De
Jules-Guesde à Séverine
Extrait des cahiers d'histoire de Nîmes au début du XXe siècle avec Georges Mathon - www.nemausensis.com Jules-Guesde Séverine Dénomination noms des rues en 1934 Lors de la séance du Conseil Municipal du 23 avril 1934, celui-ci doit délibérer sur les noms des rues et places proposés par une commission. "Cette dernière était composée : d'un adjoint, Jean Valmony ; de conseillers Municipaux, MM. Bessière, Astier, Marron et le Dr Lafon de M. Boudet, instituteur honoraire de M. Elie Peyron, archiviste municipal de M. Gouron, archiviste départemental de M. Bignoux, architecte municipal et de MM. Portal et Beauquier, ces deux derniers représentants de l'Académie de Nîmes." Cette commission avait reçu les directives suivantes lors de la séance du Conseil du 27 février 1933. - Donner un nom aux rues qui, officiellement, n'en ont pas encore. - Toucher le moins possible aux noms déjà choisis. - Donner préférence aux rues de notre Ville des noms de personnalités nîmoises, de façon à conserver le plus possible un caractère local dans l'appellation de nos rues. - cependant, comme le nombre de voies à dénommer était assez élevé, force a été à la Commission de faire appel à certaines de nos gloires nationales. Les membres de cette commission étant issus de toutes les classes politiques, il n'y a pas eu unanimité dans tous les cas. Des réserves ont été faites à propos de certains, tantôt à droite, tantôt à gauche, mais les uns et les autres se sont inclinés devant des personnalités éminentes, aujourd'hui disparues. Afin que les conseillers soient renseignés, le projet leur fut communiqué trois jours à l'avance. MM. des Guerrois et le Colonel Blanchard membres de l'opposition de droite désirant suggérer d'autres noms demandent un vote article par article. M. Jean Valmont président de la commission précise que ces propositions étant l'accomplissement d'un travail d'ensemble, il avait proposé un vote en bloc, mais il n'est pas hostile à la discussion rue par rue. Dans ce projet ce n'est pas moins de 70 noms de rues qui seront discutés. Malgré le travail préalable et consensuel de la Commission de nombreuses contre-propositions vont être faites par l'opposition, mais cette dernière étant minoritaire toutes seront refusées. Parmi celles qui feront l'unanimité, nous retrouvons, en particulier : - La rue Adolphe Blanchard ancien maire de Nîmes de 1871 à 1880, royaliste, révoqué pour avoir refusé de fêter le 14 juillet, étant le propre oncle du Colonel Blanchard leader de l'opposition municipale, cette dernière approuvera naturellement ce choix. - La rue des Dardaillons, famille d'architectes qui ont conçu de nombreux immeubles à Nîmes au XVII et XVIIIe siècles. On leur doit, entre autres, la restauration de la Maison-Carrée en 1689 et la construction du Château-Fadaise, on ne sait pas trop pour quelle raison la rue sera rebaptisée rue de Verdun en 1968. Peut-être pour rappeler le cinquantenaire de l'armistice de 1918. - Henri Revoil (1822-1900) architecte diocésain du milieu du XIXe siècle, auteur de la réfection de nombreux monuments antiques, les Arènes et aussi la Cathédrale de Nîmes. - Avec la rue Roumanille (1818-1895), la municipalité rend hommage au parrain littéraire de Frédéric Mistral, l'un des fondateurs du félibrige. - Albin Michel ne sera pas oublié dans cette liste, il est l'auteur de l'histoire des rues de Nîmes en deux volumes publiée en 1876. Le premier document exhaustif qui énumère sans en oublier une, les rues de notre ville. Ne pas confondre avec son homonyme l'éditeur. En conclusion, le Colonel Blanchard va faire cette remarque : "Rien n'étant changé, on aurait bien pu voter en bloc, aucune des propositions de la droite n'ayant été acceptée... D'autres noms vont faire l'objet de plus âpres discussions, cela fera l'objet du deuxième volet sur les rues de Nîmes. Lors de séance du Conseil du 23 avril 1934, le Colonel Blanchard, exprime le regret qu'on ait conservé le nom de Fabre d'Églantine, qui n'est pas fait pour honorer la Ville. Il précise, "la majorité en aura la responsabilité." M; le Maire répond que "d'autres grandes villes telles que Toulouse, Carcassonne et même Paris ont leur rue Fabre d'Églantine." Cette rue située entre la rue des Marronniers et la rue Terraube gardera sa dénomination Fabre d'Églantine moins de dix ans, le 15 juillet 1943, sous l'occupation, la municipalité Vichysiste la dénommera De loye du nom d'un officier français tué au combat en 1940. À la libération cette décision ne sera pas annulée comme beaucoup d'autres, peut être en hommage à la mémoire de cet officier. FABRE Philippe François Nazaire, dit : Fabre d'Églantine, était né à Carcassonne en 1750 et mort sur l'échafaud en 1794 à Paris . Il a écrit plusieurs comédies. L'Académie des Jeux Floraux de Toulouse lui décerna l'Églantine d'or, d'où l'appellation de Fabre d'Églantine. Il est l'auteur de la chanson si connue : « II pleut, il pleut bergère ». La légende veut qu'il ait fredonné cette chansonnette pendant que le président du tribunal révolutionnaire interrogeait ses coaccusés : Danton, Camille, Desmoulin, etc... Il est aussi l'un des auteurs du calendrier républicain. Ce personnage avait une personnalité fortement controversée, M. des Guerrois, Conseiller de l'opposition, donne à l'assemblée de nombreux renseignements peu favorables, par la lecture d'un ouvrage de M. Albert Mathiez. Fabre d'Églantine, directeur du théâtre de Nîmes, saison 1785-1786, fut accusé d'être parti pour fuir ses créanciers, il fut aussi mêlé à bien d'autres tripotages comme l'affaire de la Compagnie des Indes. Autre côté sombre du personnage, alors qu'il vivait à Paris, lors des graves évènements de la période révolutionnaire, on prétend que d'Églantine, voulant faire pratiquer chez lui une cachette, fit appeler un menuisier qui, pour lui donner une preuve de son adresse, lui dit qu'il en avait exécuté une au domicile de Rabaut St Étienne. Fabre d'Églantine fit aussitôt connaître le fait et Rabaut Saint-Etienne, à l'époque déclaré hors la loi, fut découvert, arrêté, et exécuté le lendemain 5 décembre 1793. - Place Séverine, nom donné au rond-point sud de l'avenue Jean-Jaurès, sera aussi contesté. Le Colonel Blanchard (opposition de droite) émet des réserves sur ce personnage qui a toujours combattu les spectacles taurins, ironique il précise qu'on a qu'à donner son nom à la Place des Arènes en indiquant que "Séverine régnant, il n'y aurait plus de corridas de toros". M. Dugas (opposition de droite) précise qu'il serait curieux de voir le Conseil Municipal de Nîmes consacrer l'adversaire acharné de nos libertés ! - Qui était Séverine ? Femme libre et militante engagée, socialiste, ensuite communiste, succéda à Jules Vallès à la direction du journal "Le cri du Peuple". Elle le quitta en 1888 suite à un conflit avec Jules Guesde, qu'elle jugeait, à l'époque, trop marxiste. Pacifiste, elle condamna l'union sacrée en 1914 et adhéra à la SFIO en 1918. Collaboratrice à l'Humanité , elle adhéra en 1921 au parti communiste, qu'elle fut obligée de quitter à cause de sa participation à la création de "la ligue des droits de l'homme". La vie privée de Séverine fut aussi riche que sa vie politique, née Caroline Rémy elle se sépara de son premier mari, Montrobert, et attendra que le divorce fut autorisé en France pour épouser en seconde noce le docteur Adrien Guebhard (1824-1924). C'est grâce à la fortune de ce médecin, héritier d'une famille suisse fortunée, qu'elle sauvera le journal "Le Cri du peuple" alors en difficulté financière. Elle publia aussi sous un pseudonyme masculin, Arthur Vingtras des chroniques libertaires dans "La Fronde". Quotidien féministe de la journaliste Marguerite Durand avec qui elle fut très liée. Elle écrira aussi dans d'autres journaux sur l'émancipation de la femme. Elle participera à la défense du Capitaine Dreyfus, dénoncera toutes les injustices sociales et soutiendra certaines causes anarchistes. Séverine par Rodin Séverine par Renoir Une autre rencontre, plus anodine, c'est celle de Séverine avec Henri Bauquier, le 14 mai 1912. A cette occasion elle lui dédicaça sa photo. Ce dernier sera le fondateur du Musée du Vieux Nîmes en 1920. Ce document se trouve dans les archives du musée. Jusqu'à la fin de sa vie, elle militera aux différents mouvements de luttes soutenant les droits de la presse, aux côtés de Lucien Descaves, Louis Guilloux, Henry Poulaille et Jules Romains. Amoureuse de Georges Labruyère en 1885, journaliste à L'Écho de Paris, elle vivra avec lui jusqu'à sa mort en 1920. Après cela elle reprendra la vie commune avec son second mari, jusqu'à son décès en 1924. Séverine décèdera en 1929 Au cours de cette même séance, on nomma le rond-point nord de l'avenue Jean-Jaurès, place Jules Guesde. Pied de nez à l'histoire, car c'est l'avenue Jean-Jaurès, référence incontournable de la gauche française qui relie ces deux personnalités, un moment antagonistes et pourtant de même sensibilité politique. Jules Bazile, (nom de plume Guesde) né à Paris le 11 novembre 1845 et mort à St Mandé (Seine) le 28 juillet 1922. Malgré ses débuts comme employé de Préfecture sous le Second Empire, il s'engagea rapidement en politique en collaborant à des journaux d'opposition Républicaine. Pour éviter toute réprimande de la part de son administration, il écrivait sous le pseudonyme Jules Guesde. Ce nom étant tout simplement le nom de jeune fille de sa mère. Il écrira dans "Le Progrès Libéral" de Toulouse, "La Liberté" de Montpellier et "Les droits de la République". Il soutiendra l'insurrection de la Commune. Condamné pour ses articles virulents, il se réfugiera en Suisse et ensuite en Italie. C'est au cours de cette période qu'il rentre en contact avec des militants de "l'Association Internationale des Travailleurs", fondée par Karl Marx en 1864. -oOo- |