Annonay - Pont de la Deôme.

Extrait de l'Album du Vivarais, Albert Dubois, 1842.

 

.

En arrivant à Annonay par cette route, on voit sur sa droite, au bas d'une gorge riante, la magnifique papeterie de M. de Canson (1), qui a porté à un si haut degré de perfectionnement cette branche d'industrie commerciale. Cet établissement peut servir de modèle dans son genre.

 

Le château d'Annonay remonte, suivant M. Poncer (2), au douzième siècle, et, suivant d'autres auteurs, à une antiquité encore plus reculée. Au-dessous, près de la Place vieille (3) il existait un banc appelé banc des Chevaliers. Là, le seigneur ou son bailli tenait audience : on y proclamait les ordonnances, on y faisait les encans publics, on y passait quelquefois des actes notariés.

 

Quelques savants d'Annonay ont prétendu faire remonter l'origine de cette ville jusqu'à Jules-César. Suivant eux, ce conquérant des Gaules l'avait choisie pour lieu d'entrepôt de ses vivres. De là, le nom d'Annona, Annonay.

 

Mémoires historiques sur (3) « Dans l'étage inférieur de la maison st-Ange-Astier , » dit le même M. Poncer.

 

Cette induction, fondée seulement sur une étymologie, peut paraître un peu hasardée à quiconque s'est occupé de critique historique. On ne supplée pas au silence des écrivains contemporains avec des conjectures.

 

Tout porte à croire, au contraire, qu'Annonay est une ville d'origine féodale. Les anciennes chartes l'appellent Castrum Annoniaci. Ce château fut la résidence du viguier du haut Vivarais, puis du bénéficier, qui usurpa, à titre héréditaire, l'autorité révocable ou viagère que le souverain lui avait concédée. Des hommes d'armes se logèrent dans l'enceinte du fort, et des paysans abritèrent leurs chaumières contre ses remparts. Telle nous parait être l'histoire du berceau de cette ville.

 

1) Cette papeterie, qui était la même que celle de feu M. Montgolfier, père de Joseph et d'Étienne Montgolfier, inventeur des aérostats, a reçu, depuis ce temps, d'immenses accroissements

(1) Suivant M. Poncer, les maisons que les nobles habitaient dans l'enceinte du fort ont formé un faubourg qui s'appelait Bourg ville. (Voyez tome 1er de son histoire, pages 10 et 11.)

(3) Cet acte nous a été montré par M. Poncer; il est tiré des statuts dressés par l'archevêque Volfère, sous l'autorité de Charlemagne.

 

Annonay fut, dans les neuvième, dixième et onzième siècles, le chef-lieu d'une viguerie ou vicairerie, gouvernée par un lieutenant (vicarius) du comte de Vienne.

 

Quant à l'église de Notre-dame d'Annonay, son existence, comme nous l'avons vu par l'acte cité plus haut, remonte au temps de Charlemagne; elle avait été en partie reconstruite depuis. Elle était fort grande et d'un beau style; son chœur s'étendait en demi-cercle sur la place appelée aujourd'hui place de la Liberté; elle avait plus de vingt-cinq chapelles. Dans le temps des guerres de religion, elle fut démolie, pillée et dévastée à deux ou trois reprises; pendant longtemps l'office divin ne fut célébré que clans l'église de Trachi, la seule qui eût été épargnée. Au commencement du dix-huitième siècle, Pierre de Villars, archevêque de Vienne, vint séjourner à Annonay et fit relever l'église de Notre-dame, mais sur un plan moins grandiose que le plan primitif. L'architecture en est très ordinaire; on n'y remarque que deux coquilles fort belles rapportées des Indes en 1791, une chaire d'un très bon style, et un grand christ en bois, qui est un excellent morceau de sculpture.

 

Aux archives de la chambre des comptes de Grenoble on trouve, à la date de 1230, une déclaration du dauphin comte d'Albon, portant qu'il reçoit en fief, de l'archevêque de Lyon, les châteaux d'Annonay et d'Argental.

