ORIGINE DE NÎMES 
DES LIGURES A LA RÉVOLUTION
Extrait de "Notes Historiques", annuaire du Gard, 1953 - pages 33 à 38
article non signé.
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Pertus - Némausus, fils d'Hercule. La légende ?

Illustrations Ferdinand Pertus
Né à Nîmes en 1883, Ferdinand Pertus était le fils d'un directeur de la banque Arnaud-Gaidan. Un banquier ne pouvait considérer qu'avec méfiance l'enthousiasme du jeune peintre. Il exigea que son fils fît de solides études. Ainsi, parallèlement à son activité artistique, Ferdinand Pertus étudia le Droit et devint notaire à Marguerittes.
C'est après 1920 semble-t-il que le peintre-notaire se tourna plus particulièrement vers l'enluminure et que son oeuvre devint rapidement célèbre.  
Hubert Rouger, maire de Nîmes de 1925 à 1940, appréciait particulièrement les oeuvres de Pertus. Il lui demanda une série de tableaux, traités en enluminures, qui retraceraient l'histoire des gens de Nîmes. Il s'agissait d'en décorer la salle des mariages de l'Hôtel de Ville. Pertus se transforma en historien, fouilla les archives, retrouva les vieilles rues nîmoises de chaque époque, reconstitua les évènements, les costumes... Enfin, il créa cette série d'œuvres qui, de nos jours encore, frappent par leur vérité.

Les Grecs disaient de Nîmes qu'elle avait été fondée par Némausus, fils d'Hercule. Ce n'est qu'une légende ; mais qui n'est pas sans valeur, car toutes les villes de tradition herculéenne sont fort anciennes. En réalité, Nîmes
est née de sa source.  On ne sait absolument rien de ses premiers habitants qui durent, comme partout, s'adonner à l'agriculture et à l'élevage des troupeaux. Bien avant la fondation de Mar­seille par les Phocéens, vers l’an 600 avant notre ère, ces habitants, connus sous le nom de Ligures, avaient acquis une civilisation relativement brillante laquelle pour une bonne part, leur était venue des Grecs. Un ou deux siècles plus tard, une invasion de Celtes amena chez nous la peuplade des Volsques Arécomiques dont le territoire s'étendit entre le Rhône et l'Hérault. Vers l'an 120 avant notre ère, ce territoire, où  l'on comptait vingt-quatre refuges fortifiés, (oppida), était peut-être placé sous la suzeraineté des Arvernes.  En tout cas, il passa, très vraisemblablement sans aucune contrainte, sous la domination de Rome, quand celle-ci, avec Domitius Ahenobarbus, porta jusqu'aux Pyrénées les limites de sa puissance et créa la voie domitienne d'Italie en Espagne par Arles, Nîmes et Narbonne.

Sous le nom de Nemausus, qui était celui du génie de sa fontaine, Nîmes avait été la capitale des Volsques Arécomiques. Dès le premier siècle avant notre ère, les Romains lui donnèrent une splendeur qui en fit l'égale des plus belles villes de l'Italie. Sa colonisation parait avoir commencé presque tout de suite. Du temps de César des monnaies coloniales avaient déjà remplacé l'ancien numéraire des Volsques indépendants.


Pertus - Le Forum Gallo-Romain de Némausus

Rien ne prouve que l'an 46 après la défaite de Pom­pée, il y eut à Nîmes, des colons légionnaires, comme il en vint à Arles, à Orange, à Béziers et à Narbonne ; mais il est probable que César y fit conduire quelques-uns des 80.000 colons plébéiens, qu'il tira surtout de la Campanie, pour le peuplement des provinces. Après la bataille d'Actium, en l'an 31 avant notre, ère, d'autres colons furent envoyés à Nîmes par Octave, devenu empereur sous le nom d'Auguste.

  

L’as de Nîmes

On croit généralement que ces colons provenaient des troupes auxiliaires qui avaient combattu en Orient pendant la guerre civile. Ce n'est qu'une hypothèse ; mais elle est d'autant plus séduisante que les monnaies bien connues frappées par la colonie, où figure un crocodile attaché à une palme, font sûrement allusion à la conquête de l'Égypte sur Marc-Antoine et Cléopâtre. Toutefois, de quelque manière que la cité, restée de droit latin, ait accru sa popula­tion, il est entièrement certain qu'elle dut beaucoup aux largesses d'Auguste. Ce souverain ne se contenta pas de lui donner sort nom de Colonia Augusta Nemausus ; il l'embellit aussi de façon, somptueuse. La Maison Carrée, le Temple de Diane, probablement l'Amphithéâtre et bien d'autres monuments qui ont disparu, mais dont témoignent les débris d'inscriptions ou de sculptures, sont du temps d'Auguste. C'est en l'an 15 avant notre ère que furent achevés les remparts, de 6 kilomètres d'étendue, dont nous possédons des ruines et deux portes. L'aqueduc d’Uzès à Nîmes paraît du même temps et, comme tout le reste, il fut sans doute bâti par les soins d'Agrippa, gendre d'Augusta, qui séjourna dans la colonie pendant plusieurs semaines, en l’an 19, à son retour d'une expédition contre les Espagnols des Pyrénées Cantabriques. (1)

(1) NDLR - Des recherches récentes, effectuées sous l’autorité du CNRS, nous donnent des datations différentes des monuments antiques de Nîmes. Dans une prochaine mise à jour de cet article, nous donnerons dans un tableau les dernières dates retenues.

