Route de Viviers au Bourg-Saint-Andéol.
Saint-Montant.
Bourg-Saint-Andéol.
En s'éloignant de Viviers, on
aperçoit sur la gauche, dans le flanc d'une colline rocailleuse, une grotte
qui s'appelle encore aujourd'hui (1) grotte de Saint-Victor. Il paraît que
ce saint martyr venait de célébrer dans cette grotte le sacrifice de la
messe, quand une troupe de païens vinrent le découvrir dans sa retraite et
le massacrèrent sans pitié.
Le rétro-aspect de Viviers, vu
de cette route, a quelque chose de saisissant; c'est un tableau pittoresque
encadré dans des rochers arides. Cette tour mauresque du clocher, cette
charpente gothique de la cathédrale, se groupent admirablement au-dessus
des maisons de la ville étagées en amphithéâtre.
A une lieue de Viviers, on
traverse la commune de Saint--Montant. Saint-Montant fut, au temps des
guerres de religion, une place forte qui eut l'honneur d'être assiégée, en
1570, par l'amiral de Coligny: il est vrai que l'illustre amiral s'en
rendit maître assez facilement.
Les environs du
Bourg-Saint-Andéol sont d'une fertilité magnifique. La ville a deux parties
distinctes : l'ancienne, qui est dans le haut et dont les rues sont mal
percées, quoiqu'il y ait des maisons bien bâties; et la nouvelle, qui se
compose d'un joli quai aboutissant à un pont en fils de fer d'une
architecture élégante.
S’il tant en croire de
vieilles chroniques remises en lumière parles doctes travaux de l'abbé
Barracan, ce lieu aurait été le Préneste ou le Tibur de l'ancienne
Helvétie. Les sénateurs gallo-romains avaient couvert de leurs villas cette
colline riante, assise voluptueusement sur les bords de la Tourne, aux
rayons d'un brillant soleil.
(1) Voir ci-dessus, page 197.
Pour choisir leur séjour dans
des lieux à la fois agréables et salubres, les Lucullus de la Gaule avaient
un merveilleux instinct et un goût éclairé. Les Eucherius, les Justus, les
Aulus, les Mannus et plusieurs autres riches colons du Vivarium, avaient
décoré ce site de leurs magnifiques demeures. Mannus y importa le culte de
ces divinités orientales au moyen desquelles on cherchait à infuser un sang
nouveau au paganisme décrépit, et il grava sur les rochers de la fontaine
de Tourne l'idole et les attributs mystérieux de la déesse Mithra.
Saint-Andéol, qui était venu
prêcher en Vivarais aux environs de cette colline, souffrit le martyre à
Gentibus, qui en était comme le faubourg: R Gentibus, dit M. Barracan,
était situé sur la rive gauche de la branche orientale du Rhône, vis-à-vis
la colline appelée Insula Martis. » S'il faut en croire l'antique légende,
le corps de l'apôtre fut ensuite poussé par le courant sur le rivage de la
colonie du Bourg ou de Berg-Oïati (1), là, il fut recueilli par une vierge
de l'une des premières familles du Vivarais, Anycia ou Amycia Eucheria
Tullia, fille du sénateur Eucherius Valerianits (2), dont l'aïeul est si
honorablement mentionné dans les Commentaires de César. C'est ainsi que les
Pudentienne et les Praxède, après avoir reçu, à Rome, le "rand apôtre
des nations, dérobaient pieusement ses reliques quand il était mis à mort
comme un vil criminel.
Dans les classes élevées de la
société, les premières semences de la foi chrétienne ont germé d'abord chez
les femmes; leur cœur est Sainte Amycie fit creuser dans le roc un
oratoire, où elle déposa les restes de saint Andéol. Lors de l'invasion des
Vandales, une autre vierge, Tullie, les transporta sur les bords de la
Durance; dans ce lieu, un village a été construit, qui porte encore le nom
de Sainte-Tullie.
Au huitième siècle, les Maures
ravageaient les bords du Rhône, et le Vivarais était sur le point de perdre
la foi; alors l'évêque saint Béravin 1er fut averti, par une vision, du
lieu où étaient les reliques de saint Andéol, et les rapporta lui-mème à
Berg-Oïati, dans le tombeau que sainte Amycie lui avait fait creuser.
Depuis cette époque, Berg-Oïati devint le but d'un célèbre pèlerinage, et,
au lieu de Berg, qui signifie forêt, fut appelé Burg ou ville; puis on le
nomma par la suite Burgus Sancti Andeoli.
Au onzième siècle, le saint
cardinal Lager, évêque de Viviers, fit construire, en l'honneur de saint
Andéol, la vaste et belle église qui y existe encore.
