L’horloge de Nîmes de 1399 à 1754.

Par Léon Ménard,

histoire de la ville de Nîmes, 1758.

 

 

Différend entre les chanoines et les consuls de Nîmes, touchant l'usage de placer une sentinelle sur le beffroi de la cathédrale. (1399)

 

Il s'éleva dans ces conjonctures et a cette occasion un différend entre les chanoines de la cathédrale et la ville. Les premiers ne voulaient pas permettre qu'on plaçât de sentinelle sur le beffroi de leur église : quelques uns d'entre eux avaient même menacé celle qu'on y mit le 7 de ce mois de juin, de la jeter du clocher en bas.

 

Les officiers de la cour royale ordinaire instruits de ce violent procédé, enjoignirent le même jour aux consuls, pour l'avantage public, de prémunir le clocher d'une si forte défense qu'on fût en état de résister à l'injustice des chanoines. Les consuls n'y manquèrent pas.

 

D'une autre part, dans la vue de s'acquérir quelque sorte de propriété ou de jouissance hors de toute atteinte sur le clocher, ils obtinrent du roi des lettres qui leur confirmaient la possession de l'horloge publique qui s'y trouvait placée.

 

Les consuls de Nîmes font placer une horloge dans l'église cathédrale. Deux généraux réformateurs viennent en cette ville, présents qu'on leur fait. (1405)


 

II parait que les habitants de Nîmes négligèrent longtemps de faire usage de la liberté qu'ils avaient de placer une horloge dans le clocher de l'église cathédrale. Ce fut seulement au mois de novembre de l'an 1405 que lassés des contestations qui s'élevaient souvent entre eux et les chanoines, au sujet des sentinelles qu'on y mettait dans les temps de guerre, ils firent enfin placer cette horloge. Les consuls qui étaient en exercice cette année-là firent toutes les dépenses nécessaires, soit pour la cloche, soit pour les ouvriers qui furent employés.

 

Deux des généraux réformateurs que le roi et le duc de Berri avaient envoyés en Languedoc, dont l'un était Pierre Neveu, et l'autre appelé Lager, vinrent à Nîmes le 3 de ce mois de novembre, La ville leur donna pour présent une pièce de vin et six chapons.

 

Accord entre les consuls et les chanoines de Nîmes sur l'usage de la cloche de la cathédrale. On bâtit en cette ville une tour pour l'horloge publique. (1410)

 

Le différend qui régnait depuis longtemps entre les consuls et les chanoines de Nîmes sur l'usage de la cloche de la cathédrale fut enfin terminé par un accord le vendredi 22 d'août de l'an 1410. On voit par l'exposé de cet acte que Gaucelme de Deaux, étant évêque de Maguelonne, avait donné une grosse cloche aux Habitants de Nîmes, pour être employée à sonner les heures, que cette cloche avait été placée dans le clocher de la cathédrale, où elle servait non seulement à l'usage de la ville, mais aussi pour sonner les offices, que néanmoins quelqu'un des chanoines l'avait ensuite malicieusement endommagée, qu'on l'avait réparée à la vérité, mais fort imparfaitement.

 

Sur cela, les consuls demandaient aux chanoines ou qu'ils s'obligeassent de faire aller la sonnerie pour les heures où qu'ils leur en donnassent le soin ou bien qu'ils leur remissent la cloche pour l'employer à l'usage d'une horloge, attendu que le don qu'en avait fait l'évêque de Maguelonne n'avait d'autre objet que l'utilité publique, ainsi que le justifiait l'inscription qui était autour.

 

Les chanoines répliquaient que ce prélat avait bien moins prétendu donner la cloche à la ville qu'a l'église cathédrale de Nîmes dont il avait autrefois été chanoine, qu'il n'était pas vrai qu'aucun d'eux l'eut jamais endommagée, qu'au surplus, ils ne s'assujettiraient jamais à l'obligation de frire sonner les heures.

