Nouvelle Adresse de
la Municipalité de Nismes, présentée à l’Assemblée Nationale par M. de
Marguerittes, Député du Département du Gard & Maire de Nismes, & par M.
Boyer, Substitut du Procureur de la Commune de la même Ville.
Le 31 Octobre 1790.
Il
est trop instruit pour croire qu'une preuve soit suffisamment acquise par de simples informations, surtout lorsque dans ces informations l'esprit de parti, pour ne rien dire de
plus, a dirigé la plupart des
témoins, membres ou affichés du Club ;
surtout lorsque le Procureur du Roi, sommé
à diverses reprises, a refusé constamment,
pendant cinq mois, de faire entendre
les Témoins indiqués par l'Assemblée
des Représentants de la Commune ; surtout lorsqu’il a inhumainement rejeté les plaintes de plus de 60 veuves ou orphelins qui voulaient constater les assassinats commis en la personne de leurs maris & de leurs pères ; surtout, lorsque les dégâts & les dévastations faits à main armée & qui montent à plus de sept cent mille livres, ont été faits sous les veux de
15 000 Gardes-Nationales étrangers ou
de la Ville qui ne s’y font point
opposés & dont plusieurs y ont
participé.
Les
Officiers Municipaux ont rétabli les faits dans leur adresse ; ils ont publié un
tableau qui
dévoile des crimes affreux & des complots depuis longtemps ourdis, dont ils offrent & feront
la preuve quand des Juges impartiaux ne refuseront pas d'entendre les témoins
des uns en
admettant ceux des autres.
Il
est certain que ces faits contrarient ceux-qui ont été rapportés dans plusieurs relations, où tout est dénaturé
& où les plus grandes atrocités sont palliées & passées sous silence.
Le Directoire adopte l'une d'elles, & soutient que :
tous les faits qui y sont consignés furent scrupuleusement examinés, & que
chaque phrase & chaque mot furent sévèrement discutés.
Cette relation n'étant pas
signée, il a été permis de la contredire & de la ranger parmi les libellés
répandus contre la Municipalité ; & puisqu’il y est dit qu'elle ne jouit pas de la confiance publique, le Directoire n'a, pas pu exiger que ce récit fit regardé comme une pièce probante, d'autant qu'il renferme plusieurs faits controuvés, tels que celui des coups de fusils tirés du Couvent des
Capucins dans lequel on n’a pu découvrir ni armes, ni munitions, ni
Légionnaires.
Cette légère
contradiction a néanmoins excité fon animadversion & a été traitée d'audace ; les Membres ont déclaré qu'ils n'avaient pas voulu user
des moyens que les Lois leur confient pour rappeler à leur devoir des
Magistrats qui s’en sont si étrangement écartés.
Heureusement, nous
vivons sous des Lois qui ne permettent rien d'arbitraire ; bientôt l'intérêt commun élèvera des digues contre la licence, contre l'anarchie, & posera des bornes que l'oppression ne pourra point franchir.
Les Officiers Municipaux n'ont éprouvé que des vexations depuis qu'ils sont en place s'ils devaient être encore exposés à de nouvelles violences de la part du Club, ou ne devraient-ils
pas se flatter d’obtenir une juste réparation en vertu des Lois protectrices
des droits de l’homme ?
Ils doutent qu'aucune
Loi ne donne aux Directoires des Départements le droit d'outrager impunément des Magistrats & d'anticiper sur le jugement qui sera rendu par des Tribunaux compétents & impartiaux.
Cependant le Directoire
du Département dépeint dans son Adresse, les Officiers Municipaux se débattant sous la main de
la Loi ; il leur reproche d'avoir
emprunté le masque trompeur
du Patriotisme ; il emploie le terme de mépris ; il y témoigne
l’aversion qu’éprouvent des Corps Administratifs d’avoir des rapports
nécessaires & journaliers avec les Magistrats qu’ils ne peuvent traiter
comme coupables, (certes ils savent bien qu’ils ne le sont pas, ) ni
regarder comme innocents. Avant le succès de leur Adresse calomnieuse, n'étaient-ils pas forcés de leur rendre à cet égard la justice éclatante que quarante mille
de leurs Concitoyens ne cessent de leur rendre ? Mais ce sont là des outrages gratuitement prodigués, dont il sera permis de tirer une
vengeance que peuvent exercer, dans ces temps malheureux, & qu’exercent,
dans toute l’étendue du Royaume, ceux qui ont à leur solde & à leur
disposition des hordes de brigands, & qui savent diriger les poignards de
la multitude, mais cette vengeance tardive quelquefois, & assurent à tout
honnête homme, à tout citoyen, à tout magistrat, odieusement inculpé &
outragé.
