-
L'Hôtel
Rivet
- "actuelle École des Beaux-Arts"
- Par
le Lieutenant-Colonel Blanchard, décembre 1936
extrait du Vieux Nîmes, bulletin de la Commission Municipale d'Archéologie,
publié par les Conservateurs des Musées locaux

- Fig.
1 - Hôtel Rivet - Façade sur la Grand'rue.
-
- Un
des anciens immeubles du «
Vieux
Nimes
», qui ont le mieux conservé à travers les temps
leur belle apparence extérieure, est, sans contre-dit, l'hôtel
Rivet, qui porte le n° 10 dans les maisons de la Grand-Rue.
- Aussi
n'est-il pas rare de voir les touristes de passage dans notre ville,
s'arrêter devant sa façade imposante et demander s'il
n'y a pas là un musée contenant des collections dignes
d'une visite détaillée.
- Cependant,
il n'en est pas ainsi, l'hôtel Rivet n'ayant pas reçu,
jusqu'à présent, la destination qui. semble-t-il,
aurait dû être la sienne.
-
- Confrontant
au couchant l'hôtel de Régis, dont l'étude a paru
dans le numéro précédent du «Vieux
Nimes»,
l'hôtel Rivet était, comme lui, situé dans la
partie de la ville, qui était désignée jadis
sous le nom de quartier du Prat.
-
- Il
était bâti au coin de la rue « du
Campnau supérieur ou de l'Evêché (actuellement
rue du Chapitre) et de la rue « St-Marc et du Collège
».
-
- La
seconde de ces artères avait reçu cette double
désignation, parce qu'elle bordait un immeuble, qui fut
d'abord l'hôpital St-Marc, puis le Collège des Arts, et
qui est devenu, au début du XIXe siècle, le Lycée
de garçons, avant d'abriter le Musée épigraphique
et celui d'Histoire naturelle ainsi que la Bâbliothèque
municipale.
- Notre
Grand'rue actuelle a englobé sous un même nom deux rues
de notre antique cité qui étaient, en partant de la
place Belle-Croix, celle «
du
Chapitre et de St-Marc
», puis celle « de
St-Marc et du Collège
».
Plus tard, on les désigna sous l'unique dénomination de
« rue
de la Grande Fusterie
», car il s'y trouvait de nombreuses boutiques de «
fustiers »
ou menuisiers. et, au cours du XVIIIe siècle, sous celle de
Grand'rue. qu'elle garda définitivement en vertu de la
délibération du Conseil municipal en date du ler Avril
1824.
- Avant
la Révolution française, l'hôtel Rivet faisait
partie du bloc de maisons connu sous le nom de «
Isle de
Monsieur le Président
», parce qu'il comprenait justement cet immeuble, qui avait
appartenu assez longtemps à la plus haute autorité du
Présidial de notre ville.
-
- Tout
le long de la Grand'Rue passait, jadis, à découvert
cette branche des eaux de la Fontaine, qui venait de la rue de l'Agau
(rue
Nationale).
par la place Belle-Croix, et qui s'écoulait dans !e fossé
des remparts, dit «
des
Calquières
» en traversant la porte des Eaux à hauteur de notre rue
des Greffes.
-
- Ce
ruisseau, qu'on voit désigné parfois dans d'anciens
documents sous le nom de «
grun
», servait d'égout pour toutes les maisons avoisinantes
et exhalait de si mauvaises odeurs que, en 1744, le Conseil de Ville
(Conseil
municipal de l'époque)
décida de le faire couvrir.
- A
son souvenir se t'attache une anecdote intéressante ayant
trait à notre infortuné compatriote Claude Brousson, et
que nous puisons dans «
l'Histoire
de l'Église réformée de Nimes
» par
M. Borrel.
- En
1683, des pasteurs protestants. qui étaient pourchassés
sur l'ordre du gouvernement royal, s'étaient réfugiés
dans notre ville et s'y tenaient cachés. Après avoir
fait fermer les portes de Nimes, le duc de Noailles,
lieutenant-général en Languedoc, «
défendit
aux habitants, sous peine de mort et de démolition de leurs
maisons de recevoir ces proscrits. Les hôtes de l'un d'eux, qui
était Claude Brousson, craignirent pour leur existence, et le
prièrent de se retirer. Celui-ci sorti donc le soir même
de leur maison, ne sachant où aller pendant deux jours et
trois nuits, il erra à l'aventure, se cachant dans des réduits
obscurs, transi de froid, mourant de faim, traqué par le guet
(la police), arrêté, interrogé, relâché
miraculeusement. À force de recherches et d'observations, il
découvrit que le grand égout, dont l'orifice se
trouvait dans la Grand'Rue en face du Collège des Jésuites
(ex-Collège des Arts), pourrait lui offrir une issue favorable
pour s'échapper; il y entra donc en hésitant, le
parcourut en rampant au milieu d'une boue noire et puante, et, après
des efforts inouïs, étant parvenu à sortir dans le
fossé des Calquières, il partit incontinent pour les
Cévennes, d'où il put se réfugier en Suisse.
»
- Malheureusement
pour lui, Claude Brousson qui fut, dit-on, l'organisateur des «
Assemblées
du désert », revint plus tard en France pour exercer ses
fonctions de ministre de la religion réformée. Arrêté,
puis condamné à mort pour avoir trempé dans une
conspiration, tendant à soulever les habitants des Cévennes
contre l'autorité, royale, il fut exécuté; en
1698. sur la place du Peyrou, à Montpellier.
-
- Comme
le château Fadaise, l'hôtel Séguier, la maison
Lagorce à la rue du Fort, l'ancien hôtel de Brueys situé
au n° 3 de la rue Dorée, et comme aussi, pour une grande
part, l'hôtel de Régis, l'hôtel Rivet, qui fait
l'objet de la présente étude, est un des beaux édifices
privés, dont la ville de Nimes est redevable au XVIIIe siècle.
- C'est
aussi sous le règne de Louis XV qu'a été créée
notre magnifique promenade de la Fontaine.
- Mais
cela ne nous empêche pas de regretter que le plan
d'embellissement de notre ville, dressé en 1785 par le grand
architecte Raymond, et pour lequel il fut payé à son
auteur, la somme de 6.000 livres, n'ait pu être mis de suite à
exécution.
