- LES
ORDRES RELIGIEUX
- Mendiants
à Nîmes
- Les
Frères-Mineurs
-
- LES
RECOLLETS.
- par
l'Abbé Goiffon, 1871.
-
- Carte
de Nîmes au XVIIIe siècle de Igolin, 1938.
-
- Dès
la première moitié du XVIe siècle et sous le
pontificat de Clément VII, deux franciscains espagnols avaient
introduit dans leurs couvents une règle plus austère
que la stricte observance ; ce fut l'origine des Réformés,
nommés aussi Récollets, à cause de l'extrême
recueillement dont ils donnaient l'exemple. La réforme fit de
rapides progrès, non-seulement en Espagne, mais aussi en
France et en Italie ; elle commença en France vers 1592, et
elle eut une maison à Avignon dès 1602. Cette maison
fut érigée en province par-bulle du pape Paul V, du 22
juin 1612.
- La
réforme fut acceptée par un grand nombre
d'Observantins, de sorte que bientôt les Récollets se
trouvèrent plus nombreux que ceux qui conservaient l'ancienne
règle. Le couvent de Nîmes, abandonné depuis
longtemps par les religieux de l'Observance, fut donné aux
Récollets par un chapitre général de l'Ordre de
Saint-François, qui fut tenu à Rome, et compris dans la
province de Saint-Bernardin, dont la maison principale était à
Avignon.
- Ce
fut alors que les catholiques rebâtirent le couvent et l'église
de Saint-François, non avec somptuosité, mais aussi
décemment que le leur permettait la médiocrité
de leurs affaires. Les Observantins y rentrèrent vers le
commencement de 1614 et prirent possession des travaux déjà
faits, continuèrent la réédification du
monastère et établirent le service divin dans un local
provisoire ; les ressources leur manquant pour achever les
constructions, ils s'adressèrent, le 22 octobre de la même
année, à l'assemblée du clergé diocésain,
et lui firent part de leur détresse qui allait jusqu'à
ce point qu'ils n'avaient ni meubles, ni lits, ni couvertures ; ils
remontrèrent que leur présence dans la ville et leurs
prédications dans les villages du diocèse pouvaient
grandement aider à la conversion des hérétiques,
et demandèrent un don qui pût les aider à se
procurer le nécessaire pour
l'hiver ; le clergé leur accorda une aumône de deux
cents livres.
- Les
travaux du couvent se terminaient, lorsque, au commencement de 1615,
le Père Antoine de Tréjo, général des
Franciscains, passa à Nîmes ; les catholiques nîmois
s'empressèrent de profiter de cette circonstance pour
demander l'exécution du décret du chapitre de Rome. Le
général renvoya sa réponse à Avignon, où
il devait séjourner; une nombreuse députation l'y
suivit, avec charge de le solliciter de nouveau ; parmi les députés
se trouvaient le grand archidiacre Mathurin Maridat, vicaire-général
et official de l'évêque Pierre de Valernod, et Claude
de Cabiac, conseiller au Présidial.
- Le
Père de Tréjo fut long à prendre une décision
; mais enfin, le 4 février, il data d'Avignon un décret
adressé au provincial Père Pierre Feste, ministre de
la province des Observantins, lui ordonnant d'abandonner le couvent
de Nîmes, dans la quinzaine, aux Récollets de la
province de Saint-Bernardin.
- En-même
temps, sept religieux furent désignés pour aller
prendre possession du couvent de Nîmes, sous la conduite du F.
Gilles Chaissi, natif d'Avignon, qui fut établi gardien de la
communauté. L'évêque voulut que leur arrivée
à Nîmes fût marquée par une imposante
cérémonie catholique ; il prescrivit une procession
générale à laquelle assistèrent les
officiers catholiques du Présidial, suivis d'une grande
affluence de peuple. Pierre IV de Valernod présida la
cérémonie pendant laquelle il fit porter une croix de
bois qu'il posa lui-même, à la grande joie des
catholiques, dans une espèce de place, au devant de la porte
de l'église ; cela se pas-sait le dimanche 8 février
1615.
