La Flore de la Garrigue nîmoise
par Jules Igolen, Nîmes 1932.
Extrait des Mémoires de l'Académie de Nîmes, 1931-1932, pages 39 à 43


On ne connait rien de la flore de nos Garrigues aux époques lointaines de la préhistoire. Toutefois, la présence dans les grottes du Gardon du renne et de l'antilope saiga, laisse supposer qu'à l'époque magdalénienne, il existait dans nos régions des steppes herbeux où ces animaux trouvaient leur nourriture.
On suppose aussi qu'après les diverses époques glaciaires, une flore forestière apparut dans nos Garrigues et que, lentement, au cours de longs siècles, celle-ci finit par devenir à peu près, d'une homogénéité constituée par le chêne-vert, dans les endroits secs et chauds. Cette forêt se serait ensuite perpétuée par le traitement en taillis, qui eut pour résultat d'éliminer le chêne-rouvre, qui serait cantonné de préférence dans les endroits plus frais et dans un sol plus profond.
On ne sait rien, non plus, de la flore de la Garrigue à l'époque romaine vieille seulement de vingt siècles ; mais comme on n'y rencontre aucun vestige romain, sauf aux abords immédiats de Mines, on suppose qu'elle était inhabitée alors et que sa flore ne devait présenter rien de particulier, sinon sa forêt de chênes-verts.
D'après Ménard, et suivant l'ordonnance du 8 novembre 1240, nous savons, ainsi que nous l'avons dit plus haut, que notre Garrigue renfermait, à cette époque, des champs enclos, plantés de yeuses ou chênes-verts et qu'on y trouvait des pâturages, tout comme aujourd'hui.
Actuellement, la Garrigue Nîmoise, malgré sa grande sécheresse due à la perméabilité de son sol, à la rareté des pluies d'été et aux vents, parfois violents, qui soufflent sur elle, offre une flore abondante qu'on est loin de soupçonner, attribuée à sa situation géographique, à la topographie et à la diversité de ses sols.
Au botaniste M. G. Cabanes, que nous avons cité plus haut, nous empruntons les lignes ci-après parues dans « Nîmes et le Gard » :
« Primitivement , la Garrigue actuelle était une vaste forêt dont le fonds était constitué par l'yeuse auquel venait s'associer suivant le milieu, le pin d'Alep, le chêne-rouvre, avec sous-bois de chêne kermès, dans la partie la plus chaude et jusqu'à une altitude de 200 à 250 mètres.
Actuellement, c'est un pays dévasté ; le déboisement a été à peu près total et en fait le vrai type de la lande parcourue par des moutons qui y trouvent un maigre pâturage d hiver.
Sur la partie la plus chaude de la Garrigue le chêne kermès, aux racines traçantes, est agrippé solidement au sol dont il a pris de plus en plus la possession à mesure que son congénère l'yeuse en était dépossédée : c'est la lande actuelle. Il y forme de larges buissons séparés par des espaces vides, plus ou moins étendus, occupés jusqu'aux sécheresses par une flore bien plus variée que les apparences ne le feraient supposer. Dès le premier printemps, des milliers de fleurettes multicolores émaillent le sol, les creux et même les anfractuosités de la roche ; tous les espaces sont occupés ; des buissons de chênes kermès eux-mêmes sortent les tiges fluettes des graminées et montent les capitules épais de la leuzée conifère, ou les feuilles élargies coriaces, du buplève rigide.
Mais, dès la fin de mai ou la mi-juin, au plus tard, tout ce tapis végétal se dessèche, imites ces plantes donnent une teinte jaunâtre aux emplacements qu'elles recouvraient naguère, et le paysage prend jusqu'aux pluies d'automne cet aspect désolé qui le caractérise.
Mais cet arrêt dans la végétation n'est que momentané. Dès que le sol redevient humide fin septembre ou courant octobre, les graines des espèces annuelles germent les feuilles de bien des espèces vivaces, graminées principalement, se développent. En quelques semaines, un tapis végétal s'est formé qui verdit sur bien des points le paysage et persiste jusqu'à l'année suivante, formant un pâturage d'hiver. »
Aujourd'hui, la flore de la Garrigue comprend, en dehors des plantes naturelles, c'est-à-dire de celles que la Nature a répandues sur son sol, des plantes qui ont été apportées par l'homme et sont maintenant considérées comme autochtones.
