RUE DE LA VIOLETTE
Extrait de Nîmes et ses rues
de Albin Michel, 1876 - Tome II - Pages 391-396

Quartier de la rue de la Violette au XVIIIe siècle. (plan de J. Igolin)

NOTA : Au XVIIIe siècle la rue allait de la rue régale au niveau de l'actuel Boulevard Victor-Hugo.
Au début du XIXe, les maisons situées au de là de la rue des Arènes, côté Sud, seront démolies pour dégager le pourtour des Arènes. Cette portion sera englobée dans le Boulevard des Arènes. La rue de la Violette, raccourcie s'arrêtera alors au niveau de la rue des Arènes.

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Allant du boulevard des Arènes à la rue Régale.

Cette rue n'en faisait autrefois qu'une avec la rue des Arènes et contournait les masures qui obstruaient ce monument.
On appelait la Violette la prison royale dans laquelle, en 1353, siégeait la cour royale, le tout situé dans une maison appelée du Morier ou du Murier, contiguë aux murs de la ville. Nous trouvons dans la brochure de M. Germer-Durand fils (Promenades d'un curieux dans Nîmes, page 66), les détails suivants que je transcris en entier :
« La maison du Mûrier (hospicium de moriero sive mozeric) servait de prison et joignait la maison du roi. Comme la Tour-des-Pins des remparts de Montpellier, elle possédait probablement une végétation parasite où s'étalait un mûrier, arbre rare alors. Ainsi que l'atteste le passage suivant (1), cette prison était installée dans une tour du rempart : « qu'il soit fait sur la maison du Mûrier, deux escaliers en bois pour monter et descendre à droite et à gauche ; que sur cette maison, il soit établi un chemin de ronde propre à la défense ; que du côté du portail des Arènes, on y fasse un grand mantelet (hour) avec des treillis en planches pour y loger les soldats, et que les murs de cette maison soient percés de part en part pour la continuité du chemin de ronde (2). »

(1) Ménard II, prem. p. 194, 219, 255, 295.
(2) V. Germer-Durand fils, page 66.

Ménard T. 3, page 130, nous dit que :
« vers le commencement de l'an 1418, le sénéchal Guillaume Saignet changea les prisons publiques de Nîmes, qui s'étaient tenues jusqu'alors dans la maison du Morier, qui était contiguë aux murs de la ville, par où étaient obligées de passer les sentinelles préposées à la garde des remparts, de même que les gens de guerre qui faisaient les rondes, et d'où encore les prisonniers pouvaient facilement s'évader en descendant par les remparts dans les fossés et passant y de là dans l'église des Augustins, qui était alors un lieu d'asile pour les criminels.
Outre cela, les concierges, la plupart étrangers et dénués de biens, avaient accoutumé de favoriser ces évasions par la facilité que le lieu leur en donnait. Pour remédier donc à un si grand mal, qui enlevait à la justice et à l'exemple public une infinité de coupables, le sénéchal Guillaume Saignet y jugea propos de placer les prisons dans une autre maison du voisinage qui était plus sûre par sa situation et en meilleur état. y Comme celle-ci appartenait au Consulat, il engagea les consuls à en faire un échange contre celle de Morier... ce qui eût lieu en présence de Pierre de Montaigu, licencié ès lois, juge-mage; de Jean d'Estampes, trésorier du roi ; de Jean le Roux, juge des crimes ; de Bertrand Picardon, viguier ; d'Antoine Lirod, licencié, juge ordinaire ; de Jacques Chantal et Bernard Vital, bachelier ès lois, procureur du roi, et de maître Hervé Roussel, contrôleur de la sénéchaussée. »

C'est pendant que la cour royale siégeait encore dans la prison de la Violette, qu'à la date du 13 mars 1353, cette cour, composée des sieurs Étienne Gautier, clerc du roi, lieutenant d'Henri Lambert, chevalier et viguier royal, et du sieur Pons Michel, juriste, lieutenant de Jean de Fellines, licencié ès lois et juge ordinaire, ordonna la publication dans les rues et carrefours par deux crieurs publics d'un règlement de police municipale, que je crois intéressant de publier, car il nous dépeindra quel pouvait être l'état de la voirie dans la ville.