- La
démolition de nos vieux remparts, le déblaiement des
Arènes, l'aménagement de l'Esplanade, la couverture des
eaux de la Fontaine le long de la rue de l'Agau, (rue Nationale),
le percement de la rue Auguste, en face de l'entrée de la
Maison Carrée - tous travaux prévus dans ce plan - ont
bien été exécutés à la fin du
XVIIIe ou au cours du XIXe siècle. Mais le percement des
vastes avenues partant du pourtour des anciens remparts et
aboutissant aux routes royales de Montpellier, de Beaucaire.
d'Avignon et de Pont St-Esprit, qui y figurait aussi, et la
construction des beaux édifices, qui en serait résultée,
n'ont jamais vu le jour. Sans doute Nimes aurait connu alors des
embellissements analogues à ceux de Nancy et de Bordeaux.
Mais, la Révolution française vint ; et il n'était
plus temps de songer à des travaux d'urbanisme, alors qu'il
s'agissait, avant tout, de repousser de nos frontières les
armées de l'Europe entière, coalisée contre
nous.
-
- Vu
de l'extérieur, l'hôtel Rivet présente à
l'Est une belle façade sur la Grand'rue, et au Nord une façade
moins large et moins bien entretenue sur la rue du Chapitre.
- En
réalité, si l'on pénètre dans la grande
cour attenante à cet immeuble du côté de l'Ouest,
on constate que l'hôtel Rivet se compose d'un corps de bâtiment
principal flanqué de deux ailes : l'une au Nord, bordant la
rue du Chapître; l'autre au sud, qui s'appuie contre la maison
portant le n° 12 de la Grand'Rue et qui n'est pas visible de
cette dernière artère.
- Mais
plaçons-nous dans la Grand'rue et examinons la façade
antérieure du corps de bâtiment (voir fig. 1).
- Toute
en pierres de taille à refends et reposant sur un socle, elle
comporte trois étages, dont un rez-de-chaussée.
- Au
rez-de-chaussée, on voit une grande porte cochère avec
clé de voûte fort simple encadrée, à
droite ainsi qu'à gauche, de quatre grandes fenêtres,
situées chacune au-dessus de soupiraux de cave.
- Au
premier étage, au dessus d'un cordon mouluré, aménagé
tout le long de la façade, se dressent neuf fenêtres à
encadrement, surmontées de frontons triangulaires reposant
chacun sur deux consoles; quelques-uns de ces frontons sont,
malheureusement, un peu endommagés.
- Au
deuxième étage, on remarque le même nombre de
fenêtres qu'au premier, mais, celles-ci ne comportant ni
fronton ni encadrement.
- Au-dessous
de la toiture. le mur de façade se termine par un entablement
assez simple, bordé dans le bas pat un double cordon de
pierre, au-dessous duquel se détachent de nombreux modillons.
- La
façade de l'aile droite - ou aile Nord - de l'hôtel
Rivet, qui est en bordure de la rue du Chapître présente
le même entablement que ci-dessus.
- Au
2e comme au 1er étage, on y remarque 7 fenêtres, dont
quelques-unes sont murées ; au rez-de-chaussée, une
porte cochère, une porte murée et 5 fenêtres
surmontant des soupiraux de cave qui ont été bouchés.
- De
l'extrémité Ouest de cette dernière façade
jusqu'à l'hôtel de Régis s'élève un
long mur sur socle, qui sépare la cour de l'hôtel Rivet
de la rue du Chapître. A la rencontre de ce mur avec l'hôtel
de Régis se trouvait jadis une petite maison, qui a été
démolie à la fin du XIXe siècle.
-
- Fig.
2 - Hôtel Rivet - Une vue de l'atrium.
-
- Entrant
dans l'hôtel Rivet par la porte de la Grand'rue, on passe par
un large couloir sous voûte d'arête, et on arrive dans
une sorte d'atrium couvert qui est orné de quatre, belles
colonnes doriques (voir fig. 2).
- Derrière
ces colonnes. à chacun des quatre coins de l'atrium, on
distingue deux niches, dont l'utilisation au temps passé reste
un peu énigmatique ; car elles ne paraissent pas avoir été
destinées à soutenir des statues.
- De
l'atrium, ou. se rend tout droit dans la cour par un autre couloir
sons voûte d'arête.
-
- Fig.
3 - Vue d'ensemble des façades sur la cour.
-
- Arrivé
là, on peut embrasser d'un coup d'reil. la belle façade
postérieure du bâtiment principal ainsi que celles des
deux ailes en repli. Cet ensemble, qui comporte uniformément
trois étages, et dont le bas est tout entier en pierres de
taille jusqu'au bord inférieur des fenêtres du premier
étage, présente un véritable caractère de
grandeur (Voir fig. 3).
- A
la façade du rez-de-chaussée du bâtiment
principal, nous remarquons une grande porte cochère, donnant
accès à l'atrium, trois autres portes et trois
fenêtres. Au-dessus se déroule un large cordon de pierre
qui se continue sur la façade des deux ailes.
- Parallèlement
â ce cordon. et un peu plus haut, est aménagé un
autre cordon mouluré tout le long de l'ensemble de ces
façades, et au bord inférieur des fenêtres du
premier étage.
- Ces
fenêtres sont au nombre de sept, pour le bâtiment
principal et de deux pour chacune des deux ailes. Elles comportent,
toutes, un encadrement mouluré et une corniche.
- Au
deuxième étage, on retrouve, pour Ie corps de bâtiment
et pour les deux ailes le même nombre de fenêtres qu'au
1er ; mais, celles-ci n'ont pas de corniche, et leur encadrement est
du type, dit : de mezzonino.
- Tout
en haut des murs de cet ensemble de façades règne un
entablement identique à celui qui existe sur les façades
de la Grand'rue et de la rue du Chapître.
-
- Fig.
4 - L'aile nord vue de la cour
Fig
5 - L'aile Sud vue de la cour
-
- De
la cour, nous voyons, au rez-de-chaussée de l'aile Nord, une
porte vitrée et une large baie communiquant avec la rue du
Chapitre par un passage voûté (voir fig. 4)
- A
l'aile Sud (voir fig. 5), nous relevons la présence d'une
grande fenêtre et d'une large porte vitrée, surmontée
d'une clé en pierre.
