LE VIEUX NIMES
de Théodore Picard

extrait de la Revue du Midi, N°11, du 1er novembre 1902
pages 341 à 380
  
Nîmes 1851, vue cavalière, dessin de Guesdon. Collection Musée du Vieux Nîmes.
 
L'histoire, des vieilles cités a provoqué constamment la sagacité des chercheurs. Décrire les monuments anciens, interroger leurs inscriptions mystérieuses, restituer les formes antiques défigurées par le temps ou mutilées par la main des hommes ; compulser ensuite les archives poudreuses du passé, afin de l'unir au présent par une chaîne ininterrompue. Voilà le labeur, souvent aride, mais toujours plein d'intérêt, auquel les archéologues ne cessent de s'appliquer comme à l'envi. Le passé de notre antique Cité nîmoise, surtout, devait stimuler leur zèle.
 
C'est afin de résumer leurs travaux que nous avons résolu de compléter notre précédent ouvrage « Nîmes autrefois, aujourd'hui » par ces Notes sur le Vieux Nîmes Au nombre de ces travaux, il convient de signaler ceux de l'historien Léon Ménard. - La brochure de Albin Michel « Nîmes et ses rues », où sont détaillées, suivant l'ordre alphabétique, toutes les rues de la ville, avec leurs étymologie, leurs altitudes, les détails d'histoire qui les, concernent, L'excellente Etude topographique « Enceintes successives de Nîmes depuis les Romains jusqu'à nos jours » publiée en 1874, par M. F. Germer-Durand, sous le titre a Promenades d'un curieux dans Nîmes », et qui nous a servi de type dans la rédaction de ces Notes.
 
M. Germer-Durand a eu l'amabilité de nous faire bénéficier d'une partie de ses dernières investigations inédites sur l'histoire de notre Ville. Cette sorte de collaboration confère à notre travail un prix d'inestimable véracité, et nous sommes heureux d'offrir publiquement à leur auteur la vive expression de notre remerciement.
 
                              Nîmes, 1902.
 
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TOPOGRAPHIE DE NEMAUSUS
Théodore PICARD
 
 
La Louve - Poldo d'Albenas, 1560.
 
L'antique Nemausus assise aux pieds des Monts Garrigues, dernier contrefort des Cévennes, recouvrait un espace de terrain évalué à 220 hectares. Sa configuration générale était celle d'un polygone irrégulier, allongé du N.-E. au S.-O., présentant, comme dimensions maximum 2300m de longueur sur une largeur de 1700m environ. Le développement total des nombreux alignements qui fermaient ce polygone, était d'environ 6000m. La muraille établie sur ces traces, et qui en constituait l'enceinte primitive, enveloppait le sommet des collines ou puechs, au nombre de sept, qui protégeaient la Cité au Nord, à l'Est et à l'Ouest. Du côté du Midi, ce mur avançait vers la plaine, passait au devant de l'Amphithéâtre, et reliait les deux saillies extrêmes E. et O., distantes entr'elles de 1600 à 1700m. Ces sept puechs figurent sur le Plan de M. Gérmer-Durand « Enceintes successives de la Ville de Nîmes » avec les dénominations suivantes : Podium Judaicum (Mont-Duplan), Podium Crematum (Mons-Martyris), Podium Ferrarium (Petit Puech), Podium de Lampade (La Lampèze), Mons Exelsus (La Tour-Magne), Mons Combretto (Serre de Combret), Mons Aureus (Montaury).
 
L'enceinte romaine ainsi délimitée, était fortifiée par un certain nombre de tours, placées de distance en distance, mais dont il serait difficile de préciser les emplacements. On sait, par l'historien Ménard, que quelques-unes de ces tours étaient percées de portes donnant seules accès dans la ville gallo-romaine. Ces portes étaient au nombre de huit, savoir : PORTA HISPANA (Porte d'Espagne), PORTA. ANAGIA (Porte de Nages ou de l'Amphithéâtre); PORTA AQUARUM (Porte dite des Eaux), PORTA ARELATENSIS, (Porte d'Arles), PORTA UCETIENSIS (Porte d'Uzès), PORTA ANDUSIENSIS (Porte d'Anduze), PORTA SALVIENSIS (Porte de Sauve), PORTA CIRCI (Porte du Cirque). La première de ces portes donnait passage à la VIA DOMITIA (Chemin de la Monnaie [*] ) venant de Narbonne par Sextantio (Castelnau). Cette voie traversait la Ville en suivant la direction de la rue des Frères-Mineurs, passait près de la Maison-Carrée, prenait ensuite l'ancienne rue de l'Agau, et sortait enfin par la Porte d'Arles, se dirigeant vers Ugernum.
 
[*] NDLR - Erreur, la Via Domitia a été créée à partir d'un réseau de voies existantes, en particulier la voie Héracléenne, à partir de 118 av. J.-C. à l’instigation du général romain Cneus Domitius Ahenobarbus dont elle porte le nom.
 
Aucune indication ne permet de nommer les différents quartiers romains groupés auprès de cette voie principale, et de suivre les traces des artères secondaires qui l'avoisinaient. Il est fort probable, vu les nombreux vestiges que l'on rencontre du côté des collines et à proximité de la Fontaine, que des agglomérations importantes devaient se trouver au Nord, à l'Ouest et le long du ruisseau formé par l'écoulement de ce cours d'eau. C'est, au voisinage de la source romaine que se trouvent, surtout en nombre, les restes de ces anciennes constructions. C'est bien là le berceau de la Ville gallo-romaine.
 
Quelle était la population de cette capitale des Volces Arécomiques ? Cela est incertain. Il parait, cependant, d'après les fouilles nombreuses opérées dans ces derniers temps, que la moitié à peine de la surface de la ville romaine était bâtie, et que la plupart des maisons n'avaient qu'un étage ; ce qui porte à 30.000 âmes environ le chiffre de la population. D'après les évaluations de Ménard, la population de Nemausus devait être plus élevée. L'historien donne le chiffre de 70.000 âmes.
 
Les eaux de la source romaine coulaient à partir des Thermes et jusqu'à la rencontre de la voie Domitienne, entre les bords d'un large fossé (Rivus de Salice) ; elles pénétraient ensuite dans la vieille cité, du côté de la Maison-Carrée, et en sortaient par la Porta Aquarum pour former le Vistre de Nîmes. Les deux Cadereaux (Cadaraucus) du chemin d'Alais et du chemin d'Uzès, amenaient : le premier, les eaux torrentielles formées par les collines des chemins d'Anduze et d'Alais ; le deuxième, celles de la Fontaine de Calvas et des garrigues voisines. A ces cours d'eau naturels, il faut ajouter les eaux abondantes dérivées de la Fontaine d'Eure, prés d'Uzès, dont le canal d'amenée débouchait au pied de la Lampèze, au Castellum divisorium, d'où s'étendaient de nombreuses ramifications à travers la Cité. C'est pour l'adduction de ces eaux que les Romains avaient construit le gigantesque Viaduc appelé le Pont-du-Gard.
 
NÎMES AU MOYEN AGE.
 
Après la chute de l'Empire romain (471), les dévastations successives des Vandales, des Visigoths, des Sarrasins et des Normands, vinrent amoindrir l'importance de l'antique Nemausus ; enfin, les guerres féodales des XIe et XIIe siècles achevèrent de ruiner son prestige, et préparèrent ainsi son annexion à la couronne de France (1226).
 
Dès le commencement du Ve siècle, la vieille Cité romaine devint plus petite et plus modeste, son enceinte se réduisit peu à peu, et son circuit ne fut plus que de 2.000 mètres environ, enfermant à peine une surface de 32 hectares. La ville bâtie, elle-même, avait pour limites : l'Agau au Nord, le fossé du Champ de Mars à l'Ouest, l'enceinte du Château des Arènes, les murs romains et la Porte d'Arles au Midi ; son périmètre ne dépassait pas la ligne des boulevards actuels ; les faubourgs se formèrent plus tard.
 
Au XII siècle (1144), son mur de défense, copie réduite du mur antique, était comme lui; percé de portes et fortifié par des tours, reliées entre elles au moyen de courtines. Cette enceinte était protégée, extérieurement, par des fossés dans lesquels circulaient les eaux d'écoulement de la Fontaine, mêlées à celles de la ville. - Au XVe siècle, l'enceinte de 1144 dut subir d'importantes transformations par suite de la création, au Nord de la ville, du populeux faubourg des Prêcheurs, qu'il s'agissait de protéger contre les bandes irrégulières qui l'entourait. Le rempart était percé de deux portes : celle d'Alais et celle de la Croix-de-Fer.
 
Plus tard, à l'époque des guerres religieuses, l'enceinte fut agrandie, fortifiée, et la ville du moyen âge mise en état de défense. Les portes furent protégées par une série de bastions reliés entre eux par une courtine. On fortifia aussi la Tour-Magne, et on construisit le fort Rohan au de la ville (1622). En 1687, les portes de la Bouquerie et des Prêcheurs furent démolies. La première fut reconstruite ensuite à l'origine du Grand-Cours, et la deuxième, vers l'extrémité du Petit-Cours ; ce fut la Porte des Casernes. A la suite de la paix d'Alais (1629), les fortifications de Rohan furent démolies. Enfin, à la même époque on construisit la Citadelle, dont le projet remontait à 1651.  
Au XVIIIe siècle, après la guerre des Camisards (1704), les faubourgs prirent une certaine extension. En outre de celui des Prêcheurs ou des Bourgades, il faut citer les faubourgs de la Magdeleine, de la Carretterie, de Hôtel-Dieu, de la Couronne ; plus tard le faubourg Richelieu ; enfin, celui du Cours-Neuf. - Les portes étaient, alors, au nombre de dix. La principale était la Porte de la Couronne ; venaient ensuite celles des Carmes, d'Auguste, des Casernes, du Chemin, de la Boucarié, de la Magdeleine, de France, de Saint-Antoine et celle des Arènes ou de Saint-Gilles. La démolition complète de ces portes et des remparts eut lieu en 1793.
 