 

Au reste, comme les consuls avaient défendu l'entrée du vin étranger dans Nîmes, et qu'ils avaient étendu cette défense à toutes sortes d'habitants même aux gens d'église les chanoines demandaient à leur tour de n'être pas compris dans la défense.

 

 

Par l'accord qu'on passa sur ces demandes respectives il fut convenu :

 

1° que la cloche en question serait remise aux consuls, avec les roues, les ferrures et tout l'attirail de l'horloge;

2° que les consuls feraient bâtir une tour à l'hôtel de ville, pour l'y placer et servira sonner les heures ;

3° qu'ils seraient obligés d'y tenir une horloge publique à perpétuité pour l'usage des habitants, ainsi que pour celui de l'église ;

4° que les chanoines et les gens d'église auraient à l'avenir l'entre franche des vins qu'ils retiraient de leurs bénéfices ou clé leurs patrimoines, situés hors du territoire de Mules, ainsi que les religieux mendiants pour les vins de leurs quêtes.

 

Cet accord fut fait sous les veux et par la médiation de Pierre d’Ogier doyen d'Evreux, conseiller du roi, et de Pierre de Montaigu, licencié ès lois, lieutenant du sénéchal de Beaucaire. Celui-ci donna en même temps la permission aux consuls de faire construire la tour nécessaire pour y placer l'horloge.

 

On voit ici l'époque précise de la construction de cette tour qui subsiste encore au,jourd'hui, et qui sert de même à l'usage pour lequel elle fut bâtie. Nous savons d'ailleurs, qu'elle était entièrement achevée vers la fin de l’an 1412.

 

Parmi les témoins qui se trouvèrent à cet accord, je remarque Philippe de Sailli, notaire de Beaune, Pierre Barnier, clerc du diocèse de Meaux, tous deux attachés à Pierre d'Ogier, avec lequel ils demeuraient, et trois prêtres, savoir Hugues de Bois-verd, qualifié prieur de Saint-Etienne du capitole de Nîmes, titre auquel on a depuis substitué celui de recteur. Raimond Portal, du Vigan, et Pierre de Besiges. L'acte se passa dans le cloître de la cathédrale, devant le charnier.

 

Les habitants de Nîmes font faire une nouvelle horloge publique, pour être mise à la place de l'ancienne, sur la tour de l'hôtel de ville. (1592)

 

L'attention qu'avaient les habitants de Nîmes à se procurer différentes utilités, les engagea à faire faire une nouvelle horloge publique, à la place de l'ancienne, qui était à la tour de l'hôtel de ville, et que sa vétusté avait presque mise hors de service.

 

Les consuls en firent le traité le 18 de mai de cette année 1592 avec un horloger et un serrurier, habitants de Nîmes. Ceux-ci se chargèrent de faire cette horloge tout à neuf, excepté le timbre, à la façon d'Allemagne, avec les roues et tout le mouvement nécessaire, et aussi forte et épaisse que la précédente, d'y placer les armoiries de la ville, le millésime et le nom des consuls en charge, de hausser davantage le marteau, de façon que les heures fussent mieux entendues qu'auparavant de couvrir le timbre de fer blanc dans la hauteur et largeur qu'il conviendrait et enfin de placer une girouette au-dessus, le tout dans l'espace de quatre mois, au prix de cent vingt écus sols, valant trois cent soixante livres Tournois.

 

Le conseil de ville délibère de faire démolir la tour de l'horloge publique, joignant l'ancien hôtel de ville, et de la faire ensuite rebâtir. (1752)

 

Les directeurs de l'hôpital général, à qui la ville avait cédé l'ancien hôtel de ville ou maison du Refuge, ainsi que je l'ai dit plus haut, vendirent cette maison à un marchand de Nîmes, nommé Pieïre.

 

Celui-ci, craignant l'écroulement de la tour de l'horloge publique, que la communauté s'était réservée, joignante à la maison, chercha à se conserver en ce cas ses sûretés et sa garantie contre la ville. Il forma sur cela sa demande devant l'intendant, soutenant que cette tour menaçait ruine. Les experts, l'avant visitée, la déclarèrent en effet ruineuse. En conséquence, le conseil de ville délibéra, le 23 de mai de l'an 1752, de la faire démolir pour être ensuite rebâtie.