- De
l'extrémité de cette aile jusqu'à l'hôtel
de Régis se déroule, le long de la cour, la façade
de deux autres bâtiments dont l'accès se trouve
respectivement aux numéros 15 bis et 15 de la rue Dorée,
et qui sont actuellement rattachés à deux maisons
abritant la première, les services de la municipalité,
la seconde, ceux du Bureau de Bienfaisance.
- Ces
bâtiments qui ont été construits postérieurement
à l'hôtel Rivet, et qui. du reste, ne lui furent
rattachés que pendant un certain temps, ne présentent
guère d'intérêt au point de vue architectural. Le
premier, toutefois, a un soubassement en pierre, de taille, et, à
la hauteur d'un entresol, six baies cintrées, avec balustres
dans le bas, vestiges d'une galerie qui n'existe plus de nos jours
(Voir même fig. 5).
-
- Fig.
6 - Hôtel Rivet - La rampe en fer forgé dans l'escalier
d'honneur
-
- Revenus
de la cour dans l'atrium. nous vovons, à gauche et à
droite, deux larges couloirs à voûte d'arête, qui
conduisent chacun à un escalier : celui de gauche sans
intérêt; celui de droite, présentant, au
contraire, un grand caractère artistique.
- Ce
dernier escalier, du type dit : à la française, est
aménagé dans une vaste et belle cage, éclairée
d'en haut par un vitrage placé du centre d'une jolie voûte.
Regrettons, toutefois, l'existence à hauteur du palier du 2e
étage, d'une terrasse fort vulgaire qui ne date surement pas
du XVIIIe siècle.
- L'escalier
s'arrête, lui, au palier du 1e étage, le 2e étage
étant desservi par un escalier de service. Il est décoré
d'une magnifique rampe en fer forgé, avec ornements de bronze
en son centre (Voir fig; 6) Cette rampe, l'une des plus belles qui
soient à Nimes, nous paraît une réplique de celle
qu'on admire à Paris dans l'escalier d'honneur de I'Ecole
militaire, construite au XVIIIe siècle un peu avant l'hôtel
Rivet.
-
- Fig.
7 - Hôtel Rivet - Escalier d'honneur, le palier du 1er étage.
-
- Au
milieu du palier du premier étage s'ouvre, à gauche,
une large porte donnant accès par un vestibule étroit,
à des pièces, qui durent être belles jadis.
Vis-à-vis de cette porte, et dans la cage d'escalier, est
aménagée une niche vide de la statue qu'elle devait,
autrefois, contenir. Toujours au 1e étage, et sur chacun des
deux autres côtés de la cage d'escalier, trois grandes
baies vitrées, dont une servant de porte, se font vis-à-vis
(Voir fig. 7).
- Il
faut nous arrêter ici, ayant épuisé, ou à
peu près, tout ce qu'il y a d'intéressant à voir
dans l'hôtel Rivet. Victime au cours du XIXe siècle
d'une série de transformations, l'intérieur de ce bel
immeuble a trop souffert pour pouvoir nous offrir de beaux vestiges
de son passé. Il nous en reste l'atrium et l'escalier
d'honneur ; notre devoir, c'est de les conserver comme des objets
précieux pour les transmettre aux générations à
venir.
-
- II
-
- Bien
rares sont les hôtels du Vieux Nimes, dont on peut retrouver la
date à laquelle ils fuirent construits.
- L'hôtel
Rivet fait exception à la règle générale
; car, d'après des documents certains, c'est en 1786 qu'on
commença à le bâtir.
- Mais,
ce fut sur l'emplacement même où s'élevait
précédemment un autre immeuble, dont bien des matériaux
ont servi certainement à la construction du nouvel édifice,
dont quelques parties ont pu subsister, et dont le passé nous
parait trop intéressant pour que nous négligions de
l'évoquer.
- Ainsi
donc, nous voyons qu'à la fin du XVIe siècle, d'après
le Canage de 1596, M. de la Croix, conseiller au Présidial.
possédait :
- 1°.
- Rue du Campnau ou de l'Évêché : «
maison et cour, confrontant,du levant et du midy, lui-même ;
du couchant, M. le baron d'Aigremont; et du vant droit (côté
Nord), ladite rue, contenant soixante-huit canes deux pans. »
- 2°.
- Rue de Saint Marc ou du Collège . « maison, cour et
jardin, confrontant du levant la dite rue du Collège ; du
couchant lui-même et M. Blisson (actuellement famille de Régis)
; du vant droit, la rue de l'Évêché ; et du
midy, M. Daguilhonnet et M. Pierre Cheiron, contenant trois cent
nonante une canes quatre pans. »
- En
réalité, ces deux maisons semblent n'avoir constitué,
jadis comme de nos jours, qu'un seul immeuble, ayant deux entrées,
l'une sur la rue de l'Évêché, l'autre sur la rue
du Collège.
- C'est
ainsi que, dans des documents fort peu postérieurs en date au
canage de 1596, on les retrouve désignées sous une même
rubrique : une maison avec cour et jardin, située à
l'angle des deux rues précitées et d'une contenance de
454 canes six pans. La différence de cinq canes est due soit à
une erreur de géomètre, soit au désir du
propriétaire de payer quelques « sols »
moins comme taille, c'est-à-dire comme contribution foncière.
- Malgré
la façon dont elle orthographiait généralement
son nom, la famille de la Croix ou Delacroix n'était pas
noble. Au début de l'ancien régime, la particule «
de » n'était pas forcément un indice de noblesse
; celle-ci résultait presque exclusivement de la possession
d'un fief, ou seigneurie territoriale.
- Les
de la Croix, qui habitaient notre ville, ne semblent pas avoir eu des
liens de parenté avec leurs homonymes de la région
montpelliéraine, qui achetèrent en 1495, aux de
Pierre (de Bernis) la baronnie de Castries et ajoutèrent
ce dernier nom au leur.
- Mais,
s'ils n'étaient pas nobles, ils appartenaient à la
meilleure bourgeoisie de notre ville.
- C'est
ainsi qu'on trouve dans nos annales municipales, en qualité de
:
- -
Premier Consul en 1481-1468, puis en 1481-1482, Jean de la Croix,
licencié ès-lois, qui avait apposé sa signature
comme témoin, en 1459, au testament de Louis Raoul, fondateur
de la charge, « d'Avocat
des pauvres. »
- -
Deuxième Consul, en 1504-1506 : Antoine de la Croix,
bourgeois.