Durant tout l'empire, l'histoire est à peu près muette sur les Nîmois. On sait seulement, par un auteur de la fin du troisième siècle, qu'Adrien dota leur ville d'une basilique admirable dont il se pourrait qu'on dût chercher l'emplacement sur celui du Palais de justice actuel. Beaucoup d'entre eux,. toutefois, furent investis de fonctions publiques, rappelées principalement par des inscriptions qui nous renseignent, d'autre part sur l'organisation municipale de la cité. L'orateur Domitius Afer maître du rhéteur Quintilier et consul en l'an 39 de notre ère, était de Nîmes. Par son aïeul paternel l'empereur Antonin, né à Lanuvium, avait aussi la même origine, et l'on peut croire que cette circonstance ne fut pas étrangère à la décision que prit Hadrien de faire bâtir à Nîmes, en l'honneur de sa bienfaitrice Plotine, femme de Trajan, la fameuse basilique dont il est question dans les écrits de Spartien. Chacun sait, en effet, qu'Antonin avait été le conseiller d'Hadrien avant d'entrer par adoption, dans la famille de cet empereur. 


Pertus - Le martyre de Saint-Baudile

Trop éloigné des frontières occidentales de l'empire, Nîmes n'eut pas à souffrir des incursions incessantes des Germains sur les terres gallo-romaines. Sa conversion au Christianisme, vers l'an 287, ne fit pas, à ce qu'il semble, couler d'autre sang que celui de saint Baudile. Ses malheurs ne commencèrent qu'au début du cinquième siècle ; mais ils furent terribles et la réduisirent, en étendue, â moins du quart de ce qu'elle était du temps des empereurs. 


Pertus - Crocus, roi des Vandales assiège Nîmes en 407

En 407, la ville fut ravagée par une armée de Vandales commandée, dit-on, par un roi du nom de Crocus qui n'aurait pas tardé à trouver la mort sous les murs d'Arles. En 412, vinrent les Visigoths qui se dirent d'abord les alliés des Romains, puis s'établirent en maîtres, quelque quarante ans plus tard dans le nord de l'Espagne et sur tout le pays depuis Toulouse jusqu'au Rhône. Les persécutions religieuses commencèrent avec eux. Leur roi, Euric, était arien ; il fit boucher avec des épines les portes des églises catholiques et ne voulut pas admettre d'autre culte que celui qu'il pratiquait. Par nécessité, son successeur, Alaric II, qui avait à lutter contre les Francs, se montra plus accommodant ; mais il perdit la vie à la bataille de Poitiers et toute l'Aquitaine fut conquise par Clovis qui vint en 507, mettre le siège devant Nîmes, dont il s'empara. 
Vainqueurs à Bellegarde, dans le courant de l'année suivante, les Visigoths, sous la conduite du général Ibbas, reprisent la ville, qu'ils défendirent âprement, l'amphithéâtre leur servant de forteresse, contre les troupes combinées des Francs, des Bourguignons et des Austrasiens. Nîmes resta Visigothe, mais son territoire fut dévasté. 


Pertus - Le roi Wamba écrase les mutins dans les arènes de Nîmes

Jusqu'en 720, il n'y eut plus à Nîmes que des troubles de courte durée dont le plus grave fut, en 672, la révolte du comte Hildéric contre l'autorité du roi Wamba. Ce comte avait fait de sa ville, un lieu de refuge pour les juifs que l'on venait de chasser des pays francs et d'Espagne. Par crainte de blâme, et aussi peut-être quelque ambition personnelle s'y mêlant, il prit les armes avec l'appui de certains membres de son clergé. Le duc Paul, envoyé pour le combattre, se joignit à lui, après s'être fait, à Narbonne, proclamer roi. Marchant alors contre les révoltés, Wamba vint mettre le siège devant Nîmes où le duc Paul avait été contraint de se retirer. La ville fut prise ; mais ses défenseurs groupés dans l'amphithéâtre résistèrent à tous les assauts et ne se rendirent que lorsque le duc rebelle d'ailleurs abandonné par une partie des siens se fut soumis à son souverain qui lui fit grâce de la vie. Wamba, de mœurs assez douces, comme du reste tous les Visigoths, avec lesquels il était relativement facile de s'entendre, ne se montra pas moins généreux pour les Nîmois. II leur fit rendre les biens qu'ils avaient perdus et les remparts et les portes de la ville furent réparés aux frais du trésor public.