Par ce règlement, il était défendu aux maréchaux de saigner les chevaux, mulets et autres animaux dans l'enceinte de la ville, depuis Pâques jusques à la Saint-Michel, de crainte que cela n'y causât de l'infection.
La même raison fit défendre d'écorcher dans la ville aucune bête morte, de jeter des immondices et des ordures dans les rues et dans les fossés, d'y tenir du fumier, des pierres, du bois et tout ce qui pouvait gêner la circulation.
Les jardinières ne purent plus étaler leurs herbes potagères sur les places ; on ne leur laissa pour cela, que l'usage de leurs tablettes.
On ne permit plus de tenir dans la ville ni cochons, ni chèvres, ni boucs.
Les troupeaux allant paitre dans les garrigues communales durent être munis de clochettes ou sounailles, soit le gros bétail, de quatre en quatre, et le petit, de vingt en vingt.
Il ne fut plus permis d'étendre des étoffes, des cuirs, ni autres sur les murs.
Tout le poisson entrant en ville dut être porté à la poissonnerie, et ne pût être vendu qu'à midi.
On renouvela la défense aux femmes et filles débauchées de sortir en compagnie, et même de paraître dans les rues pendant la semaine sainte, à moins que ce ne fût pour aller à ténèbres ou à confesse, mais toujours seules, sous peine de vingt sols tournois d'amende applicable au roi et de confiscation de leur robe ; de plus, pour les distinguer du reste des femmes, on leur enjoignit, sous les mêmes peines, d'avoir une des manches de leur robe de dessous d'une étoffe et d'une couleur différentes de celle du corps de la robe.
Les cabaretiers qui vendaient du vin blanc en détail, ne purent plus donner à boire ni faire jouer aux osselets ni aux échecs.
Ceux qui ne vendaient que du vin rouge n'eurent plus la liberté de recevoir du monde chez eux après que la cloche appelée Spadasse (placée dans la maison du Morier pour appeler les conseillers du présidial) aurait annoncé l'heure de la retraite.
Il fut défendu à la jeunesse de se battre à coup de fronde.
Les ouvriers allant aux champs durent se mettre en chemin et sortir de la ville avant que l'heure de prime fût sonnée à l'église cathédrale, c'est-à-dire au lever du soleil, avec défense de quitter leur travail avant l'heure de complies qui était après le soleil couché, tous les blés allant au moulin durent être pesés au bureau du poids de la farine.
Le droit de monture dû aux meuniers par salmée ou sachés de blé, fut réglé à trois petites mesures qui ne faisaient qu'une poignée chacune, etc.


On remarque à l'angle de cette rue et de celle de l'Aspic une sigle romaine qui provient probablement de l'ancien palais d'Adrien ou de la basilique de Plotine (on voit les mêmes aigles dans l'intérieur de la Maison-Carrée provenant des mêmes ruines.)
Cette portion de rue portait le nom de coin Malestrenne jusqu'en 1824 , époque à laquelle elle prit le nom de rue de la Violette.
Dans la maison Amalry, ancienne maison de Trimond, (n° 1 rue de la Violette) on voit encore dans la cour les armoiries de ce médecin avec l'inscription suivante gravée sur une plaque de marbre blanc :

SVB UMBRA ALARUM TVARVM
PROTHEGE NOS DOMINE
ET BENEDIC DOMVM ISTAM ET
OMNES HABITANTES IN EA. MDCXX.

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Plaque d'identification du service de la Culture au 1 rue de la Violette.

Un hôtel au luxe ostentatoire.

Jean-François de Rozel, issu d'une famille de magistrats, achète cette maison en 1759 et entreprend sa réfection en 1773. La façade sur rue présente une ordonnance régulière avec un luxueux portail encadré de bossages et surmonté d'un médaillon. De puissantes consoles supportent un balcon en fer forgé. Ses volutes finement ouvragées en font une remarquable œuvre de ferronnerie.
Légende photo : Décor sculpté dans la cour et inscription qui invoque la protection divine, datant de 1620.
(C'est la description de la plaque donnée par Albin Michel ci-dessus)


Nîmes et ses rues
Albin Michel, 1876 - Rue Régale, T2 page 294

Maison Amalry à l'angle de la rue de la Violette

Dans la rue Régale, et encastrée dans le mur de la maison Amalry, on voit une statue en pierre représentant un homme couvert d'un bonnet et vêtu d'une espèce de tunique courte avec une ceinture bouclée sur le devant, les bras relevés sur la tête.

Plusieurs explications ont été données par les archéologues, mais la plus naturelle est celle qui en fait une statue Persique dont les Romains ornaient leurs monuments.


Voici, d'après Ménard, l'origine de cette dénomination :


Pausanias ayant défait les Perses, les Lacédémoniens, en mémoire de cet évènement, représentèrent ces peuples sous la figure d'esclaves portant les entablements de leurs maisons, et les architectes, dans l'ordre dorique, mirent ces figures de captif au lieu du fût de la colonne. De là les mots de statues Persiques. On en voit à Rome de semblables, à la porte du palais Farnèse.


La statue de Nîmes doit donc avoir servi de pilastre à quelque ancien bâtiment.
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