- -
Premier Consul en 1519-1520 : Arnaud de la Croix, licencié ès
lois.
- -
Deuxième Consul en 1536-1537, puis en 1549-1550, Bernard de la
Croix, bourgeois.
- -
Premier Consul en 1639-1640, Pierre Scipion de la Croix, avocat.
- Et
aussi nous voyons successivement appelés aux hautes fonctions
de « Prévôt
du chapitre de la Cathédrale », c'est-à-dire
de président de l'assemblée des chanoines, trois autres
de la Croix.
- Robert
(1527-1545), Pierre (1601-1618), César (1630-1634).
- Le
représentant de cette famille qui possédait en 1596,
l'immeuble situé au coin des rues du Campnau et du Collège,
s'appelait Tristan de la Croix.
- Fils
d'un avocat, il fut conseiller au présidial de 1572 à
1603 et résigna, au cours de cette dernière année,
l'office dont il était investi, au profit de son fils Jean ;
il mourut peu de temps après.
- Ce
fut un personnage considérable dans Nimes. Il sut, aux temps
les plus troublés de notre histoire locale, se concilier des
sympathies dans les deux partis, qui s'entre déchirait dans
notre ville. Resté catholique, il avait fait baptiser un de
ses fils dans la religion protestante.
- A
l'époque de la St-Barthélémy qui se passa chez
nous sans effusion de sang, il joua un rôle pondérateur
et contribua à maintenir le calme.
- Pendant
ce temps, il ne devait pas négliger ses intérêts
matériels ; car, d'après l'historien Ménard,
il eut maille à partir en 1597 avec le Parlement de Toulouse,
devant lequel il était accusé de s'être
approprié, dans la période des troubles, la nef et le
Choeur de l'église des Carmes dont il avait fait une bergerie,
et le cloître ainsi que le cimetière de ces religieux,
qu'il avait transformés en une terre labourable.
- Nombreux
étaient les membres de cette famille, soit protestants, soit
catholiques, qui vivaient dans notre ville au XVIe, puis au XVIIe
siècle.
- Et
cependant, le dernier, dont on retrouve la trace dans nos archives
communales, fut le consul de 1639, Pierre Scipion de la Croix qui,
après avoir exercé la profession d'avocat, tint au
présidial de Nimes, la charge d'avocat du Roi de 1645 à
1676, date ou fut enregistré son décès dans les
actes de la paroisse St-Castor.
-
- Après
la mort du conseiller Tristan de la Croix son hôtel ne dut pas
rester longtemps en la possession de la famille de ce nom.
- En
effet, nous trouvons à ce sujet un renseignement probant dans
un document, conservé dans nos archives communales et intitulé
: « Le Dérivaire
contenant l'allivrement des maisons et biens de la ville et du
taillable de Nimes.» Dans ce registre ouvert en 1602
et clôturé en 1608, et qui comporte de nouvelles règles
pour la répartition de la taille, on voit mentionnée à
la rue du Chapitre (actuellement Grand'rue), la maison de M. de la
Rouvière. « qua esté de », - qui a
appartenu à - «
M. de la Croix ».
- Comment
s'est faite cette mutation de propriété, qui date des
premières années du XVIIe siècle ? Est-ce par
voie de vente ? Est-ce par voie d'échange ? Est-ce par voie de
succession ?
- Nous
l'ignorons. Tout ce que nous savons : c'est que les deux familles de
la Croix et de la Rouvière étaient étroitement
apparentées par suite de leurs alliances avec la vieille
famille nimoise des Rozel. En effet, le conseiller au présidial
Jean de la Croix. qui avait succédé à son père
dans cette charge, était le fils de Tristan et de Jeanne
Rozel, et le cousin germain de Suzanne Rozel, femme de Pierre Le
Blanc de la Rouvière, juge des conventions royaux.
- Passé
aux mains des la Rouvière. l'ancien hôtel des de la
Croix est destiné à recevoir bientôt des hôtes
illustres : deux rois de France, et des personnages parmi les plus
importants de la région.
- Il
nous faut ici dissiper une légende, fort répandue dans
notre ville à la fin du XIXe siècle, et reproduite par
le docteur Albert Puech dans ses annotations du « Livre de
raison » du notaire Borrelly, publié par lui dans les
Mémoires de l'Académie du Gard (année 1885).
- Contrairement
à ce qu'écrit ce savant historiographe de la ville de
Nimes, d'ordinaire si bien informé, ce n'est pas dans la
maison, portant le n° 6 de la place de la Salamandre -
actuellement hôtel de Chazelles -- que les de la Rouvière
recevaient leurs hôtes.
- Ainsi
que nous le montre « le Livre des présages »,
établi en 1672 pour le quartier du Prat en vue de remplacer le
registre précédent, qui datait du début du XVIIe
siècle et qui n'était plus à jour, nous voyons
que la famille de la Rouvière possédait bien l'ancien
hôtel des de la Croix à l'angle des rues du Campnau et
du Colllège, mais qu'elle n'avait aucun immeuble dans la rue
ou au plan de la Salamandre.
- En
1533, le roi François Ier, lors de son passage à Nimes,
n'avait pas logé dans une maison sise en cette dernière
place, mais bien au Palais de l'Évêché.
- Le
palais épiscopal ayant été détruit
pendant les troubles religieux qui marquèrent à NiMes
la fin du XVIe siècle, ce fut bel et bien dans le futur hôtel
Rivet que descendirent les rois Louis XIII et Louis XIV, lors de leur
passage à Nimes.
- C'est
ainsi que nous pouvons lire dans « le Registre des
délibérations de la Maison Consulaire », analogue
à notre Registre des délibérations du Conseil
municipal, des renseignements intéressants portant la date du
19 septembre 1632 et concernant « l'Entrée du Roy, très
chrestien, Louis treizième, roy de France et de Navarre, dans
la ville de Nismes avec la très « chrestienne Reyme Anne
d'Autriche, son espouze. »
- Après
la répression des troubles fomentés en Languedoc par
son frère, Gaston d'Orléans, le roi Louis XIII, s'était
décidé à revenir dans notre région, qu'il
avait parcourue trois ans auparavant lors de sa lutte contre les
protestants.
- Ce
fut le 19 Septembre 1632 qu'il fit son entrée dans Nimes.