 

Notice sur Achille Gamon, Mémoires sur Annonay :

 

En 1552, le clocher de Notre-dame d'Annonay s'écroula, et celui de Trachi fut désormais destiné au service de cette église. Les protestants voulurent démolir le clocher de Trachi comme ils avaient détruit l'église de Notre-dame. Voici, à ce sujet, une anecdote qui nous paraît authentique :

 

Pendant plusieurs nuits de suite, Trachi avait rêvé que, s'il se rendait sur le pont de la Guillotière, à Lyon, il y trouverait moyen de faire sa fortune. Comme c'était un homme sage et pieux, il craignit que ce songe ne vint pas du ciel, et, avant de céder aux avertissements mystérieux qui s'étaient répétés pour lui à diverses reprises, il voulut sanctifier en quelque sorte, par une bonne oeuvre, la démarche qu'il était sur le point de faire. En conséquence, il fit vœu que, si son rêve se réalisait, il consacrerait une portion de ses biens à la construction d'une église et à la fondation d'un prieuré. Il partit donc pour Lyon, et alla sur le pont de la Guillotière. il s'y promena pendant deux jours fort inutilement; le troisième, il y retourna encore sans beaucoup d'espoir, et, après plusieurs heures d'attente, il était tout pensif, quand une vieille femme, qui l'avait déjà rencontré, lui demanda quel était le motif de sa tristesse et pourquoi il allait et venait sans cesse sur ce pont.

 

« Ah ! lui dit il , c'est que j'ai rêvé que, si je me rendais sur. ce pont, j'y ferais ma fortune ; mais voilà trois jours que je m'y promène, et la fortune ne vient pas. »

 

« Bah! Lui répond la vieille femme, il ne faut pas croire aux songes. j'ai bien aussi rêvé cette nuit que, si j'allais à Annonay, ma fortune serait faite , et que je trouverais un trésor sous un figuier dans la vigne d'un nommé Trachi. »

 

Aussitôt, sans répondre un seul mot, Trachi repart en toute diligence pour Annonay, fouille dans sa vigne à l'endroit indiqué, et y trouve un riche trésor. Le premier usage qu'il en fait est d'accomplir religieusement son vœu.

 

Au quatorzième siècle, les sires de Roussillon, qui avaient embrassé le parti de l'Angleterre, introduisirent des hommes d'armes dans Annonay. 'Vers le même temps, les routiers ou compagnies franches désolèrent le haut 'Vivarais; ils furent d'abord défaits et chassés par les habitants de la contrée; puis, en 1427, des aventuriers anglais firent des ravages dans le haut Vivarais jusqu'à Saint-Victor, près de Saint-Félicien. Peu de temps après, un Espagnol, Rodrigo de Villandras, nouveau chef de routiers, se cantonna dans Annonay, en fit sa place d'armes, et il sortait de là pour faire des excursions dans les provinces voisines. Enfin, en 1430, il s'engagea avec ses troupes au service du roi, sur la demande de Raoul de Gaucourt et d'Humbert de Grolée, maréchal du Dauphiné, et quitta pour toujours le haut Vivarais.

 

Peu de temps après, Étienne Renier, cordelier apostat, chercha aussi à y propager les idées de réforme, et fut brûlé publiquement; en 1555, le carme Pierre Richer fut envoyé par Calvin à Annonay, et, après y avoir prêché pendant quelque temps, il parvint à s'échapper. Sept ans après, cette ville adoptait publiquement le calvinisme.

 

Pendant les neuf années qui suivent, Annonay est pris, repris et saccagé cinq fois par le sire de Saint-Chamond, capitaine catholique, et par Saint-Romain, son frère, capitaine protestant. Il semblait que l'anéantissement d'Annonay fût poursuivi à outrance par ces deux féroces guerriers, comme un affreux pacte de famille. Le fanatisme des deux partis s'enrôlait tour à tour, pour s'assouvir, sous leurs bannières ennemies.

 

Enfin, les Annonéens protestants et catholiques, fatigués d'être les instruments de quelques ambitieux étrangers à leur ville, jurèrent de vivre en paix les uns avec les autres, et de se garantir mutuellement la liberté de leur culte. Ils trouvèrent un appui à cette sage résolution dans l'édit de pacification de 1570. Le maréchal de Montmorency, lieutenant général du roi en Languedoc, leur donna pour gouverneur Nicolas du Peloux, jeune officier plein de modération et de courage, et digne fils du magistrat catholique qui avait donné asile dans sa maison aux protestants échappés aux fers des séïdes de Saint-Chamond.