Pertus - Les Sarrasins chassent les moines nîmois de leurs couvents.

À partir de 720, au cours de l'invasion sarrasine, Nîmes eut à subir toutes les fluctuations d'une conquête difficile. Elle changea de maître plusieurs fois et fut, en 737, dévastée par les Francs de Charles-Martel. Des constructions qui déjà, se trouvaient à l'intérieur de l'amphithéâtre furent incendiées. 

L'autorité royale commença en 752. du temps de Pépin-le-Bref ; mais elle ne fut d'abord que très précaire. Nîmes était alors gouvernée par des seigneurs dont la dignité devint héréditaire vers l'an 800. Sous le roi Charles-le-Chauve, en 858, les Normands, ravageurs des provinces méridionales, fondirent sur la ville et la mirent à sac. Réparée par ses comtes, suzerains de ceux de Toulouse, elle se relevait à peine de ses ruines, lorsqu'une invasion de Hongrois, en 924, la détruisit à nouveau.

En ces temps de désastre, l'anarchie devint bientôt telle, qu'il faudrait un volume pour en écrire l'histoire. Les luttes seigneuriales sont une cause permanente de misère, malgré les louables efforts tentés par les vicomtes de la maison Bernard-Aton pour rendre à Nîmes un peu de sa prospérité d'autrefois. Les abbayes et d'autres établissements religieux profitent surtout de la libéralité des grands. 


Pertus - Le mariage mystique de Ramoun de Saint-Gilles.

En 1096, Raimond de Saint-Gilles, comte de Toulouse, épouse la Cathédrale que le Pape Urbain II vient de consacrer, et la dote de vastes domaines qu'il possède sur le territoire de Fontcouverte.


Sceau des chevaliers du château des Arènes

En 1100, le vicomte Bernard-Aton IV part pour la Terre Sainte après avoir confié la défense de ses intérêts à une milice de chevaliers dite "du château des Arènes". 
Vers le milieu du XIIe siècle, du temps du vicomte Aton VI, les Juifs créent des écoles dans la ville et en d'autres lieux et donnent une impulsion très grande à la renaissance des lettres et des arts. Mais, les guerres ne cessent point et, en l'année 1185, la ville perd ses com­tes et passe définitivement sous l'autorité directe des comtes de Tou­louse. Des troupes de Brabançons, d'Aragonais et d'Albigeois tiennent les routes et massacrent et pillent les habitants. Le comte de Toulouse, Raymond V, impuissant ou complice, laisse faire et déchaîne ainsi sur ses États, la croisade française de Simon de Montfort encouragée par les papes.       ,
Ce fut la guerre dite des Albigeois, qui se termina, en 1213, par la bataille de Muret, Muses, en proie à des dissensions fomentées par les chevaliers des Arènes qui méconnaissaient l'autorité des consuls administrateurs de la ville, se rendit sans combattre à Simon de Montfort et passa à nouveau sous le gouvernement des rois de France, sa reprise., en 1216, ne fut pas de longue durée. En 1226, Louis VIII recommença la guerre contre le comte Raymond VII que le cardinal Saint-Ange; légat du pape, accusait d'hérésie, et les habitants de Nîmes hors d'état de se défendre efficacement se contentèrent d'implorer la miséricorde du roi. 


Pertus - Les Lombards font la richesse commerciale de Nîmes

Son histoire dès ce moment, se mêle si intimement à celle de la France, qu'il peut paraître inutile d'essayer d'en exposer les détails. Ce n'est certes pas que la ville n'ait plus connu que des jours heureux. Mais ses malheurs ne furent ni plus ni moins grands que ceux de la plupart des autres villes du royaume. Saint Louis et Philippe III (le Hardi) donnèrent de la stabilité à l'administration publique par la réorganisation de la vieille institution des Consuls. Ceux des Arènes eurent un sceau particulier ; mais il leur fut enjoint de se réunir le plus possible avec leurs collègues de la cité. Des marchands toscans et lombards vinrent à Nîmes dont ils développèrent le commerce. 
Sous Philippe IV, ces marchands souhaitèrent un canal entre Nîmes et la mer. Ils en demandèrent en vain le creusement : mais l'idée même qu'ils en eurent est un indice de la prospérité de la Cité.
En 1359. pour subvenir aux frais des nouvelles fortifications de la ville (qu'on détruisit en 1786) et parer à la menace des Anglais, on mit un impôt sur le vin. Le traité de Brétigny termina la guerre ; mais il resta dans le Languedoc, des bandes de pillards ou routiers contre lesquels les Nîmois furent continuellement obligés de se défendre, bien que le connétable du Guesclin en eût fait passer le plus grand nombre en Espagne, en les mettant au service d'Henri de Castille, frère et rival du roi Pierre le Cruel. 