Suivant l'usage, il fut reçu solennellement, dans le courant
de la matinée, à la porte de nos remparts, dite «
de la Couronne », au débouché de la rue du même
nom sur notre boulevard actuel de l'Esplanade. Il voulut descendre
dans la maison du sieur de la Rouvière, « qui est un
logis beau et spacieux au-dessus de la maitresse porte duquel on
apposa les armes de « France et de Navarre. »
- La
Reine, qui arriva le même jour à Nimes, mais seulement «
à quatre heures de relevée », fut
également reçue en grande pompe. « Elle prit
le logis du sieur Daguilhonnet,, joignant celui du Roy, et on mit sur
« cette maison les armes de ladite dame Reyne, mi-partie de
France et d'Espagne. »
- A
son tour, en 1660 et le 9 janvier, a environ l'heure de quatre après
midy », le roi Louis XIV
fit son entrée dans notre ville et alla loger chez M. de la
Rouvière, ainsi que nous le voyons dans « le Livre de
raison » du notaire Borrelly. Sa Majesté était
accompagnée de la reine mère Anne d'Autriche et de son
frère, le duc d'Orléans, et avait été
précédé de 24 heures par le Cardinal de Mazarin.
Le roi, qui se rendait à St Jean Luz, pour épouser
l'Infante d'Espagne, Marie-Thérèse d'Autriche passa
trois jours dans notre ville, dont il visita les monuments romains ;
et tout comne un de nos touristes contemporains, il fit une excursion
au Pont du Gard.
- Plus
tard, la famille de la Rouvière donna encore l'hospitalité,
ainsi que nous le voyons dans le « Livre de raison »
de Borrelly :
- En
1664 au cardinal Chigi, envoyé par le pape Clément IX
au roi Louis XIV pour lui présenter des excuses à
l'occasion d'un affront fait par la populace de Rome à
l'ambassadeur du France.
- En
1666, à M. de Fieubet, premier président au parlement
de Toulouse, venu dans notre ville pour une session de Grands jours.
- En
1675, au marquis de Montpezat, récemment nommé
Lieutenant du Roy en Bas Languedoc.
- Enfin
en 1685, à Mgr le duc de Noailles, créé depuis
deux ans Lieutenant général en Languedoc, et chargé
par le roi Louis XIV d'appliquer, dans toute leur rigueur, ses édits
contre les protestants.
- Quelle
était donc cette famille de la Rouvière, dont la
munificence était si souvent mise à contribution ?
- Elle
appartenait a la noblesse, portait à l'origine le nom de Le
Blanc, et vivait à Toulouse au cours du XVe siècle.
- Son
premier représentant a Nimes fut Pierre Le Blanc, licencié
ès lois, procureur des Etats du Languedoc, pour la
sénéchaussée de Beaucaire en 1518, Ier consul de
Nimes en 1521-1522, et «
juge des Conventions royaux »
en notre ville de 1535 à 1548.
- Ce
fut un homme habile, qui sut se créer des relations utiles et
à la Cour où, après chaque session des Etats du
Languedoc, il acconnpagait les délégués chargés
d'apporter au Roi les doléances de la province, et à
Toulouse, où il pressait auprès du Parlement
l'expédition des procès intéressants notre
Sénéchaussée.
- Son
fils, et successeur dans ses charges Robert Le Blanc fut, à la
fois, un homme de robe et un, homme d'épée. Il obtint
du roi des lettres patentes, datées du 14 Septembre 1559, et
le confirmant dans le titre de « chevalier » qui
lui avait été conféré par le maréchal
de Brissac après un combat heureux contre les Anglais.
- Plus
tard, il joua un rôle important pendant les troubles religieux,
qui eurent lieu dans notre région. Ayant embrassé la
religion protestante, il fut de ceux qui organisèrent les
tristes journées de la Michelade (30 Septembre-1er Octobre
1567).
- Pour
ce fait, condamné à mort par contumace par le Parlement
de Toulouse, il finit tranquillement ses jours dans son lit en 1578.
- Il
avait acquis la seigneurie de la Rouvière, et en transmit le
nom à ses descendants.
- Le
fils de Robert, Pierre Le Blanc de la Rouvière, également
juge des Conventions royaux, fut 1er consul de Nimes en 1595-1596, et
mourut en 1599. Il appartenait à la religion protestante:
mais, ses enfants furent catholiques.
- L'aîné,
Jacques Le Blanc de la Rouvière, fut le premier membre de sa
famille qui posséda l'ancien hôtel de Tristan de la
Croix ; ce fut lui qui eut l'honneur d'y recevoir le roi Louis XIII
en 1632.
- Le
fils aîné de Jaeques, Pierre Le Blanc de la Rouvière,
qui avait succédé à son père en 1651 dans
la charge de juge des conventions royaux, reçut en son hôtel
le roi Louis XIV, et mourut à Alès en 1682, sans
laisser de postérité mâle. Sa fille unique, Anne
Le Blanc, qui avait épousé en 1681 Messire Annibal de
Rochemore de Grille, président et juge mage du présidial
de Nimes, hérita de son père l'hôtel de la rue du
Collège.
- Plus
haut, nous avons vu que le duc de Noailles était de passage à
Nimes en 1685. C'était le 2 octobre ; et le notaire
Borrelly nous raconte que ce grand seigneur dîna à
l'Évêché, mais qu'il logea chez M. le président
de Rochemore à la maison appartenant à sa femme, Mme de
la Rouviére « proche les jésuites (ex-collège
des Arts) ».
- Or,n
l'année suivante, ce même duc de Noailles revient à
Nimes comme Commissaire du Roi aux Etats du Languedoc; et dans le «
Livre de raison » de Borrelly, nous lisons à la
date du 16 octobre 1686: « On n'avait pas vu les Etats dans
Nimes depuis 1637, c'est-à-dire depuis 49 ans ; toute la ville
est en joie, car on espère que cela lui portera du profit »
- tout comme à notre époque pour une grande corrida ou
pour un tirage de la Loterie Nationale - « Le duc habite
chez M. le Président (alors M. de Vivet de Montclus), qui a
rendu fort logeable l'ancienne maison de M. de la Rouviére;
juge des conventions. Il a un si grand train qu'il a fallu percer la
maison de M. d'Aguilhonet qui est vis-à-vis l'église
des jésuites (de nos jours : salle Jean Jean-Jaurès) et
établir un pont de bois du côté de la rue de la
Monnoye (actuellement rue du Chapitre) pour faire communiquer ladite
maison à celle de M. le P'révost du Chapitre (maison
Rebuffat), dans laquelle ce seigneur doit être couché
plus à couvert du bruit. Il lui faut six grandes des cuisines
; tous ses gardes, valets de pied, pages et toute sa maison sont
d'une très grande propreté ».
