ENLUMINURE DE FERDINAND PERTUS

X

 

La révolte des Tuchins de 1382

par Gustave Jéraube et D. Nisard

 

VERSION 1 - Gustave Jéraube, 1789

 

(1382). En 1378, la peste parut à Uzès. A la peste s’ajouta un manque complet de récoltes. La maladie, la misère et la famine décimèrent la population. Malgré ces calamités et les rudes souffrances d’un peuple exténué par la guerre les ducs d’Anjou et de Berry imposèrent des subsides tellement forts, que des révoltes s’en suivirent. Celle qui eut lieu en 1382 donna naissance à une corporation dont les membres furent désignés sous le nom de Tuchins ou Coquins.

 

Le Tuchinat était une espèce de Jacquerie (les Jacques). Les Tuchins s’emparèrent de St Laurent des Arbres, situé dans la Viguerie de Roquemaure, ils vinrent dans les environs d’Uzès et brûlèrent le château d’Arpaillagues, en 1383.

 

Gustave Jéraube

 

 

VERSION 2 - Histoire et description de Nîmes  par D. Nisard, 1842.

 

(1382). La ville de Nîmes était dévorée par le duc de Berry, frère du roi, tantôt rappelé de son gouvernement, tantôt rétabli, selon les alternatives de la santé du roi. Tout puissant quand le roi n’avait plus sa raison, disgracié sitôt que ce pauvre prince en recouvrait une lueur, assez pour savoir que le Languedoc se dépeuplait tous les jours sous l’administration meurtrière de son frère. Si les consuls de Nîmes fêtaient avec tant d’éclat les retours à la raison du roi, s’ils ordonnaient des processions solennelles, c’est surtout parce qu’ils avaient l’espoir d’être délivrés du duc de Berry. Jamais le pays n’avait été affligé d’un exacteur aussi impitoyable. Les peuples poussaient des cris de détresse. Alors on leur envoyait des commissaires réformateurs, remède pire que le mal.

 

Ces commissaires ne réformaient rien et grappillaient après le duc de Berry, à l’exemple de ces gens d’armes envoyés à la poursuite des Tuchins. Ils s’abattaient comme des sauterelles sur ces villes et ces villages délabrés, faisant butin de tout, taxant rançonnant, extorquant, en gens dont la commission ne devait durer qu’un jour, et à qui la faveur offrait tout à coup cette occasion de fortune rapide. Les consuls de Nîmes s’attaquèrent courageusement à ces nouveaux ennemis. Ils dénoncèrent leurs rapines, le croirait-on ?

 

Au duc de Berry lui-même, alors rentré dans son gouvernement, et ils en appelèrent des brigandages des réformateurs à l’homme qu’ils avaient mission de réformer. Leur supplique est dans un patois grossier, formé de latin corrompu et de français naissant. Mais il prouve que l’éloquence précède les langues littéraires et que les souffrances vraies ont un art naturel qui sait trouver des effets oratoires et des expressions fortes même avant d’avoir une langue pour les rendre.

 

Ces commissaires réformateurs étaient envoyés, ou plutôt lâchés, dans le pays sous toutes sortes de titres. Il y en avait autant que de choses à réformer.

Les commissaires pour l’entretien et la réparation des forteresses, les commissaires pour la réparation des chemins, les commissaires pour les francs-fiefs, les commissaires pour les informations touchant les délits de justice, les commissaires pour la réparation des feux.

 

Et tous ces commissaires, continuent les consuls, tandis qu’ils marchent à travers la patrie, s’ils ont besoin de vin, de foin ou d’avoine, ils en font des réquisitions de leur propre autorité et sans rien payer. Et si celui qu’on dépouille ainsi de son bien vient à se plaindre, ils lui disent : Ah ! vilain traître ! avise-toi de parler ! Et de temps en temps ils frappent les gens ou les accablent d’injures, et le peuple ne se plein pas d’eux pour beaucoup de raison, et, entre autres, parce qu’il se meurt d’inanition, est inhanitus, et parce que, s’il se plaignait, sa plainte ne serait pas entendue, car la justice lui fait défaut.

 

D. Nisard

 

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