- Un
an après les Récollets étaient encore très-mal
logés et souffraient de grandes incommodités qui leur
avaient procuré diverses maladies, ce qui les empêchait
de rendre tous les services qu'ils désiraient ; c'est ce que
nous apprend l'exposition que fit, le 21 avril 1616, le syndic à
l'Assemblée générale du clergé. Sur sa
demande, il fut voté une somme de 150 livres à prendre
sur les décimes extraordinaires de cette année-là
et destinée à payer les ouvriers qui travailleraient
aux réparations jugées nécessaires ; cette somme
fut employée à faire des murs de clôture ; le 2
mai 1618 le clergé vota en faveur des Récollets «
vu leurs nécessités actuelles » une autre
somme de 200 livres ; pareille somme de 200 livres leur fut encore
accordée, le 18 avril 1619 « vu leur pauvreté
et le fruit qu'ils faisaient parmi les catholiques de la ville. »
- Vers
la même époque et malgré les prescriptions
formelles de l'édit de Nantes, les protestants recommencèrent
leurs continuelles persécutions contre les catholiques ;
ceux-ci ne purent bientôt plus faire les exercices publics du
culte ; à peine permettait-on aux prêtres d'inhumer les
morts, sans croix, ni luminaire. Les ministres ne cessaient en outre
de provoquer les catholiques à des disputes de controverse,
dans l'espoir de ruiner leurs croyances. Les apologistes ne
manquèrent pas pour faire justice de la fausse science des
huguenots; parmi les plus savants se distingua un Récollet de
Nimes, le P. Antoine Ribère, natif d'Avignon, qui se signala
dans les différentes controverses qu'il soutint contre le
ministre Jean Faulchier. Non content de l'avoir vaincu de vive voix,
ce généreux athlète réfuta encore
l'hérésie dans plusieurs ouvrages destinés à
raffermir les catholiques et à éclairer les
protestants. Il fit paraître, en 1620, sous le patronage de
l'évêque et des chanoines, deux traités
intitulés l'un : Vérification de quelques propositions
sur l'ancien usage du signe de la croix, de sa représentation
et du crucifix ; et l'autre : Vérification de quelques
propositions sur le sujet du Très-Saint-Sacrement de
l'Eucharistie.
- Ces
publications étaient des victoires que les protestants ne
pouvaient pardonner. Les premiers jours de l'année 1621 furent
marqués par de nouvelles violences contre les prêtres et
les religieux. Les Récollets surtout en furent les victimes,
ils ne purent plus paraître dans les rues de la ville sans se
voir assaillis par des injures et des huées, et poursuivis
par des chansons diffamatoires et des coups de pierre. Deux d'entre
ces religieux se promenant un jour dans leur jardin, on leur tira du
haut des remparts un coup d'arquebuse qui heureusement ne les
atteignit pas ; on menaçait de détruire leur couvent.
Le Présidial, voulant arrêter ces désordres, fit
publier à son de trompe un jugement pour les défendre ;
mais aussitôt une émeute éclata dans le camp
huguenot contre l'huissier et le trompette qui durent cesser la
publication et se retirer (1).
-
- (1)
Plusieurs fois pendant ledict mois, les pères Récollets
allants par la ville et passants aux portes de la ville, pour aller
et venir de leur couvent, on leur a crié des injures et chanté
des chansons diffamatoires contre eux et jecté plusieurs coups
de pierres dont l'ung d'eux feust blessé et peu de temps
auparadvant, deux d'entre eux estant dans leur jardin, leur auroit
été tiré une arquebusade de la muralhe de la
ville joignant, n'y ayant qu'un fossé entre deux, dont ils
cuidoient estre blessés, et le siège présidial
faisant publier ung jugement, à voix de trompe, pour faire
cesser ces violences, plusieurs hommes et femmes se geroient levés,
de sorte que le trompette et l'huissier auraient été
contraincts de quitter ladite publication, et se retirer... Plusieurs
de ceux de ladite religion préthendue réformée
menacent ordinairement les catholicques et disent que, s'il y a
guerre, ils veulent abattre l'esglize et cloistre des pères
Récollets, parce qu'il est près de la porte de la
Magdelaine, et joignant la muralhe de la ville, (Mémoires sur
les mauvais traitements exercés par les religionnaires contre
les catholiques, an 1621.)
