NDLR : Ce texte ancien quasi
anonyme, car signé seulement avec les initiales « C. R. » est un
témoignage engagé. (imprimé par l’imprimeur du Roi) Sa lecture ne doit
pas être prise au premier degré. Il est dommage qu'à ce jour, malgré nos
recherches, aucune version du parti adverse ne soit disponible. Nous convions
les lecteurs à lire l’extrait plus impartial, concernant ces évènements dans
l’article figurant dans le même site « Les cahiers d’histoires de Nîmes
au XIXe siècle. »
Les
troubles affreux qui se sont mêles dans Nismes, au triomphe de la cause royale,
y ont affligé les meilleurs amis de cette cause.
Mais
quelle n'a pas été leur indignation en voyant le compte infidèle qu'un article
inséré dans l'Aristarque du 31 juillet, a rendu de ces événements et de ceux
qui les précédèrent !
Tout
y est dénaturé, principalement leurs causes qu'on suppose dans une différence
d'opinions religieuses entre les partis qui se sont choqués tandis que la,
comme ailleurs, on s'est, agité uniquement pour savoir si nous .continuerions à
vivre sous le doux régime d'un Prince légitime ou si nous reprendrions le joug
de l'impitoyable dévastateur du monde, tandis que les maux qui ont pesé sur la
faction abattue, tout déplorables qu'il soient, ont été la suite des excès les
plus atroces qui avaient signalé sa domination.
Telle
est la vérité. On va la démontrer dans cet écrit.
Nismes
renferme deux partis, bien prononcés, depuis vingt-cinq ans ; l'un qui a toujours
soupiré pour la royauté (1), l’autre qui n'a cessé de s'en, montrer l'ardent
ennemi. Les catholiques qui font plus des deux tiers de la population, composent
presque en entier le premier parti ; dans l'autre sont presque tous les
protestants.
(1) Ce ne fut qu'avec les plus grandes peines qu'on parvint,
en 1790; à lui faire prendre la cocarde tricolor. « Faites-le pour un bien de
paix, lui dit le président de la commune, vous n'en aurez pas moins dans le
cœur la même façon de penser : oh ! oui, pour la vie, répondirent les
légionnaires ».
Rapport d'Alquier à l’assemblée nationale, sûr l'affaire de
Nismes, au nom des comités de rapport et des recherches, page 37.
Ce
serait pourtant une grande erreur de croire que l'opposition des dogmes ait pu
devenir la cause morale de cette divergence politique. Les cantons
démocratiques de la Suisse sont catholiques ; la Prusse, soumise a un
gouvernement absolu, suit la religion protestante ; aussi en France, hors du
département du Gard, on ne cesse pas d'être ami du Roi, quoiqu'on professe un
culte différent, du sien ; mais à Nismes et dans les autres communes du
département, soumises à l'influence de la métropole, une cause toute
particulière a produit généralement un autre effet.
Les
protestants y forment a peu près le tiers de la population ; proportion plus
grande qu'ailleurs. Ils comptent parmi eux plusieurs familles enrichies par le
commerce, et qui ont toujours nourri un extrême amour de domination.
Exclus
des emplois jusques en 1789, ils embrassèrent avec ardeur ce qu'ils appellent
encore dans le pamphlet que nous combattons, le système des idées libérales.
Les catholiques n'eurent pas le même motif pour détacher leur affection d'un
gouvernement qui faisait leur bonheur ; ainsi s'établit la différence. Les cultes
ne se heurtèrent pas ; aucun fanatisme religieux ne se glissa dans les âmes ;
mais chacun suivit la ligne où un motif étranger à son culte l’avait placé (1).
(1) Cette vérité que l’auteur de l’article inséré dans
l’Aristarque conteste fut reconnue dans le rapport énoncé dans la note
précédente. Voici ce qu’on lit à ce sujet, à la page 73 de ce rapport :
« Enfin, MM., vos comités ont été convaincus, jusqu'à l'évidence, que les
troubles de Nismes, excités par un parti opposé à la révolution, ont pris leur
source dans la différence des intérêts et des opinions politiques, et nullement
dans la diversité, des opinions religieuses,».
Cependant,
l’auteur du pamphlet fait de Nismes le théâtre de dissensions religieuses, et
ce n'est pas sans dessein. Suivant lui, le parti vaincu, n'était pas rebelle à
son Roi. Il n'a été combattu que pour sa religion. Les principes, de tolérance
de justice, de liberté, souffriraient-ils plus longtemps qu'il fut comprimé,
qu'il demeurât privé de son influence accoutumée ? Non, sans doute. Le gouvernement
doit la lui rendre ; mais, comme on n’a terrassé, destitué que les fauteurs du
Corse ; celui-ci ou les siens, à la première occasion y trouveront de nouveau,
de puissants auxiliaires dans ceux qui auront ainsi recouvré leurs emplois,
leurs armes et réduit, comme auparavant, les fidèles royalistes à une nullité
absolue.
Volà
le calcul que l'on fuit, l'objet de la distinction religieuse qu'on a imaginée.
Nous disons qu'on l'a imaginée. Les royalistes n'ont jamais voulu abattre que
le monstre de l’anarchie ou du bonapartisme. Ils comptent sous leurs bannières
quelques protestants zélés. Leur général est de ce nombre. Des catholiques, au contraire,
quoiqu'on petit nombre, figurent dans les rangs des révolutionnaires. Considérons
donc les deux partis, tels qu'ils ont toujours été réellement.