 

On donne au rabais la démolition et la réédification de l'horloge publique de Nîmes. (1752)

 

Après les formalités ordinaires, et en vertu d'une ordonnance de l'intendant du 20 de décembre de cette année 1752, les consuls, suivant le pouvoir qu'ils en avaient, par une délibération du conseil de ville du 23 du même mois, passèrent, le 27, le bail au rabais de la démolition et réédification de la tour de l'horloge publique, pour le prix de neuf mille cents livres, aux conditions fixées par le devis qu'en avait dressé l'architecte Dardalhion et qui avait été approuvé par le conseil de ville ordinaire le 21 d'octobre précédent.

 

Ce devis portait que la nouvelle tour formant un carré long comme l'ancienne, serait élevée de quinze toises au-dessus du rez-de-chaussée, que les murs en serait terminés par un entablement composé d'architecture, de frise et de corniche, que, sur cet entablement, il y aurait une balustrade en forme d'entrelacs ovales qui règnerait dans tout le pourtour; que là seraient mis et posés sur une voûte, dont le dos serait à niveau de la corniche, le timbre et les pièces de fer qui le supportent, et enfin que le haut de l'escalier pratiqué dans la tour serait couvert par une petite coupole élevée de deux pieds au-dessus de la balustrade. On mit aussitôt la main à l’œuvre.

 

Marché fait par la ville pour une nouvelle horloge.  (1753)

 

La réédification de la tour de l'horloge publique de cette ville était déjà fort avancée. Alors on songea d'y placer une horloge nouvelle, et l'on lit pour cela un marché avec un horloger de Montpellier, au prix de trois mille livres, en faisant servir le timbre ancien. Ce marché fut approuvé le 12 de juillet de la même année 1753, par le conseil de ville ordinaire.

 

Marché conclu pour la ferrure du timbre de l'horloge publique. (1754)

 

On avançait tous les jours la perfection de l'horloge publique, qui devait être placée sur la nouvelle tour bâtie pour cet usage. Je vois que le 23 de mars suivant, le conseil de ville approuva le marché qu'on avait fait pour toute la ferrure qui devait servir au timbre et dont le prix fut tiré à la somme de douze cent soixante-quinze livres.

 

Léon Ménard, 1758

 

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Projet de démolition de la Tour de l’Horloge

de Nîmes

Conseil Municipal du 11 février 1858

 

L'ouverture de la rue Guizot avait donné une première satisfaction à ces désirs légitimes d'améliorations et d'agrandissements :

 

Le Conseil municipal prit à la même date plusieurs délibérations concernant les vieilles rues. Le 11 février, il décidait que la largeur des rues Fresque et de la Trésorerie serait portée à une largeur de six mètres. A la session de novembre, il votait un projet prolongeant la ligne de façade de la maison Cazeing derrière la Maison-Carrée jusqu'à l'extrémité de la rue de l'Horloge, c'est-à-dire jusqu'à la rue des Petits-Souliers. En face de cette ligne droite, une parallèle mise à sept mètres de distance fixait le nouvel alignement. Le même projet prévoyait le prolongement de la rue Guizot jusqu'à la rue de la Madeleine et en même temps la démolition et la suppression de la tour de l'Horloge, « monument peu utile et peu remarquable » avait-il été dit au cours de cette séance.

 

C'étaient là des projets qui répondaient à un besoin pressant. Malheureusement, il n'y fut pas donné suite.