-
- Bientôt
l'audace des .religionnaires grandissant, ils se vantèrent
ouvertement de posséder sous peu l'église et le couvent
des Franciscains, menaçant en outre que, s'il y avait guerre,
ils en abattraient les bâtiments parce qu'ils étaient
trop rapprochés de la porte de la Magdeleine et des murs de
la ville. En effet, le 15 juin,' sous prétexte qu'ils
craignaient une attaque contre le couvent, les consuls, pour lors
religionnaires, obligèrent les Récollets de sortir de
leur maison et de se retirer dans la ville avec tous leurs meubles
et ornements d'église, sans leur permettre de les transporter
ailleurs. Les religieux trouvèrent un asile dans la mai- son
de Louis Maridat, chanoine-précepteur de la cathédrale,
pour lors absent ; ils firent transporter leur mobilier dans
diverses mai- sons catholiques.
- Dès
qu'ils furent sortis, les consuls et plusieurs religionnaires se
portèrent au monastère et s'y livrèrent à
toute sorte de profanations ; c'est ce qui résulte du mémoire
du procureur du roi au Présidial de Nîmes sur les
dommages causés en cette occasion aux pères Récollets
(2).
-
- (2)
Voir Ménard, v. pr. 281-282. Archives de la préfecture,
requête adressée au roi, en 1622, par l'évêque
Pierre de Valernod, au nom des ecclésiastiques et des
catholiques de Nîmes. G. 447.
-
- Nous
laissons ici parler les pièces officielles :
- « Et
quelques jours après, lesdicts consuls et habitants, lesdicts
Pères estant jà sortis, revindrent audict couvent, et
auroient abattu la grande croix qui estoit au devant la grande porte
d'icelluy couvent, en laquelle estoient représentés les
mystères de la Passion de Nôtre-Seigneur, bruslé
icelle avec mots de raillerie contre ladicte croix, jetté une
autre dans le fossé en grand mépris et porté
deux autres par les rues de ladicte ville... Ils avoient une belle
bibliothèque, garnie d'une grande quantité de livres de
théologie et aultres sciences, pour l'étude desdicts
religieux, auxquels ils faisoient lire ordinairement la théologie
et philosophie, lesquels ils firent aussi emporter dans ladicte
ville, pliès en onze balles. »
- Tout
cela n'était qu'un commencement ; le 10 septembre, le
gouverneur Brison, qui depuis quelque temps avait défendu aux
religieux de faire la quête, leur signifia l'ordre de sortir de
la ville ; leurs meubles, leurs vases sacrés et leurs
ornements d'église furent pillés et enlevés ;
la maison Maridat qui les avait reçus fut démolie. La
perte des religieux fut évaluée à plus de 8000
livres ; parmi leurs vases sacrés était un très-bel
ostensoir en vermeil que leur avait donné la reine Marie de
Médicis, mère de Louis XIII. L'église, le
couvent et le cimetière furent entièrement profanés
et démolis et les matériaux employés à
la construction d'un grand bastion qu'on éleva sur cet
emplacement. Citons encore le Mémoire du procureur du roi :
- «
Ceux de ladicte préthendue religion n'auroient pas
seulement abbattu et ruiné entièrement ledict couvent
et jardins, mais encore par grande impiété fait un
grand bastion dans ladicte esglize, cimentière et jardins,
enfourné d'un grand et profond fossé ; et, pour faire
les fondements dudict bastion et fossé, auroient désenterré
plusieurs morts, jettants les ossements au vent, le tout en tel estât
et désolation qu'on ne peut recognoistre à présent
les endroits où estoient ledict convint, esglize, cimentière
et jardin. Dict tout ce dessus estre vray, notoire et manifeste à
ung chacun, et prétend le vérifier (1). »
-
- (1)
La Chronique des Récollets du muséum Calvet d'Avignon
dit que Rohan avait fourni une maison aux Franciscains pendant ces
désordres, les avait nourris et leur avait laissé dire
la messe, non par piété, mais pour obtenir leur
protection auprès du roi, s'il était obligé de
se soumettre.