Dans son travail sur les Enceintes successives de Nîmes, M. Germer-Durand mentionne 9 portes pour la Cité proprement dite et 4 pour les faubourgs, savoir : Porte d'Arles et première Porte des Carmes, deuxième Porte des Carmes, Porte de la Couronne, Porte des Arènes, Porte Saint-Antoine, Porte du Champ de-Mars, Porte de la Magdeleine, première Porte de la Bouquerie, Porte du Chemin ou des Prêcheurs, deuxième Porte de la Bouquerie, Porte d'Alais, Porte de Crucimèle, Porte des Casernes ou d'Uzès. Ces quatre dernières portes donnaient accès aux faubourgs, et les autres à l'intérieur de la Cité. - L'emplacement des tours établies entre ces portes reste indéterminé. Voici, cependant, la dénomination de ces ouvrages, d'après l'auteur précité : Tours du Marché-aux-Bœufs ou Castellum de Morrocipio, Tour du Temple ou du Collège, Tour de l'Évêque, Tours du Petit-Cours, Tours du Grand-Cours, Tours des Clotes, Toues des Conils, Tours Sainte-Claire, Tour Vinatiére, Tour du Murier, Tour St-Thomas :
 
L'écoulement des eaux de la Fontaine à travers la cité du moyen âge, dut subir d'importantes modifications après la destruction, par l'Alaman Crocus, de l'aqueduc du Pont-du-Gard (IIIe siècle). Une partie du débit de la source romaine fut dérivée à la hauteur du Pont-de-Vierne, suivant à peu près la, direction du Canal actuel, pénétrait à travers la Cité sous le nom de l'Agau, et passait en aqueduc (Cloaca) soue la Voie Domitienne, appelée Caminus de là l'étymologie de la Porte du Chemin ou des Prêcheurs. Mais lorsque cet aqueduc assez spacieux s'obstrua, les eaux de la Fontaine qu'il conduisait envahirent le pavé de cette voie. Les eaux durent être endiguées, et leur niveau relevé par suite de la création des fossés de la ville (1024) et la construction de deux moulins établis sur cette dérivation, le moulin Pézouilhoux et celui de l'Agau (1112-1234). Jusqu'au siècle dernier, les eaux de l'Agau, entre ces deux points, étaient utilisées par les teinturiers.
 
Le bras, dit de la Jusiole, partait du Pont-de-Vierne, à la hauteur de la rue Antonin, coulait au-dessous de l'ancien Jardin des Récollets, près du Théâtre actuel, et pénétrait dans la ville du côté de la Maison-Carrée. Il s'appelait Cagansol, Cagentiolus rivus. Au XVIe siècle, il reçut le nom de Ruisseau de la Jusiole. « Le bain des. Juives, qui est la fin du Canal venant de la Fontaine, tendant au moulin de la Madeleine, où elles se baignaient et faisaient-leurs purifications ». (Poldo d'Albenas). Cet écoulement, après avoir suivi les rues de l'Horloge et des Tondeurs, traversé la Place de la Belle-Croix, suivi la Grand'-Rue, débouchait au Pont-de-Marc ou des Calquières, dans les fossés de la ville, et se réunissait, à la Place de l'Écluse, avec les autres eaux urbaines pour rejoindre la rivière du Vistre.
 
IMPLANTATION DES MOULINS
DE LA FONTAINE JUSQU'AU VISTRE
 
 
Plan des moulins
 
Voici les noms des Moulins établis sur ces cours d'eau et sur les fossés de la ville :
 
MOULINS DE LA FONTAINE A L'AGAU.
 
1. Moulin de l'Abbesse de St-Sauveur ou Moulin Supérieur, à l'angle N.-O. du bassin carré des Bains, Romains, (1162-1759).
2. Moulin Flaniéjol, à l'angle S. - E. du même bassin (1175-1744).
3. Moulin Rey, près du Pont-de-Vierne (maison d'Urre) (1377-1747).
4. Moulin Gavagnac ou de Vierne, entre le Pont de-Vierne et la Fon Novo, à la division en deux ruisseaux, l'Agau et la Jusiole (1282-1745).
 
MOULIN SUR L'AGAU.
 
5. Moulin Pérouilhoux (Perelhos). Entrée de l'Agau aux Clotesou Crotes (1112-1695).
6. Moulin Canourgue ou Campagnan ou Moulin de l'Agau, à la hauteur de la Tour de Corconne (1233-1748 ), appartenant au Chapitre (Rue du Moulin-de-l'Agau).
7. Moulin de M. Mailhan, à la hauteur de la rue Pont-de-Sigalon, avant la place du Château (1586-1748). (Rue du Moulin - Pelissier ou du Moulin -Nicot).
 
MOULINS SUR LES FOSSÉS DE LA VILLE.
 
8. Moulin de la Madeleine, près de la porte de ce nom, appartenant à M. Mailhan (1363-1752 ). Démoli par une trombe violente en 1557.
9. Moulin de la Tour Vinatière ou des Couteliers (1393-1787).
10. Moulin à foulon, près de Saint-Thomas et de la Porte de la Couronne (1660-1695). - Un Moulin à farine existait près de la Porte de Saint-Gilles, avant 1793.
11. Moulin de la Porte Rades ou Porte d'Arles. Le premier sur l'Agau, à travers le rempart romain, de 1391 au XVe siècle.
12. Le deuxième Moulin, à M. de Calvière, XVIIe siècle, prenait les eaux à la sortie du rempart (à la hauteur de la maison de Trinquelagues).
13. Moulin Vidal ou de Chantal (1485-1760).
14. Moulin Saze, en face du Collège, près le Pont de Marc.
 
MOULINS SUR LE VISTRE.
 
15. Moulin de l'Écluse ou d'Aigremont(1493-1784), Moulin de M. Séguier.
16. Moulin de la Cassagne ou Moulin Crémat, Moulin Magnin (1695-1864), à l'extrémité du Quai Roussy.
17. Moulin de la Reynette, au bout de la rue des Amoureux (1380). Hors de service.
18. Moulin Raspal, le premier près le chemin de la Tour-de-l'Évéque.
19. Moulin des R. P. Carmes, le deuxième.
20. Moulin de M. Laval, le troisième.
21. Moulin de M. de Fabrie, le quatrième.
Les Moulins à vent établis sur les crêtes, au N.-E. de la ville, sont bâtis, pour la plupart, sur le tracé des murailles antiques, et tous avec les matériaux provenant du mur romain. (En 1577, les moulins du Puech-Jusiou, défendus par les Calvinistes, furent pris par les troupes royales et brêlés).
Citons également les Ponts échelonnés entre la source de la Fontaine et le Vistre :
 
PONTS.
 
1 Pont Romain ou Pont des Passes, en amont de la première chûte de la Fontaine.
2. Pont Dalfère, à l'entrée de la Fontaine.
3. Pont de Vierne, sur le Canal, entre le moulin Ray et le moulin Gavagnac ou de Vierne (1352).
4. Pont de la Bouquerie, sur le Canal, reconstruit en 1752.
5. Pont des Clotes ou Pézouilhoux, sur le Canal, dans la ville (1353).
6. Pont de la rue de la Bouquerie, sur l'Agen, aujourd'hui rue du Grand-Couvent (1233).
7. Pont du Chemin, sur l'Agau, rue des Lombards (1233).
8. Pont Garidel, sur l'Agau, rue du Pont-de-l'Agau (1370).
9. Pont de Sigalon, sur l'Agau, rue Xavier-Sigalon. 10, Pont Campagnan, sur l'Agau, près le moulin de ce nom.
11. Pont de Marc ou des Calquières (1434), de l'autre côté du boulevard.
12. Pont Vidal ou de Chantal, rue Notre-Dame. Là finissait l'Agau. On l'appelait aussi Pont Blavet.
13. Pont de la Servie (1493), sur le Vistre.
14. Pont de la Reynette (1380), sur le Vistre.
 
Sur les fossés de la ville, il faut citer les ponts de la Porte de la Madeleine, de la Porte Saint-Antoine, de la Porte du Champ-de-Mars, de la Porte de Saint-Gilles, de la Porte de la Couronne, de la Porte des Carmes, du Château, de la Porte du Chemin, de la Porte de la Bouquerie.
 
