Document relatifs au siège de Privas,
extraits d'un recueil fort rare
 
publication à Aix en Provence par Jean-Etienne,
imprimeur du roi, du clergé et de la noblesse,
successeur de Tholoson en 1620.
 
Lettre du roi à la cour de parlement de Provence, contenant les particularités de tout ce qui s'est passé au siège, prise et embrasement de la ville de Privas.
 
 
CONSEILLER EN MES CONSEILS ET PREMIER PRÉSIDENT EN MA COUR DE PARLEMENT DE PROVENCE.
 
Monsieur d'Oppède,
 
Par la lettre que vous trouverez cy-jointe pour ma cour de parlement d'Aix, vous verrez les particularitez de ce qui s'est passé au siège et réduction de ma ville de Privas en mon obéissance; je m'asseure que vous les sçaurez bien faire valoir pour mon succès où vous jugerez être à propos. C'est pourquoi je ne vous ferai plus longue lettre sur ce subjet, que pour prier Dieu qu'il vous ayt, M. d'Oppède, en sa saincte garde. Escript au camp de Privas, le dernier jour de mai 1689. 
Signé Lovys, et plus bas BOUTHILLIER.
 
A NOS AMEZ ET FEAUX CONSEILLERS, LES GENS TENANT NOSTRE COUR DE PARLEMENT DE PROVENCE.
 
Nos amez et feaux,
 
Vous aurez appris par mes précédentes comme, après mon retour de Suze à Valence, je m'étois résolu de commencer le chastiment des rebelles de mon royaume par le siège de la ville de Privas, qui en avoit esté jusques icy la retraite en tous les quartiers de delta : maintenant je vous diray qu'ayant, par un extresme travail et diligence, fait mener mon canon devant la place (ce que lesdits rebelles avoient jusques alors tenu comme impossible, veu la difilculté des chemins et des advenuës de ladite ville), je les ay si vivement battus par mon artillerie et pressés de telle sorte par une attaque générale que je fis faire le vingt-sixième de ce mois, qui me donna tous les dehors, que les assiégés, étonnés et cognoissant que, par leurs crimes et par l'audace qu'ils avoient eue de m'attendre avec mon armée, et voir tirer mon canon huit jours durant, ils s'étoient rendus indignes de toute grace, une partie se résolut de chercher son salut en la fuite et sortit de la place le lendemain vingt-septième au soir, pour se retirer à la faveur de la nuict et des montagnes, ce qu'ils ne purent faire si diligemment, que plusieurs, tombant dans les gardes que j'avois mises aux advenuës et passages des montagnes, ne receussent en cet endroict la juste punition de leurs crimes; l'autre partie, avec Saint-André de Montbrun que le duc de Rohan avoit jeté dans la place pour y commander et faire résouldre les habitans à une si téméraire défense, se retira en foulle dans le fort de Thoulon, qui est au-dessus de la ville sur une haute montagne, jusques au nombre de sept à huict cens, tant soldats qu'habitans d'icelle.
 
Mais comme, par un juste jugement de Dieu, la confusion et le désordre estoient parmi eux, Saint-André et quatre des cappitoines qui estoient avec luy, voyant qu'ils ne pouvoient davantage tenir ny se sauver de ce fort, que je fit aussitost environner de quelques régimens, estans venus d'eux-mesmes, sans parole de qui que ce soit, dans mon camp pour se présenter à moy et implorer ma miséricorde (ce qui m'eust touché le cœur s'ils y eussent eu recours plus tost), j'estimoy que je les devois retenir pour adviser à ce que j'avois à faire d'eux. Ceux qui estoient restés, ayant encore depuis faict contenance de se défendre, comme ils ont Yeu qu'ils ne pouvoient éviter le mal qui les pressait, se sont pareillement rendus à ma discrétion.
 
Mais Dieu voulant les perdre, et vanger par eux-mesures leurs rébellion et désobéissance, a permis que quelques-uns d'entre eux , endurcis de plus en plus au mal , ont, de propos délibéré , mis le feu dans un sac où il y avoit quantité de poudre à canon, laquelle ayant enlevé celui qui l'avoit allumé et quelques autres, tant de ces misérables que des soldats de mes gardes françoises et suisses que j'avois ordonné pour asseurer le fort et empescher qu'il n'y arrivast du désordre ; mes gardes, excitées par le mauvais acte, estimant que ce fust une mine que l'on eust faict jouer contre eux, s'emportèrent de fureur, et, contre mon intention et mes défences expresses, tuèrent la plus part de ceux qui s'estoient jetés dans ledit fort; si bien qu'il se peut dire que ceux là ont reçu, par leur faict mesme, le chastiment qu'ils méritoient.
 