L'erreur populaire a longtemps
donné le nom de tombeau de saint Andéol à un sarcophage antique, en marbre
blanc, qui est placé près de la porte de cette église.
(1) Oïati. Le bourg s'appelait
Berg-Oïati-Vivarais.
(2) Ce même Eucherius fut
depuis évêque de Lyon, et il est inscrit dans nos calendriers sous le nom
de saint Eucher. Il ne faut pas confondre Amycia Tullia avec sa mère Amycia
Meropoea Galla, qui était elle-même sœur de saint Paulin de Nôle. Toutes
les deux sont honorées comme des saintes dans plusieurs diocèses, notamment
dans celui de Lyon. Leur fête est le 4 mai.
Ce sarcophage, qui est d'un
bon style de sculpture, paraît remonter au temps du paganisme romain.
Les évêques de Viviers étaient
seigneurs du Bourg-Saint-Andéol, et la plupart d'entre eux faisaient dans
cette ville leur résidence habituelle; il y avait aussi plusieurs
monastères.
Pendant les guerres du
seizième siècle, le caractère tout ecclésiastique de cette ville sembla la
désigner aux fureurs des religionnaires.
En 1562, elle fut prise et
pillée par le baron des Adrets; mais, à peine ce fougueux chef de partisans
avait-il quitté le Bourg-Saint-Andéol, que Saint-Remèze, son lieutenant, y
fut surpris et tué par les catholiques. Le sire de Beaudiné, chef protestant
du Vivarais, s'empara de nouveau de la ville épiscopale, mais il ne put pas
s'y maintenir longtemps.
En 1570, l'évêque de Viviers
avait confié la défense du Bourg au sieur de Blou, seigneur de
Saint-Andéol-de-Berg. M. de Blou n'avait qu'une très petite garnison,
cependant, l'amiral de Coligny défila avec son armée, du Pont-Saint-Esprit
à Saint-Montant, sans s'amuser à faire le siège de cette bicoque, son
arrière-garde était encore au-dessous du bourg, son artillerie et ses
bagages arrivaient lentement derrière lui, pendant qu'il était à la tête de
ses colonnes, quand tout à coup le sieur de Blou fond, avec quelques
soldats d'élite, sur l'escorte du convoi, la met en déroute, s'empare des
chariots sur lesquels sont la poudre et les boulets, et les fait conduire
dans la place, puis, non content de ce premier succès, il vient chercher
les canons, il les saisit également, et les emmène au Bourg-Saint-Andéol.
Mais le comte de Montgomery et son frère, à la tête de deux ou trois
bataillons, se mettent à la poursuite du capitaine catholique, et
l'atteignent près des remparts du Bourg-Saint-Andéol.
Là, un sanglant combat
s'engage: le courageux de Blou se fait tuer en défendant sa prise, les deux
Montgomery sont blessés, mais ils parviennent à ressaisir les pièces de
canons et à les ramener à Coligny.
Pendant les guerres de
religion, les catholiques se maintinrent mieux au Bourg que dans la ville
même de Viviers (1). Le Bourg-Saint-Andéol a toujours eu un caractère
religieux fortement prononcé; il conserve encore aujourd'hui quelque chose
de sa vieille empreinte. On y compte plusieurs couvents; il y en a un,
entre autres, qui est de fondation nouvelle (2).
(1) Le maréchal d'Amville,
grâce à sa haute position, conserva, après sa destitution du gouvernement
du Languedoc, quelques places fortes qu'il fit garder par des officiers
dévoués à sa personne. Le Bourg-Saint-Andéol fut de ce nombre; mais il fut
repris, en 1577, par le sieur de Luynes, capitaine catholique. (Voir
Perussis, p. 197 et suiv.)
(2) Celui de la Présentation.
Mlle Rivier, morte il y a peu d'années en odeur de sainteté, en a été la
fondatrice.
Au Bourg-Saint-Andéol, le
fonds de la société est composé d'anciennes familles, de riches
propriétaires qui portent dans le monde des manières distinguées et un
esprit qui n'est pas sans culture. Il ne faut pas croire que cette
existence de loisirs, cette vie tranquille et un peu morne de nos petites
villes de province engendre toujours une sorte de somnolence
intellectuelle; on avait fait, sous ce rapport, au Bourg-Saint-Andéol une
réputation qu'il ne méritait pas (1), ou tout au moins qu'il ne mérite
plus.
L'industrie a fait d'ailleurs
quelques progrès dans cette ville, depuis quinze ans, il y a maintenant des
filatures de soie, et une marbrerie qui a une grande réputation, non
seulement dans le département de l'Ardèche, mais encore dans les
départements voisins.
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