A l'époque du moyen âge, la ville, ou plutôt la Cité, était traversée par deux voies principales allant : la première, de la Porte de la Madeleine à celle des Carmes ; la deuxième, de la Porte des Prêcheurs à l'Hôtel de Ville ; elles se croisaient près de la Cathédrale. Une troisième voie reliait la Porte St-Antoine à celle de la Couronne. Ces grandes artères divisaient la Cité, à l'exclusion des Arènes, en cinq quartiers : Ferrage, Corcormayre, Garrigues, Prat et  Méjan. L'intérieur de la ville, ainsi divisé, était percé de rues étroites, tortueuses, plusieurs sans aucune dénomination, véritable dédale formé d'ilote de maison, en partie étiquetées, et à travers lequel l'étranger avait de la peine à retrouver sa route. L'organisation du service de la Voirie, en honneur chez les Romains, fonctionnait très imparfaitement à cette époque. On sait, cependant, qu'un Règlement de police concernant la salubrité des rues fut dressé le 13 mars 1353, sur le désir des Consuls. (Le plus ancien compoix des archives municipales (1380) ne mentionne que les principales de ces divisions par groupes d'ilots). Les nombreux faubourgs qui étaient venus successivement se grouper autour des anciennes murailles, parmi eux il faut citer les Bourgades, n'avaient que des dénominations générales, bien insuffisantes pour la facilité des communications. - Sur la fin du XVIIe siècle, Nîmes comprenait 322 maisons. Sous Henri IV, sa population était de 18.000 âmes. - Sur un plan de Nîmes daté de 1734, et qui parait avoir copié celui de Ménard, les faubourgs de la Magdeleine sont indiqués comme très étendus, ceux de Saint-Antoine et de la Couronne s'arrêtent à la Place de l'Écluse, où ils coupent le faubourg Richelieu ; celui des Prêcheurs se trouve entre la Porte de la Bouquerie et celle des Casernes.


Plan d Nîmes par J.-A. Raymond, 1788. Collection Musée du Vieux Nîmes.
 

En 1785, sur la requête des Consuls, le Roi autorisa la démolition des anciennes murailles formant enceinte, ce qui fut exécuté en 1787. Le Conseil de Ville s'était déjà préoccupé de cette mesure en 1774, et avait provoqué l'enquête. (Voir à ce sujet à la Bibliothèque municipale, un plan dédié à M.Saint-Priest, Intendant du Languedoc, signé J.-A. Raymond, Architecte à Toulouse). - En 1788, le Conseil de Ville statua sur un projet dressé par le Directeur des Travaux publics, comportant la dénomination des îles de la ville, et l'étiquetage des rues des nouvelles îles, dans les quartiers de la Fontaine, Clos de Rey, Clos de Mathieu et autres, en même temps, le numérotage des maisons de chaque île. - En 1791, le Conseil s'occupa de cet étiquetage et de la régularisation des anciennes dénominations fournies au moyen de l'ancien cannage. Il fut reconnu, à cette date, que la ville contenait 460 îles et que 135 seulement étaient nommées ; que sur 320 rues, 91 avaient leur désignation ; que 30 places seulement étaient désignées dans le compoix. Le nom de quelques-unes des rues avait été gravé sur les pierres d'angle par les propriétaires. On peut en voir encore quelques spécimens.
 
A la suite d'un rapport présenté au Conseil municipal, le 30 septembre 1824, par l'un de ses membres, on s'occupait de la dénomination des nouvelles rues, et on mettait de l'ordre dans la désignation des rues actuelles. C'est ainsi que le quartier de la Fontaine a généralement reçu des noms romains ; celui du Théâtre des noms d'artistes ; celui de la Magdeleine, ancien faubourg Saint-Laurent, des noms de saints ; celui du Chemin de Montpellier des noms de rois de France, celui de l'Esplanade des noms du moyen-âge ; celui du faubourg Richelieu des noms d'hommes célèbres du siècle de Louis XIV ; ceux de Saint-Charles et de la Bouquerie des noms de nîmois rappelant notre histoire locale.
 
En 1827, on procéda à l'étiquetage des rues de Nimes sur plaques rectangulaires en tôle peinte. Plus tard, en 1858, on mit en place de nouvelles plaques en fonte, de forme elliptique, avec lettres blanches se détachant en relief sur fond bleu ; on reprit alors le numérotage des maisons. Un nouveau Plan de Nîmes avait été fait en 1828. Enfin, en 1848, un Plan détaillé de la ville fut dressé, à grande échelle, conformément aux-instructions officielles, par MM. Liotard, et c'est sur ce plan réglementaire qu'ont été tracés les nouveaux alignements, prolongements de rues, etc., ce qui constitue, en un mot, le Service de la Voirie.
 
LES ANCIENNES RUES DE NIMES. (1)
 
 
Plan de Nîmes, 1901 de Féline-Laporte.
(cliquer sur l'image pour agrandir)
 
(1) On peut consulter avec avantage le nouveau Plan de Nîmes édité en 1901 par Féline-Laporte, Imprimeur-lithographe. Ce plan, d'un format réduit, (0,26 sur 0,22), d'un tirage soigné, à deux couleurs, est parfaitement à jour. - Avec une légende explicative, l'éditeur a eu le soin de donner au verso, une Nomenclature par ordre alphabétique des Rues de Nîmes, avec renvois aux quadrillés du plan.
 
La physionomie actuelle des rues de Nîmes est loin de ressembler à celle de jadis. L'exécution de nombreux percements, en modernisant la ville du Moyen-âge, lui a enlevé son cachet d'ancienneté, déjà profondément altéré par la suppression des monuments religieux qui la décoraient au XVIe et XVIIe siècle. Il ne lui reste plus aujourd'hui, dans la Cité, comme témoins de son passé glorieux, à part le Temple romain dédié aux fils d'Auguste, que sa vielle Cathédrale du XIe siècle, mutilée, amoindrie, et quelques rares vestiges du Moyen-âge ou de la Renaissance, quelques uns encastrés dans des pans de mur.
 
Il faut remonter en arrière : revoir ses archives communales et hospitalières, consulter ses cartulaires et ses vieux manuscrits, pour faire revivre ses souvenirs effacés. Ainsi, aux lumières de son histoire, le visiteur pourra parcourir successivement, avec fruit, les trois grandes artères qui traversaient la Cité, et y rattacher au fur et à mesure, par la pensée, les anciennes rues voisines qui venaient s'y greffer. Le parcours de nos anciens boulevards, en complétant ces notes chronologiques, lui permettra de restituer entièrement à la ville du moyen-âge, sa silhouette primitive. C'est cette description d'une promenade évocatrice à travers le Vieux Nîmes que nous allons présenter (1).
 
(1) Ces indications rappellent, surtout, les dates d'origine des constructions et celles de leur suppression, ou, à défaut de renseignements précis, l'époque à laquelle leur existence a pu dire constatée.
 
1° De la Porte de la Madeleine à la Porte des Carmes, par la rue de la Madeleine, la place de la Cathédrale, la rue Saint-Castor, la place de la Belle-Croix et la rue de la Curaterie. - Cette direction est encore aujourd'hui la plus fréquentée, malgré son exigüité.
 
RUE DE LA MADELEINE. - Elle est formée de trois anciennes rues :
1° rue Na Buade ou Colonne-Buade, ou rue de la Fleur-de-Lys (1750), ou bien encore rue de la Madeleine.(Buade, en languedocien, signifie souterrain, voûte ; un ancien aqueduc romain se trouve, en effet, près de là) ;
2° rue des Barquettes (1849) ;
3° rue Fruiterie (1609). (La rue dite de la Pelisserie a été absorbée par la rue de la Madeleine).
La rue de la Madeleine, qui part de l'ancienne Porte de la Madeleine (1114), dont on peut voir les vestiges, près du boulevard Victor-Hugo, tire son nom d'une Chapelle établie sous ce vocable, qui existait encore, en 1789, hors des murs. Le bureau des Poids de la Farine était également en-delà de cette ancienne porte. Près de la rue des Frères-Mineurs, était situé le Logis dit de la Tour-Magne (XVIIIe siècle). Dans la rue de la Madeleine, au coin de la rue de l'Étoile, ainsi nommée à cause d'une ancienne auberge de l'Étoile (1527), existait au XVIe siècle, la Chapelle des Quatre-Chevaliers, dite la Capelette, démolie en 1781. Cette, chapelle était contiguë à un ancien hôpital de ce nom appelé Hôpital de la Madeleine. Cet établissement fut vendu en 1483, avec trois autres hôpitaux urbains, pour acquérir l'Hôtel-Dieu. La rue de l'Étoile, autrefois rue de la Pelleterie et Corrègerie vieille, se termine à la Place du Marché. Dans son parcours elle rencontre la rue Maubet, nom d'un médecin du XVIIIe siècle, ou ruelle de M. Goy (1648), Orbe de Malbec. La rue de la Maison-Carrée, située à gauche de la rue de la Madeleine, fait suite à la rue de l'Étoile ; c'était la rue de la Pierre-Mouillée (Peïro mouilhado) ; elle aboutit à la façade postérieure de ce monument derrière lequel passait une voie romaine. Du même côté, on peut voir encore, dans la rue de la Madeleine, numéro 50, la porte principale de l'Ancien Temple protestant, autorisé par Charles IX, en 1565, et démoli en 1685 par ordre royal. Au carrefour de la Calade vient aboutir, sur le côté droit, la rue de la Calade, appelée Calade du Temple (1606). Les bâtiments de la nouvelle École professionnelle occupent aujourd'hui l'emplacement de l'ancien Temple protestant. En 1730, cet emplacement avait été cédé aux Dames de Saint-Maur pour leur couvent. La ruelle de la Calade s'appelait autrefois rue Buade. - A ce carrefour, de l'autre côté, est branchée la rue Fresque (fraiche, humide), autrefois rue de la Jésutarié ou Juiverie (1750). Elle aboutit également à la Place du Marché. La rue Fresque était fermée à ses deux issues par un arceau : l'arceau Saint-Etienne joignant la rue de la Madeleine, dont la démolition a eu lieu en 1781, et celui du Marché qui existe encore ; c'était là autrefois le Marché au blé. La rue de l'Avocat-des-Pauvres, où se trouve la maison de Louis Raoul, bachelier ès-lois (1434), se trouve entre la rue Fresque et celle de l'Etoile. Près de là, dans la rue des Patins, ou rue de la Vieille-Triperie, était le Logis de l'Escut de France, (1555).
 