Les Officiers
Municipaux sont moins prompts à accuser ; ils n’anticipent pas sur
l’avenir ; mais ils ont droit d’attendre que des procédures faites avec
impartialité & dans une Ville étrangère à tout esprit de parti,
manifesteront de quel côté sont la justice & la vérité.
Alors ceux qui
redoutent cette accablante vérité, qui fuient à son approche, & qui
voudraient l’étouffer par une amnistie, se débattront à leur tour, sous la main
de la Loi ; alors les masques tomberont, & découvriront des âmes
atroce ; alors le terme de mépris sera trop doux, & celui d’exécration
ne sera pas même assez fort ; alors les coupables seront connus, & on
saura dans quelles vues, sous quels prétextes, sur quelles réquisitions, des
brigands fanatiques, attirés dans la Cité, ont rempli leur sacrilège mission de
massacrer des Prêtres & des Catholiques, de dévaster les Couvents & les
maisons, & d’exercer toutes sortes d’atrocités ; alors on jugera sur
qui doit retomber le poids des réparations de tant de désordres, & des
indemnités dues à tant de Citoyens & à tant de veuves & d’orphelins. La
manifestation de ces vérités sera terrible ; mais elle est nécessaire. Les
Officiers Municipaux la doivent à l’honneur de la Cité, & à la dignité des
fonctions dont la confiance publique les a investis.
Il leur tarde sans
doute de déposer ces fonctions qui ont été pour eux qu’une source
d’amertume : inquiétés & poursuivis avec acharnement, accusés &
calomniés avec audace, enfin échappés comme par miracle au glaive des
assassins, ils ont offert depuis longtemps la démission de ces fatales
fonctions ; mais tant qu’ils en seront revêtus ils les rempliront avec
fermeté ; ils n’ont que trop cédé à la violence ; mais résolus de ne
se laisser rebuter ni par les menaces, ni par la terreur, & prêts à faire
s’il le faut le sacrifice de leurs fortunes & de leurs vies, il ne seront
jamais celui de leur honneur.
Le Directoire prétend
que la vérité est consignée dans le récit fait au nom des Électeurs ; mais
il n’est pas un seul fait de ce récit sur lequel les Électeurs n’aient été
trompés & qui puisse soutenir une discussion sérieuse.
Ils ont été trompés
sur le massacre de ces Religieux, sur les honteuses atrocités exercées sur leur
cadavre, sur les sacrilèges & les profanations, & sur les dévastations,
dont ils n’ont pas trouvé à propos de parler.
Ils ont été trompés
sur les coups de fusils qu’on dit être partis des Arènes & de la maison de
l’infortuné Gas, & sur le prétendu dépôt de poudre qu’il recélait.
Ils ont été trompés
sur la violation du droit des gens envers ces malheureux, dont on ne cessa de
fourvoyer l’asile avec du canon, tandis qu’on les amusait par des paroles de
paix.
Ils ont été trompés
enfin sur les coups de fusils qu’on dit avoir été tirés le mardi des fenêtres
des maisons ; fausseté indigne, qui n’a été imaginée que pour justifier
les atrocités de cette journée, où la rage unie au sang-froid outragèrent
horriblement l’humanité.
Faut-il rappeler
qu’après le désarmement général des Catholiques qui ne s’étaient pas même mis
en état de défense, une infinité de Citoyens furent arrachés de leurs retraites
& conduits comme des agneaux qu’on mène à la boucherie, à l’Esplanade, au
Cours neuf, & dans d’autres Places où ils furent fusillés, massacrés,
pendus, où on les hachait vivants avec le sabre & la faux ; où on leur
coupait les poignets, les pieds, le nez, les oreilles, le menton ; où on
leur ouvrait le ventre & on leur arrachait les entrailles pour leur en
battre le visage (1) ; où on exerçait sur eux en un mot les horreurs les
plus exécrables ?