Aucuns sont sauvez, dans cet accident inopiné, et d'autres ont été faicts prisonniers en grand nombre, rntre lesquels (outre Saint-André, Clausel et Vauderonne) il y a encore six ou sept hommes de commandement et le reste sont des soldats et habitans de ladite ville: et ainsi cette place, dont l'assiette est fort avantageuse et les dehors bien fortifiés de bastions, cornes et demies lunes, outre les forts qui estoient à l'entour, dont celuy de Thoulon sembloit estre inaccessible, a esté emportée en dix jours, et ce succès se peut dire (comme il est véritablement d'autant plus important et considérable) que cette prise asseure le repos du pays du Vivarez et la liberté de la rivière du Rosne, qui avoit esté depuis plusieurs années incessamment troublée par ceux qui étoient dans ladite ville, en laquelle ont pris naissance les troubles et factions excitées en ce royaume, en divers tems, par les rebelles .de la religion prétendue réformée.
 
Ayant fait sauver les femmes, je n'ai pu desnier le pillage de la ville à mes soldats qui m'ont servy si courageusement en cette occasion : mais, chose estrange quelque défence rigoureuse que j'aye pû faire, et quelque soing que j'aye faict apporter pour empescher que la ville ne fus t bruslée, ayant faict esteindre le feu par diverses fois, elle a été enfin toute .consommée, et  Dieu a voulu qu'elle portast des marques perpétuelles de sa longue rebellion. Ce que je plains est la perte que j'ay faicte d'aucuns des officiers de mon armée et de ma noblesse que je regrette plus que je ne puis dire; entre autres des marquis d'Uxelles et de Portes, maréchaux de camp ; Marcillac, cappitoine du régiment de mes gardes; Espagne, lieutenant, et dix ou douze autres officiers et gentilshommes de marque; mais telles actions ne peuvent arriver sans pertes, et mesme de ma noblesse, que je ne puis retenir, et qui se porte dans les périls avec tant de hardiesse et de valeur, qu'il ne se peut qu'il n'en demeure toujours quelques-uns, lesquels sont estimez des autres heureux de mourir glorieusement en la présence de leur roy et pour le bien de l'estat.
Je veux espérer que la suite de mon voyage sera plus douce, et que l'obéissance volontaire, plutost que l'exemple, me conviera à user d'autant de clémence et de bonté enversceux qui s'y porteront d'eux-mesures que la rébellion et l'opiniastreté de ceux-cy m'a contrainct (à mon grand regret) d'user de sévérité et de rigueur contre eux. C'est de quoy je prie Dieu de tout mon coeur. Donné au camp de Privas, le dernier may mil six cent vingt-neuf.
Signé Lovis, et plus bas Bouthillier.
 
Suit une autre lettre du roy, envoyée à ta cour de parlement de Provence, contenant tout ce qui s'est passé depuis la prise de Privas jusques à présent, avec la réduction de toutes les villes rebelles à l'obéissance de Sa Majesté. (Même imprimeur, même année.) Cette lettre est datée du camp de Ledignan, le vingt-neuvième jour de juin 1628 ; elle ne contient que des généralités et est adressée à nos aurez et feaux conseillera, les gens tenant nostre cour de parlement de Provence, de par le roy, comte de Provence. 
 
Elle est signée Lovis, et plus bas  Phélipeaux. 
 
Récit véritable de ce qui s'est passé au siège et prise de Privas , suivant la lettre escripte mandée ci M. le vice-légat d'Avignon , par un gentilhomme de la suitte du roy.
 
A Aix, chez Jean Roize,
imprimeur ordinaire de l'Université, 1629. Jouxte la copie d'Avignon.
 
RÉCIT VÉRITABLE
DE CE QUI S'EST PASSÉ
AU SIÉGE ET A LA PRISE DE LA VILLE DE PRIVAS.
 