L'ancienne rue des Barquettes, habitée sans doute, comme aujourd'hui, par des fabricants de biscuiterie, est comprise entre la rue Fresque et la rue de l'Aspic. On remarque à droite, dans la rue des Barquettes, englobées dans le numéro 21, les substructions d'un ancien couvent, et, au n° 19, un bas-relief (IVe siècle) encastré daris le mur d'une cour intérieure. - La rue de l'Aspic s'ouvre à droite, à l'extrémité de cette rue ; elle s'arrête à la Place des Arènes, absorbant l'ancienne rue des Quatre-Jambes. Près de cette dernière place était une hôtellerie qui avait pour enseigne des Balances(1626). La rue de l'Aspic s'appelait autrefois rue des Epis, de l'Espic, et, en 1782, rue des Marchands. Jean Nicot, notaire, père de l'ambassadeur Jean Nicot, qui importa la graine de pétun, Seigneur de Villemain, un érudit (1530-1600), logeait dans cette rue. Le nom de rue Nicot a été donné à une rue du faubourg Richelieu, appelé autrefois rue de l'Enclos-Mathieu.
 
Entre la rue de la Violette et le plan de l'Aspic, cette partie de rue s'appelait Malestrenne ; la partie-supérieure portait le nom de rue de la Pelisserie. La rue de Bernis, branchée sur la rue de l'Aspic, s'appelait rue de la Petite-Fusterie. - A l'extrémité de l'ancienne rue des Barquettes, on rencontre à gauche, la rue Guizot, percée en 1855, partant du boulevard Gambetta, et dont la continuation par la rue de l'Aspic, doit rejoindre la rue Régale ; ce qui permettra de démasquer la Fontaine monumentale de l'Esplanade. Le percement de la nouvelle rue Guizot a fait disparaître la vieille rue Caguensol (1355) (étymologie patoise assez vulgaire) qui aboutissait à la rue de l'Horloge. La création de cette artère importante, et ensuite son prolongement lors de l'établissement des Halles, a provoqué la disparition de l'Ilôt du Refuge, out se trouvait l'ancien bâtiment de l'Hôtel de Ville transféré à la Trésorerie Royale (1699). La Tour de l'Horloge, construite en 1412, a été réparée en 1754 ; elle a été ensuite isolée et restaurée. La rue de l'Horloge qui passe auprès de la Tour, s'appelait rue du Département. L'ancienne rue des Babouins (figures grotesques sculptées) joignant la rue Caguensol à la hauteur de la rue de la Figuière, est devenue la rue Littré. - C'est dans une maison de la rue Caguensol que naquit François Pierre Guillaume Guizot, Ministre de Louis-Philippe (1787-1874).
 
L'ancienne rue de la Fruiterie, où devaient s'abriter sans doute des marchands fruitiers, mène à la place de la Cathédrale. On y voit, à droite, au n° 1, des vestiges d'architecture que l'on croit devoir rapporter à l'ancien Convent de Sainte-Eugénie, et dont les motifs se reproduisent également en retour sur la place. La rue-Sainte-Eugénie, ouverte à droite, conduit à cette ancienne église du XIIe siècle, l'une des principales rectories de la Cathédrale. - L'Hôtellerie du Cheval Blanc (1480) se trouvait près de Sainte-Eugénie. A côté de la rue Sainte-Eugénie débouche l'ancienne rue du Four des Filles, aujourd'hui la rue Auguste Pelet, du nom de l'antiquaire (1705-1785), en prolongement de la rue de Bernis. Cette dernière rue rappelle le souvenir du Cardinal François-Joachim de Pierre de Bernis (Saint Marcel d'Ardèche (1715-1794).
 
PLACE DE LA CATHEDRALE ou Place aux Herbes, - Cette place, qui servait de marché maraîcher et aussi à la vente des viandes, avant la construction des Halles centrales, portait autrefois les noms de Place de la Boucherie (1270), Place des Bourgeois (1321.) Elle relie la rue de la Madeleine à la rue Saint-Castor. - Le monument religieux qui la décore remonte au XIe siècle. La mutilation, œuvre des Calvinistes, rappelle les dates douloureuses de 1567 et de 1621: Le Palais Episcopal qui l'avoisine, détruit à la sinistre époque de la Michelade, a été reconstruit en 1685, par l'Evêque Séguier. A côté, s'ouvre la rue des Marchands, et, en face, la rue des Lombards. La nouvelle rue des Halles, qui débouche à l'entrée de la place, mène directement aux Halles centrales édifiées en 1884. Leur construction a fait disparaître, heureusement pour la santé publique, les rues Gaguensol (1355), de la Figuière, de Saint-Baudile, et une partie de la rue des Petits-Souliers, ancienne rue Savaterie.
 
RUE SAINT-CASTOR. - Cette rue rappelle le patron de l'église Cathédrale, né à Nîmes, mort Évêque d'Apt en 419. C'était autrefois la rue du Clocher, de Notre-Dame et de la Vieille Draperie (1746). - Le presbytère actuel, qui se trouve vers le milieu de cette rue, avait appartenu à l'archidiacre Bégault ; il se distingue par son architecture délicate de style Renaissance (XVI-XVIIe siècle). Dans la cour, on voit un puits surmonté d'une caryatide. A gauche, débouche l'ancienne rue du Four de l'Asclau, ou rue de l'Arc Dugras, d'une maison du XVIIe siècle qui formait également façade sur la rue des Lombards, et appartenant autrefois à M. Dugras. Dans cette rue, vers le haut, joignant la rue des Orangers, on remarquait un immeuble avec cour intérieure rappelant le style du XVe siècle, et blason sculpté, où avait habité le Cardinal Albéroni. Ces anciens vestiges ont disparu après le remaniement des rues du quartier des Halles. De la rue Xavier-Sigalon à la place du Château, cette partie portait le nom de rue des Cardinaux (1270).
 
PLACE DE LA BELLE-CROIX. - Ancien Plan de la Curaterie.-La dénomination de Belle-Croix rappelle le souvenir de l'érection d'une Croix magnifique en marbre blanc d'Italie érigée sur cette place par l'évêque Cohon, comme réparation des outrages commis par les hérétiques, - A l'entrée de la place se trouvait, à droite, la Poissonnerie, ancien Réfectoire du Chapitre, utilisé, comme église provisoire à la suite des troubles religieux du XVe siècle, transformé phis tard en marché aux poissons, et aujourd'hui englobé dans un groupe scolaire. A gauche, était un immeuble emporté par le percement de la rue Crémieu ; il avait servi de résidence aux évêques au XVII - La rue Xavier Sigalon, souvenir du peintre de ce nom (Uzès, 1788-1837), débouche à gauche de la place de la Belle-Croix. Cette rue portait le nom de Pont-de-Sigalon, celui d'un propriétaire, entre le Cours et le Pont de l'Agau ; la partie inférieure jusqu'à la Place, s'appelait rue des Esclafidoux, mot patois qui désignait l'ouverture d'un bief de moulin dans le Canal de l'Agau. Du même côté, à la suite, se trouve la rue de l'Ancienne Poste, ou rue des Bureaux de la Poste aux lettres (1766) ; on l'appelait aussi rue des Esclafidoux. - La Grand'rue, sur la droite de la Place, existe depuis la fondation de la ville; elle prit le nom de rue Saint-Marc, à cause d'un ancien Hôpital de ce nom, établi avant le XIIe siècle, en faveur des pèlerins pauvres, et desservi par les Chanoines. C'est sur l'emplacement de cet hôpital que fut construit le Collège des Arts (ancien Lycée), cédé, au XVIIe siècle, aux Jésuites. Cette rue s'appelait encore rue de la Grande Fusterie, d'où la dénomination de Grand'Rue. Le Puits de l'Oume était au plan de ce nom, à l'emplacement de la façade de la Chapelle du Collège. C'est à l'Hôpital Saint-Marc que fut transféré le culte religieux, après la démolition de la Cathédrale, en 1567.
 