(1) Que MM. Rabaut,
Voulland & autres Signataires de l’avertissement ne prennent pas ces faits
pour un Roman ; le Substitut du Procureur de la Commune est chargé d’en
offrir la preuve au nom des Veuves de Joseph Brun, Jean Louis Guérin, Jean
Vernet, André Boulanger, Pierre Marcellin, & autres ; ainsi que celle
de François Guérin, l’un des témoins de l’information, faite dans le mois de
Mai.
Et sur les plaintes
réitérées faites par les veuves & les orphelins, aucune démarche de la part
du Procureur du Roi, aucune information, aucun témoin entendu ! Tandis
qu’on a la perfide complaisance d’en administrer un grand nombre pour empoisonner
les discours les plus simples & les plus indifférents. Et après une
pareille conduite, après une partialité aussi révoltante, ose-t’on se flatter
que l’Assemblée Nationale aura deux poids & deux mesures (1), & qu’elle
adoptera & souffrira même qu’on lui mette sous les yeux l’inique
information faite à Nismes, tandis qu’elle a repoussé, sans vouloir en entendre
la lecture, celle qui fut faite à Montauban, en vertu d’ordres
supérieurs ?
(1) Ce ne sera pas
sans doute parce que cinq Dragons Protestants ont été tués en combattant à
Montauban, tandis qu’à Nîmes, plus de 200 Catholiques ont été massacrés sans se
défendre, & sans qu’on ait encore daigné faire aucune information à ce
sujet, quoiqu’on ait déjà fait entendre plus de cinq cents témoins.
Et qu’on ne dise pas
que les atrocités commises n’étaient pas connues ; car ceux même qui sont
les plus intéressés à le nier sont forcés d’en convenir (1).
(1) On lit page 42
ligne 7 & suivantes de l’Adresse envoyée à l’Assemblée Nationale par le
Club de Nismes, le 18 septembre 1790 : « Qui ne fait que dans une
émeute horrible qui a duré quatre jours, on s’est livré aux plus criminels
excès ? Quel homme oserait répondre de contenir & de maîtriser une
foule ignorante, qu’on a livrée au désespoir ? La raison, dans un pareil
moment, ne peut-elle se faire entendre de la multitude ? La Municipalité
nous annonce, par une note, le détail imprimé de ces atrocités ; nous n’y
apprendrons rien, que l’histoire trop connue des passions des hommes.
Le récit des Électeurs
se fait sur tous ces faits, de même que sur les excès auxquels les Officiers
Municipaux furent en butte ; de même que sur les pillages &
dévastations du Collège ; du Séminaire ; du Couvent des
Récollets ; de celui des Jacobins ; de l’Hôpital général ; des
maisons de M. Bragouse, Curé ; de M. Cabanel, Prêtre ; de la Métairie
de MM. Les Abbés Paulian, & de tant d’autres ; la maison de campagne
de M. Desponchès, Archidiacre, & de plus de cent maisons de Citoyens
Catholiques. Mais les Électeurs ont encore trompé sur cela, de même que sur un très
grand nombre de faits qu’il serait trop long de rapporter.
Le Directoire
conviendra que s’il n’est pas permis de contrarier un récit où chaque phrase
& chaque mot furent sévèrement discutés, il doit l’être de relever avec
moins d’art, & d’apprêt, si l’on veut, ce qu’il a sans doute omis à
dessein.
Il s’est contenté de
dire que des maisons suspectes furent fouillées, & que les perquisitions
que l’on fit devinrent pour quelques bandits une occasion de pillage.
Mais ces bandits avaient
des listes, des Guides, des Chefs, & il est du devoir & de l’honneur du
Département, du District, de la Municipalité & des Magistrats de réunir
leurs soins & leurs efforts pour parvenir à les connaître. Ce serait
engager une querelle de plume qui deviendrait inépuisable.