Ils
en vinrent aux mains en 1790. Comment le défenseur des bonapartistes n'a-t-il
pas craint de soulever le voile que le temps avait jeté sur cette scène
affreuse ? Quoi ! La cause du Roi est triomphante, et l'on a le front de
célébrer aujourd'hui la victoire alors remportée sur elle avec le secours des Cévennes
ou de la Vaunage, ces foyers éternels de sédition (1) !
(1) Vous jugerez, disait encore M. d’Alquier, à l'assemblée
nationale, que ces évènements tenaient à des projets plus vastes que la surveillance
des corps administratifs et le courage des gardes nationales ont •heureusement
déconcertés.
Page 71 du rapport déjà cité.
La
puissance, s’écrie l’audacieux
libelliste, resta aux protestants qui admirent à son partage les plus
sages d’entre les catholiques.
Jusqu’où
l’impudence est portée ! a l’exemple de cet assassin, de Louis XVI, qui
osa se vanter de son crime dans la mémoire adressé au frère même de son auguste
victime, on se fait ici un trophée de succès et des abus de l’usurpation.
On
s’honore d’être devenu les agents du système qui anéantit la monarchie, d’avoir
été les dépositaires d’une autorité qui contemplait froidement
l’insubordination de l’armée, l’incendie des châteaux, la création de ces
compagnies d’assassins, connues sous le nom de pouvoir exécutif (1), et qui
n’agissait avec vigueur que pour disperser les camp de Jalés, de la Lozère,
pour porter la flamme et le fer par tout où l’amour de la royauté se laissait
soupçonner.
(1) Cette association se forma à Nismes en 1791 ; ces
membres étaient armés de nerf de bœuf ; leurs fonctions consistaient à
accabler d’indignes traitements les personnes qui refusaient d’aller aux
offices des prêtres assermentés. Bientôt ils passèrent à des assassinats ;
on peut citer deux victimes égorgées par eux publiquement, Croiser, Gibrar,
etc…
Cette bande d’assassins était non seulement tolérée par les
autorités, mais encore publiquement honoré par les chefs du parti patriote.
Celui qui la commandait eut les honneurs de la présidence du club, connu sous
le nom des « amis de la constitution. »
Les
catholiques qui s’associaient à cette conduite sont décorés du nom des plus
sages, ce qui veut dire que la révolte était un acte de haute vertu.
Le
rédacteur du libelle veut faire à ses héros une gloire des persécutions qu'ils
partagèrent avec les royalistes en 1794. Sans doute ces disciples des Brissot,
des St-Etienne , des Vergniaux, ne durent pas céder sans regret à la multitude qu'ils
avaient si imprudemment égarée, un pouvoir qui leur semblait une propriété.
Le
9 thermidor les rétablit dans leur conquête. Ils en jouirent paisiblement
jusqu'à la restauration qui leur causa les plus vives alarmes. Comment un
gouvernement protecteur pour tous, pouvait-il rassurer leur ambition ? Quel
espoir présentaient désormais, à une minorité factieuse, des élections dégagées
de contrainte ; la dispensation des emplois par un monarque qui ne ferait point
un crime de l’attachement a sa personne ? Aussi, les vit-on se rallier a tous
les mécontents. La joie des royalistes leur devint importune. Une proclamation
de la mairie annonça qu'il fallait mettre un terme a de louables transports.
Un
royaliste avait mis sur sa porte cette inscription ; les Bourbons ou la Mort,
elle fut effacée par la police. On le déclara mauvais citoyen, et il fut jeté
dans une prison d'état, d'où il ne sortit que sur des ordres réitérés du Roi.
Qui
le croirait ? Le cri de vive le Roi offensa les oreilles ; un arrêté de la mairie
le défendit.
Il
fallut le renfermer dans les cœurs jusqu’à l'arrivée de Monseigneur le Duc
d'Angoulême. On se permit dans cette occasion de transgresser l'arrêté.
Ce
sont ces cris que le libelliste traite de cris frénétiques ; ce sont ces
transports qu'il reproche au ministère d'avoir laissé impunis, qui glaçaient, a
l'entendre, les patriotes d'épouvanté, lorsque ceux-ci régnaient sans obstacle,
qu'ils formaient, la plus grande partie de la garde urbaine, que leurs maisons
étaient des arsenaux (1), que celles des royalistes ne renfermaient que le
couteau de ménage.
(1) On a trouvé chez les uns jusqu'à dix fusils, chez
d'autres, jusqu'à vingt-cinq.
Bientôt
l'audace des conspirateurs prélude au retour de leur idole. Un café reçoit le
nom de l'Ile d'Elbe. Dans les premiers jours de février on y chante : Quand
le bien aimé reviendra....
Le
dévastateur du monde satisfait à ce vœu. Le 12 mars, on avait résolu d'arborer
son étendard, lorsque l'arrivée inattendue de Monseigneur le Duc d'Angoulême
déjoue ce complot. Les royalistes lui offrent leurs vies. Deux mille hommes
partent pour le point qu'il leur assigne ; trois ou quatre protestants entrent
dans leurs rangs comme volontaires ; autant prennent parti dans l'état-major ;
le reste garde un morne silence : possédant les emplois administratifs, il
oppose une résistance d'inertie aux mesures prises par le Prince ; et le
rédacteur du libelle n'a pas rougi de prétendre que les principaux des siens avaient
accouru sous les drapeaux du fils de France.