RUE DE LA CURATERIE. - L'étymologie de cette dénomination vient probablement du mot latin curator, intendant. La demeure du gouverneur de la Cité devait se trouver au voisinage. Cette rue, élargie en 1849 et 1900, portait autrefois le nom de rue de la Porte des Carmes (1818), et débouchait au Tour de ville. Il est question ici de la deuxième Porte des Carmes, ouverte dans l'ancienne Tour de l'Evêque mentionnée en 1346, et située à peu de distance du Château Royal et de la Porte d'Arles. [ Cette tour est demeurée ;tristement célèbre dans l'histoire de -la Bagarre de 1790 , sous le nom de Tour Froment.] La rue se termine par une place assez réduite aujourd'hui, dite de la Curaterie , précédant immédiatement celle du Grand Temple. Un puits, désigné en 1745, existait sur la place de la Curaterie, appelée autrefois Plan des Fèdes, et où devait se tenir un Marché aux brebis. - A l'entrée de la rue Curaterie, à gauche, débouche la rue de l'Ecole Vieille appelée aussi rue du Château Royal (1391), ou rue près l'Hôpital Sainte-Croix (1609), dont la vente avait été réservée. (Cette rue conduit, en effet, à la place du Château). - Les Ecoles de Nîmes étaient primitivement établies dans cette rue, à la maison de Bertholomieu de Trois Emines, louée par les Consuls en 1428. Au coin à l'entrée on peut voir un bas-relief encastré représentant Saint-George. - L'ancien Logis de la Reine de Hongrie se trouvait dans cette rue ; l'auberge de ce nom doit être une descendance de ce logis. -Le percement de la rue du collège, autrefois rue des Jésuites, actuellement rue Poise, nom. d'un artiste nîmois, a été fait en 1846. Cette rue communique avec l'ancien Plan des Fèdes, par la rue Trélys, du nom d'un académicien bibliographe d'Alais (1757-1731).
 
2° De la Porte des Prêcheurs à l'Hôtel de Ville par la rue des Lombards, la rue des Marchands et la rue de la Trésorerie.
 
RUE DES LOMBARDS. - Cette rue va du boulevard Gambetta à la place de la Cathédrale. Elle est composée de deux parties l'ancienne rue des Prêcheurs qui allait à la porte des Prêcheurs ou Présicadoux, au croisement de la rue des Orangers et du Murier d'Espagne, (souvenir d'un vieux mûrier enlevé en 1828), appelée anciennement rue de la Roserie (1750), et ensuite la rue des Lombards. La première partie de cette voie principale prenait aussi le nom de rue du Chemin (Cariera de Camino) (1270), parce qu'elle traversait la Voie romaine (le Chemin) envahie plus tard par l'Agau, et sur lequel un pont avait été construit. On sait que le pavé de la rue Nationale recouvre, sur toute sa longueur, le ruisseau de l'Agau dérivé de la Fontaine. La deuxième partie, appelée aussi rue de Marguerittes, à cause de l'hôtel de ce nom, était désignée en 1351, comme rue Lombardarié. Des marchands lombards, toscans ou florentins étaient venus, en effet, au XIIIe siècle, s'établir dans cette rue. - Vers le milieu à gauche, au n° 4, était la rue Garde-de-Dieu, aboutissant à l'impasse près du presbytère ; elle a disparu.
 
L'ancienne rue des Prêcheurs croise, à gauche, la rue Bât-d'Argent (1380) dans laquelle devait se trouver une hôtellerie ayant pour enseigne un bât d'argent.
 
La même rue coupe, un peu plus bas, la rue Corcomaire (1380) d'un mot languedocien qui signifie ouvrier tanneur; l'ancien puits de Corcomaire (1810) fournissait de l'eau à ce quartier. A droite de la rue des Prêcheurs, s'ouvre également la rue de la Ferrage (1233), nom de l'ancien quartier de Ferrago (Vignes). Avant d'atteindre la place de la Cathédrale, la rue des Lombards est traversée, depuis 1876, par l'ancienne rue de la Banque, aujourd'hui rue du Général Perrier, qui croise la nouvelle rue Guizot.
 
RUE DES MARCHANDS. - La rue des Marchands affectée au commerce des tissus, s'appelait autrefois rue de l'Epicerie (1334). Elle part de la place de la Cathédrale, et va rejoindre la rue de la Trésorerie au carrefour appelé le Puits de la Grande Table, où vient aboutir également la rue du Chapitre, ancienne rue du Cannau supérieur ou de l'Évêché (1380). Dans cette dernière rue, élargie vers le haut en 1783, se trouve, au n° 14, l'ancienne maison Baudan de Trescol, aujourd'hui maison de Régis, où l'on remarque plusieurs inscriptions anciennes. Près de là, était l'hôtel de la Prévôté, devenu propriété privée, parfaitement restauré, dans la rue de ce nom, anciennement rue de la Courtine (1080). La rue du Chapitre s'appelait aussi rue de la Fabrarié. Sur la place du Puits de la grande Table, existait un puits banal, mentionné en 1380; il a été recouvert en 1745. - Le passage des Bains, qui existait à ce carrefour n'est autre que l'ancienne rue de l'Évêché, supprimée. [C'est dans la maison, n° 3, donnant sur cette place que l'Évêque Bernard d'Elbène s'était réfugié pour échapper aux forcenés de 1567.] - On peut signaler au n° 11 de la rue des Marchands, une maison de style du XVe siècle. La maison du n° 15 est également remarquable.
 
RUE DE LA TRÉSORERIE. - Elle aboutit à une arcade de l'ancienne Trésorerie Royale, devenue l'Hôtel de Ville depuis 1683. Sa façade, dans cette rue, est un gracieux spécimen de l'architecture de la Renaissance. Les sculptures anciennes de la maison Lacoste n° 2, paraissent être de provenance étrangère. - C'était en 1791, la rue de la Trésorerie Royale. Vers 1830, la petite statue antique d'enfant qui figurait sur la façade de la maison Carbonnel, et qui servait à désigner la rue, fut remplacée par celle d'une Vierge.
 
La rue Dorée (Carreria de Campo novo inferioi, ou du Cannait inferieur (1408) ou encore Daurade (1479), d'une statue dorée, probablement, vient s'embrancher sur la rue de la Trésorerie, en passant derrière les annexes de l'Hôtel de Ville. C'était le quartier du Prat ou du Pré. Au n° 18 de cette rue, on remarque plusieurs inscriptions et une porte d'entrée en belle pierre dure, portant des sculptures. Le petit Plan de la Trésorerie ou Plan de l'Aspic présente aussi quelques constructions anciennes. - [Sur cette place, suivant Ménard, eut lieu en 1569, un combat entre catholiques et calvinistes, dans lequel fut atteint mortellement, Antoine Rouverié de Cabrieres, avocat au Présidial.]
 
    
       
Statue Persique de la rue Régale, dessin de Poldo d'Albenas, 1560 et photo actuelle
 
La rue de la Trésorerie est prolongée, après l'arceau de la place de la Mairie par la rue Régale, ainsi nommée, sans doute, à cause de la présence de la Cour Présidiale. Dans cette rue, on peut voir la statue dite Persique, encastrée dans la maison Amalry, n°1, maison habitée jadis par le médecin Trimond, et qui n'est qu'une caryatide empruntée à un autre bâtiment. La chapelle du Palais de Justice, ou chapelle Saint-Martin, fut démolie par violence le 17 avril 1622. - Le logis du Mulet (1781) était au coin de la rue de la Violette,près de la Porte nord des Arènes. Dans cette même rue se trouvait également celui de la Pomme rouge (1357-1589(. L'hôtellerie du Cheval Blanc (1502) était voisine de la Trésorerie, ainsi que celle du Sarrazin (1435).
 
3° De la Porte Saint-Antoine à la Porte de la Couronne, par la rue Saint-Antoine; la place du Marché, la rue et place de l'Hôtel de Ville, la rue des Fourbisseurs, la place de la Salamandre et la rue de la Couronne,
 
RUE SAINT-ANTOINE, - Cette rue va du boulevard Victor-Hugo, autrefois Boulevard Saint-Antoine, à la place du Marché. Elle tire son nom de l'Hôpital Saint-Antoine de Viennois, établi avant 1270, près de l'ancienne Porte de Garrigues, et démoli au XVIe siècle. Un autre hôpital, sous le vocable de Saint-Jacques de Compostelle, était situé dans l'intérieur de la ville, tout près de la Porte Saint-Antoine, - L'hôtellerie de la Rose (1677) était située entre cette porte et les Arènes.
 
PLACE DU MARCHÉ. - Les arceaux de cet ancien marché, d'une construction très ordinaire, furent démolis en 1845. Il était situé au devant de l'impasse Cler. Là se vendaient les étoffes et les châtaignes. Le puits du Marché (1350-1724) était à proximité. - On peut voir encore sur cette place, une ancienne maison on serait né, suivant une pieuse tradition, l'évêque Saint Castor.
 
La rue de la Monnaie qui, depuis 1839, communique avec l'ancien Boulevard Saint-Antoine, en face du Lycée National, vient déboucher à côté de la rue Saint-Antoine. C'est un souvenir de l'établissement monétaire où, depuis 1655, on fabriquait les liards de France. - La rue des Broquiers, (faiseurs de brocs), qui est voisine, s'appelait rue de Garrigues (1553), du nom de cette ancienne famille - L'hôtellerie de l'Anicord (1555) était sur la place du Marché.
 
RUE ET PLACE DE L'HOTEL DE VILLE. - La rue qui va de la place du Marché à l'Hôtel de Ville portait le nom de rue des Orfèvres; c'était l'ancienne rue de la Romaine, probablement voisine du Poids public. L'Hôpital des pauvres de -Notre-Dame-de-Méjan, au quartier de Méjan, qui existait au XIIIe siècle, était situé au devant de la Trésorerie Royale, au n° 6; en face de la grande entrée de la Mairie actuelle. Il fut aliéné en 1483, lors de la vente des trois autres hôpitaux de Nimes. - La façade de l'Hôtel de Ville date seulement de 1836.
 