-
- Admirables
exemples de tolérance religieuse ! Par ordre des consuls, la
cloche et la charpente du couvent furent portées à
l'Hôtel-de-ville. Les monuments du temps font monter à
plus de 25,000 livres le dommage causé aux Franciscains par la
seule destruction de leurs bâtiments. Ce couvent bâti à
l'endroit où, depuis leur arrivée à Nîmes,
avaient toujours habité les Frères-Mineurs renfermait
alors un dortoir de quinze chambres, un corps-de-logis pour les
malades, une petite église voûtée, une sacristie,
un cloître, un réfectoire et autres bâtiments
nécessaires à leur usage. Pour le faire reconstruire,
ils avaient vendu des prés et autres domaines qu'ils
possédaient au Caylar ; ils avaient été aidés,
en outre, des dons et des charités du duc de Montmorency, des
États-Généraux de la province, des chanoines,
ecclésiastiques et autres catholiques de Nîmes qui
s'étaient volontairement cotisés dans ce but. Il y
avait de plus une église plus grande que la première
qu'on avait commencé à bâtir près de leur
couvent avec des murailles épaisses et très-fortes,
élevées déjà au-dessus du sol de plus de
quatre cannes qui valait en cet état plus de 6,000 livres;
elle fut de même démolie et ruinée jusqu'aux
fondements. Le couvent avait deux jardins entourés de murs de
12 pans de hauteur, servant l'un pour les récréations
et planté d'arbres disposés en allées, l'autre
plus grand et plus ancien, d'environ deux salmées et demie de
contenance et cultivé en potager ; ce second jardin contenait
trois cents arbres fruitiers, beaucoup de mûriers et un puits à
roue garni de ses roues et barils pour l'arrosement, outre trois ou
quatre autres puits ordinaires en divers endroits et une maison
considérable pour le jardinier ; ce jardin était estimé
plus de 10,000 livres. Tout fut détruit.
- La
paix de Montpellier, publiée à Nîmes le 23
octobre 1622, vint rendre l'espoir aux catholiques nîmois,
surtout lorsque le connétable de Lesdiguières vint, le
10 novembre suivant, faire exécuter l'Édit. Les
Récollets reparurent dans la ville et obtinrent une ordonnance
contre les habitants, en vertu de laquelle les Consuls devaient leur
fournir une étendue de fonds et de terrain pareille à
celle qu'on leur avait prise pour la construction du bastion de la
Fontaine. Le Conseil délibéra de s'y opposer et envoya
un député à
la Cour pour obtenir la révocation de cette ordonnance ; leurs
soins furent sans succès et ordre fut donné de
satisfaire les religieux ; il fui en conséquence délibéré
de traiter de l'achat du jardin de la Cassagne qui était à
leur bienséance et d'y joindre même d'autres fonds, si
celui-là n'était pas suffisant.
- Le
nouveau couvent ne subsista guère et les protestants ne
tardèrent pas à le démolir ; les religieux se
souvenant alors que le duc de Rohan les avait protégés
auparavant lui firent une visite et se mirent sous sa sauvegarde ; le
général huguenot les reçut fort bien, il les
plaça dans une maison commode et défendit expressément
de les molester, sous peine de la vie ; il leur fit même donner
chaque jour la ration et l'étape de cinq soldats. Ce furent
les seuls ecclésiastiques qui purent, en ce moment, demeurer à
Nîmes pour la consolation des catholiques.