S'il
faut l’en croire, ils se distinguèrent dans les souscriptions pécuniaires qui
furent ouvertes. Leur nombre fut petit : encore la plupart ne firent que des
promesses, quand les royalistes versèrent en souscrivant.
Une
compagnie d'étudiants de Montpellier allait à l'armée royale ; en passant à
Nismes, deux d'entre eux furent assassinés par des membres de la garde urbaine.
Le
Prince partit. La victoire le conduisait, rapidement à Lyon, quand la trahison
arrêta ses pas. Le 3 avril, le drapeau tricolor est arboré dans Nismes.
On
n'a pas craint de dire que le militaire fut seul à opérer ce mouvement, que les
citoyens y demeurèrent étrangers.
Nous
allons répondre à cette assertion des bonapartistes par le compte qu'ils ont
rendu eux-mêmes de cet événement, dans le journal du Gard du 15 avril 1815 »
|
Oserez-vous
maintenant vous dire étrangers à la révolte, vous qui en avez ainsi revendiqué
toute la gloire, qui n’avez permis de voir dans les militaires égarés par vos
dons, par vos discours, par vos exemples, que des instruments de vos
complots ?
Que
serait-ce si à votre propre récit, nous ajoutions encore les détails que vous
avez cru inutiles ? Si nous montrions ces soldats que vous aviez soulevés,
portant une main sacrilège sur leurs chefs, les généraux Briche et Pélissier
qui leur ordonnaient de rentrer dans le devoir et les traînant dans des cachots ?
Si nous rappelions ces hurlements d’une joie féroce, ces chansons impies contre
les Bourbons, que vous faisiez retentir dans les rues, cette députation d’un
officier de la garde urbaine à Gilly, pour venir prendre le commandement enlevé
au général Briche, cette formation soudaine de compagnies franches pour se
porter à Pont-Saint-Esprit avec les troupes de ligne ? Si surtout nous
expliquions ce passage voilé de votre compte rendu où vous parlez de projets
étrangers à la cause du Roi ?
Et
pourquoi laisser ignorer l’horrible sens de ces paroles ? La calomnie est si
atroce qu'elle n'indique qu'un petit nombre de scélérats pour auteurs. La foule
qui y a ajouté foi, n'a pu qu'être trompée, et cette faiblesse est moins propre
à aggraver ses autres torts qu'à les rendre excusables.
Oui
les conjurés qui ont voulu l'entraîner dans l’abyme, ont pu seuls supposer que
le plus clément, le plus humain des Rois avait ordonné une nouvelle St Barthélemy
dans le Gard, qu'il y aurait de l'imprudence à ne pas se mettre en garde contre
l'exécution de cette mesure (1).
(1) On prit prétexte de l'assiduité de Monseigneur le Duc
d'Angoulême aux offices divins, pendant la semaine sainte, pour accréditer ce
bruir. C'est avec ce levier qu'on a soulevé le peuple des Cévennes; de la
Gardonnenque et de la Vaunage. Le même moyen était employé en Alsace, comme
ailleurs, on avait mis en avant le rétablissement des dixmes et des droits
féodaux.
Cependant
le Prince, coupé sur ses derrières, est forcé de revenir à Lapalud. Il pouvait,
suivi d'une armée fidèle, gagner le Piémont ou Marseille. Mais la prise de
Lyon, unique but de son expédition était manquée, et ç'eut été sacrifier des
braves sans servir la cause du Roi. Il consent à traiter avec Gilly. II stipule
sa sortie immédiate de France et la rentrée paisible de ses compagnons de
gloire dans leurs foyers. L'armée frémit à cette nouvelle. Tous le conjurent,
de leur permettre de mourir pour lui épargner le sort du Duc d'Enghuien. Il
ferme l'œil sur ses dangers ; il ne voit que ceux, de l’armée (1).
(1) Le lendemain de la convention, on
s'attendait à Nismes au passage du Prince ; les relais de poste, étant
commandés pour cela. La ville renfermait une foule de gardes nationaux de la Gardonnenque,
qui se trouvaient sur la route de Nismes à Montpellier. Une voiture arrive, on
court sur elle avec des démonstrations menaçantes. Celui qui y était renfermé,
le sieur Lazare, maire - d'Uchaud, s'écrie : Vous vous trompez ; je ne
suis pas le Prince.
Les
volontaires déposent leurs armes. Aussitôt le Prince est arrêté ; on l'insulte,
on le dépouille des objets les plus nécessaires. Le portrait d'une Princesse
chère, à son cœur et à tous les vrais français, lui est ravi. On assure que l’épée
du petit-fils de Henri IV, passe dans les mains d'un brigand appelé Lafond,
la honte de Nismes, sa patrie, officier à la demi-solde, et qui avait présidé à
la révolte du 3 avril.
L'Europe
sait que la politique seule sauva la vie du Prince. Mais on n'a connu que dans
nos contrées le sort qu'éprouvèrent ses braves soldats. On les attendait sur le
Pont St Esprit. Les premiers qui paraissent sont dépouillés, meurtris, jetés
dans le Rhône par des militaires. Les autres arrivent dans le Gard par des
routes détournées et vont y trouver les mêmes périls. Ceux-ci reçoivent à
Arpailhargues, à Yeuset la mort dans des maisons qui leur ont offert une
hospitalité trompeuse. Ceux-là sont assassinés dans les champs. La population
presque entière de la Gardonnenque, de la Vaunage, de Vauvert se lève contre
des hommes isolés, sans armes, qui retournent à Montpellier, à Béziers, à
Perpignan, à Toulouse dans le sein de leurs familles. Combien ont mordu la
terre inhospitalière qu’ils traversaient (1) !