RUE DES FOURBISSEURS — Cette rue, appelée autrefois rue des Espasiers, et dans laquelle étaient groupés les armuriers, fait communiquer la place de l'Hôtel de Ville et celle de la Salamandre. [A l'entrée de la rue à gauche, au n° 1, eut lieu en 1569, d'après Ménard, le meurtre de huit religieux observantins qui s'étaient réfugiés dans cette maison, au cours de l'émeute].
 
PLACE DE LA SALAMANDRE. - Cette place était ornée autrefois d'une colonne surmontée d'une salamandre, avec l'inscription: « Nutriscor et exstinguo », en souvenir du passage de François Ier en 1538, Cette colonne est aujourd'hui dans la cour du Musée épigraphique, Grand'Rue. A remarquer, sur la place, la façade sculptée en pierre dure, portant le 6 (XVIIIe siècle). — La rue des Greffes, ancien quartier des greffiers, qui vient joindre la place de la Salamandre, a été prolongée jusqu'au boulevard Amiral-Courbet et terminée, en 1894, par la construction de la Galerie Jules Salles. - [On montre à l'extrémité de la rue des Greffes, la maison de l'Hermite et de Cellerier, n°' 11-13, où furent conduits, comme prisonniers, Guy Rochette et d'autres victimes de la Michelade (1567)]. Au n° 5 de cette rue, maison de la Renaissance. - La rue des Chapeliers, nom de la corporation, qui s'embranche sur la place de la Salamandre, était appelée rue du Camp neuf (1818).
 
RUE DE LA. COURONNE. Elle conduit à la partie du boulevard de l'Esplanade, limitée autrefois du côté Est par l'ancienne Porte de la Couronne. Le nom de cette porte lui vient d'une hôtellerie à l'enseigne de la Couronne, en dehors de la ville, tout près des remparts (1380-1563). C'était rentrée principale de la Cité au moyen-âge. Cette porte fut appelée d'abord Porte de Posquières ou de Vauvert (1270), ensuite Porte des Augustins, à cause du couvent établi dans le faubourg ; enfin, au XVIe siècle, Porte du Mûrier ou de la Couronne. Elle fut décorée, en 1489, des armes royales. Une statue en marbre blanc de la Vierge, couronnée en 1678, était placée sur cette porte du côté de la ville ; cette statue est aujourd'hui dans la nouvelle église Sainte-Perpétue. - En 1680, on avait placé, sur la plateforme de la Couronne ; une cloche annonçant la fermeture des portes et le couvre-feu. La porte avec tous ses ouvrages fut démolie en 1794.
 
 
Les remparts sous l'ancien régime
 
4° Les Boulevards.
Les boulevards actuels qui encadrent la vieille Cité nîmoise ont remplacé les anciens remparts et les fossés du moyen âge convertis en aqueducs ou égouts. Cette transforination s'est opérée peu à peu, à partir du xvn° siècle. Voici leurs anciennes dénominations avec les différentes dates.
 
Boulevard du Grand'Cours, de la place de la Bouquerie à la place Saint-Charles (1689) ; Boulevard du Petit-Cours de Saint-Charles aux Casernes (1689), Boulevard Balainvilliers ou de la Magdeleine (1769) ; entre les places de la Magdeleine et de la Comédie ; Boulevards des Calguières et de l'Esplanade (1787), entre les Casernes et la place de l'Esplanade ; Boulevard de la Comédie, entre le Théâtre et la place de l'Abreuvoir (Square Antonin) ; Boulevard Saint-Antoine, entre la place de ce nom et celle de la Magdeleine ; Boulevard des Casernes (1695), au droit du Quartier d'Infanterie ; Boulevard et Place de la Bouquerie (1814) ; Boulevard des Arènes, au droit de l'Amphithéâtre (1825).
 
L'ensemble de ces boulevards entoure d'un polygone à peu près triangulaire le berceau de la ville gallo-romaine, en relève l'ancien prestige, et prévient, en sa faveur, l'étranger qui vient la visiter. Des côtés de ce polygone partent des voies suburbaines-Cette promenade extra-muros permettra au visiteur de compléter-les notes recueillies sur les Rues du Vieux Nîmes, et de mentionner, en même temps, l'existence de quelques-unes de celles qui traversent ses faubourgs.
 
BOULEVARD GAMBETTA. — Ce Boulevard, situé au Nord de la ville, comprend les deux anciens boulevards du Petit Cours et du Grand Cours.
 
Extérieurement, du côté du faubourg, se trouvait encore en 1810, à la hauteur de la rue Enclos-Rey, l'ancienne porte dite des Casernes ou d'Uzès, qui appartenait à l'enceinte du XVIIe siècle. Dans une partie de la rue Rangueil, autrefois rue du Rempart, on remarque des vestiges de cette ancienne enceinte, dite de Rohan, venant se souder par un bastion à la porte des Casernes. En face de cette porte, vers l'angle de la place du Château, on avait construit, en 1788, une Salle de spectacle provisoire ; elle fut incendiée en 1798, et ensuite réédifiée en planches.
 
A partir de la porte des Casernes, commençait le Petit Cours. La partie qui s'étendait entre la porte des Précheurs et la Bouquerie s'appelait le Grand Cours. Ces deux boulevards ont été construits par l'architecte Gabriel Dardailhon.
 
La Porte du Chemin, dés Prêcheurs ou Jacobins, entrée de la rue des Lombards, était l'une des plus importantes de la Ville; elle est citée en 1144, et donnait accès au faubourg populeux des Prêcheurs dont la création était antérieure à 1366, L'année 1687 vit la destruction complète de la porte.
 
Les tours de défense qui protégeaient la Ville du côté du Nord, étaient établies à soixante pas environ l'une de l'autre. Celles du Petit Cours portent les deux dates (1194-1793) et celles du Grand Cours (1357-1687). Les deux principales tours de ce côté, à part le Castelletum de la Bouquerie, étaient : la tour dite de Corcomayre sur le Petit Cours, au droit de la rue de ce nom, où étaient les Calquières, avant leur transport en dehors de la ville, et celle appelée tour de Corconne, sur le Grand Cours, aboutissant à la descente de la Ravaute (1810) et au moulin de l'Agen, appelé Moulin de Cantpagnan. Presque en face, de l'autre côté du boulevard, et longeant le bâtiment des Postes et Télégraphes, débouche aujourd'hui la rue Porte d'Alais, comprenant l'ancienne rue de la Bazique, (dérivé sans doute de Bachique) et celle du Portail Rouge. - L'ancienne Porte d'Alais, mentionnée par Poldo d'Albenas en 1560, était de l'autre côté de la Citadelle. La Porte de la Crucimèle (Crux Melle, Crous Cimbèle en patois), sur le chemin de Saint-Baudile, mentionnée en 1494, est désignée, par Ménard sous le nom de Porte de la Croix de Fer au XVIIe et XVIIIe siècle. - Avant d'arriver à la nouvelle rue Guizot, en face de l'École d'Artillerie, une plaque commémorative désigne la maison, n° 20 où, est né Alphonse Daudet (1840 -1897). Sa statue en marbre orne le Square de la Couronne.
 
La rue du Grand-Couvent, autrefois rue de l'Ancienne Romaine, ou rue Boucarié, part de l'ancienne Porte de la Bouquerie, démolie en 1687. Elle tire son nom actuel du Grand Couvent des Ursulines fondé par Mgr Cohon en 1637, et situé dans cette rue. La Chapelle, bâtie en 1714, vendue en 1783, est aujourd'hui, le Petit-Temple. Il existe encore, vers le haut de la rue Nationale, un ancien arceau jeté sur l'Agau, pour assurer la communication des corps de bâtiment de ce couvent, établis de chaque côté du Canal. Il y a peu de temps, on pouvait voir, dans la même rue du Grand-Couvent, au n° 6, l'ancienne maison de style ogival habitée, vers 1360, par Pierre Scatisse, seigneur de Villevieille, Trésorier de la Sénéchaussée de Nimes ; à voir également au n°2, plusieurs inscriptions anciennes. Cette rue, qui comportait autrefois un pont sur l'Agau, se termine aux Quatre coins Saint-Véran. Des fouilles récentes, exécutées au voisinage de ce carrefour, ont permis de retrouver les traces de la Voie romaine. A remarquer, dans l'ancienne rue de la Colonne (1666) : un fragment d'une colonne antique ornant un puits de Cette rue ; un bas-relief encastré dans la cour du n° 18. Dans la rue de l'Horloge, au n° 13 : Porte ancienne de la maison Saint-Véran.
 
En face de la rue du Grand-Couvent, de l'autre côté du boulevard, s'ouvre la rue du Fort, conduisant à la Maison de détention, ancienne Citadelle élevée, en 1687, par Vauban Le Square de la Bouquerie, planté en 1860, termine le Boulevard Gambetta, - La nouvelle rue Auguste, d'une architecture régulière, date du commencement du siècle dernier (1822) ; elle fait face à la Maison-Carrée, et s'appelait d'abord rue Dauphine (*). Le Square Antonin, où s'élève la statue de cet empereur (1874), a été établi sur l'emplacement de l'ancien Abreuvoir, construit en 1793 et couvert en 1862.  
 
