Privas

 

III

Suite de la guerre civile dans les Bouttières.

Siège et prise de Privas.

 

 

La guerre civile des Bouttières ne finit pas avec le drame dont Paule de Chambaud était l'héroïne.

 

Les habitants de Privas, assujettis par le mariage de la dame de Chambaud au joug d'un seigneur catholique, en frémissaient d'indignation et de rage. Ils songèrent à s'affranchir de cette domination par la force; en conséquence, une conjuration s'organisa parmi eux: ils firent venir secrètement d'Orange des munitions de guerre, puis ils creusèrent une mine sous la grosse tour du château, où le roi avait fait mettre garnison, la firent sauter en l'air, forcèrent le capitaine Saint Palais à capituler, et rasèrent jusqu'en ses fondements le château féodal qui menaçait leur indépendance.

 

A cette nouvelle, un soulèvement général éclate en Vivarais. M. de Brison, l'amant dédaigné de Paule de Chambaud, descend du haut des Bouttières avec deux ou trois mille montagnards, les communes catholiques sont mises à feu et à sang, le vicomte et la vicomtesse de Lestrange sont bloqués dans leur château, M. de Montmorency vient les secourir, mais les troubles de Montauban le rappellent en Languedoc, et la guerre civile se continue avec des chances diverses entre les deux partis.

 

A cette époque, les protestants de France, inquiets des dispositions de la cour à leur égard, avaient résolu de réunir tous leurs efforts, afin de rendre leur indépendance complète, ou d'obtenir de nouvelles garanties du maintien de l'édit de Nantes. Ils tendaient à créer dans l'état un état séparé, ayant ses divisions administratives, ses chefs religieux, civils et militaires, cet état protestant était divisé en huit cercles, ces huit cercles en seize provinces, et chacune de ces provinces en colloques.

 

Afin de donner de la consistance à cette organisation hardie, ils résolurent de choisir pour généralissime un seigneur puissant et habile qui fût en position de leur procurer les secours de la Hollande et de l'Angleterre, ils jetèrent les yeux, à cet effet, sur le due de Bouillon.

 

On ne rencontrait pas alors, dans la haute noblesse, ce fanatisme religieux, cet enthousiasme ambitieux et guerrier, qui avaient signalé les déplorables règnes de Charles IX, de Henri III, et le commencement de celui de Henri IV. Malgré un repos de quelques années, il y avait encore de la lassitude et de l'épuisement chez ces puissantes familles, qui avaient tant travaillé à remuer le sol pour propager les idées des religionnaires, et peut être pour constituer à leur profit une féodalité nouvelle. Aussi, le tiers état protestant, qui était alors ce qu'il y avait dans ce parti de plus énergique et de plus vital, ne rencontra que de la répulsion ou tout au moins de l'indifférence chez la plupart de ces grands seigneurs qui marchaient autrefois à sa tête.

 

Le due de Bouillon ne voulut pas compromettre l'antique puissance de sa maison dans une entreprise qui lui paraissait hasardeuse et téméraire; il refusa le commandement qui lui était offert.

 

A défaut du duc de Bouillon, les colloques protestants songèrent à élire pour généralissime un homme qui devait à leur secte son élévation et sa haute fortune; qui s'était fait un marchepied du parti religionnaire pour arriver au faîte des honneurs et à une autorité presque souveraine dans son gouvernement de Dauphiné.Cet homme était le maréchal Lesdiguières.

 

Mais la position sociale qui est notre ouvrage nous est souvent plus précieuse encore que celle transmise par nos aïeux. On tient peut être plus encore à la conserver pour soi et pour ses enfants: On ne veut pas risquer de perdre en un jour le fruit des travaux, des agitations, des périls de toute une vie. D'ailleurs, les biens chèrement achetés dans la jeunesse et la maturité de l'âge, on désire en jouir en paix dans la vieillesse. Presque tous les maréchaux et généraux de l'empire se battirent mollement pour Napoléon aux environs de Paris et à Waterloo (1), plusieurs d'entre eux travaillèrent même à assurer leurs fortunes personnelles en sacrifiant les intérêts de leur ancien chef quand ils prévirent sa chute. Lesdiguières traita de même la prétendue réforme, qui avait été sa nourricière et sa patronne ; il repoussa le titre de généralissime des protestants de France: sa cupidité sut même résister à l'offre énorme de cent mille écus par mois, qu'on lui proposait pour appointements, ou, comme on dirait aujourd'hui, pour liste civile.