(1) La police fait des recherches pour découvrir le nombre
des victimes que la voix publique porte à environ 200.
On
ne saurait citer tous les traits de barbarie exercés sur eux. A Saint-Chaptes,
une fille renversa d'un coup de faux un jeune homme s'échappant des mains
barbares du père.
Les
volontaires Nîmois, plus prés de leur pays, connaissant mieux les routes, se
flattaient de courir moins de danger ; mais la garde urbaine, fortifiée de la
lie de la population, dont une compagnie portait le nom glorieux de chasseurs
de l’île d'Elbe, gardait les avenues de la ville, avec la troupe de ligne.
Certains quittaient leurs postes et se répandaient dans la campagne ; les
volontaires qui tombent dans leurs mains, sont heureux quand on ne fait, que
les dépouiller, que les accabler de coups. Plusieurs, laissés sans vêtements,
errent dans les plantations d'oliviers jusqu’à ce que quelque passant couvre
leur nudité d'une partie de ses habits ; d'autres perdent corps et biens.
A
peine le plus grand nombre de ceux qui avaient obtenu la vie, arrivaient dans
leurs familles en pleurs qu’on les arrachait aux embrassements de leurs mères,
de leurs épouses, sous prétexte qu'ils appartenaient à l'armée. On a vu de ces infortunés
blessés, tombant de faiblesse dans la cour de la citadelle et traînés inhumainement
par les cheveux dans les cachots, rester là vingt-quatre heures sans être
pansés.
Durant
le cours de ces atrocités, l'infâme Gilly revient avec ses satellites de
l'expédition de Saint-Esprit ; la garde urbaine court au-devant d'eux portant
d'indignes lauriers à ces violateurs des traites, à ces assassins des gardes
royaux ; un banquet civique leur est donné ; tout ce qu'il y a de
bonapartistes, soit simples citoyens, soit magistrats, concourent aux frais
avec la garde urbaine ; à l'issue de cette orgie, les soldats, poussés par des
gardes urbains, dévastent les maisons de deux royalistes (1) ; la caserne
devient le théâtre de danses journalières qui se prolongent dans la nuit ;l’oubli
de la pudeur est tel que des filles y vont avec l’agrément de leurs mères.
(1) Ces royalistes sont les nommés Talagrand, demeurant au
Cours-neuf, et Combet, demeurant à l’enclos Rey.
Les
vexations se multiplient. Quatre royalistes sont désignés à un proconsul qui
ordonne leur exil (2).
(2) MM. Lavondés, Vampère, Souchon et Terme envoyés en
surveillance dans divers départements, par un arrêté du commissaire d’Alphonse,
affiché par tous avec le plus grand éclat.
La
garde urbaine, requise par ces fonctionnaires qu’on dit n'avoir pas été persécuteurs,
court à Saint-Gilles où l'on n'était pas à la hauteur des Idée libérales ; elle
maltraite, elle enlève des cultivateurs paisibles. M. Baron, conseiller à la
Cour royale , était malade depuis un mois dans cette ville, son pays natal ; il
avait fait un vœu pieux, si Madame la Duchesse d'Angoulême donnait un prince à
la France. La garde urbaine voit en lui un conspirateur ; sa maison est pillée
: on l'arrache à son lit, on le garde une journée entière sur la place publique
de Saint-Gilles ; on le traîne la nuit suivante dans les prisons de Nismes, à travers
une populace qui l’accable d’imprécations et crible de pierres sa voiture où sa
respectable fille, Madame Trinquelague, lui faisait un rempart de son corps.
Non
contente de ces exploits, la garde urbaine retourne à Saint-Gilles pour
désarmer ses habitants ; elle se met à discrétion chez eux, les ruine par
ses exactions, et revient couverte du sang d’un de ses concitoyens (1).
(1) Le 13 juin 1815, Jean Donarel de Nismes, se trouvant à
St Gilles pour affaire, y fut rencontré et sabré par des gardes urbains de
Nismes. Il fut redevable de son salut à quelques habitants de St Gilles qui le
transportèrent à l’hôpital.
Elle
se montre dans tous les villages qui ont donné asile aux gardes royaux qu'elle
a forcés de s'expatrier, et qu’elle appelait Miquelets, dénomination
dont ils se glorifiaient. Bouillargues, Redessan, Manduel, Garon sont surtout
en butte à ses visites, marquée par des dévastations, par le pillage, par des
arrestations, par l’effusion du sang. Ceux qui se livrent le plus à ces excès,
sont sûrs de récompense.
On
a l'audace de demander la croix d'honneur pour l'un de ces brigands qui avait
été présent lors de l'assassinat d'un étudiant de Montpellier. Et c'est cette
garde qui, a entendre certaines gens, se montra toujours si recommandable par son
amour pour l’ordre, qui savait si bien faire respecter les personnes et les
propriétés, dont on vante tant les services, dont on pleure le désarmement,
dont on feint d'ignorer les torts !