- Le
rapprochement de ces deux derniers passages du « Livre de
raison » de Borrelly nous permet de constater que
l'ancienne maison de Tristan de la Croix vient de changer une
nouvelle fois de mains, soit à la fin de 1685, soit dans le
courant de 1686.
- En
effet, entre ces deux dates, PI. Annihal de Rochemore a vendu la
maison des la Rouviére à M. de Vivet de Montclus, de
même qu'il lui a cédé pour la somme de 100.000
livres par acte passé le 27 avril 1686 en l'étude de M.
Charaud, notaire à Nimes, ses charges de juge mage, premier et
second président et de lieutenant général au
Présidial de Nimes.
- Quelques
années plus tard, un autre personnage de marque vient à
son tour demeurer dans l'ancien hôtel de Tristan de la Croix.
Nous lisons, en effet, dans « Le Livre de raison »
de Borrelly :
- «
14 Fénrier 1703. Arrivée du maréchal de
Montrevel. Il a soupé chez « Mgr l'Évêque
et doit loger chez M. le « Président (du Présidial)
à la Grand'Rue.»
- C'était
le commandant en chef des troupes royales, chargé de réprimer
la révolte des Camisardls qui venait faire un séjour
prolongé dans notre ville.
- Le
nouveau propriétaire de l'immeuble de la Grand'Rne (puisque
c'est. ainsi qu'on commence à appeler l'ancienne rue du
Collège) n'était pas d'origine nimoise. Né en
1649, il était le fils d'un président à la Cour
des Comptes de Montpellier, et était lui même conseiller
au Parlement de Toulouse, lorsqu'il acheta les charges de M. Annibal
de Rochemore au Présidial de Nimes.
- La
famille de Vivet, dont il était le chef, possédait
cependant dans notre région la seigneurie de Montclus, village
situé au bord de la Gèze au Sud-Est de Barjac.
- Cette
seigneurie avait été apportée en dot, au milieu
du XVIe siècle par Mondé de Combes à son époux
Gaillard de Montcalm, un cadet de l'illustre famille de ce nom, qui
fut juge mage de la sénéchaussée de Beaucaire et
Nimes de 1539 à 1552. Ce dernier ajouta le nom de Montclus a
celui de ses ancêtres.
- La
branche des Montcalm-Montclus, qui posséda les charges de juge
mage et de président du Présidal de Nimes jusqu'en
1589, date où elle les vendit à la famille de
Rochemore, s'éteignit au XVIIe siècle en la personne de
Jean, arrière petit-fils de Gaillard de Montcalm. Celui-ci,
décédé sans postérité mâle,
laissa trois filles, dont l'ainée épousa le président
à la Cour de Montpellier, Louis de Vivet, qui releva le nom de
Montcalm-Montclus en 1647.
- Ce
fut le fils de ce dernier, Jacques de Vivet de Montcalm, marquis de
Montclus et de Montpezat, seigneur de Tresques, la Bartalasse et
autres lieux, conseiller du Roy, qui acheta l'ancien hôtel des
la Rouvière.
- Non
content de tous ses titres et de toutes ses chages, ce haut
personnage acquit en 1693 celle de maire perpétuel, qui venait
d'être créée à Nimes comme dans les autres
grandes ville de France par l'édit royal de 1692. Mais, il se
la vit racheter en 1706 par ses nouveaux concitoyens, désireux
de n'être administrés que par leurs propres consuls ;
par contre, il conserva la charge de lieutenant général
de police en notre ville, fondée par pouvoir royal en 1700, et
qu'il s'était empressé d'acquérir également.
- Il
mourut en 1715, ayant, l'année précédente, donné
l'hospitalité au Commissaire du Roi aux Etats du Languedoc,
qui se tinrent à Nimes en 1714, c'est-à-dire à
Mgr. le duc de Roquelaure, qui était lieutenant général
en notre province.
- Il
eut pour successeur, tant dans ses charges au Présidial que
dans celle de lieutenant général de police, son fils
Henri François de Vivet de Montcalm, marquis de Montclus. Ce
dernier ocupait aussi depuis quatre ans la charge de maire, rétablie
à Nimes à titre alternatif, lorsqu'il mourut en 1738.
Comme il était précédemment d'usage, lors de la
mort d'un premier consul en fonction, il fut enterré
solennellement aux frais de la ville ; et ses obsèques
coûtèrent aux contribuables de l'époque la somme
fort importante de 500 livres.
- Suivant
les traditions qui furent celles de sa famille, comme précédemment
elles avaient été celles des la Rouvière, il
avait reçu magnifiquement en son hôtel de la Grand'Rue :
- En
1729, le marquis de la Fare, commandant en chef des troupes en
Languedoc, Commissaire du Roi aux Etats de la province, qui se
tinrent a Nimes cette année-là.
- En
1730, une visiteuse de marque, accompagnée de son fils, la
princesse de Conti, petite-fille du grand Condé et veuve du
prince François Louis de Conti, en son vivant cousin du roi
Louis XIV, et lui-même roi de Pologne à titre éphémère.
-
- Feu
Henri François de Montclus étant décédé
sans postérité, ses biens firent, en 1751, l'objet d'un
partage entre le fils de sa soeur, qui était le marquis de
Cadolle, et son frère Mgr de Vivet de Montclus, qui fut évêque
d'Alès de 1744 à 1755.
- Ce
fut le premier de ces deux héritiers qui se vit attribuer
l'ancien hôtel de Tristan de la Croix.
- Ce
même immeuble passa bientôt dans les mains d'une autre
famille par suite du mariage de la fille unique de M. de Cadolle,
Marie Anne, avec le comte Florimond de Vogué, colonel de
carabiniers ; mais, il n'y resta pas longtemps. Car, il fut vendu le
14 décembre 1778, pour la somme de 50.000 livres, par sa
nouvelle propriétaire, devenue veuve, et qui résidait
en son château de Tresques près Ragnols, à un
riche nimois, M. David Rivet.