 

Le sage gouverneur d'Annonay parvient néanmoins à comprimer toute rébellion pendant quelques mois.

 

Peu de temps après, Saint romain s'approcha d'Annonay avec une petite aimée; cette fois, des protestants lièrent des intelligences avec lui, et livrèrent à ses troupes les portes de la ville. La consternation fut générale, mais, contre toute attente, il n'y eut ni pillage, ni effusion de sang.

 

La ligue ralluma la guerre en 1580; mais il parait que M. du Peloux, qui n'épargna ni sa bourse ni sa vie pour garder la ville qui s'était elle-même confiée à lui, parvint à la préserver de tout trouble et de tout pillage. Il était d'ailleurs favorisé dans ses efforts par la lassitude des partis et par le crédit qu'avaient recouvré les bons citoyens, dont les conseils pacifiques avaient enfin prévalu. Au surplus, à cette époque désastreuse, les bras manquaient pour ainsi dire à la guerre. Aux discordes civiles s'étaient joints les fléaux de la famine et de la peste, qui en sont souvent les tristes conséquences. Deux maladies contagieuses, qui s'annoncèrent avec un caractère effrayant d'intensité, sévirent sur la France entière: c'étaient la coqueluche et la peste.

 

La première ne dura que six mois, mais la seconde se prolongea pendant cinq ou six années, portant ses ravages tantôt dans une province tantôt dans une autre. Dans le haut Vivarais, elle fut précédée par une famine affreuse, qui désola cette contrée en 1585. Des bourgeois d'Annonay, qui jusque là avaient vécu dans l'aisance, furent réduits à la dure extrémité de demander l'aumône. Dans les campagnes, les paysans se nourrissaient de glands, de racines et d'herbes sauvages; quelques-uns allèrent jusqu'à manger de l'écorce de pin, et des coquilles de noix et d'amandes réduites en farine.

 

Ces mauvais aliments engendrèrent des fièvres chaudes; puis, la peste éclata avec fureur à Annonay dans l'été de 1586. La ville se remplit de voleurs qui pillaient les maisons des absents. M. du Peloux et quelques autres généreux citoyens qui avaient eu le courage de rester dans leurs demeures, réprimèrent ces désordres autant qu'il le purent. Le commerce cessa entièrement, l'herbe croissait dans les rues et sur les places publiques. Les châteaux voisins étaient abandonnés par les garnisons à qui on en avait confié la garde; les frères mêmes se fuyaient; les parents redoutaient le contact de leurs propres enfants: la terreur semblait dissoudre les liens les plus sacrés de la nature.

 

Dès la fin de l'année 1586, la peste cessa dans le haut Vivarais, et Annonay se repeupla en très peu de temps.

 

Quand l'édit de Nantes fut révoqué, que le temple d'Annonay fut démoli, et que les ministres qui y exerçaient leur culte furent exilés, un grand nombre de protestants de cette ville, réduits au désespoir, ne se soulevèrent pas contre la main qui les frappaient, mais ils allèrent en pleurant retrouver, sous un ciel étranger, la liberté de conscience dont ils étaient privés sur leur terre natale. Alors les catholiques Annonéens se montrèrent dignes de ce qu'avaient été leurs pères dans les derniers temps des guerres de religion: ils ne virent que des frères dans leurs concitoyens persécutés. Les archives de leur commune font foi de l'officieuse intervention des magistrats consulaires en faveur de ces malheureux.

 

Peu à peu, cette grande plaie se cicatrisa; la tolérance de fait qui signala la fin du règne de Louis XV et tout celui de Louis XVI, laissa respirer les protestants, et permit à l'industrie, dont ils étaient les principaux soutiens, de se relever avec éclat. Le commerce de la mégisserie et celui de la tannerie y devinrent florissants. On introduisit des fabrications nouvelles, la chamoiserie, la teinturerie et la papeterie. Cette dernière branche d'industrie a pris naissance à Annonay au commencement du dix-huitième siècle. On sait l'extension qu'elle a reçue depuis. Ne semble t'il pas que cette ville, qui, dès son berceau, était connue par ses fabriques de parchemin, ait été appelée à fournir de tout temps à la France la matière qui sert à fixer les produits de la pensée et les créations du génie ?