Ses
torts ! ils croissaient sans cesse. Des bataillons de gardes nationales sont
requis pour les Pyrénées. La garde urbaine, courageuse seulement contre ses
concitoyens désarmes ; se fait exempter de ce service, sous prétexte qu'elle est
nécessaire au maintien de la tranquillité intérieure.
Les
royalistes se plaignent; ils vont payer cher cette audace. Un décret soumettait
les gardes royaux à servir dans l'armée de ligne ; mais des instructions
particulières avaient, appris au préfet que cet appel de citoyens si opposés à
la cause de Buonaparte, n'était qu'un épouvantail destiné à les contenir dans
la soumission. La garde urbaine parvient à faire exécuter le décret ; on
aggrava même sa rigueur en portant sur la liste des gardes royaux, des citoyens
qui ne l'avaient point été, la plupart pères de famille, à qui l’on refusait la
faculté de se faire remplacer : on avouait sans déguisement que la mesure n’était
qu’un ostracisme.
Les
administrateurs, les magistrats, les employés, suspects de royalisme, étaient
ou destitués ou dénoncés.
Le
titre de brigand était le lot de tous ceux qui ne partageaient pas cette
frénésie. On menaçait leurs paisibles réunions.
Un
pacte fédératif vint redoubler la rage ; les succès apparents de Fleurus
l'exaltèrent encore.
La
garde urbaine porta processionnellement le buste de son héros couronné de
lauriers; elle réclama les images de nos augustes Princes pour en faire un auto-da-fé ?
Si ce dernier attentat ne fut pas consommé, c'est que le maire, vivement pressé
de livrer les images sacrées, exigea un récépissé des chefs qui n'osèrent pas
le donner.
Tant
de vexations, tant d'outrages avaient porté l'exaspération dans l'âme des gardes
royaux. Ceux qui erraient dans les bois, dénués de toute ressource, attendaient
des armes, et soupiraient après le retour du Prince, sous lequel ils avaient déjà
combattu. La guerre civile était décidée dans leurs cœurs, quand une nouvelle
imprudence de leurs ennemis fournit l'occasion d'éclater. A la nouvelle de la
bataille de Waterloo, la Provence avait secoué le joug de la tyrannie ; à son
exemple, Beaucaire arbora l'étendard sacré des Lys.
Les
administrations de Nismes, pleines d'épouvante et d'indignation, chargent la
garde urbaine et des fédérés de la Vaunage d'aller réprimer cet attentat, ils
partent au nombre de six cents, et répondent par le feu aux paisibles
remontrances d'une députation. Soixante royalistes de Beaucaire ripostent par
une décharge, et dissipent, en un clin d'œil, ces colosses de terreur.
Beaucaire
devint de suite le point de réunion de tous les royalistes errants dans ses
environs ; les villages voisins, menacés, comme cette ville y sentirent la
nécessité de s'y rallier. Une armée royale fut créée ; des commissaires du Roi
l'organisèrent ; de nouveaux administrateurs pour le département furent nommés
; le drapeau blanc flotta dans une grande partie des communes ; les bonapartistes
de Nismes tremblèrent a leur tour ; la garde urbaine se renforça des fédérés de
la Gardonnenque et de la Vaunage ; Gilly amena de Montpellier des troupes de
ligne à qui il venait de faire faire une horrible boucherie des royalistes ;
on arma un tas de brigands obscurs qui avaient fui de la Provence devant les
Lys triomphants, et qu'on obligeait les Nîmois à nourrir.
Les
mesures de terreur, les insultes envers les paisibles citoyens redoublèrent,
des maisons furent dévastées, des royalistes poursuivis, d'autres sabrés (1).
(1) Le 4 juillet, les maisons de Jacques Riches et Thomas
Ribière furent dévastées par des individus de la garde urbaine. Ribière reçut
un coup de sabre, qui lui abattit le petit doigt de la main gauche, et lui
divisa l’annulaire de la même main.
Nous
savions que le Roi avançait vers sa capitale. Ses commissaires enjoignirent à
la ville de Nismes de le reconnaître. Si on l'eût fait, la ville était sauvée.
L'armée de Beaucaire était encore sans armes. Les commissaires du Roi auraient
trouvé dans Nismes un corps de troupes de ligne. La garde urbaine eut été
reconstituée selon les règles ; on y aurait laissé une partie de ses membres ; les
nouveaux admis auraient été pris dans la classe aisée des royalistes ; on leur
eût donné les armes, si mal à propos confiées à un ramas d'êtres obscurs, qui
seraient retournés à leurs ateliers : dès lors l'exaspération des gardes royaux
appartenant a la classe du peuple, n'eût pas été à craindre.
Qui
a empêché cette salutaire transition? Ceux qui se plaignent aujourd'hui qu'elle
n'ait point eu lieu.
Les
destins de la France étaient décidés ; le Roi était à Saint-Denis ; mais à
Nismes on disait encore qu'on ne voulait pas des Bourbons. Ces urbains, ces
fédérés, naguères si passionnés pour une fausse gloire nationale, si prononcés
contre toute intervention du congrès, préféraient, au Souverain né pour la
France et réclamé par elle, un enfant qui serait imposé par les baïonnettes autrichiennes.
Ils l’appelaient de leurs vœux anti-Français, et ils croyaient que l'honneur
national serait sacrifie à ces vœux. Ils le firent proclamer d'avance avec la
plus grande pompe.
Au
lieu d'obéir à l'injonction des commissaires du Roi, on leur fit des propositions
insidieuses.