Pertus - On pend les paysans révoltés appelés Tuchins.

En 1383. les campagnes de la région nîmoise furent infestées par de nouveaux routiers connus sous le nom de Tuchins. La ville put s'en garantir ; mais elle accusa les nobles, ou soi-disant tels, de favoriser les pillages qui servaient à les enrichir. 
En 1389, Charles VI décida que les habitants des Arènes seraient confondus avec ceux de la Cité. Trois ans plus tard, ce roi instituait la foire de la Saint-Michel, destinée à favoriser le commerce local ; malheureusement, son intolérance religieuse lui fit expulser les Juifs de tout le royaume. 
Au commencement du XVe siècle. Nîmes ne comptait plus que 100 feux. En 1420 le comte de Genève, en guerre contre le roi de France, entra dans Nîmes à la tête d'une troupe de Bourguignons. Le dauphin, plus tard Charles VII, parvint bien à reprendre la ville sur ces Bourguignons retranchés dans les Arènes ; mais d'autres hommes d'armes du parti anglais continuèrent presque sans arrêt, les tristes exploits des routiers. On en pendit à Nîmes quelques-uns, capturés par le comte Jean de Foix, lieutenant du roi en Languedoc. La crainte des ravages de ceux qui restaient et que commandait un féroce conducteur de bandes du
nom de Rodrigue de Villandrado, ne cessa pas pour cela, et des postes, placés au sommet de la Tourmagne, durent nuit et jour, pendant de longs mois, faire le guet pour donner l’alarme en cas de danger. 


Pertus - La peste Noire ravage le tiers de Nîmes.
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En 1448, un tremblement de terre effroyable bouleversa la ville et désola tout le pays. La peste, qui survint ensuite par deux fois, ne causa pas de moindres maux et le roi Louis XI faillit achever la ruine de Nîmes en décidant de rattacher la ville, tombée au rang de bourgade à l’un des baillages du Vivarais. La mesure fut rapportée ; mais elle coûta aux habitants une somme de 600 écus d'or qui furent versés au trésor royal. 

À partir de 1482 et pendant 50 ans, jusqu'en 1532, la peste fit encore de nombreuses victimes. Il n'y eût plus à Nîmes d'officiers royaux dés 1485 ; le siège de la sénéchaussée avait été transféré d'abord â Viviers, puis à Sommières.
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Pertus - Le roy François 1er donne son nouvel écusson à Nîmes.

En 1533, au sortir à peine des maux qui les avaient totalement épuisées, le roi François Ier vint apporter aux populations le réconfort de sa présence. Il donna à Nîmes les armoiries dont elle se sert encore « un crocodile attaché à une palme, reproduisant le revers des monnaies coloniales du temps d'Auguste » et les habitants de la ville lui manifestèrent leur reconnaissance de sa visite par l'érection d'une colonne surmontée d'une salamandre, emblème du souverain.
Nîmes se fut sans doute promptement relevée de ses ruines ; les guerres religieuses consécutives à la Réforme, s'y opposèrent pendant près de 200 ans. Assurément ces guerres, que l'on voudrait pouvoir rayer de notre histoire, ne furent pas de tous les jours. Il y eut des accalmies ; mais le peuple de fanatiques qui se battait ; incendiait et pillait, à quelque parti qu'il appartînt, n'était, dans la plupart des cas, qu'un instrument pour donner le pouvoir à de puissants personnages ou leur assurer la possession de celui qu'ils avaient usurpé. Jusqu'à Louis XIV, la religion ne fut qu'un prétexte pour des fins politiques. Les troubles qui suivirent la révolution de l'Édit de Nantes, en 1685, furent tout différents ; mais ce n'est pas ici le lieu de les rappeler. Entre temps la peste avait fait de nouvelles victimes, d'abord de 1640 à 1643, ensuite en 1649.
Métropole du protestantisme dans le Midi, Nîmes était devenue très florissante, après la paix d'Alais (Alès), en 1628. Elle avait une Académie créée en 1681, à l'instar de celle de Paris. L'intolérance religieuse de Louis XIV, qui continua d'ailleurs avec plus ou moins de rigueur jusqu'à l'aurore même de la Révolution sous les gouvernements de Louis XV et de Louis XVl n'arrêta pas son essor. Les troubles qui suivirent la chute de Napoléon
Ier furent vite réprimés et la ville depuis lors n'a pas cessé de tendre de plus en plus vers sa situation actuelle.

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