Privas
I
Temps anciens.
En quittant
Chomérac, on passe par les gorges arides d'Alissas, et on arrive sur un plateau
élevé d'où l'on commence à découvrir la ville de Privas, on en est séparé par
une gorge profonde où coule l'Ouvèze, qui forme des chutes d'eau assez
remarquables. En voyant cette ligne de grandes et belles maisons qui couvrent
l'esplanade, ce portique grec du palais de justice, qui se perd à moitié dans
l'ombre, sur la droite, ces villas et ces fabriques élégantes qui garnissent la
colline inférieure, on dirait l'abord de quelque ville importante et
monumentale; malheureusement l'attente du voyageur est déçue quand il approche.
Privas est comme certaines boutiques de Paris où tout ce qu'il y a de mieux
est sur la devanture, à l'étalage, l'intérieur ne répond pas à l'extérieur.
On est un
peu étonné, après avoir traversé, en deux ou trois minutes, la ligne peu
profonde des maisons de Privas, de trouver, de l'autre côté, une autre gorge
plus escarpée encore que celle de l'Ouvèze. Une espèce de village moyen âge,
avec quelques ruines de vieille forteresse, est plaqué sur la pente opposée:
c'est Tournon les Privas.
Une colline
en forme de pain de sucre, surmontée de trois croix, domine la ville, c'est là
qu'était le fort de Tournon. On a peine à distinguer des vestiges de ce fort,
qui se défendit plusieurs jours contre l'armée de Louis XIII.
Plus près
de l'esplanade, sur l'emplacement qu'occupe aujourd'hui un temple protestant et
le collège, était l'ancien château de Privas, il ne reste plus rien aujourd'hui
de ce château, si célèbre dans les fastes des guerres de religion du Vivarais.
On
aperçoit, au loin dans la plaine, le vieux castel d'Entrevaux avec ses tours
massives, c'est là que logea Louis XIII quand il vint assiéger Privas.
Privas n'a
pas, que nous sachions, la prétention de remonter aux Romains, mais son origine
se perd dans la nuit du moyen âge.
En 1110, le pape Pascal Il y passa
en se rendant en Italie.
Un vieil
acte (1), qui est à la date de 1444, contient l'hommage du tenancier du moulin
du seigneur à son suzerain Agénor de Poitiers, seigneur de Privas, ainsi cette
ville faisait partie des domaines de la puissante famille de Poitiers. On
regardait Privas comme la capitale de la contrée montagneuse et sauvage des
Bouttières. Au seizième siècle, c'était une place importante par la force de
ses remparts et par l'intrépidité de ses habitants, elle fut une des premières,
en France, qui embrassa la réforme: dès 1560, elle se déclara pour le parti du
prince de Condé.
(1) Fait qui m'a été communiqué par l'honorable M.
de Lagarde, avocat, ancien magistrat et avocat au tribunal de Privas.
En 1574,
François de Montpensier, dauphin d'Auvergne, commandant les armées du roi,
après avoir détruit et brûlé le Pouzin, vint mettre le siège devant Privas. Les
malheureux habitants du Pouzin, qui avaient échappé au sac de leur ville,
étaient venus doubler les forces de la place assiégée; Saint Romain, l'un des
plus braves capitaines du parti protestant, s'empressa de venir la secourir et
la ravitailler. Le prince dauphin, malgré la supériorité de ses forces, fut
obligé de battre en retraite après avoir été repoussé dans deux assauts.
Sous Henri
IV, et pendant la minorité de Louis XIII, Privas, illustrée par cette belle
défense, fut regardée comme l'une des places de sûreté les plus importantes de
l'Église protestante. Dans tout son territoire, on ne comptait guère de
catholiques, le marchand de la ville et le rude paysan des Bouttières. Le serf
attaché à la glèbe et le seigneur suzerain, le vilain et le gentilhomme, tous
professaient avec une égale ardeur le culte nouveau.