On
demanda un délai jusqu'à la connaissance des dispositions des allies sur le
Souverain que la France devait avoir. Les commissaires y consentirent ; ils
attendaient des armes pour les serviteurs du Roi.
Cependant
le nombre de ces braves, décidés à ne pas souffrir plus longtemps la
persévérant de la rébellion, croissait chaque jour, ainsi que leur exaltation.
L'instant de céder, dans Nismes, arrive. L'entrée du Roi à Paris y est connue.
Gilly
disparaît le 15 juillet. La garde urbaine consternée laisse planter le drapeau
blanc à la mairie et a la préfecture; mais, dans son abattement, elle n'en
repousse pas moins la cocarde blanche. On tire sur un royaliste qui l'avait
prise ; il est manqué. Mais quelqu'un qui se trouvait près de lui est tué à sa
place (1).
(1) Jean Vignolle.
La
maison d'un citoyen venait d'être décorée d'un drapeau blanc ; il est criblé de
cent coups de fusil. L'un de ceux qui les ont tirés, est tué par la maladresse
de ses propres camarades. Cependant le lendemain la proclamation de Louis XVIII
est faite par le corps municipal. Le peuple l'accueille avec ivresse, malgré la
présence des militaires muets, et des urbains glacés d'effroi qui, pour le
coup, cèdent à la force des évènements.
C'est
cette conduite que le libelliste entend justifier. Il avoue une longue
opposition à la reconnaissance du Souverain légitime, et il ne voit là rien de
répréhensible ! Ici l’auteur se trahit. II se croît encore assis parmi ses collègues
dans cette chambre illégale qui avait voulu disposer du trône.
Il
dit froidement que le choc des partis était devenu inévitable, c'est-à-dire,
que les autorités Nîmoises étaient prêtes à maintenir par la force l'empire de l’usurpateur
; et il oublie que toute résistance au parti du Roi était un crime ; qu'une ordonnance
récente commande la poursuite des généraux qui ont comprimé l’élan de la
fidélité pour le Roi.
L'armée
royale était impatiente de quitter Beaucaire. Tous ces proscrits voulaient
revoir leurs familles. Plusieurs transgressent l'ordre qui les retenait ; ils
se rendent sans armes à Nismes.
Les
urbains s'expatrient à leur tour, ne pouvant emporter toutes leurs armes, .qui étaient
ramassées par des royalistes. Le bruit court qu'ils forment un camp à une
lieue, qu'un escadron de chasseurs du I4e sorti la veille de Nismes
plutôt que de prendre la cocarde blanche est parmi eux ; que la Gardonnenque
s'ébranle pour les joindre ; qu'ils viendront se saisir des pièces d'artillerie
qui sont a la caserne. Des royalistes Nîmois veulent déjouer ce dessein; ils se
présentent à la caserne, ils demandent les canons à la troupe de ligne trop
faible pour en répondre. La garnison les refuse ; des altercations s'élèvent
une fusillade part de la caserne, elle se prolonge. Plusieurs gardes royaux,
des passants, une femme, sont tués. Les royalistes courent, aux armes ; la
caserne est cernée ; on en fait l'attaque qui est suspendue par la nuit. Le
tocsin sonne ; des campagnards arrivent ; la garnison capitule et prend la route
d'Uzès : sa vue réveille dans tous les esprits la violation du traité de
Lapalud, le massacre récent de Montpellier. Ceux qui l'ont combattue, la respectent
néanmoins ; mais ceux qui, à la pointe du jour, étaient venus grossir le nombre
des assiégeants, oublient une capitulation à laquelle ils n'avaient pas pris
part, pour n'écouter que leur indignation ; ils tombent sur des hommes sans
défense ; environ dix sont immolés ; quelques-uns sont blessés. Les royalistes
qui avaient vaincu cette garnison, courent à sa défense, ils protègent la retraite
des uns, ils recueillent les autres chez eux.
Le
maire de Nismes fait part de la situation de cette ville aux commissaires
royaux ; il leur envoie successivement deux estafettes pour presser leur
arrivée; ils se rendent à cette invitation.
Le
libelliste n'ignorait pas cette circonstance, et cependant, il se plaint de ce
que les commissaires se sont rendus à Nismes, au mépris d'une capitulation militaire.
L'armée les suit : elle n'était pas composée, comme on l'a dit, de Marseillais
et de Provençaux : quelques gardes de Tarascon et d'Arles s'y étalent mêlés ;
mais elle consistait principalement dans la brave jeunesse de Beaucaire, dans
ces Nîmois, compagnons de Monseigneur le Duc d'Angoulême, et victimes de leur
dévouement, dans les habitants des communes exaspérées par les vexations de la
garde urbaine de Nismes.
Il
était impossible, surtout à l’issue d'un combat meurtrier, que quelques-uns de
ces hommes ardents, en présence de leurs persécuteurs, restassent dans les
bornes de la modération, qu'il n'éclatât quelques-uns de ces désordres,
regardés par le peuple comme de justes représailles.
Les
demeures des gens qui passent pour avoir fait plus de mal aux gardes royaux ;
quelquefois même celles de leurs voisins à qui l'on n'en veut pourtant pas,
sont assaillies ; on les saccage. Le peu de meubles échappés à la destruction,
devient la proie des misérables qui se glissent au milieu des dévastateurs. Des
maisons de campagne subissent le même sort. Quelques-unes mêmes sont livrées
aux flammes ; ce qui est plus déplorable encore, certains individus sont
immolés par le peuple aux mânes des gardes royaux qu'on les accuse d'avoir
égorgés (1).