- Cependant
le plus puissant boulevard des huguenots, La Rochelle venait de
tomber au pouvoir de Louis XIII (1628) ; à cette nouvelle la
fureur des protestants nîmois ne connut plus de bornes et força
le duc de Rohan à rétracter la parole qu'il avait
donnée aux Récollets ; ces religieux reçurent
l'ordre de sortir de la ville ; ils firent semblant d'obéir et
rentrèrent aussitôt ; le duc averti de leur retour les
fit venir devant lui et voulut savoir pourquoi ils avaient contrevenu
à ses ordres. Le Père Angélique Dantonelle, pour
lors gardien, répondit avec modestie :
- «
Ne vous étonnez pas si nous méprisons la mort ;
notre état suppose une mortification continuelle ; ayant
choisi Dieu pour notre seul protecteur et père, nous espérons
qu'il nous préservera de toute sorte de malheurs ; d'ailleurs
si, par bonheur, nous pouvions devenir martyrs pour le soutien de la
foi catholique, apostolique et romaine, la félicité de
notre sort ne saurait être par trop estimée. Du reste,
l'ordonnance qui nous com-mandait de sortir ne nous défendait
pas de rentrer. »
- Rohan
admira le courage des religieux, les fit escorter jusqu'à leur
maison et les y nourrit quelque temps, jusqu'à ce que,
craignant de se voir maltraiter lui-même par ses partisans, il
donna aux Récollets un nouvel ordre avec l'expresse défense
de rentrer aussitôt. Les proscrits vinrent aussitôt
trouver le duc et lui représentèrent l'injustice de son
ordre, lui disant qu'ils allaient se jeter aux pieds du Roi, pour
lors à Privas, afin de l'avertir de-cet inique procédé.
Rohan fut frappé de leur courageuse audace, mais il leur
déclara néanmoins qu'il lui était impossible de
faire en leur faveur ce qu'il voudrait et les pria de partir. Les
Récollets de Nîmes se rendirent auprès de Louis
XIII qui les reçut fort bien.
- Ils
rentrèrent à Nîmes à la suite du roi et
n'en sortirent plus ; les abondantes aumônes du clergé
et des fidèles leur permirent bientôt de se bâtir
un nouveau monastère sur l'emplacement de l'ancien.
- La
peste ayant éclaté, en 1629, presque aussitôt
qu'ils furent revenus, ils se dévouèrent au service des
malades et perdirent quatre des leurs qui furent victimes de leur
généreuse charité ; ce furent le Père
Augustin de Lessus, mort le 1er novembre 1629 ; le frère
Damian Lastoux, mort le 7 du même mois ; le frère Paul
Boyeri, mort le 21 décembre suivant, et le frère
François Corbelier, mort le 23 avril 1630. La peste de 1640
fut pour les Récollets une nouvelle occasion de noble
dévouement pour les pestiférés ; le frère
Laurent Bonnat mourut le 26 mai, atteint de la contagion qu'il avait
contractée en soignant les malades.
- Le
10e Chapitre provincial fut tenu à Nîmes, le 18 octobre
1644, sous la présidence du père Daniel Dupuy.
- Le
mois d'août 1649 amena une nouvelle perte et de nouveaux
dévouements de la part de nos religieux ; ils s'exposèrent
au péril avec tant d'abnégation que, de quatre qui
s'étaient voués au soin des malades, il n'en échappa
aucun ; le premier succomba le 25 septembre, ce fut le Père
Alexis d'Embrun, fils d'un médecin et ancien médecin
lui-même ; successivement après lui et en peu de jours
moururent, après avoir accompli des prodiges de charité,
les trois frères lais qui avaient voulu suivre l'exemple du
Père Alexis ; sans crainte de la contagion, ils avaient rendu
aux pestiférés toute sorte de services, faisant leurs
lits, les aidant à changer de linge et courant nuit et jour au
milieu d'eux sans distinction de religion ; l'un d'eux, nommé
Félix Hogendre ou Legendre, était de famille noble et
avait été page de la reine Anne d'Autriche.
- En
1650, lors de l'affaire Coutelle, acte d'intolérance quittant
Nîmes avec son clergé, chargea les Récollets
d'administrer les sacrements et de faire les fonctions curiales dans
leur église. Les religieux exécutèrent
ponctuellement cet ordre pendant tout le temps que dura l'absence de
l'évêque et du Chapitre, qui ne revinrent à Nîmes
que le 23 juin 1651.