La vérité ne peut être
que d’un côté : pour terminer tous ces débats, il faut donc qu’une
Procédure faite devant des Juges libres & impartiaux, composée de Témoins
Catholiques & Protestants, pris indistinctement dans tous les quartiers de
la Ville, & dans tous les lieux de la contrée, fasse connaître de quel côté
l’agression est partie, & surtout l’époque du rassemblement & du départ
des Troupes arrivées avec armes & bagages, dans un court intervalle, &
presque à la même heure, d’une très-grande distance ; sur quelles
réquisitions elles sont venues ; quels sont les Électeurs qui crurent
pouvoir rester sans danger, & ceux qu’on réussit à disperser (1)
(1) Il résulte du
Procès-verbal de l’Assemblée électorale, que le nombre des Électeurs, qui était
de 526 dans le principe, fut réduit à 205 le lundi 14, & ce n’est qu’après
cet éloignement forcé que le tiers des Administrateurs du Département &
tous les Administrateurs du District ont été nommés, cependant le Récit, où
chaque mot & chaque phrase furent sévèrement discutés, suivant l’Adresse du
Directoire du Département du Gard qui l’adopte, ainsi que les cinq Députés du
Département du Gard qui l’on fait imprimer à l’Imprimerie de l’Assemblée
Nationale & distribuer à domicile, dit page 37, lignes 10 & 11 :
l’Assemblée électorale poursuit les Scrutins avec courage, conservant plus des
deux Tiers de ses Membres. Et le Procès-verbal, page 4, ligne dernière, le
nombre des Électeurs était de 526. Est-ce que le Directoire du Département
croirait par hasard que le nombre de 205 forme plus des deux tiers de celui de
526 ? Non sans doute : mais il fallait en imposer sur ce fait comme
sur tant d’autres, pour légitimer l’Élection illégale du quart des Membres du
Département & de l’entier District de Nîmes. La Municipalité se réserve le
droit de relever sans avoir besoin de discuter séparément chaque mot &
chaque page de la Réponse générale aux prétendus faux-fuyants de la
Municipalité de Nîmes.
Cette procédure doit
porter non seulement sur les troubles des mois de Mai & de Juin, mais
encore sur les causes qui les ont produits, sur la conduite respective des
Protestants & des Catholiques avant ces émeutes, depuis l’époque des
Délibérations, manifestant les mêmes vœux pour la réformation des abus de l’ancien
Régime, & prises de concert dans les mois de Novembre & de Décembre
1788, jusques à ces derniers temps ; & elle doit embrasser le détail
de ce qui s’est passé dans le Conseil permanent, des manœuvres & des
provocations de toutes espèce qui ont aigri & divisé les Citoyens, &
amené les malheurs de Nismes.
C’est l’unique moyen
de parvenir à la découverte de la vérité & à la conviction des vrais
coupables, qui, s’ils échappent au glaive des Lois, ne doivent pas échapper à
l’opprobre.
Après cette
conviction, il sera permis de parler d’amnistie, d’abolition & d’oubli du
passé ; mais ce n’est qu’alors qu’on pourra, comme les Directoires du
Département & du District, solliciter la grâce des coupables.
Une amnistie, quelque
générale qu’elle puisse être, ne pouvant pas abolir les réclamations de ceux
qui ont des indemnités à prétendre, & les Directoires du Département &
du District ayant cru pouvoir les rejeter sur la Ville, & même
personnellement sur les Officiers Municipaux de l’un desquels on a fait saisir
& déplacer des meubles, dont même on a annoncé la vente, il est de l’intérêt
de la Ville & de ces Magistrats de constater par des preuves quels sont les
véritables auteurs des maux de la patrie, afin que si les coupables ne payent
pas de leur tête, ils soient forcés de payer de leur fortune les dévastations
& les pillages dont ils seront prouvés les auteurs .
On a beau présumer que
la manifestation de la vérité n’est propre qu’à réveiller les haines, &
qu’à exciter la fermentation des esprits sur les évènements dont on voudrait
anéantir jusqu’à la mémoire.
Mais quoi de plus
propre à aigrir les esprits que de masquer continuellement la vérité, que de
rejeter sur une ville opprimée & sur les Officiers Municipaux, des pertes
causées par des étrangers & par leurs conducteurs qu’il est essentiel de
connaître & de rechercher ?
Quoi de plus propre à exciter l’indignation, que d’offrir un pardon à des opprimés qui ont
droit aux vengeances de la Loi ?
Quoi de plus propre à
réveiller les ressentiments que d’imposer silence à la justice, après avoir
dévoué à l’exécration publique des Citoyens assassinés & des Magistrats
intègres qu’on a maltraités & excédés de coup & qu’on n’a cessé de
diffamer dans mille journaux vendus à l’iniquité, & de soustraire à cette
même exécration ceux qui sous le voile du patriotisme se sont souillés de mille
abominations préméditées & réfléchies, dont le tableau si redouté &
qu’on voudrait anéantir, effrayer l’Europe.