 

« C’est avec de tels résonnements que mos politiques actuels détruisent notre patrimoine - NOTA NEMAUSENSIS »

 

Les conseillers municipaux de l'époque se trouvaient un peu bien sévères pour celle tour. Elle n'a certes rien d'architectural, et à ce point de vue, leur dédain s'explique assez, mais l'endroit où elle est assise marque dans l'histoire de Nimes. Elle occupe l'emplacement de l'ancien hôtel de ville. (1)

 

(1) Cette maison a été à la suite la propriété de notre famille. (Pieyre) Les archives communales contiennent à cet égard, un mémoire des consuls « contre le sieur de Pieyre, propriétaire de l'ancien Hôtel-de-Ville, 1753. » (archives communales OO 155)

 

La tour actuelle ne date que de 1752. Elle fut construite par Durand, maître maçon, adjudicataire pour la somme de 9100 livres. Le devis (archives communales OO103) stipule tous les détails de la construction notamment les quatre cadrans « en pierre de Barutel de cinq pieds six pouces de diamètre avec bordure faisant saillie de trois pouces » La balustrade au-dessus de la corniche devait faîte en forme « d'entrelas ovalles. » Le sieur Cornu de Montpellier fut, le 27 août 1753, chargé de refaire pour cette tour « un horloge à pendule de cinq pieds de longueur sur deux pieds six pouces de largeur et de hauteur, proportionnée à la grandeur des roues, sonnant les heures et la demy et répétant l'heure. » (archives communales KK 33). Cette horloge qui coûtait 3000 livres devait être faite en dix mois.

 

Cornu fut exact car la quittance de paiement qu'il délivra au Conseil, porte la date du 4 juillet 1754.

 

Ce fut Archinard, maître serrurier qui pour 1275 livres fut, chargé du ferrement qui supporte le timbre. « Ce travail fera en forme de temple octogone composé de huit montants en fer, reliés par un cercle surmonté de courbes en fer en forme de consoles, 16 mars 1754. »


 

 

TURRIS

REÆDIFICATA

HOROLOGIUM

INSTAURATEM

ANNO

MDCCLIIII

 

Une inscription rappelant cette construction est placée au dessus de la porte d'entrée de ladite tour (date 1754).

 

Le tout fut achevé et inauguré en 1755

 

Cette tour en avait remplacé une qui tombait en ruine, selon le rapport du sieur Rollin, architecte de la ville. Lorsqu'on la démolit les matériaux furent transportés à la calade du Temple à la place de la Maison-Carrée. Cette tour était fort ancienne.

 

Les archives communales font mention d'une horloge avec son timbre faite par ordre des consuls en 1405, coût cinq livres et de la fabrication en 1412 d'une clef pour la tour de l'horloge.

 

Mais il paraît que ce « relauge » n'avait pas de cadran extérieur car en 1653, le sieur Jacques Bernard, maître horloger de la ville de Nîmes se chargeait pour 160 livres « de faire les roues et ressorts nécessaires à faire mouvoir une aiguille qui démontrera les heures alentour d'un quadrant que messieurs les consuls se chargent de faire au dehors de la tour de l'horloge à la face qui regarde la rue de la maison de ville (aujourd'hui rue de l'Horloge) et sur la porte d'icelle. »

 

Ce cadran prévu par ce traité mérite une mention. Il coûta 200 livres et fut exécuté par Jean François, peintre qui fut « tenu de peindre à l'huile un cadran desmontrant les douze heures du jour... de la rondeur qui sera nécessaire, et remplir le carré de peinture or et azur ; plus faire audit cadran un soleil d'or dont les pointes aboutiront aux heures et demi heures du cadran et au dessus faire les armoiries du Roy avec les supports d'or sur une aix carrée et à costé d'icelles, deux trophées d'armes, aussy sur deux aix bien attachées et au dessous dans le carré du cadran sur le fond de ladite tour, faire du costé droit les armoiries de monseigneur le duc d’Orléans, lieutenant-général du Languedoc et de l'autre costé les armes delà ville ; et au bas du dit cadran un escripteau en lettre d'or contenant les noms des sieurs consuls portés par deux anges et le milizime de la présente année, finalement sera tenu de faire un petit couvert de bois de noyer, couvert de fer blanc double pour empêcher la pluie de gâter ce cadran. » (archives communales KK 16)

 

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- Extrait de "Histoire de la ville de Nîmes", tome II, par Adolphe Pieyre, 1886, pages 278 à 280

 
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