 

Dans les années suivantes, Joseph Montgolfier, qui avait établi une fabrique de papiers à Voiron en Dauphiné, revint de temps en temps à Annonay, entretenir ses frères du projet d'invention dont il était occupé. Les plus âgés le raillaient de ce qu'ils appelaient sa manie; il ne put faire adopter ses idées que par Etienne, le plus jeune d'entre eux.

 

Et alors, il se fait donner un morceau de taffetas, construit un petit ballon dans sa chambre même, et le voit s'élever jusqu'au haut du plafond. Puis il écrit sur-le-champ à son frère Etienne, qui était à Annonay :

 

« Prépare promptement des provisions de taffetas et des cordages, et tu verras les choses les plus étonnantes du monde. »

 

Après beaucoup d'efforts pour perfectionner ces premières ébauches, les frères Montgolfier finirent par faire en plein air des essais heureux; puis, quand ils se furent ainsi assurés du succès, le 5 juin 1785, ils firent une expérience publique dans la première cour du couvent des Cordeliers, en présence des états du Vivarais, alors réunis à Annonay. Cette expérience réussit complètement.

 

Le globe qu'ils avaient construit, dit Grimm (1) dans sa Correspondance, avait 55 pieds de diamètre; il était de toile enduite de papier collé. On sait aujourd'hui qu'ils s'étaient procuré le gaz dont ils l'avaient rempli, par un procédé fort simple et peu dispendieux: en faisant brûler de la paille humide et différentes substances animales, telles que de la laine et d'autres matières de graisse plus ou moins inflammables.

 

(1) « Ils construisirent une espèce de parasol de sept pieds quatre pouces de diamètre et d'une forme demi sphérique. Douze cordons, attachés à différentes parties correspondantes de la circonférence, soutenaient, par le bout opposé, un panier d'osier dans lequel était un mouton; au-dessous étaient placées quatre vessies de cochon remplies d'air. On fit tomber cet appareil du haut des tours d'Avignon, c'est à dire d'environ cent pieds, après avoir mis le tout en peloton et l'avoir jeté aussi loin que possible pour l'écarter des murs. La chute fut très rapide dans la première moitié de J'espace, mais ensuite le parachute s'étant ouvert, le mouvement devint très lent. Dès que l'appareil fut sur la surface de la terre, le mouton en sortit avec liberté et s'enfuit rapidement. » (Mémoires historiques sur Annonay, par M. Poncer jeune, tom. 1er, page. 281.

 

C'est à la faveur de cette fumée que le globe, livré à lui-même, s'est élevé à perte de vue, à une hauteur estimée, par les uns, cinq cents toises, et par les autres, mille. Il est redescendu dix minutes après, sans doute par la déperdition du gaz qu'il renfermait. Suivant le calcul de MM. Montgolfier, le globe occupait l'espace d'un volume d'air du poids de deux mille cent cinquante-six livres; mais, comme le gaz ne pesait que mille soixante-dix-huit, et le globe cinq cents livres, il y avait un excès de cinq cent soixante-dix-huit livres pour la force avec laquelle le globe tendait à s'élever.

 

A la tête des souscripteurs de cette médaille, dont la première idée était due à MM. Faujas de Saint-Fond, se trouvaient la reine Marie-Antoinette, Monsieur, Madame, M. le comte et Mme la comtesse d'Artois.

 

On s'est servi du ballon pour peser l'air à diverses hauteurs, et pour faire un grand nombre d'expériences de physique; mais on n'est pas parvenu, comme on l'espérait dans le dix-huitième siècle, à diriger sa marche, et notre budget ne risque pas encore d'être grevé d'une augmentation par la création d'une marine aérienne. Les Anglais n'ont pas, que nous sachions, employé ce moyen commode et économique pour aller en Chine. Mais d'autres découvertes sont venues consoler le dix-neuvième siècle de n'avoir pas pu perfectionner celle des aérostats.