Quoi de plus propre à
entretenir les dissensions & les haines que de retenir dans les cachots des
prisonniers qu’on à décrétées avec aussi peu de justice que de raison, & de
refuser constamment de les admettre à leurs faits justificatifs, malgré les
actes de déni de Justice qu’ils font donner ? (1)
(1) Voyez dans les
pièces justificatives, ces actes & la réponse du juge, qui d’après les
faits avancés par sieur Descombiès, détenu en prison, déclare lui-même qu’il
doit s’abstenir.
Quoi de plus propre à
armer le Citoyen, que de s’obstiner à vouloir traiter en criminels ceux qui ont
toujours été opprimés & n’ont jamais été coupables ?
Vainement on s’est
flatté d’anéantir des faits graves & d’en arrêter plus longtemps la preuve.
(1)
(1) C’est dans cette
vue que les Directoires du Département & du District s’opposent à une
nouvelle information, & s’en tiennent à celle faite sous leurs yeux, dont
chaque déposition leur est connue, appert les notes insérées dans la réponse
aux prétendus faux-fuyants de la Municipalité, laquelle déclare n’avoir jamais
pu obtenir la moindre connaissance de cette information.
Croit-on en imposer,
en avançant que la Municipalité oppose à la procédure juridique l’information
qu’elle assure avoir faite elle-même, tandis que toutes les demandes de cette
même Municipalité ne tendent que depuis six mois qu’à faire informer par devant
tels juges qu’il plaira à l’Assemblée Nationale d’indiquer ? Tandis que depuis
le 15 mai le Procureur du Roi au Présidial n’a voulu faire entendre que
des Membres du Club & les témoins indiqués par les Clubistes ; qu’il a
constamment refusé d’administrer ceux qui lui ont été désignés par les
Représentants de la Commune, & qu’il a eu la barbarie de repousser le grand
nombre de veuves & d’orphelins qui portaient plainte de l’assassinat de
leurs maris & de leurs pères ; fait décisif pour que l’Assemblée
Nationale ordonne une nouvelle information.
Croit-on en imposer
par ce rassemblement affecté de mots, Citoyens, Procureur du Roi, Juges,
Témoins, Administrateurs, Électeurs, Commissaires du Roi, Municipalités
voisines, Gardes-Nationales, tous sont les ennemis des Officiers Municipaux de
Nismes ?
Une simple observation
sur chacun de ces mots en fera connaître la juste valeur.
Et d’abord, Citoyens !
N’y a-t-il donc à Nismes que les Membres du Club & leurs adhérents ?
Ne sait-on pas que 40 000 habitants de Nismes sont justement indignés
contre les calomniateurs de la Municipalité ? Ne sait-on pas qu’après
avoir désarmé les Catholiques (1) on étouffé par la terreur leurs nombreuses
réclamations, & qu’on a cherché même à détruire leur crédit & leur fortune.
(2)
(1) Non-seulement on a
désarmé les quinze Compagnies qui n’ont pris aucune part aux troubles des 13,
14, 15, 16 & 17 juin, fait avéré & constaté ; mais on a donné
leurs armes à des volontaires Protestants Etrangers (à la ville) qui les ont
emporté chez eux, appert le Procès-verbal des Officiers Municipaux
d’Aubais ; mais on a supprimé toutes ces Compagnies, & l’on a refusé
même d’en recevoir les Volontaires dans les vingt-quatre Compagnies
conservées ; mais on compte à peine six cents Catholiques dans la Légion
composée de deux mille quatre cents hommes, quoique les Catholiques forment les
quatre cinquièmes de la population. Tout décèle donc dans les protestants la
fureur de dominer. Qu’on en juge par l’empressement qu’ils mirent à désarmer
les Catholiques dès l’instant qu’ils furent les forts, au moyen de 15 000
étrangers qu’ils avaient fait venir (des villages voisins, principalement de la
Vaunage protestante). Qu’on en juge par la manière dont ils composèrent, en
contravention des Décrets de l’Assemblée Nationale, la Légion Nimoise. Elle
avait été formée, jusqu’au massacre du mois de juin, de 43 Compagnies. Dès
l’instant, que cet exécrable projet eut été mis à exécution, & que les
Catholiques furent subjugués, & en grand nombre assassinés, la Légion fut
réduite à 24 Compagnies. Et ce qui prouve que l’unique but des Protestants n’était
que de s’emparer de tous les pouvoirs, c’est que sur 24 Capitaines qu’ils
élurent, ils en nommèrent 22 Protestants ; & cela dans une ville où les Protestants ne forment que le
cinquième de la population. Ce fait est tiré d’un Mémoire que la Garde, se
disant Nationale de Nîmes vient de publier. Le style de ce nouveau Libellé
& les odieux mensonges qu’il renferme, ne nous permettent pas de nous abaisser
jusqu’à le réfuter.