- Le
20 juillet 1680, se tint à Nîmes le 21e Chapitre
provincial, sous la présidence du R. P. Irénée à
Thiesno, commissaire général, ancien définiteur
de la province de Saint-François en France. Le 15e s'y était
aussi tenu, le 13 mai 1662, sous la présidence du P. Nathanaël
Bridou.
- Nous
ne trouvons plus rien à signaler dans le couvent des Récollets
jusqu'au 17 mai 1704. Ce fut dans le jardin du monastère
qu'eut lieu, ce jour-là, la fameuse entrevue entre le maréchal
de Villars et Cavalier, chef des révoltés des Cévennes.
Cavalier se jeta aux pieds du maréchal et offrit de lui rendre
son épée ; Villars la lui laissa et le fit relever. La
conférence dura deux heures ; on sait qu'elle ne termina pas
la guerre des Camisards, mais elle enleva aux rebelles un chef habile
et redouté.
- Les
archives de l'évêché nous apprennent (N° 240)
qu'une confrérie de tisserands de toile, sous le patronage de
Saint-Silvère, pape, fut établie dans l'église
des Récollets, par ordonnance épiscopale du 17
septembre 1707.
- Le
8 avril 1723, le 34e Chapitre provincial se tint dans le couvent de
Nîmes sous la présidence du P. Andéol Colas,
ex-définiteur de la province de Saint-François de
Lyon.
- Le
17 août 1750, le général des Franciscains arriva
à Nîmes ; les consuls en robe et en chaperon lui firent
visite et le haranguèrent en latin ; le général
leur répondit dans la même langue et alla, le même
jour, sur les cinq heures du soir, rendre la visîte à
l'Hôtel- de-Ville.
- Le
49e Chapitre provincial fut
tenu à Nîmes, le 15 juillet 1768, en présence de
Mgr de Becdelièvre, sous la présidence du Père
Maurice Miot, ancien provincial de la province de Saint-Denis en
France.
- Nous
ne reviendrons pas ici sur la fondation de la paroisse Saint-Paul en
1771 et sur la concession que les Récollets firent alors de
leur église en faveur du nouveau service paroissial ; on peut
en voir les détails dans la notice de l'abbé Goiffon
sur la paroisse Saint-Paul.
- Le
4 octobre 1772, sur l'invitation des Récollets, les Consuls,
en chaperon, assistèrent à la grand'messe conventuelle
et y firent l'offrande de 50 livres, en considération des
services rendus par cette communauté à la ville, dans
le temps de la contagion, ainsi qu'il avait été réglé
et établi par ordonnance des commissaires du roi et des Etats
rendus à ce sujet le 1er février 1748. L'insertion de
ce fait au livre du cérémonial des Consuls est une
preuve que cette offrande se renouvelait chaque année.
- En
1789, le couvent contenait douze religieux. Lors des événements
du mois de juin 1790, les Récollets eurent comparativement
moins à souffrir que d'autres couvents de Nîmes ; ils
échappèrent tous au massacre et leur monastère
ne fut point livré à un pillage général ;
mais les légionnaires et la populace y pénétrèrent
cependant, et on prit chez le père gardien tout l'argent qui
s'y trouvait, c'est-à-dire environ 400 livres appartenant au
couvent,et cent écus du fonds des messes non encore
acquittées.
- Lorsque
quelque temps après, en vertu des décrets de
l'Assemblée nationale, les Récollets furent
officiellement interrogés sur la résolution qu'il leur
convenait de prendre, relativement à la liberté qu'on
leur offrait, trois seulement déclarèrent vouloir
sortir de leur monastère; tous les autres y restèrent
jusqu'à ce que la tourmente révolutionnaire, se
développant de plus en plus, vint les chasser de leur chère
demeure. Nous n'avons pu découvrir ce qu'ils devinrent dans la
suite ; il n'y a que le P. Bompard sur lequel nous avons pu
recueillir quelques renseignements ; ce fut l'un des prêtres
qui s'embarquèrent à Aiguesmortes pour l'Italie, le 14
septembre 1792, sur la tartane le Saint-Joseph, capitaine Jean
Maraval, d'Agde. Nous le retrouvons, le 22 ventôse an IX (13
mars 1801), signant avec MM. de Rochemore, Ferrand et une
quarantaine d'autres prêtres, la déclaration de
soumission au gouvernement, en vertu de laquelle les églises
de Nîmes se rouvrirent définitivement. Plus tard, ainsi
que nous l'avons raconté ailleurs, le P. Bompard ressuscita le
Tiers- Ordre dans l'ancienne église du couvent devenue église
paroissiale; ce bon et saint religieux avait le titre de vicaire de
Saint-Castor, lorsqu'il mourut le 7 septembre 1819, dans sa 78e
année.