(*) NDLR, sur le plan du projet d'ouverture de la future rue Auguste, validé par le maire de Nîmes Dominique-Casimir Fornier de Valaurie et datée du 25 Thermidor an 9, (12 août 1801), cette rue était dénommée, rue Bonaparte.
  
De ce square, placé à l'intersection des boulevards Gambetta et Victor-Hugo, deux quais ombragés conduisent à la Promenade de la Fontaine et au Boulevard de la République, autrefois le Cours- Neuf.
 
A l'ancienne Porte de la Bouquerie, aboutissait le chemin de la Calmette (route d'Alais) et celui des Cévennes (chemin de Sauve). Cette porte était défendue par un Châtelet mentionné en 1112. Comme l'indique sa dénomination, le quartier qu'elle protégeait était spécialement affecté aux boucheries. La deuxième Porte de la Bouquerie, construite en 1687, en remplacement de la première, fut démolie en 1792 ; elle était située vers l'ancienne Place Balore. Près de là était, en 1810, l'Hôtel du Cheval Vert.
 
BOULEVARDS VICTOR-HUGO ET ALPHONSE-DAUDET
Il y a peu de temps, le boulevard Victor-Hugo, comprenant les anciens boulevards Saint- Antoine, de la Madeleine et de la Comédie, allait du Square Antonin à l'Amphithéâtre. Depuis 1900, cette dénomination a été modifiée. On a donné le nom d'Alphonse Daudet à la partie de ce boulevard qui s'étend entre le Square et le Théâtre.
 
La Porte de la Madeleine ou des Frères-Mineurs est la plus ancienne des remparts du moyen âge ; cette porte s'appela tout d'abord la Porte Neuve (1114). Elle fut murée de 1619 à 1626 et détruite, enfin, en 1793. Entre la Porte de la Madeleine et celle de la Bouquerie, la courtine était défendue par six tours. La première précédait la rue de l'Horloge ; la deuxième, appelée Tour des Conils (ou des Lapins), était voisine d'une ouverture donnant issue aux eaux de la Jusiole arrivant par la rue Antonin, et qui pénétraient ensuite dans la ville, en passant près du Capitolium ; la troisième était située au coin du boulevard de la Comédie ; la quatrième et la cinquième, dite Tours des Clotes ou des Crotes, (du mot Crota, voûte), défendaient le canal de l'Agau, passant sous le mur d'enceinte. A l'intérieur, sur le canal, était construit le Moulin Pezouilhoux, dont il est souvent question dans l'Histoire de Nîmes. L'entrée du moulin était grillée et munie d'une vanne, de façon à faire refluer les eaux dans les fossés extérieurs. (Le treillis de fer qui le défendait fut limé en 1569, ce qui permit aux huguenots de pénétrer dans la ville et de s'en emparer). La sixième tour, plus forte que les autres, était située au coin du boulevard du Grand-Cours, près de la Porte de la Boucarié. Il ne reste plus aucune trace de ces ouvrages de défense.
 
Du coin du Théâtre part la rue des Chassaintes conduisant au Grand Séminaire, élevé en 1822, et ensuite la rue Grétry, anciennement rue de la Chaîne, dite aussi rue de M. Paul, qui va se recorder avec la rue de Sauve ou rue de M. de Baschi (route des Cévennes). La rue Rabaut-Saint-Étienne, autrefois rue des Bains, ou se trouve l'ancienne maison de Jean-Paul Rabaut Saint-Étienne, député à la Convention (1743-1794), vient s'embrancher sur la rue de Sauve. La rue Pavée, au voisinage, s'appelait rue de la Calandre anglaise.
 
La place d'Assas, située sur la bordure extérieure du boulevard Alphonse-Daudet, vient d'être décorée du Monument Commémoratif élevé aux Anciens Combattants de 1870-1871, exécuté en bronze par Mercie, inauguré en 1902.
 
A la porte de la Madeleine, venaient se réunir les différents écoulements de la Fontaine de Nîmes, qui alimentaient les fossés allant aux Arènes ; c'était l'ancien Vallat du Champ de Mars romain (Vallatus sive fossalus Campi Martii).
 
Depuis 1849, la nouvelle église Saint-Paul orne la place de la Madeleine. L'ancienne place Saint-Paul, où s'élevait la Chapelle des Récollets (1), est aujourd'hui la place Questel.
 
 
Ancienne chapelle des Récollets
 
(1) L'histoire de la ville de Nîmes par M. A. Pieyre, renferme un croquis de cet ancien sanctuaire construit en 1615.
 
A la place de la Madeleine aboutit la rue Neuve ou rue Émile Jamais. Dans une rue voisine, se voit une construction assez originale qui date du xvie siècle ; c'est le Château-Fadaise (Château des Fées), ayant appartenu à Pierre de Serres. Ce château a donné son nom à la rue qui le longe au Nord, et dans laquelle se trouvait une Salpêtrerie. Un peu plus bas, vers le Midi, se trouvait la rue des Vieilles-Étuves, rappelée par Ménard au sujet de certains vestiges de construction appartenant à des Thermes, et des restes d'un Sphéristère. Cette rue, appelée plus tard rue de la Maternité, a été supprimée par la construction du Lycée National en 1882. La rue des Innocents est, depuis, devenue la rue Gergonne, et la partie de la rue Porte de France longeant le Lycée, a pris le nom de rue Tédenat. On a conservé pour la façade principale de cet établissement universitaire celle de l'ancien Hôpital Général, œuvre de Durand (1810), d'une régularité parfaite et percée de 29 portiques. L'Hospice d'Humanité avait été fondé en 1686, sur l'emplacement d'une maison appelée le Logis de la Ville Montpellier. - Sur ce même emplacement était établi, au XIIIe siècle, un Couvent de Clarisses ; de là le nom de Tours Sainte-Claire donné aux deux ouvrages qui leur faisaient face. Le logis de la Coupe d'or (1587) était à l'angle de la rue des Vieilles-Étuves. - La double rangée d'ormeaux qui ombragent l'ancien boulevard de la Madeleine a été plantée en 1643. - A la hauteur de la rue actuelle de la Monnaie, se trouvait une ancienne Porte dite du Champ-de-Mars Cette porte, construite vers 1114 et citée en 1352, a dû disparaître en 1363. Le Champ de Mars romain s'étendait des Arènes à la Porte de France et jusqu'à l'église Saint-Paul actuelle.
 
L'ancienne Porte Saint-Antoine ou de Garrigues (1269), souvent mentionnée dans les archives communales et hospitalières, avait une certaine importance. Elle était défendue par des tours avec barbacanes au-devant et fossés. A l'époque de la peste, en 1542, cette porte et celle des Jacobins ou du Chemin, étaient les seules ouvertes. Elle fut fermée momentanément en 1363 et en 1619, et, enfin, démolie en 1793. — La fameuse Tour Vinatière, construite sur les ruines d'une tour antique, et réparée au XVIe siècle avec les sommes provenant d'un impôt sur le vin, était située vers le milieu du côté occidental de la place des Arènes.
 
La rue Jean Reboul s'ouvre en face de la rue Saint-Antoine, pour aboutir à la Porte de France (1660), appelée autrefois Porte Couverte (1219), ou Porte d'Espagne (1037), elle a remplacé l'ancienne rue Carrétarie (1519) ourue des Chars.C'est dans l'une des maisons de cette rue, marquée par un médaillon en beau relief, qu'habitait l'illustre poète boulanger Jean Reboul (1796-1864) ; sa statue en marbre orne le Jardin de la Fontaine. La nouvelle rue de la Porte de France est formée des trois anciennes rues du Puits de l'Olivier, de l'Enfance et de la Charité. La dernière dénomination s'applique à l'Institution de Bienfaisance fondée au xiv° siècle.
 
Les bâtiments de l'Hôtel-Dieu, fondé en 1313 par Raymond Ruffi, sont situés à l'extrémité de la rue Jean-Reboul, avec façade principale sur le Chemin de Montpellier. Leur reconstruction eut lieu en 1592 sur l'emplacement des anciens Thermes romains. - Le logis de la Tête d'or était à la pointe des anciennes rues du Cyprès et de la Carretterie ; celui de la Rochelle (1671), près de la Porte de France, fut acheté par l'Hôtel-Dieu, Le Logis de Montpellier était situé hors et près de la porte Saint-Antoine ; celui des Trois Maures était à la rue Sainte-Ursule. La rue des Trois Maures communique aujourd'hui avec la rue Jean-Reboul. Cette dénomination de la rue Sainte-Ursule, vient du voisinage du Petit Couvent des Ursulines (maison Barry et Touret) fondé en 1665 par Mgr Cohon. Près de là, était autrefois un hôpital destiné aux pèlerins de Palestine. - L'origine de la rue ou Chemin de Saint-Gilles est en face de la Vieille -Porte romaine, au grand carrefour de la place Montcalm. A cette place, traversée par la grande route d'Espagne, passant par Narbonne, vient correspondre la rue de l'Abattoir, le chemin de Générac et la rue Saint-Rémy, autrefois Chemin Vieux de Montpellier, aboutissant aujourd'hui à la nouvelle Gare de Camargue.
 
BOULEVARDS DES ARÈNES ET DE L'ESPLANADE - Le boulevard des Arènes proprement dit, est celui qui Contourne l'Amphithéâtre. Celui de l'Esplanade est en face de la place de ce nom.
 