(2) Entre autres faits,
voyez le Procès-verbal dressé le 22 octobre dernier à la requête des sieurs
Maigron, Vignal & Compagnie, Négociants Catholiques de Nismes, qui se
plaignent qu’on leur a suscité une avanie qui leur coupa la vente un jour de
marché, qui fit naître la répugnance des Pratiques qu’ils ont dans la contrée à continuer de s’approvisionner
chez eux ; qui donna atteinte à leur crédit, par l’apparence de la saisie
de leurs effets & de l’arrestation de leurs personnes ; faisant
arrêter par la Garde Nationale le reste des Marchandises que lesdits sieurs
Maigron, Vignal & Compagnie rapportaient de la Foire d’Uzès ; & en
faisant circuler dans le Peuple ces assertions incendiaires ; là Nation
est trahie… On introduit des armes, de la poudre, M. d’Artois, le sieur
François Froment… Ils sont dans les malles, on en est sûr, on a été averti. Les
Boutiques & Magasins de ces Négociants sont investis, & Le
Procès-verbal est joint aux Pièces.
Procureur du Roi !
La conduite qu’il a tenue depuis le commencement de cette affaire sans égard
pour les ordres du Chef de la Justice, dispense de toute réflexion.
Juges ! N’ont-ils
pas été menacés ? La vie du Lieutenant-Criminel n’a-t’elle pas été en
danger pour avoir rendu la liberté au sieur Vigne, Négociant, & Capitaine d’une
Compagnie Catholique, contre lequel il n’y avait aucune preuve ? Ce Magistrat
ne vient-il pas de déclarer qu’il s’abstient & cesse d’être Juge dans l’affaire
du sieur Descombiès au moment de l’admettre à ses faits justificatifs ?
Témoins ! Un
grand nombre est membre du Club, & a signé l’Adresse du 4 mai ; en
sorte que ces MM. sont à la fois dénonciateurs & témoins.
Administrateurs, Électeurs,
Commissaires du Roi ! Ignore-t’on que les Directoires du Département &
du District de Nismes sont en grande partie formés de Membres du Club ? Ignore-t’on
que les Directoires du Département & du District de Nismes sont en grande
partie formés de Membres du Club ? Ignore-t’on que le Club qu’on dit composé de Catholiques
& de Protestants, sur quatre cents dix-sept membres, compte seulement
soixante troix catholiques ? Ignore-t’on que les Electeurs avaient été
circonvenus à l’avance, & que les Commissaires du Roi se sont toujours
concertés avec le Club ?
Municipalités voisines !
Ne devaient-elles pas s’opposer au départ de leurs Gardes Nationales, puisqu’il
n’existait aucune réquisition de la Municipalité de Nismes ? Cet oubli de
devoir ne les rend-elles pas parties dans cette affaire, & dès lors comment
peut-on s’appuyer de leur témoignage ?
Garde Nationale !
À l’exception de celle de Montpellier, qui s’est couverte de gloire en arrêtant
dès son arrivée le massacre & les atrocités, que de regrets doivent avoir
la plupart des autres, témoins & tranquilles spectatrices des excès que
leur devoir était d’empêcher ; & combien de reproches ont à se faire
celles qui non-contentes d’avoir coopéré au pillage, se sont encore enrichies
des dépouilles des infortunés qu’elles devaient protéger & secourir ?
Les Officiers Municipaux
persistants dans leur Adresse supplient donc l’Assemblée Nationale & tous
les gens de bien de ne se décider ni sur des récits pleins d’erreurs, ni sur
des informations dont la suspicion est sensible & a été démontrée ;
mais de suspendre leur jugement jusqu’au moment où le temps, la vérité, l’impartialité
auront rassemblé & mis au jour toutes les preuves dans des informations
dignes de foi.
