Même
dans les mains d'un Michel-Ange, la restauration des antiques est
hasardeuse. Sans doute il ne placera pas, comme la chose a été
fréquemment faite au Louvre (nous en devons la remarque à M.
Félix Ravaisson-Mollien), la tête d'un personnage romain sur
les épaules d'un dieu grec. Mais les additions s'accorderaient-elles
avec la physionomie et la signification générale des lignes, que le
travail moderne ne pouvant jamais s'harmoniser complètement avec le
travail ancien, enlèverait à l'oeuvre entière le mérite capital de
l'unité de style et d'exécution.
Quel
artiste a prétendu que l'éphèbe était beaucoup plus près de la beauté
que la Vierge ? Je ne sais; mais la Vénus de Nîmes, telle nous
la voyons aujourd'hui dans la Maison Carrée,(au musée
archéologique en 2003) nous donné l'impression que rien ne
peut être plus séduisant que son corps de jeune fille en promesse de
femme.
Quel
âge lui donnez-vous? demandais-je un jour à Jean Aicard ?
L'éternité,
me répondit le poète, de sa voix grave.
Je
ne m'attarderai pas à détailler ici la pose de la tête et du corps de
la Vénus de Nîmes, dont les deux bras ramenés l'un vers la poitrine,
l'autre sur le ventre, rappellent le maintien de toutes les Vénus
pudiques.
Ce
geste me paraît être beaucoup plus une provocation qu'une défense.
…Fugit
ad salices et se cupit ante videri.
Je
dirai seulement qu'avec l'Anadyomène de Nîmes nous assistons à
l'épanouissement de la nature, de la réalité dans l'art. Elle ne goûta
certainement jamais aux douceurs de l'Olympe, et ne fraya pas davantage
avec Phryné et les courtisanes d'Athènes, dont la beauté, cultivée en
vue de servir de modèles aux grands maîtres, gardait encore une
certaine idéalisation.
Ce
n'est ni la déesse ni la femme, mais seulement l'Ève mystérieuse,
quelque chose comme l'instinct du sexe. Non, ici, rien de noble ni de
serein; de la, coquetterie, de la provocation même, résultant en partie
de sa draperie qui, vue de dos, voile la portion médiane du corps mais
laisse à découvert, sur le devant, en un retroussis équivoque, les
pieds et le haut des jambes; sans cette draperie, dont le dessin et le
style sont également détestables, la Vénus de Nîmes dansa complète
nudité, aurait quelque chose de moins sensuel et de plus digne.
Malgré
certaines qualités d'exécution, cette Vénus est donc une oeuvre de la
décadence. Elle appartient sans doute au troisième ou au quatrième
siècle. Quelques artistes ont voulu voir en elle une origine plus
grecque que romaine. Le sentiment qu'elle exprime est cependant bien
éloigné de l'idée grecque, car l'Hellade, ne l'oublions pas, eut le
sens des chastes et grands symboles: Athènes se place sous la
protection d'une vierge déesse, tandis qu'un essaim de Victoires va
proclamer le triomphe de son peuple et que le souffle de Platon met au
corps d'Aphrodite
Le
lin chàste et flottant qui voile sa beauté...
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