Au moyen âge, la Porte des Arènes était placée au coin du Palais-de-Justice ; c'était l'ancienne Porte-de-Nages (995-1479), Porta Anagia des Romains. En 1220, elle est désignée sous le nom de Porte-Vieille, et, en 1270, sous celui de Porte-de-Pertus. Cette Porte était flanquée de deux tours-et entourée d'une barbacane (1218). Un large fossé, suite de celui dit du Champ-de-Mars contournait l'Amphithéâtre du côté de l'est, et allait joindre ensuite celui qui délimitait le chemin de Montpellier jusqu'à la Porte de France, PORTA HISPANA, La dénomination de Portalon des Arènes s'appliquerait à un petit portail ouvert en 1664, à côté de la grande porte, et d'où partait l'ancien chemin de Saint-Gilles, aujourd'hui rue Briçonnet. La démolition de ces portes date de 1793.
 
A la suite de la porte des Arènes existait une ancienne tour carrée appelée Tour du Mûrier ou de l'Espadasso (grosse cloche), et qui servait de prison ; elle fut démolie en 1366, après autorisation du roi Charles V. Dans la petite rue Saint Thomas se trouvait une Tour romaine de forme quadrangulaire, servant de chapelle dédiée à cet apôtre ; elle fut détruite en 1605.  
 
Le village des Arènes au XVIIIe siècle
 
Après le déblaiement des Arènes (1809) et des rues joignant le monument, parmi elles celle de la Coquille et son impasse, le boulevard fut créé, et l'Amphithéâtre restauré (1822). Vers cette même époque, à côté du Palais de Justice édifié en 1805-1809 ; on construisit la Maison d'arrêt (1822) sur l'emplacement, dit-on, de la Basilique de Plotine. - Avant ces restaurations, on pouvait voir dans les rues intérieures des Arènes le Logis de la Cloche (1484), celui du Flascou (1567), et, extérieurement, l'Hôtellerie des Arènes, celui de la Coquille, hôtel Saint-Jacques, enfin, à la porte nord, le Logis du Mulet (1781). On sait qu'il existait à l'intérieur du vieux monument deux chapelles : celle de Saint-Martin qui empruntait deux arceaux du premier étage, et celle de Saint Pierre dans le cirque. Un puits, dit des Visigoths, existe encore dans l'intérieur des Arènes. - Les maisons qui avoisinent l'Amphithéâtre du côté de la ville, sont de construction récente, par exemple celles de la rue de la Violette et celles de l'ancienne rue des Quatre-Jambes ; cette dernière est ainsi denommée à cause d'une caryatide incrustée, à l'angle de l'impasse du Palais. Une partie de frise dite des Aigles, provenant, probablement, de l'ancienne Basilique de Plotine, orne le coin de la rue de la Violette.
 
L'Esplanade, commencée en 1643, continuée en 1666 et en 1724, fut exhaussée en 1782; c'était une plate-forme servant de Champ de manœuvres. Depuis 1841, elle a été abaissée à son ancien niveau. A la place de l'Esplanade vient se raccorder la magnifique avenue Feuchères, du nom de ce général, bienfaiteur de la Cité. Cette Avenue, créée en 1844, fut appelée d'abord Avenue de l'Embarcadère, elle passe devant l'Hôtel de la Préfecture et aboutit à la Gare monumentale P.-L.-M. (G. V.)
 
- La place de l'Esplanade a été embellie par la reconstruction de l'Église Sainte-Perpétue (1) (1864), celle du Palais de Justice (1838), et par l'érection de la Fontaine Pradier (1851). Cette place est terminée, du côté de l'Est, par un Bosquet de forme triangulaire, au milieu duquel s'élève le monument de l'explorateur Paul Soleillet (1842-1886).
  
 
(1) Voir dans l'histoire de la ville de Nîmes par M. Pieyre, un dessin de l'ancienne façade de la Chapelle des Capucins.
 
De l'ancienne Porte de la Couronne part une artère suburbaine très importante, la rue Notre-Dame, du nom d'une ancienne hôtellerie, ou rue du Luxembourg (1835), qui va rejoindre le Chemin d'Avignon, après avoir traversé l'ancienne Voie Donatienne, au carrefour de la rue de Beaucaire. Cette artère prolongée conduit au Cimetière Saint-Baudile créé en 1834. L'ancienne. Place de la Couronne, transformée en Square depuis 1859, était le point d'arrivage de nombreux services de voitures. - Le logis du Lion d'Or (1607) était à l'entrée de la rue Notre-Dame; venaient ensuite ceux du Luxembourg et du Louvre, du Parc et des Quatre-Rois (1759).
 
BOULEVARD AMIRAL-COURBET. - C'est l'ancien boulevard des Calquières, nom du quartier affecté aux tanneries en dehors de la Cité et auquel se joignait le boulevard des Carmes. Le nouveau boulevard va de la Couronne aux Casernes. - En face des Calquières ou Cauquières était le Pont de Marc (1434), établi sur les fossés de la ville, dans lesquels coulaient alors les eaux de l'Agau, venant de l'ancienne rue de l'Agau, aujourd'hui rue Nationale.
 
Le Pont de Marc ou des Calquières, rappelle le souvenir de l'Hôpital de ce nom situé dans l'enceinte de la ville, près de la porte des Carmes, et qui existait au XVe siècle. L'ouverture de la ruelle Saint-Marc date de 1798. - Le Castellum de Morrocipio, Tour du Marché aux Bœufs (1157), prés de laquelle passait l'écoulement se dirigeant vers le Vistre, devait se trouver au point où débouche la rue des Greffes prolongée. Là, les eaux de la ville se réunissaient en un seul ruisseau pour sortir des murs et formaient ensuite, à partir de la place de l'Ecluse, au Moulin Blavet, le Vistre de Nimes (VISTER). Les restes de la vieille Porte romaine, PORTA AQUARUM, furent découverts en 1793 ; M. Pelet en constata l'existence en 1829, lors de la réparation du Lycée, entre la Tour des Bœufs et la suivante.
 
L'ancienne Tour du Temple ou Tour du Collège, appelée d'abord Tour des Cornuts (Turris Cornutorum) (1157), était située entre l'ancienne Porte des Eaux et celle des Carmes. Elle avait appartenu aux Templiers, ensuite au Collège des Arts. On avait placé à la partie saillante de cette tour, qui n'avait pas moins de 15 mètres de hauteur, une inscription commémorative du passage à Nimes du roi Charles IX (12 novembre 1564). A la suite était la Tour de l'Evêque (Terris Episcopalis) (1146), percée d'une porte désignée dans Ménard sous le nom de Porte-de-l'Évêque ; c'était, comme il a été déjà dit, la deuxième Porte des Carmes. Des substructions de cette tour fameuse existent encore, parait-il, dans les fondations de la maison n° 4 de la rue Trélis. La première Porte des Carmes n'est autre que l'ancienne Porte romaine, PORTA ARELATENSIS, sur laquelle on édifia, en 1391, le Château Royal de Nîmes et qui fut, enfin, déblayée en 1794.
 
A signaler, au voisinage du Boulevard Amiral-Courbet, la rue Séguier, ou rue de M. de Meude, nom d'un riche américain. C'est dans cette rue qui fait face à l'ancienne Porte d'Arles, qu'habitait, au XVIIIe siècle, le savant archéologue Jean-François Séguier (1704-1784). Sa maison, rachetée en 1849, avait été affectée au rectorat de l'Académie. La rue Séguier s'arrêtait autrefois au Carrefour dit des Cinq Vies. Le Moulin de M. de Calvière, extérieur aux remparts, était situé vers l'origine de cette rue, près de la Porte des Carmes. [Terrible épisode de la guerre des Camisards, avril 1704. Attaque du Moulin Mercier]. La nouvelle Église Saint-Baudile, qui orne la grande place des Carmes, a été construite sur l'emplacement de de l'Orange (1547) ; l'ancienne église était attenante au Couvent des Carmes (1).
 
  
(1) le dessin de la façade de l'ancienne église Saint-Baudile, figure dans l'histoire de la ville de Nimes par M. A. Pieyre.
 
Une partie des maisons qui formaient cet îlot important en fut distraite, en 1734, pour dégager les abords de la Caserne d'Infanterie élevée en 1699. - Un ancien puits recouvert existe sur la place des Carmes (1714), et un autre sur celle des Casernes (1780). - À mentionner l'Hôtellerie fort ancienne du Petit-Saint-Jean. Le logis de la Ville d'Arles (XVIIIe siècle) se trouvait dans la rue Roussy, près des Calquières. On avait donné le nom de rue de la Ville d'Arles à la ruelle appelée aujourd'hui impasse des Calquières, qui va de la rue Roussy au boulevard. Le percement de cette rue et celui de la rue Colbert remontent à 1856. L'ancienne route d'Arles est devenue la rue du Moulin Gazay. - Depuis 1789, le Temple israélite, situé rue Porte-de-France, a été transféré dans la rue Roussy.
 
Le boulevard des Casernes, qui longe le Quartier d'Infanterie, conduit à la rue d'Uzès, à la Promenade du Mont-Duplan, à la Gare P. V. du Chemin de fer ensuite au nouvel Hospice d'Humanité, transféré en 1874, de là, au Quartier d'Artillerie construit en 1877, et à l'École Normale Primaire.
 
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