 

Il nous reste peu de chose à dire sur l'histoire d'Annonay. Quand on s'approche des temps contemporains, il semble qu'on sente un sol brûlant sous ses pieds. D'ailleurs, à dater de 1788, les annales particulières se ressemblent, et bientôt après vont se perdre dans l'histoire générale. Ainsi, les trois ordres du Vivarais, réunis à Annonay le 27 octobre 1788 (1), demandèrent la tenue prochaine des états généraux, qui détruisit bientôt après et cette province et sa représentation locale. N'est ce pas là l'histoire de toutes les provinces de France ?

 

(1) Voir le procès-verbal de cette délibération dans l'histoire de M. Poncer jeune.

 

On nous permettra. de tirer un voile sur les scènes révolutionnaires dont Annonay fut le théâtre. Nous n'écrivons pas pour ranimer des haines et des vengeances; du reste, nous pouvons, avec la France entière, rendre hommage à l'héroïque fermeté avec laquelle Boissy D'Anglas, député de cette ville à la Convention, présida la fameuse séance du le" prairial an III. Tout le monde sait les détails de cette séance, et à ceux qui ne les connaîtraient pas nous dirions :

 

« Allez voir à l'hôtel de ville d'Annonay le beau tableau de M. Vinchon (1). »

 

(1) André de Sauzéa, disciple et ami de St-François-de-Sales , était le fils d'un juge d'Annonay. Il fut directeur der hôpital de Bethléem à Clamecy, dans le Nivernais, avec le titre d'évêque in partibus, puis il devint principal du collège d'Autun, à Paris, et mourut en 1643.

 

Les ouvrages les plus anciens et les plus précieux de cet établissement proviennent des dépouilles des couvents des Cordeliers et des Récollets, et d'un legs fait, en 1765, à la ville d'Annonay par M. le marquis de Faï-Gerlande. Cette bibliothèque se compose déjà de plus de 10,000 volumes.

 

Le damier paraît être l'emblème de l'égalité, et la devise latine S'explique par le civisme éminent mais exclusif des Annonéens; elle pourrait se traduire ainsi: « Tout et M. Vinchon a échappé à cet inconvénient. pour nous et entre nous, citoyens de la même ville, mais rien aux autres. » Aussi, ce qu'on appelle dans notre siècle l'esprit humanitaire ne semble pas y avoir pénétré.

 

Il y avait autrefois beaucoup de monastères et de communautés religieuses à Annonay; il y a encore quelques établissements de ce genre. Les dames du Sacré-cœur y ont un couvent, où elles s'occupent avec succès de l'éducation des jeunes personnes. Il y a, depuis 1810, des frères de la doctrine chrétienne, qui ont de quatre à cinq cents élèves par an.

 

Annonay possède un tribunal de commerce, une chambre consultative des arts et manufactures, et une société de statistique.

 

Annonay renferme une multitude d'établissements industriels, tels que des fabriques de draps, des filatures de soie et de coton, de nombreux moulins à blé, des brasseries, des tanneries, des mégisseries, des papeteries, etc.

 

Il y a à Annonay une fabrique de coton, qui produit, par an, 50 mille kilogrammes de coton cardé et filé, six filatures de la plus belle soie blanche connue, et neuf moulinages de soie, un tissage mécanique de soie, quarante métiers, une fabrique de gélatine, de bougies, un bel établissement de moulins à farine, système anglais, etc.

 

Les Annonéens sont probes, laborieux, intelligents, de mœurs douces et hospitalières. Leur sagesse, leur modération, leur bienveillance patriotique les uns pour les autres, contribuèrent beaucoup, au temps des guerres civiles, à amortir chez eux ces haines fanatiques, nées des dissensions religieuses, et si vivaces encore aujourd'hui dans certaines villes du midi de la France. « Comme Annonay, dit M. Chomel dans ses Annales, se trouve à l'extrémité de la province du Vivarais, ses habitants ont plus de conformité de mœurs et de manières avec ceux du Lyonnais et du Forez, qu'avec ceux d'au delà du Doux et des Bouttières, qui, par le passé, ne craignaient pas la justice dans leurs plus hautes montagnes, et osaient même se la faire des autres lorsqu'ils se croyaient offensés. »

 

Sur la rive droite de la Canse, à trois quarts de lieue d'Annonay, dans un endroit où ce torrent est profondément encaissé, on voit s'élever, au-dessus de la surface de ses eaux, un rocher d'une configuration bizarre, dont la partie inférieure semble représenter les traits d'un homme ou plutôt le masque d'un colosse: on dirait un de ces débris du temple des géants qui jonchent le sol de la vieille Agrigente.