 

(1) un historien moderne a remarqué que deux généraux seulement se firent tuer à Waterloo.

 

Ce poste brillant et dangereux ne fut donc donné à personne. Mais bientôt il fut habilement saisi par un chef secondaire, par le général élu pour commander seulement les troupes protestantes de la province du haut Languedoc.

 

Ce chef appartenait à la branche cadette d'une maison souveraine de Bretagne, qui se regardait comme injustement déshéritée de ses états par les rois de France. Illustre par sa race et puissant par sa fortune, il croyait être pourtant un prince déchu, et aspirait à recouvrer la splendeur de ses ancêtres. Nos positions, autant que nos caractères, servent à expliquer nos actions politiques.

 

Ce chef militaire était Henri, due de Rohan, prince de Léon, descendant des anciens duc de Bretagne. Par son génie pour la diplomatie, par son courage et par son talent pour la guerre, il donna une importance toute nouvelle à la révolte des protestants du Midi. Le soulèvement de Privas fut pour lui comme l'étincelle avec laquelle on met le feu à une longue traînée de poudre. Au commencement de l'année 1622, presque tous les réformés de l'ouest et du, midi de la France prirent les armes pour demander la franchise de leur culte.

 

Le due de Rohan mécontenta le comte de Châtillon (1), qui avait été nommé commandant d'une partie du Languedoc au même titre que lui, et qu'il voulait dominer. Il parvint cependant à lui faire reconnaître sa suprématie, en se faisant conférer, au commencement de 1622, le titre de généralissime, par l'assemblée générale des religionnaires tenue à Montpellier.

 

Le due de Rohan vint plusieurs fois appuyer en personne les insurgés du Vivarais, quand la paix fut conclue, au mois d'octobre 1625, il y fit comprendre Privas.

 

Pour cette fois, les Privadois s'en tiraient à bon marché. Le fort de Toulon fut rasé, mais le château de Privas ne fut pas reconstruit. M. de Lestrange fut obligé, pour se faire rendre justice, d'actionner les consuls comme représentant la ville, et de se conformer à la lenteur des voies judiciaires.

 

Pendant les trois années qui suivirent, le Vivarais respira, pansa ses blessures, cicatrisa ses plaies; il n'y avait pas une seule famille noble (2) qui n'eût eu quelque perte à déplorer. Mais bientôt on vit peu à peu les vêtements de deuil faire place aux habits de fête; les gentilshommes de la contrée reprirent leurs vieilles habitudes de joyeuse vie, et on n'entendit bientôt plus parler que de banquets, de bals et de parties de chasse. L'ordre était rétabli et le brigandage partout réprimé par une justice sévère. Chacun, en jouissant de ce calme, ne se rappelait les troubles qui l'avaient précédé que pour les déplorer amèrement.

 

(1) Rohan et Châtillon sont les deux seuls grands seigneurs qui se soient mis, à cette époque, à la tête de la révolte protestante.

(2) Commentaires du Soldat du Vivarais.

 

Cette paix si douce ne devait pourtant pas être durable. Dans le cours de l'année 1625, une certaine fermentation sourde se fit remarquer en Vivarais les seigneurs des divers partis dérouillaient leurs armures et préparaient leurs munitions de guerre; on faisait même dans les montagnes des enrôlements secrets.

 

Ces mouvements étaient fomentés par le due de Rohan, qui travaillait encore à faire soulever tous les réformés du royaume; il comptait sur des secours étrangers. Dans ce vaste plan de confédération, la Rochelle devait être un autre Amsterdam, et il aurait créé, pour lui et pour sa famille, un stathoudérat héréditaire (1).

 

Au signal donné, tous les protestants du midi de la France prennent les armes, ceux du Vivarais ne sont pas des derniers à combattre pour la liberté de conscience, leur chef est toujours le courageux et cruel Brison.

 

Après des succès balancés, Rohan fait la paix avec Louis XIII, le monarque a consenti que le sujet discutât avec lui, et traitât presque d'égal à égal.

