LA FÊTE NATIONALE DE LA FÉDÉRATION A NÎMES
le 14 juillet 1790
extrait l’Histoire de Nîmes par P.L. Baragnon père, 1832
tome IV, page 15 à 19


Esplanade de Nîmes - Fête de la Fédération le 14 juillet 1790
Enluminure de Ferdinand Pertus.




La fête nationale de la fédération, qui devait se célébrer par toute la France, approchait : elle le fut à Nismes, au milieu des ruines, sur l'esplanade, teinte encore du sang d'une foule de citoyens. La municipalité, malgré sa position critique, y présidait et tint un langage de concorde qui ne fut point entendu (1).

(1) Nous avons sous les yeux, en écrivant, les procès, verbaux rédigés par la municipalité, et les discours qui furent prononcés. Leur analyse occuperait trop d'espace ; nous nous bornerons à citer quelques passages du discours de M. Murjas.
« Quel superbe spectacle nous présente en ce moment ce royaume ! Les nobles travaux de notre auguste sénat, sur point d'être couronnés du plus brillant succès, nous font entrevoir, d'un coté la perspective du bonheur, de l'autre tous les Français réunis par la concorde et l'amitié, montrant à nos yeux enchantés un peuple de frères.
Ce coup d’œil attendrissant, un des premiers fruits de la bienfaisante constitution, dont nous commençons s à goûter les précieux avantages , ne nous laisserait rien à désirer , si nous pouvions être assurés que celui par qui règnent les rois, et par qui les empires sont gouvernés, daignera tenir éloignées de nous pour jamais la détestable haine et l'affreuse discorde.
0 nos concitoyens ! ô nos amis ! ô nos frères ! Vous, dont les sentiments patriotiques nous sont si bien connus, mettez tout en usage pour maintenir dans notre cité la paix et la concorde
C'est en concourant tous maintenant à y conserver la paix ; c'est en nous aimant tous comme des frères, que nous nous montrerons bons Français, et que nous remplirons les vœux d'un roi citoyen, qui nous invite tous à nous réunir dans un même esprit, à nous rallier avec courage autour de la loi, et à favoriser de tout notre pouvoir l'établissement de la constitution. »

Du reste, rien ne manqua au triomphe des puissants du jour. Tout le clergé fut contraint d'assister à la cérémonie religieuse qui précéda la fête. Des troupes couvraient la place ; un amphithéâtre était rempli de dames vêtues de blanc et parées des couleurs ,nationales. Le serment civique fut prêté par tous les corps constitués, par la troupe et même par les femmes ; des discours nombreux furent prononcés; un Te Deum fut chanté à grand orchestre, et les gardes nationaux, réunis aux troupes de ligne et aux volontaires étrangers, se rendirent en masse à la fontaine. Des tables étaient dressées dans toutes les allées ; un repas civique termina les plaisirs de la journée ; les danses se prolongèrent pendant trois jours : tout était démonstration extérieure ; mais le parti protestant arrivait à ses fins.
La foire de Beaucaire, qui s'approchait, devint le prétexte d'un nouveau camp fédératif où se réunirent douze mille gardes nationaux arrivés de plusieurs points : généralement les opérations commerciales y furent rares et mauvaises, et, si les paiements se firent sans trop d'interruption, on le dut à rémission des premiers assignats, qui déjà et dès leur origine perdaient sur le, numéraire.
Bientôt arrivèrent à Nismes plusieurs des députés du département à l'assemblée constituante. Ils avaient obtenu un congé avec la mission de venir fortifier l'esprit public ; ils furent porteurs d'un drapeau que le gouvernement envoyait à la garde nationale, et dont la réception devint encore l'occasion d'une réunion brillante qui eut lieu le 15 août, et fut suivie d'un repas où tous les corps constitués furent invités, à l'exception des membres de la municipalité.
Cet affront n'était pas le seul que ces fonctionnaires publics eussent à éprouver. Tous les actes de leur administration étaient critiqués. Le département, entièrement subjugué par un parti, ne cessait de contrarier toutes leurs opérations, et cherchait dans toutes les occasions à les compromettre (1).

(1) On les accusa d'infidélité dans le récit des événements de Nismes au mois de juin. Le département prit parti : il leur fit un crime d'avoir pressé la clôture des registres où s'inscrivaient les citoyens qui voulaient faire partie de la garde nationale , lorsqu'une ordonnance royale leur en faisait un devoir. Le procureur-général-syndic menaça de les poursuivre, et ils furent obligés de justifier leur intention par une proclamation du 15 octobre 1790.
ll serait facile de citer une foule d'exemples.

Pendant que ces évènements se passaient à Nismes, le camp de Jalès ou, pour mieux dire, la fédération de Jalès tenait officiellement ses séances, imitant l'exemple qu'on lui donnait dans le Gard : elle croyait agir si constitutionnellement, qu'elle rédigeait des procès-verbaux de sa réunion , constituait un comité permanent et nommait des députés chargés de se rendre à Montpellier et à Nismes, à l'effet de prendre connaissance des évènements et des moyens de ramener la paix entre les deux partis. Si cette démarche devenait inutile, le comité permanent était expressément chargé de s'adresser au roi et à l'assemblée nationale pour faire rendre justice à qui elle serait due (1).

(1) On peut consulter, à cet égard , les procès-verbaux signés par le général de la fédération, son état-major, les maires et officiers municipaux des communes voisines, et tous les membres des comités ; ils furent imprimés à Orange et distribués ouvertement : des extraits furent envoyés au directoire du département de l'Ardèche.



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