(1) Le nombre des personnes immolées est d'environ dix-huit.
Il y a eu dans la ville une douzaine de maisons saccagées, et à peu près autant
où il a été commis des dégâts partiels. Le nombre de celles qui ont été
dévastées à la campagne n'est pas bien connu.
Il
n'est pas un seul royaliste modéré, soit dans l'armée, soit parmi les citoyens
; il n'est pas un des chefs civil et militaire qui n'aient cherché à arrêter
ces attentats, souvent au péril de leur vie. Eh ! qui pourrait assigner le
point où la fureur des esprits se serait arrêtée sans cette utile intervention
!
Une
garde nationale s'organisa aussitôt. Malheureusement les armes manquaient. Les bonapartistes
seuls en avaient eu jusqu'alors. Celles qu'ils n'avaient pu emporter, étaient
tombées entre les mains du peuple ou des campagnards qui avaient fait chez eux
des visites dans cette intention.
On
cherche vainement la cause des emportements du peuple, ailleurs que dans, un
système d'oppression inouïe. On a voulu faire méconnaître ce caractère de
réaction, et persuader qu'il s'agissait d'une guerre faite par les catholiques aux
protestants. Fable absurde et révoltante! Parmi ceux que le peuple a mis à
mort, on compte des catholiques. La dévastation a en eu dans des maisons
catholiques comme chez des protestants.
Elle
a même commencé par la maison d'un catholique. En un mot, la différence de
religion n'a pas inspiré le moindre acte de violence. Si les protestants ont
principalement souffert, c'est qu'ils étaient presque tous bonapartistes, et
que de leur sein était sorti le plus grand nombre des hommes qui avaient commis
tant d'atrocités. L'exemple de M. Vincens-Mourgues, uniquement victime d'une
similitude de nom, d'un voisinage dangereux, ne détruit pas cette vérité. On
est persuadé qu'il n'est pas le seul exempt de reproches parmi ceux qui ont
souffert. Mais s'ensuit-il de ces exceptions que le peuple n'ait pas entendu poursuivre
ses ennemis dans les personnes sur lesquelles sa colère est tombée ? S'ensuit-il
que le mal qu'il a fait, n'ait point été ainsi le résultat de celui qu'on lui
avait fait ? Que ses persécuteurs ne doivent point être regardés comme les
véritables auteurs des désordres auxquels il s'est livré ?
On
a osé accuser les autorités royales d'avoir secrètement présidé à la réaction.
Si les magistrats auxquels s'adresse cette calomnie avaient besoin d'y répondre,
il leur suffirait d'en appeler à la reconnaissance de ceux qui les ont vus voler
au secours de leurs propriétés attaquées se précipiter au milieu des
baïonnettes, souvent tournées contre leur propre sein, et quelquefois réussir à
conjurer la tempête.
S'il
n’eût pas existé de commission extraordinaire, dit avec audace le libelliste, l'autorité du Roi aurait été
reconnue sans secousse.
Maintenant
ce n'est plus la commission qu'on attaque ; c'est le Roi lui-même, et dans la
mesure la plus indispensable, la plus salutaire, dans celle qui devait
accélérer la délivrance de ses sujets.
Veut-on
savoir pourquoi cette mesure est censurée ? C'est précisément parce qu'elle a
réussi dans son objet, qu'elle a procuré cette prompte délivrance. La
commission a déjoué un grand projet : elle est devenue le point de ralliement des
royalistes ; elle a imprimé une utile régularité aux mouvements qui ont eu lieu
dans la Lozère et dans le Gard. Par là les révoltés de Nismes et des Cévennes
n'ont plus communiqué avec les armées des Alpes et de la Loire, et le Bas
Languedoc n'a pu devenir le théâtre d'une Vendée patriotique qui aurait en des
ramifications si étendues.
Il
fallait prévoir, dit-on, les emportements de cette armée qu'on laissa arriver à
Nismes.
On
a vu que le Maire de Nismes avait lui-même pressé cette arrivée. Mais
d'ailleurs, la commission a-t-elle manqué de prévoyance, lorsqu'elle
avertissait les rebelles de ne pas accroître le mécontentement des esprits par
une résistance insensée aux ordres du Roi ? lorsqu'elle les invitait à épurer
la garde urbaine, à donner des armes à cette classe de citoyens honnêtes,
laissée depuis si longtemps à l’écart à cause de ses opinions, et qui, après la
fuite des urbains, n'aurait pas été dans l’impuissance de maintenir l'ordre, si
l'on eût suivi ce conseil ?
Ah
! L’imprévoyance a été toute du côté de ceux qui la reprochent. Elle a été dans
ceux qui ont trahi leur devoir, leurs serments ; qui ont quitté le meilleur des
rois pour s'attacher au plus fourbe des imposteurs; qui ont violé la plus sainte
des conventions ; qui ont persécuté, dépouillé, assassiné des hommes dont tout
le crime était d'avoir répandu leur sang pour la cause du Roi, pour la vraie
indépendance de la Patrie ; qui ont voué leurs familles à la misère ; qui les
ont forcés à errer dans les bois, dans les marais ; qui ont puni par le
pillage, par l'emprisonnement, par le meurtre, les communes environnantes de
l'hospitalité accordée a ces malheureux.