-
-
- Ancienne
église des Récollets
-
-
- Plan
ancienne église des Récollets
-
- -oOo-
-
- CHAPITRE
VI.
- RESTAURATION DES RÉCOLLETS A
NIMES.
-
- L'Ordre
franciscain proscrit par la Révolution ne reparut en France et
ne s'y constitua en province qu'en 1852. Une colonie de six
religieux venus Italie, sous la conduite du R. P. Bénigne,
s'établit alors à Avignon et s'y distingua bientôt
par les services eminents qu'elle rendit dans la ville et dans les
environs. Le bruit du bien que les Récollets opéraient
autour d'eux par leurs exemples et leurs prédications
inspira à plusieurs évêques la pensée de
doter leurs diocèses de couvents de cet Ordre.
-
Mgr
Cart, toujours attentif au salut de ses ouailles, comprit le premier
combien les humbles enfants de saint François-d'Assise
seraient pour son clergé d'utiles auxiliaires et pour son
peuple de vaillants apôtres Déjà dévoré
par la terrible maladie qui devait finir ses jours,il voulut que leur
établissement à Nîmes fût comme son
testament et sa dernière œuvre, et profitant d'un carême
que le P. Bénigne prêcha dans notre Cathédrale,
le saint évêque fixa avec ce pieux commissaire général
des Récollets les conditions de la fondation. Il leur céda
la maison léguée au diocèse par M. Bassot,
ancien Récollet lui-même. Cette maison avait été
le premier domicile des sœurs de Besançon qui venaient de la
quitter pour se transporter dans leur couvent de la rue de la
Fayence. Une quête ordonnée par Mgr Cart couvrit les
dépenses nécessitées par certaines réparations.
- La
fondation est du mois d'avril 1855. Quatre mois plus tard, le 12 du
mois d'août, Mgr Cart quittait ce monde et remettait son âme
à Dieu, après avoir béni les nouveaux apôtres
de son diocèse et les avoir encouragés de sa voix
mourante.
- Le
14 août 1855, deux jours après la mort du saint prélat,
se fit la bénédiction de la maison et de la chapelle
des RR. PP. Récollets. La fondation était consommée
et réunissait, dès le premier moment, ' toutes les
sympathies.
- Signalons
depuis le triduum solennel qui fut célébré, en
janvier 1863, à l'occasion de la canonisation des martyrs
japonais. Mgr Plantier officia à la messe entouré d'un
chanoine, de tous les curés de la ville et d'un nombreux
clergé ; le soir, aux vêpres, il prononça l'un de
ses plus éloquents discours sur ce texte : Infirma mundi
elegit Deus ut confundat fortia et ignobilia mundi et contemptibilia
elegit Deus... et montra les deux grandes plaies qui rongent la
société moderne, le mépris de la conscience et
le mépris de l'homme, guéries par les martyrs qui ont
honoré la conscience par l'inflexibilité de leur
patriotisme et de leur foi, et qui ont honoré l'homme par la
pratique généreuse de la charité.
-
- -oOo-
-
- LES
RECOLLETS
- par
Théodore Picard, 1901
-
- L'église
actuelle, St Paul, a
remplacé la chapelle conventuelle des Récollets établis
à Nimes depuis 1615 ; c'est dans cette chapelle que se faisait
naguère encore, le service paroissial. Le titre curial de
Saint-Paul date de 1686, sous l'épiscopat de Mgr Séguier.
- Plus tard, le, 17 juin 1771, Mgr de Becdelièvre confia cette
cure à M. l'abbé Bragouze, et, par ordonnance du 22
octobre, l'érigea en paroisse dont le centre était
toujours l'église conventuelle des Récollets. Ce titre
s'éteignit dans les fatales journées de 1790.