Parmi les espèces que l'homme a plantées, il convient de citer : l'olivier (l'oulivié), l'amandier (l'amélié), le figuier (la figuièro), la vigne (la vigno), toutes espèces cultivées par les fruits qu'elles donnent ; puis, le pin d'Alep (lou pin), le cyprès pyramidal ou étoilé (lou ciprès), quelques pins pignons, l'arbre de Judée (l'accacia rouge), le néflier du Japon (lou nespoulié).
Parmi les espèces dominantes :
L'yeuse (l'èuse), le chêne kermès (lou garrus), le. micoucoulier (lou falabreguié), le genêt épineux (l'argelas), le cyste (la mugo ou la muga), la ronce sauvage (lou roumèse ou bartas), le thym (la farigoulo), la lavande (l'espi) la seule variété de nos pays, l'euphorbe (la verinado), ou encore (ginouscle ou capoun), la salsepareille (la lengo de ca ou encore arapo-man), le trèfle étoilé (lou trèule estela), etc..
Parmi les autres espèces :
Le chêne rouvre (lou roure), le romarin (lou roumarin), le poirier sauvage (lou perrussias), l'azerolier (l'argeiroukié), l'arbousier (l'arbous), le laurier (Iou lousié flouri), le buis (lou bouis), le genévrier vulgaire (lou cade), le petit houx (lou bouis pougnènt ou vert-bouisset), le rumex (la lengo de bioou), l'asphodèle (l'alapedo), le lière (l'èuse), l'astragale (l'esparcet bastard), le chardon (lou panicaou ou encore la coussido), la coronille (Iou tréfolion), le séséli (lou grand juvert), la joubarde (l'artichau bastard ou barbabou ou erbo di agassin), la sariette (lou pebre d'ase), l'iris nain, improprement appelé (la tulipe), le séneçon (lou senèissoun ou cabridello ou erbo di canari), la viorne (l'atatié), la rue (la rudo), le nerprun (lou nerprun ou l'asperge), la vesce (la vesso), le plantin (l'erbo bruno ou tèsto d'aucèu), le narcisse (lou coucu), le cerfeuil (lou juvertin), la barbe de bouc (lou barbabou), le liseron (la campanetto), le grémil ou herbe aux perles (l'erbo de la pisseto), la sauge (lou sàuvi), etc...
Parmi celles que le mazetier affectionne particulièrement, parce qu'il sait en tirer profit :
L'asperge épineuse (l'espargasso), le poireau sauvage (lou pourrihoun) et la langue de bœuf (la lenga de bioou).
On trouve encore des fougères, rares et de petite taille, des mousses qui ne se montrent qu'après les pluies d'automne, d'octobre à mai ; quelques champignons parmi lesquels l'anamite ovoïde qui croît dans les taillis de chênes-verts et ressemble à une oronge blanche, et, le plus connu de tous, le bolet granuleux.
Signalons ici un arbre très rare aujourd'hui et qui a fait l'objet d'une étude spéciale de M. Cabanès. Des boutures de pêcher, greffées sur amandier, donnent un hybride curieux à l'époque de la floraison, cet arbre donne de jolies fleurs roses en grande abondance, recherchées en herboristerie à cause de l'essence précieuse qu'elles peuvent donner ; par contre, il fructifie très rarement et, même alors, il ne donne que quelques fruits. Ses branches sont creuses comme celles du sureau et par suite très cassantes ; elles sont, de plus, incurvées, ce qui donne à cet hybride l'aspect d'un arbre pleureur. Disons enfin que cet arbre renfermant du mercure ou vif-argent, finit, à la longue, par tuer les arbres avoisinants.
M. Cabanès, herborisant au bosquet de la Tour Magne, a pu obtenir près de 350 espèces de plantes ; selon lui, notre Garrigues posséderait au moins 1300 espèces spontanées indigènes à elle seule, alors que certains départements du centre de la France, comme l'Allier, par exemple, n'en possèdent en tout que 900 environ. Ceci nous montre la richesse incontestable de la flore de notre Garrigue.
À côté de cette flore naturelle n'oublions pas que le masetier a introduit lui-même dans son enclos de nombreuses plantes comme la vigne-vierge, le liseron, le chèvre-feuille, etc., pour entourer sa tonnelle, puis d'autres, toutes d'agrément, comme le lilas, le rosier, si varié, et quantité d'autres fleurs, cultivées en plates-bandes ou encore dans des pots ou récipients aussi variés qu'originaux, et qui, après avoir servi aux besoins du ménage, trouvent encore leur utilisation pour contribuer à l'embellissement de quelque coin du maset.

 
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