 

Nous allâmes visiter cette curiosité naturelle avec un littérateur d'Annonay et avec le guide dont nous avons déjà parlé, Vaîileliii-de-Pied-de-Boeuf. Chemin faisant, nous devisions avec le littérateur de l'étymologie de ce nom Péréandre, qui nous paraissait avoir une physionomie toute hellénique. Selon le savant Annonéen, le pays des Volces arécomices et des Helviens avait été donné aux Massiliens ou Marseillais, par Pompée. Marseille était une colonie phocéenne; rien d'étonnant que quelques noms grecs se fussent conservés dans le pays. Mais le mot Péréandre signifierait-il, comme on l'a prétendu dans une volumineuse dissertation, pierre de l'homme, petra andros.Il n'y aurait pas d'apparence qu'on eût accolé ainsi une racine latine à une racine grecque. Sans doute Péréandre vient de au-dessus de l'homme, ce qui exprime, en effet, la reproduction plus grande que nature du type humain.

 

Mantelin-de-Pied-de-Boeuf nous fit, en effet, un récit très prolixe de la singulière aventure de cet André, intrépide pêcheur, qui, après avoir plongé dans le profond bassin creusé par les eaux de la Canse aux pieds de la roche Péréandre, se trouva tout à coup dans une caverne obscure (1) dont il ne savait plus comment sortir. Suivant la tradition rapportée par notre guide, le pauvre André serait resté là plusieurs jours en faisant de vains efforts pour trouver une issue; puis, un soir que le soleil couchant projetait ses rayons dans le fond du bassin, le malheureux, réunissant tout ce qui lui restait de forces, se serait élancé dans les eaux, du côté d'où paraissait venir la lumière, et il en serait ressorti près du rivage de la Canse. Là, après s'être traîné sur le gazon, épuisé, n'en pouvant plus, il s'y serait évanoui; ensuite, vers le matin, il aurait repris la route d'Annonay, où demeuraient ses parents.

 

(1) Cette caverne aurait, sous la surface des eaux, une communication avec le bassin en question, En passant près de l'église de Trachi, disait notre cicérone, André entend chanter un service funèbre; il entre, voit un cercueil tendu de noir, son père qui pleure au pied de l'autel, et comprend alors qu'on prie pour le repos de son âme. Caché derrière un pilier, il assiste à la lugubre cérémonie; puis, quand ses parents en deuil reviennent au logis, le prétendu défunt les suit de loin et se montre à eux au moment de leur réunion autour de la table du festin. C'était la coutume d'alors, remarquait notre guide, de faire des repas de famille après les enterrements. André, livide, desséché, couvert de fange, est d'abord méconnu, repoussé; mais sa mère accourt au bruit de sa voix, elle saute à son cou, et s'écrie que son cher fils, qu'on avait cru mort, est enfin retrouvé. André est alors recherché de tous, fêté par tous: on écoute avec intérêt son étrange histoire. Depuis le jour de sa disparition, il n'avait pu tromper sa faim, dans la caverne de la roche, qu'avec de la mousse, de la terre et de l'eau bourbeuse. On se hâte aussitôt de le faire manger et boire; mais cet empressement lui devient funeste : son estomac irrité repousse les aliments dont on le charge sans discrétion et sans choix, et cet homme, qui avait échappé à tant de dangers, meurt des suites d'une avidité qu'il n'a pas su contenir dans de justes bornes.

Ce n'est qu'à ce prix qu'il peut faire bien connaître les contrées qu'il parcourt. Le botaniste ne compléterait pas la flore de nos montagnes, si, après avoir cueilli le lys des Alpes sur sa tige altière, il dédaignait l'humble alchimille qui rampe tout auprès sur le gazon.

.

> Contact Webmaster