 

Cependant Brison, mécontent de cette paix, qu'il ne trouve pas encore assez avantageuse pour le Vivarais, et peut-être pour lui-même, continue de guerroyer quelque temps. Puis il fait avec Lesdiguières un accommodement particulier, où ses intérêts privés ne sont pas oubliés.

 

De semblables concessions devaient être et furent bientôt, en effet, suivies d'une insurrection nouvelle.

 

Très peu de temps après, Brison périt victime d'une imprudence, non sur-le-champ de bataille, mais dans le tumulte d'une fête (2), il laissa à son frère, M. de Chabreilles, l'héritage du commandant des réformés du Vivarais.

 

M. de Rohan parut se méfier de ce chef nouveau: ses soupçons étaient fondés. On sut plus tard que dès lors Chabreilles, le Marotto protestant de cette époque négociait sa défection avec le garde des sceaux Marillac, au prix de vingt mille écus. Pendant ce temps, Louis XIII revenait du Piémont, à la tête d'une armée victorieuse, bien décidé à comprimer et à châtier la rébellion des religionnaires du Midi.

 

Le due de Rohan, alors en Languedoc, s'alarme pour lui-même à cette nouvelle; son inquiétude augmente quand il entend dire que le Vivarais est en voie de pacification et de soumission. A ce moment, plusieurs habitants de Privas viennent lui demander un chef et des renforts ; il comprend de quelle importance il est pour lui que cette ville offre aux armes royales une sérieuse résistance. Il avait besoin de quelque temps encore pour organiser ses moyens de défense dans le Languedoc, les Pyrénées et sur les rives de l'Océan, l'Angleterre lui avait promis des secours, il voulait en attendre l'envoi. Il s'empresse donc d'obtempérer aux désirs des gens de Privas, si bien d'accord avec les siens propres, et il leur dépêche en toute hâte un capitaine dont il est sûr. Ce capitaine était Saint-André-Montbrun, gentilhomme de Dauphiné, et fils du célèbre Montbrun qui, à la tête de quelques huguenots, avait résisté successivement aux armées de trois rois, et avait expié sur l'échafaud sa dernière victoire remportée sur Henri III en personne. Le jeune Saint-André-Montbrun avait fait ses preuves personnelles au siège de Montauban ; quant à son ardeur et à sa fidélité, elles avaient pour garant la tète de son père.

 

(1) La haute ambition du duc de Rohan ne pouvait se plier à la subordination d'une position secondaire. Quand il se réfugia à Venise, en 1629, il négocia avec le sultan la concession de la souveraineté de l'île de Chypre. Son projet était, après avoir été reconnu souverain de ce royaume, d'y attirer tous les protestants français, qui auraient joui, sous son sceptre, du libre exercice de leur culte.

(2) Il fut tué d'un coup de mousquetade dans un baptême, involontairement et par imprudence. Quelques auteurs protestants ont attribué cette mort à la perfidie homicide d'un catholique. Cette assertion ne parait pas fondée.

 

Saint-André-Montbrun arrive à Privas, il trouve les habitants indécis, les consuls découragés: on le laisse d'abord entrer seul dans la ville, en refusant d'en ouvrir les portes aux hommes d'armes qui l'accompagnaient; Saint-André insiste et obtient que sa petite troupe soit introduite auprès de lui, dans l'intérieur des remparts. Alors, les partisans de la paix appellent Chabreilles, qui se hâte d'accourir ; Le conseil de la ville et celui de la province s'assemblent sous la présidence de ce seigneur: Ils mettent en délibération si on ne donnera pas suite aux négociations commencées sous Louis XIII. Saint-André se rend au sein de ces réunions; il montre ses lettres de créance signées par le due de Rohan; il déclare qu'il ne sortira pas de Privas sans l'ordre de son généralissime. Il ne cache pas que son intention est de combattre jusqu'à la dernière extrémité. La fermeté et la décision de caractère ont par elles-mêmes une autorité qui subjugue, le conseil de la ville approuve les courageuses résolutions de Saint-André; Chabreilles lui-même n'ose pas les combattre trop ouvertement; seulement, il demande à ne pas être renfermé dans la place, puisque Saint-André se charge de soutenir le siège, et il obtient du conseil le commandement de quinze cents hommes, avec lesquels il se charge de harceler les troupes royales dans les défilés des montagnes.