Il supplie en outre l’Assemblé
Nationale de prononcer sur la démission qu’ils ne cessent d’offrir de leurs
fonctions, & de ne pas perdre de vue que M. Viellard, Rapporteur de l’Affaire
de Montauban, lui disait :
« En remettant
trop légèrement certains délits, il peut résulter de leur impunité l’ébranlement
de la Constitution. Il est facile, sans doute, à des vainqueurs de dire :
Nous sommes en paix quand leurs ennemis chassés ne peuvent revenir chez eux que
pour y subir la Loi qui leur est imposée… Ce n’est pas dans une ville où l’esprit
de parti s’est si violement manifesté qu’on peut se flatter que les
informations ont été faites avec impartialité… Dans ces circonstances, votre
Comité de Rapport à l’honneur de vous proposer le Décret suivant. (Ce décret
fut adopté.)
L’Assemblé Nationale,
après avoir entendu son Comité de Rapports, déclare que l’Information commencée
devant les Juges de Montauban relativement aux événements arrivés dans cette
Ville le 10 mai, demeure comme non avenue… L’Assemblée Nationale décrète qu’il
sera informé devant les Officiers Municipaux, Juges ordinaires en matière
criminelle, à Toulouse, à la diligence de la Partie publique, de tous les événements
arrivés à Montauban, tant antérieur que postérieur à ladite époque,
circonstance & dépendances ; à l’effet de quoi les Pièces déposées au
Comité des Rapports seront incessamment adressées à la Partie publique, &. »
Dans certaines
circonstances semblables, & d’après ces considérations, les Soussignés ont
l’honneur de représenter à l’Assemblée Nationale que les Officiers Municipaux
de Nismes ont demandé, que pour le plus grand nombre, leur démission à
plusieurs reprises ; qu’ils sont chaque jour inquiétés dans leurs
fonctions qu’il est au-dessus de leurs forces de continuer ; que plusieurs
d’entre eux se trouvent absents par une suite de vexations qu’ils ont
éprouvées, & que d’ailleurs le renouvellement d’une partie de la
Municipalité doit avoir lieu à l’époque présente ; c’est pourquoi l’Assemblée
Nationale est suppliée de vouloir bien ordonner que, vu la démission d’une
partie des Officiers Municipaux & et l’absence des autres, la Commune de
Nismes sera incessamment convoquée, & qu’il sera procédé à la nomination
& renouvellement de la Municipalité de Nismes ; & comme il importe
à ces Magistrats de constater par des preuves & une information juridique
& impartiale, quels sont les véritables auteurs des assassinats, pillages
& dévastations commis à Nismes, ils supplient de nouveau l’Assemblée
Nationale d’ordonner, conformément aux Décrets rendu pour Montauban le 26
juillet, & Schelestradt le 14 août dernier, que l’information commencée
devant les Juges de Nismes relativement aux troubles qui ont eu lieu dans cette
ville pendant les mois de mai & juin, demeure comme non-venue, & qu’il
sera informé devant les juges de Montpellier ou autres, étrangers au
Département du Gard, & à la diligence de la Partie Publique, de tous les événements
arrivés à Nismes les 2, 3, 4 mai, 13, 14, 15 16, 17 juin, ainsi que tous ceux
qui y sont relatifs, tant antérieurs que postérieurs aux dites époques, &
notamment de ceux contenus dans les Détails circonstanciés ; à l’effet de
quoi les pièces déposées au Comité de Recherches seront incessamment adressées
à lad. Partie Publique. Ils la supplient enfin de décréter que toutes les armes
de la Légion Nîmoise, même celle des Compagnies qui ont été désarmées, seront
habituellement déposées dans la Maison Commune, & dans une Salle disposée à
cet effet ; & sans s’arrêter aux changements survenus dans ladite
Légion pendant & depuis les troubles, ordonner que les Légionnaires,
conformément aux Décrets de l’Assemblée Nationale, seront exclusivement pris parmi
les Citoyens actifs qui se sont fait inscrire, défendant à tous autres de se
réunir en Troupes armées & de porter l’Uniforme National.
Signé,
Teissier-Marguerittes,
Maire
Boyer, Substitut du Procureur de la Commune.
.
-oOo-
|