On érige les règlements de la République à Nîmes en 1572.
Par Léon Ménard, Histoire de la ville de Nîmes, 1760.
Dans chaque ville du parti on élira par suffrages, après serment, un chef qui sera appelé majeur et qui en aura le commandement, tant au fait de la guerre que de la police. Chaque majeur élira un conseil de vingt-quatre, et ceux-ci, avec lui, en éliront encore soixante-quinze, les uns et les autres pris indifféremment, tant de la ville même, que de villes et lieux des environs, pour former en tout un conseil de cent, où seront portés les appels, des causes criminelles seulement, auxquelles il écherra condamnation de mort, bannissement ou mutilation des membres.
Dans les affaires qui demanderont délibération, le majeur ne pourra rien ordonner, sans le conseil des vingt-quatre, ni ceux-ci dans les choses de plus grande importance, comme serait de faire de nouvelles lois, de révoquer les anciennes, de régler les monnaies et les levées de deniers, et de traiter d'une trêve ou d'une paix, sans le conseil des cent.
Le majeur et les vingt-quatre seront changés tous les ans, au commencement de janvier, et, le jour de leur élection, ils révoqueront les soixante-quinze et en éliront autant à leur place.
On laissera l'administration de la justice à ceux qui avaient accoutumé de l'exercer, pourvu qu'ils soient gens de bien, sinon le majeur et le conseil en éliront 'autres, pour juger absolument des causes de leur juridiction, avec un conseil de douze de la qualité requise, et les uns et les autres seront sujets à censures, réprimandes et châtiments, quand le cas y écherra.
Tous les chefs et conseils particuliers assemblés éliront un chef général, à l'imitation du dictateur de l'ancienne Rome, pour commander les troupes en temps de guerre et hors des villes. Ils éliront aussi cinq ou six lieutenants de ce général pour lui succéder, selon l'ordre dans lequel ils seront nommés.
Dans chaque ville, le chef et le conseil nommeront des receveurs et des contrôleurs pour le maniement des deniers publics, et, sur eux tous, un receveur et un contrôleur général qu'ils établiront en tel lieu qu'ils jugeront le plus convenable, pour avoir la surintendance des finances.
Il sera permis à chacun dans sa ville de déférer au majeur et à son conseil ceux qui machineront quelque chose contre la religion ou la défense commune du parti; on punira, sans acception de personnes, ceux qui seront trouvés coupables, et l'on châtiera de même les délateurs s'ils succombent dans leurs accusations.
La discipline ecclésiastique sera étroitement observée, tant par le chef général que par les autres moindres chefs et membres, telle qu'elle a été fixée et prescrite par les synodes tenus en France. Pour y mieux veiller, les magistrats dans les villes et le général avec son conseil dans les troupes tiendront la main aux consistoires.
Les capitaines auront soin d'exercer les soldats aux armes, soit pour le combat général soit pour l'escarmouche et à soutenir et donner un assaut. Le général en particulier s'étudiera à apprendre à toute l'armée l'art de se ranger en bataille de diverses manières, et de garder les rangs et se rallier, selon le lieu, le temps et la situation de l'ennemi.
Si l'on vient à avoir besoin de vivres, de munitions et de deniers, les catholiques seront priés d'en fournir; mais s'ils refusent de le faire, ils y seront contraints par honnêtes moyens, comme David se servit des pains de proposition.
Il y aura toujours à la suite de l'armée un ou plusieurs prévôts, accompagnés de quantité d'archers, pour punir promptement et avec rigueur les fautes que le soldat pourrait faire contre la loi de Dieu et la police et discipline militaire.
Les chefs de l'armée auront soin d'avoir toujours un grand nombre d'espions, pour les envoyer de toutes parts et découvrir les démarches de l'ennemi.
Tels furent en substance les règlements que l'assemblée de Nîmes dressa, pour être observés dans toutes les villes du parti religionnaire.
Elle voulait, en donnant ainsi les charges par élection, établir un gouvernement démocratique. Mais pour donner quelques couleurs à de si hardies entreprises, elle déclara en même temps que ce n'étaient là que des lois provisionnelles et qu'elle n'attendait qu'un prince suscité de Dieu, partisan et défenseur de sa cause, pour se soumettre à son autorité et adopter les lois qu'il lui plairait d'établir, que tous ceux du parti, néanmoins, étaient prêts à se ranger sous l'obéissance du roi, si Dieu voulait changer son cœur et le tourner vers eux. Ce fut par ces vaines protestations que se terminèrent les règlements que je viens de rapporter.
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