 

De cette manière il se préparait les voies à une plus facile défection.

 

Quant à Saint-André, il ne perd pas de temps; il fait reprendre les travaux des fortifications, dont on ne s'était pas encore occupé. Grâces à ses soins, Privas, le fort Saint-André qui dominait Tournon lès Privas, Coux et le fort de Toulon, sont promptement mis en état de défense. Louis XIII fait de vains efforts pour le gagner; il lui offre jusqu'à cent mille écus : l'intrépide huguenot repousse avec indignation ce marché honteux.

 

Privas, réuni par une ligne de remparts aux forts de Saint-André et de Toulon, offrait une vaste enceinte, coupée de gorges et de collines, que l'armée royale pouvait difficilement bloquer. Les assiégés repoussent avec avantage les premières attaques; parmi les assiégeants, on a à regretter la perte du fils du duc de Montmorency.

 

Tournon les Privas et le fort Saint-André sont emportés par les troupes du roi alors, l'accès de Privas devient facile. Bientôt on apprend que tout ce qui était en état de porter les armes s'est réfugié au fort de Toulon; on n'avait laissé dans la ville que des malades, des blessés et des vieillards. Les femmes et les enfants, dès le commencement du siège, s'étaient réfugiés dans les montagnes des Bouttières.

 

Les deux régiments de la division royale entrent d'abord dans la ville avec lenteur et méfiance; puis, quand ils se sont assurés qu'ils n'avaient nulle embuscade à craindre, ils passent au fil de l'épée les malheureux qui n'avaient pu fuir, et se jettent dans les maisons pour se livrer au pillage. La ville est ensuite livrée aux flammes, et Louis XIII écrit à ce sujet au due de Ventadour : Quelques défenses que j'aie pu faire, et quelques soins que j'aie pu apporter pour que la ville ne fût brûlée, ayant éteint le feu par diverses fois, elle a été enfin toute consumée, et Dieu a voulu qu'elle portât des marques perpétuelles de sa rébellion.

 

Le capitaine Chambaud, qui commandait le fort de Toulon, se sent saisi de terreur: il tâche de s'évader pendant la nuit pour gagner les bois avec mille des siens. M. de Lestrange, à la tête de son régiment, les refoule dans le fort, après leur avoir tué deux cents hommes.

 

Saint André Montbrun veut aussi entrer dans Toulon; mais les principaux habitants de Privas, qui y avaient cherché un asile, lui en font refuser la porte, comme au coupable auteur de leur révolte et de l'extrémité à laquelle ils sont réduits.

 

Pressé de tous côtés par les troupes du roi, injurieusement repoussé par les siens, Saint André sent faillir enfin son superbe courage. Il descend au pied du coteau, se rend aux premiers postes de l'armée royale, demande le capitaine Louville, et sollicite la faveur de se jeter aux pieds du roi pour implorer sa clémence. Le roi refuse de le voir et le fait mettre entre les mains du grand prévôt, puis on le force d'inviter par écrit le commandant du fort de Toulon à se rendre, on l'envoie lui-même en personne., Sous bonne escorte, jusqu'au pied du fort, et ce même Saint André, qui avait soufflé dans les cœurs de ces malheureux le feu du fanatisme et de l'insurrection, les engage maintenant à recourir, comme il l'a fait lui-même, à la miséricorde du roi.

 

Grâce à cette démarche, Saint André Montbrun obtient la vie sauve, on se contente de l'enchaîner et de le jeter dans les cachots de la tour de Crest.

 

Quant aux assiégés du fort de Toulon, ils se décident enfin à ouvrir leurs portes: les troupes du roi s'y précipitent en foule. Tout à coup, une barrique de poudre (1) prend feu et fait explosion. Plusieurs soldats et quelques rebelles sont tués ou mutilés; les vainqueurs crient à la trahison, et commencent à massacrer les assiégés, qui venaient de se rendre à discrétion. Leurs officiers veulent en vain arrêter le carnage: heureusement une autre influence se présente, et réclame en faveur de l'humanité avec plus de force et de puissance.