- Les
religieux prirent la fuite, et leur chapelle, dévastée,
fut convertie en fabrique d'armes à feu. Le vénérable
curé, triste témoin de toutes ces horreurs, dut faire
place à un intrus expulsé à son tour en 1793.
Obligé de s'exiler en 1791, en Italie, M. l'abbé
Bragouze fut arrêté à sa rentrée en
France, et incarcéré pendant un an dans la citadelle en
janvier 1796.
- Rendu à la liberté, il eût la
douleur de voir fermer son église pour la troisième
fois, le 4 septembre 1797 ; il mourut enfin le 19 mars 1799, consumé
par les privations de toute sorte. L'église servit alors de
tribunal à une commission militaire. Pendant la deuxième
période, en 1793, l'église devint un atelier de,
menuiserie où l'on fabriquait les boiseries de la Salle de
spectacles.
- Lors de la reconstitution des paroisses en 1802,
Saint-Paul descendit au rang de succursale, avec le hameau de
Saint-Césaire pour annexe, et fut ensuite convertie en
chapelle pour faciliter l'érection de la succursale de
Milhaud. Elle reprit son rang de cure de deuxième classe par
ordonnance royale du 31 octobre 1821.
-
- -oOo-
-
- LES
RECOLLETS
- par
Albin Michel, 1876
-
- C'est
sur cette place limitée par les rues des Frères-Mineurs,
Porte de France et des Saintes-Maries, que se trouvait
autrefois le
couvent
des Récollets dont la Chapelle devint plus tard l'église
Saint-Paul. (avant 1835)
-
L'abbé
Goiffon dans une intéressante brochure sur la paroisse
Saint-Paul a publié de très-curieux détails sur
la création du service religieux dans l'immense faubourg de
l'ouest de la ville, création qui rencontra beaucoup
d'opposition de la part du chapitre jaloux de ses droits. De tous ces
divers documents il résulte que l'évêque Séguier,
en 1680 conféra bien la cure de ce quartier à Chabaud
des Iles, mais rien ne prouve que cette collation ait eu un effet
quelconque, et ce n'est qu'en 1771 que l'évoque Bec-de-Lièvre
créa définitivement la paroisse Saint-Paul.
- Son
décret d'érection portait que jusqu'à la
construction d'une église paroissiale le service curial serait
fait dans l'église couventuelle des Frères Récollets,
moyennant une rétribution annuelle de trois cents livres
payables à ces religieux, les deux tiers par la ville de Nimes
et l'autre tiers par }e chapitre de la cathédrale. Ce fut M.
Henry-Abraham Bragonze, bachelier en droit, qui fut le premier curé
de cette paroisse.
- Le
couvent des Frères-Récollets possédait tous les
terrains qui l'entouraient et qui s'é-tendaient jusqu'à
la Fontaine. C'est dans leur jardin qu'eût lieu, le 17 mai
1704, l'entrevue entre Cavalier, chef des camisards, le maréchal
de Villars et l'intendant Bâville, et après laquelle
Cavalier fit sa soumission au roi.
- L'église
couventuelle des Frères-Récollets était
construite sur l'emplacement occupé aujourd'hui par la maison
Thourneysan, le café de l'Univers et l'hôtel Balazard.
- Ce
monument étant devenu insuffisant pour la population de ce
quartier qui comprend tont le faubourg de la Fontaine, du Cours-Neuf
et va jusqu'au chemin de Montpellier, l'administration municipale,
sous la présidence de M. Ferdinand Girard, maire, décida,
en 1835, l'érection d'une nouvelle église et la
création d'une place en face de la rue de la Madeleine.
- Le
24 novembre 1849, l'ancienne église des Récollets sera vendue
et remplacée par de belles maisons construites sur
les plans de MM. Feuchères, Durand et Chambaud.
-
- (Extrait
de Nîmes et ses Rues - Tome II, page 226 à 228, Albin Michel,
1876)
-
- -oOo-
-