour ainsi dire, identifiée avec le club, elle continue froidement ses élections ; tranquille au sein des alarmes, et fermant l'oreille aux cris plaintifs des mourants qui l'environnent. Eh ! qu'avait-elle à craindre ? Les protestants triomphent ; les catholiques sont foudroyés ; la force publique est à ses ordres ; rien n'est capable de troubler ses séances ; aussi les termine-t-elle au gré des protestants qui se partagent la majeure partie des charges administratives ; en un mot, Vigier, dont jamais rien n'égala l'impudence et l'audace , Vigier est président de l'assemblée.
Les protestants, satisfaits d'avoir remporté une victoire au prix de tant de sang, d'avoir porté des mains sacrilèges sur les vases sacrés et sur tous les objets du culte catholique, mais craignant cependant les poursuites de tant de crimes, car, à cette époque, les autels n'étaient point encore renversés, les prêtres n'étaient point poursuivis, chassés dépouillés de tous leurs biens, comme ils l'ont été depuis pour avoir obéi à leur conscience, en refusant le serment que l'on exigeait d'eux ; les protestants, dis-je, imaginèrent de dresser eux-mêmes, sur les événements, un procès-verbal que la terreur signa : c'est ainsi qu'ils acquirent l'impunité.
La révolution de 1790 marchait à grands pas vers la chute du trône et de l'autel, que les protestants hâtaient, par tous leurs vœux, comme un moyen de puissance.
L'anarchie révolutionnaire fit cesser toutes les dissensions des deux partis. On ne s'occupa que de sa propre sûreté parce que la faux révolutionnaire menaçait également les victimes et les bourreaux.

-oOo-

> Version imprimable PDF

La Révolution à Nîmes, suite d'articles
> La Révolution à Nîmes les massacres de juin 1790, la religion, le tribunal Rélutionnaire, la guillotine et la Terreur..

> Contact Webmaster