Et
l'on s'étonne que quelques-uns de ceux qui furent ainsi traités n'aient pas eu
une vertu plus qu'humaine pour remettre tant d'injures! que leurs chefs n'aient
pas été maîtres de modérer tout à fait leur ressentiment !
Dites-nous,
vous qui voulez rendre ces chefs responsables des maux qu'il leur a été si
impossible de prévenir; vous que pourtant l'opinion publique signala toujours
comme un des grands meneurs de votre parti, dites-nous, puisque vous
n'avez pas craint de réveiller le souvenir de la terrible catastrophe de 1790,
l'usage que les patriotes firent de la puissance qui leur resta en cette
occasion ; dites-nous si ceux qui s'étaient mis a leur tête, les encourageaient
aux abus de la victoire,.s'ils ordonnèrent le pillage, la dévastation des
maisons particulières, des édifices publics ? s'ils dirigèrent et, l'invasion
des couvents et le massacre des religieux et les exécutions sur les royalistes
sans défense, qu'on allait arracher aux bras de leurs femmes, et la chasse aux
paysans qui fuyaient dans la campagne (1) ?
(1) A Dieu ne plaise que ce tableau ait été amené par des
idées de récrimination, qu'on veuille justifier des crimes récents par des
crimes anciens qui étaient d'ailleurs oubliés, et dont l'imprudent libelliste a
seul rappelé le souvenir. Mais on a voulu prouver que si Ses uns furent commis
sans l’impulsion d'aucun fanatisme religieux, les autres, venus après un long
cours de persécutions, ont bien pu se commettre aussi sans la même impulsion. On
a voulu prouver qu'il est possible d'être à la tête d'une multitude qui se
laisse emporter à des excès, sans devoir pour cela être accusé de les favoriser.
Pour s'assurer de la justesse de l'opposition, on n'a qu'à consulter
le rapport de M. d’Alquier, dont il a été question plus haut. Au tableau des
divers massacres ; de la dévastation et du pillage des maisons religieuses et
de certaines maisons particulières, il ajoute, page 63 : De tous cotés, il
arrivait à Nismes des légionnaires étrangers qui se livrèrent aux plus grands
excès. Les citoyens soupçonnés d'avoir pris parti la veille étaient recherchés
et massacrés. Sous prétexte de fouiller les maisons suspectes pour enlever les
armes, on pillait, on dévastait. Ce qui ne pouvait être enlevé, était brisé.
Page 64 : Les meurtres et les pillages continuèrent (le lendemain,
c'est-à-dire, deux jours après la défaite du parti royaliste), et les citoyens
qui échappaient à la mort étaient traînés sanglants à l'Hôtel-de-Ville, et
entassés dans les prisons ; quand la garde nationale de Montpellier arriva,
cette troupe bien plus disciplinée que les autres, fit cesser les dévastation»
es les meurtres.
Ainsi,
votre écrit joint la maladresse au mensonge, à la calomnie.
Quel
a donc été son but ? d'appeler la sollicitude du Gouvernement sur la situation
de notre malheureuse Patrie ? Ah ! nous joindrions nos efforts aux vôtres, si
nous pensions que le Roi, si attentif aux besoins de ses sujets, n'eût pas déjà
ordonné les mesures propres à ramener parmi nous cette paix dont nous jouirions
encore, sans les attentats de votre parti.
Le
seul but de cet écrit, qui serait autrement d'une impolitique extrême, c'est,
nous l'avons déjà dit, d'égarer l'opinion publique et celle de Sa Majesté sur
la vraie cause de nos troubles ; c'est de faire rétablir les bonapartistes de Nismes
dans leur domination accoutumée, en les montrant a un Roi humain, à la France
éclairée, comme les victimes d'une guerre religieuse, tactique inverse de celle
qu’ils suivirent jusqu'ici. Triomphants pendant vingt-cinq années, ils
n'avaient cessé de paraître sous le voile tricolor, de publier que nos troubles
n'avaient qu'une cause politique ; et aujourd'hui que ces agitateurs sont
vaincus, qu'ils éprouvent l'effet d'une réaction inévitable, ce n'est plus
l'issue d'une lutte opiniâtre entre les ennemis du trône et ses serviteurs
fidèles ; c'est le résultat affreux d'une querelle de religion. Ce ne sont plus
les partisans de l'anarchie, les sectateurs de la république, les complices du
Corse, qu'on a éloignés des emplois dont ils avaient tant abusés, qu'on a
réduits à. une impuissance désespérante ; ce sont des citoyens qui, différant
des autres dans la manière d'adorer Dieu, se trouvent en butte à une
persécution injuste ; enfin, ce sont des protestants succombant sous le
fanatisme des catholiques. N'en doutons pas : on n'a pris ce travestissement
que parce que, dans ce siècle de lumières, tout ce qui rappelle l'idée du
fanatisme religieux, prend aux yeux des hommes un caractère d'atrocité révoltant
contre ses auteurs.
Mais
un fils de France a vu de près la cause réelle de nos discordes civiles. Le Roi
l'a apprise par les dépositaires de son autorité. La France ne saurait être
abusée, et les artisans de troubles de bouleversements, les amis des prétendues
idées libérales sont descendus pour toujours dans le néant politique.
C.R.
A
Nismes, chez J. B. Guibert, imprimeur du Roi.
-oOo- > Version imprimable PDF
|