- L'acte
de vente, qui fut établi dans l'étude d'un notaire de
notre ville, M. Nicolas, porte comme canfronts de l'immeuble : «
au levant la Grand'Rue ; au couchant, M. Maurice de Baudan à
présent M. de Cabrières ; du vant droit, la rue du Camp
neuf (actuellement rue du Chapitre) ; au midi, les sieurs
Daguilhonnet avocat (même famille que celle fïgurant comme
confront au Ganage de 1596) Jean Borély procureur et les hoirs
de Pierre Macary ».
- Les
de Cadolle et les de Vogué n'ayant pas habité Nimes et
n'ayant pas participé à l'histoire de notre cité,
nous ne donnerons ici aucun détails sur le passé de ces
deux nobles familles, qui se sont perpétuées jusqu'à
nos jours.
- Nous
nous contenterons de signaler que, par suite de la longue absence de
ses propriétaires, l'Hôtel de la Grand' Rue, avait eu
son entretien fort négligé et que, tout au moins dans
certaines parties de son rez-de-chaussée, il était
assez délabré lorsqu'il passa aux mains de M. David
Rivet.
-
- Son
nouveau propriétaire était un grand négociant en
soieries qui, plus tard, s'était installé comme
armateur et résidait à Cadix, lorsqu'il fit
l'acquisition de l'ancien hôtel de Tristan de la Croix. Il
s'était fait représenter en cette circonstance par son
frère M. Louis Rivet.
- C'était
un homme hardi dans ses entreprises, et qui avait le goût du
grand et du beau.
- Déjà,
en 1772, Il avait acheté à la famille de Béringuer,
le chanteau de Sabatier près Quissac, avec tous ses droits
seigneuriaux.
- À
peine acquéreur de l'hôtel des Montclus, il songe à
le démolir, du moins en grande partie, et fait dresser les
plans de reconstruction par la personnalité la plus compétente
de notre région; ce fut, d'après M. Albin Michel,
auteur des « Rue de Nimes », le grand architecte Raymond.
- Les
travaux projetés furent entamés en 1786 et rapidement
menés à bonne fin. Sans aucune contestation possible,
c'est à cette époque que furent exécutées
les belles façades de l'hôtel Rivet, et son atrium si
original, et son magnifique escalier d'honneur Dans la partie Sud de
la cour actuelle l'aile gauche du nouvel immeuble fut prolongée
par une terrasse, dont on aperçoit encore les soubassements et
la balustrade qui la couronnait (voir fig. 5). Mais, de ce même
côté et jusqu'au mur de fond de l'hôtel de
Cabrières appartenant aujourd'hui à la famille de
Régis, il existait sur le derrière des maisons de la
rue Dorée portant les numéros 15 bis et 15, tout un
enchevêtrement de cours, de jardins et de murs, qui donna lieu
à une série de ventes, de transactions et de procès
entre les propriétaires voisins et la famille Rivet. Ces
difficultés ne furent terminées qu'en 1804, bien après
la mort du nouvel acquéreur de l'immeuble de la Grand'Rue.
- À
partir de l'achat de la seigneurie de Sabatier, la famille Rivet
avait contracté de nombreuses alliances dans l'aristocratie de
notre région C'est ainsi qu'elle s'était apparentée
aux de Baschi d'Aubais, aux de Baguet, aux de Pelet et aussi aux
André, ces grands banquiers parisiens, dont le dernier
représentant épousa la femme, qui a fondé au
boulevard Hausmann le musée Jacquemard-André.
- Le
nom des Rivet fut dignement porté dans notre ville, au cours
du XIXe siècle, par les descendants du frère de
l'acquéreur de l'hôtel, dont nous publions ici l'étude.
Le dernier, qui vécut à Nimes, M. Albert Rivet, époux
de Mlle Gardies, laissa quatre fils ; un seul d'entre eux existe
encore, c'est M. Louis Rivet de Sabatier, qui a acheté le
château de la Rouvière, près Logrian, appartenant
jadis à la famille de Pelet. Deux de ses belles soeurs,
devenues veuves, possèdent aussi dans la région de
Sauve-Quissac les châteaux de Vibrac et de Sabatier
-
- Le
11 mai 1822, deux des filles de feu M.. David Rivet, Mesdames Maigre
et la baronne Pieyre vendirent au département du Gard pour la
somme de 130.000 francs l'hôtel de la Grand' Rue. L'acte en fut
dressé par les notaires Gide et Darlhac.
- Cette
acquisition fut faite par le département, à la suite
d'un vote émis par le Conseil Général en vue de
loger dorénavant la Préfecture du Gard, qui occupait
alors, l'ancien Palais l'Evêché, devenu vacant pendant
la Révolution française.
- Lors
du Concordat, établi en 1801 par le Premier consul Bonaparte
et par le pape Pie VII, les anciens évêchés de
Nimes, d'Uzès et d'Alès, n'avaient pas été
rétablis le département du Gard, ne formant plus qu'un
seul diocèse, avait été rattaché à
celui de Vaucluse, dont l'évêque résidait à
Avignon.
- Mais,
en 1821, un nouvel évêché avait été
créé à Nimes; et l'année suivante, son
premier titulaire, Mgr de Chaffoy, rentrait dans l'antique palais de
ces prédécesseurs.
- Le
premier des préfets du Gard, qui occupa l'hôtel de la
Grand'Rue, fut M. de Villiers du Terrage. En 1824, il fut remplacé
par M. Planelli de la Valette, qui était auparavant le maire
de Grenoble. On s'aperçut alors que les locaux de l'ancien
hôtel Rivet n'étaient pas suffisants pour contenir les
services d'une préfecture, qui s'accroissaient en nombre et en
importance.
- Aussi,
à partir de 1825, se met-on à bâtir le long de la
partie Sud de la Cour : et sur l'ancienne terrasse prolongeant l'aile
gauche de l'Hôtel, et sur un jardin, contigu à
l'immeuble de Régis et au-dessus duquel on installa les
bureaux de la préfecture. Mais, hélas ! on négligea
de donner aux façades de ces nouvelles constructions le
caractère architectural de celles de l'ancien hôtel
Rivet.