 

(1) Le cardinal de Richelieu, dans son compte rendu à la reine mère, dit «un huguenot de Privas, appelé Chamblanc, qui s'était toujours opposé à ce qu'on se rendit à discrétion, mit le feu aux poudres en s'écriant: « Il vaut mieux être brûlé que pendu.» Soulié, prêtre de Viviers, dit la même chose dans son Histoire du calvinisme. Mais le due de Rohan écrit dans ses mémoires: « Ceux de l'armée du roi qui étaient entrés dans le fort mirent le feu aux poudres, afin d'avoir un prétexte de faire main basse sur les assiégés, comme il leur avait été commandé. » Cette dernière version n'est guère probable: des vainqueurs ne compromettent pas leur propre vie pour avoir un prétexte de ne pas épargner des vaincus. La lettre de Louis XIII au duc de Ventadour présente les faits de la même manière que celle du cardinal Richelieu.

 

Dans ces siècles où il y avait encore de la foi, comme le prouve l'abus même qu'en faisait le fanatisme, il existait une autorité que respectait le soldat catholique au-dessus de toute autre autorité, une voix qu'il écoutait encore, lors même que l'ivresse du sang fermait son oreille à la voix de son général. C'était l'autorité du prêtre, c'était la voix de son aumônier. La discipline de la religion, fondée sur des bases purement morales, avait encore plus de puissance que la discipline militaire, qui règne par la force brutale et l'intimidation matérielle. Au bruit de la détonation et à la nouvelle du carnage, les aumôniers des régiments royaux accoururent parmi les ruines fumantes du fort : ils se jettent entre les vainqueurs irrités et les vaincus au désespoir, ils font de leurs manteaux de prêtres une égide inviolable aux huguenots qui les implorent: les mains sanglantes des massacreurs s'arrêtent devant ces sauvegardes de la charité.

 

Cependant le mal avait été grand avant l'arrivée secourable de ces ministres de miséricorde ; plus de sept cents hommes des Bouttières avaient été tués pendant ou après le combat. La justice royale, qui, dans les premiers moments, prit la ressemblance de la colère, ordonna d'attacher au gibet cent insurgés faits prisonniers; enfin il y en eut cent autres qui furent envoyés aux galères, et cela fut appelé de la clémence !

 

L'intervention des ministres de la religion ne fut pas aussi efficace auprès du roi qu'auprès des soldats de son armée; elle le trouva inflexible. Louis XIII fulmina contre Privas une sentence d'extermination; il promulgua une déclaration portant que « tous les habitants de Privas qui étaient demeurés dans cette ville pendant le siège encourraient les peines portées par les lois, et notamment la confiscation de leurs biens. » Il fut décidé que tous ceux qui auraient souffert des pertes ou rendu des services seraient indemnisés sur les biens confisqués. A ce titre, M. de Lestrange obtint presque tout l'emplacement de la ville, le tout sans aucun espoir de révocation. Le fort de Toulon fut conservé, et le commandement en fut donné à M. de Lestrange avec une forte paie.

 

M. de Chabreilles figura en tête d'une liste d'amnistiés, parmi lesquels nous remarquons les noms de MM. Lagarde, René Ladreyt, L'église et Dussollier.

 

On démolit les fortifications de Privas; ses maisons furent désertées et tombèrent en ruines : elles n'eurent plus pour habitants que des prostituées et des voleurs, échappés au massacre de 1629 et à la peste de 1650.

 

Les habitants de Privas, dispersés sur les montagnes d'alentour, erraient tristement autour de ces décombres; ils célébraient leur culte proscrit au milieu des bois et au fond des cavernes. Dans leurs cantiques sacrés, ils se comparaient aux Juifs pleurant sur les ruines de Jérusalem.

 

M. de Lestrange, quoique dédommagé largement de ses pertes par de lucratives confiscations, ne craignit pas d'assigner devant les tribunaux les misérables restes de cette population persécutée, pour lui redemander le prix de son château détruit en 1621.

 

C'était pousser l'oppression au point où elle semble appeler nécessairement l'intervention de la justice humaine ou divine. L'excès des maux en amène le terme.

 

 
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