- Le
dernier des préfets de la Restauration, qui avait succédé
en 1828 à M. Planelli de la Valette, M. Hermann s'empressa de
quitter Nimes dès l'annonce de la chute de Charles X (juillet
1830), et laissa à la seule autorité militaire le soin
de rétablir l'ordre, un moment troublé dans notre
ville.
- Sous
le règne de Louis Philippe, cinq préfets occupèrent
successivement l'hôtel de la Grand'Rue; ce furent MM. de
Lacoste. Chaper, Rivet (qui n'avait aucun lien de parenté avec
da famille nimoise de ce nom), le baron de Jessaint et Darcy.
- M.
Darcy était préfet du Gard depuis cinq ans,
lorsqu’éclata la Révolution du 24 Février
1848. Il fut alors remplacé à la tête de
l'administration du département par un commissaire
extraordinaire M. Teulon, qui travailla loyalement à la
pacification des esprits.
- Dans
cette même année 1848, six commissaires provisoires ou
préfets se succèdent rapidement à l'hôtel
de la Grand'Rue. Puis, la situation politique. s'étant
stabilisée, les changements de préfets deviennent moins
fréquents. M. Lagarde, nommé en 1849, est remplacé
par M. Boudon en 1851, et celui-ci par le baron Pougeard-Dulimbert en
1852.
- Ce
dernier préfet fut celui qui garda le plus longtemps de tous
ses hautes fonctions ; car, il resta à Nimes pendant treize
ans, c'est-à-dire jusqu'en 1865.
- Il
était installé depuis plus de cinq mois dans l'ancien
hôtel Rive!, lorsque le Prince président, le futur
empereur Napoléon III, faisant un voyage dans le Midi de la
France, y vint, loger le 30 Septembre, 1852 et y passa quelques
jours.
- Depuis
la visite de Louis XIV, C'était la première fois et ce
fut aussi la dernière, où le chef de l'État
français descendit dans l'ancien hôtel des la Rouvière
et des Montclus.
- En
effet, en 1853, le Conseil général du Gard décidait
de faire construire sur l'avenue, qui portait le nom du général
baron de Feuchères, un nouvel hôtel de la Préfecture,
dont les Plans furent dressés par un excellent architecte, M.
Feuchére.
- Et
ce fut en 1857 que le Préfet alla s'installer avec ses
services dans l'immeuble, qui n'a pas cessé depuis lors d'être
la Préfecture du Gard.
-
- Une
période de décadence s'est alors ouverte pour l'ancien
hôtel Rivet; et elle ne paraît pas près d'être
définitivement close.
- Par
suite de transformations successives, opérées toutes
dans un but uniquement utilitaire, les divers appartements de cet
immeuble ont perdu le cachet artistique, qui leur fut certainement
donné jadis.
- En
1858, la ville de Nimes avait acheté du Département,
pour la somme de 240.000 francs l'ancien hôtel de la
Préfecture. Qu'allait-elle en faire ? On avait pensé
d'abord, en 1857, à y fonder un Institut, où seraienl
installées les collections de nos divers musées, où
seraient rassemblés nos établissements scientifiques ou
littéraires, et où enfin serait donné à
la jeunesse nimoise l'enseignement des Beaux-Arts.
- Mais,
cédant à des considérations d'ordre pratique, on
y installa à partir de 1860, à titre d'abord
provisoire, puis définitif, l'Oeuvre de la Miséricorde,
dont les locaux, situés alors près de la rue Guizot,
étaient devenus notoirement insuffisants.
- Cette
Oeuvre, dirigée par la congrégation des soeurs da
Saint-Vincent de Paul, comprenait une crèche, une salle
d'asile pour enfants, une école de jeunes filles, une école
d'adultes. une bibliothèque populaire, un noviciat, une
communauté de religieuses : et l'administration du Bureau de
bienfaisance lui était rattachée. Elle a eu longtemps à
sa tête, comme supérieure, une femme remarquable, la
soeur Pitra, dont le frère était cardinal et résidait
à Rome.
- Elle
se trouva bientôt à l'étroit dans l'ancienne
Préfecture, qui avait dû déjà déborder
hors de l'hôtel Rivet proprement dit.
- C'est
pourquoi la ville de Nimes acheta, pour aider a son installation :
- En
1861, les maisons portant les numéros 15 et 15 bis de la rue
Dorée. Et en 1868, l'ancienne maison des barons d'Aigreinont,
qui appartenait alors la famille de Régis et qui faisait face
à la rue de la Prévôté. On fit la une
chapelle où fut enterré le cardinal Pitra, et qui fut
démolie ultérieurement.
- Plus
tard, la ville de Nimes enleva aux soeurs de St-Vincent de Paul en
1882 une partie de l'hôtel Rivet, et en l898 la totalité
de cet immeuble avec ses dépendances, pour y installer des
cours d'enseignement secondaire pour jeunes Filles. Les religieuses
vont dorénavant résider dans la maison située au
n° 12 de la rue des Greffes et qui fut avant la Révolution
française l'hôtel des Rochemore d'Aigrernont.
- Le
1er janvier 1907, il fut créé, en remplacement des
cours secondaires, un Lycée de Jeunes Filles, qui fonctionna
dans l'hôtel Rivet jusqu'en 1926, date où il fut
transféré, à l'avenue Feuchères, dans
l'ancien collège de l'Assomption.
- Les
locaux de l'ancienne Préfecture étaient devenus, une
fois de plus, vacants. Après avoir longtemps hésité
entre trois solutions : aménagement de salles de conférences,
installation du Conservatoire de musique afin d'y laisser plus de
place au Musée du Vieux Nimes dans l'ancien palais de
l'Évêché, et enfin transfert de l'école
communale de la rue Poize dans les dits locaux, la majorité du
Conseil municipal opta, dans sa séance du 9 janvier 1931, pour
cette dernière solution.
- Espérons
qu'elle n'aura été prise qu'à titre provisoire.
Un immeuble, tel que l'Hôtel Rivet, avant su conserver. après
150 ans d'existence et malgré les mutilations de son
ordonnance intérieure, un tel cachet artistique, doit être
réservé, comme l'a primitivement désiré
le Conseil Municipal de 1857, soit à l'enseignement des
Beaux-Arts, soit à une concentration des Sociétés
savantes ou littéraires de notre ville, soit à
l'installation d'un Musée.
-
- Lieutenant-Colonel
BLANCHARD, 1936
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