Dieu qui favorit l'équité, quoique clément, pour monstrer sa puissance, use de sa justice contre les méchants et rend à chacun selon son mérite ou démérite. Plusieurs exemples en sont fort trivials et un nouvellement de la ville de Privas (dont la juste punition en laissera mémoire à la postérité) doit donner terreur au reste des rebelles : car estant une ville très-forte, bien munie de gens, de vivres et de munitions, située en lieu de très difficile accès pour une armée, et estant la retraicte des plus pervers et agguerris huguenots des Cévennes, se crut mieux résister aux armes royales que aucune autre ville de ce royaume, tant forte fust-elle.
Et sur cet espoir ayant attendu jusques au seizième de mai dernier les forces royales de notre invincible monarque françois Lovis le juste, croyoit au moins de les supplanter.
Mais Dieu, qui préside, a permis que ledit jour les advenuës d'icelle ville fussent forcées, quoique très-difficiles à cause des roches et passages estroitz, là où fut tué M. le marquis Dusel (Duxelles) et autres notables, et environ cent des gens du roy avec lui.
Les approches étant faictes, le quartier du roi fut placé à demie lieuë de Privas, d'où il pouvait voir les attaques.
 Le jeudi 24 mai, Privas fut sommé de se rendre, et M. le cadet de Saint-André , qui commandait dedans , fit responce qu'il fallait disputer plus de six mois avant que de parler de se rendre.
Le vendredi suivant, sur la nuit, quelques habitants se sauvèrent par les montagnes, rochers et bois , lieux où difficilement quinze cents hommes des gens du roy avaient pu se loger, et ne pensent si bien faire que six ou sept vingt desdits habitants ne se sauvassent.
Le samedi au matin, avant l'aube, ceux de Privas firent une sortie par-dedans des tranchées couvertes, dont ils eussent fait beaucoup de mai si la générosité de nos gens campés par quatre batteries, à chacune six canons, ne les eussent repoussés.
Le même jour fut donné un assaut par les volontaires de l'armée du roy , qui entrèrent par une brèche qui fut faite d'environ vingt-cinq pans, où étant montez, non sans grande peine, et comme l'assaut fut furieux, aussi la résistance en fut grande. Mais enfin iceux défendans furent contraincts, reculans de barricade en barricade faites dans la ville à trente pas loing les unes des autres (à la seconde desquelles fut tué M. le marquis de Portes) faire joug aux armes royales, et alors le pillage fut de grand lucre à ceux qui, les premiers, en coururent l'hazard.
Ne resta plus, le dimanche matin, que la citadelle, dont les capitaine et soldats de la garnison tançaient tous les moyens de pouvoir obtenir la grâce du roy, ce que ne purent: mais entre eux ayant consulté, se mirent à la discrétion de Sa Majesté, et, ouvrant les portes, crièrent tous : vive le roy.
Ce qui leur eust peut-entre sauvé la vie, si, par malheur pour eux, un soldat ayant laissé tomber sa mesche allumée proche d'une tonne de poudre, le feu en brusla trois, qui offencèrent quatre des gens du roy, qui creurent que fust une mine faicte pour les dommager, et celte croyance les anima tellement contre ladite garnison, qu'ils la mirent toute en pièces, une grande partie furent pendus et les plus notables furent faicts prisonniers, parmi lesquels ledit M. de Saint-André, s'étant retiré dans un petit fort nommé le fort Tournon, sous espérance de s'aller remettre à la miséricorde du roy, fut pris et mené, lui quinzième, à Sa Majesté, tous nuds en chemise, teste et pieds, for ledit de Saint-André qui avait seulement son chapeau. Étant tous liez ensemble aux corps et aux mains comme forçats criminels de lèze-majesté, lesquels prisonniers le roy ne voulut point voir, ains les fit tous remettre entre les mains du grand prévost pour en faire la justice telle que son conseil de guerre advisera on fait compte que dans la dicte ville de Privas, en moins d'une heure et demie que dura ledict assault, on tua plus de quinze cents hommes sans les femmes et les enfans , et le reste des habitans et soldats qui s'étaient cachés pour éviter la furie des assaillans étant pris, furent pendus jusqu'au nombre de plus de deux cents : peu de femmes et enfans, et de vieilles gens malades et impotens, étaient restés, ayant été mis dehors lorsqu'on se battoit aux advenués, et se sont sauvez aux Cévennes, pays montagneux et de difficile accès. La dicte ville, ayant été le levain des émotions, avait mérité le pain de la punition et le saccage de feu et de sang, comme il est arrivé, n'y ayant eu que le viol expressément défendu par Sa Majesté, et, pour les biens, tous mis au pillage et la ville rasée. Dieu conserve notre roy et lui donne longue et heureuse vie et victoire sur ses ennemis. Ainsi-soit-il.
 
Le recueil contient, outre les deux lettres du roi à sa cour de parlement de Provence, et le récit ci-dessus, une autre pièce intitulée: La prise de la ville et du fort de Privas en Vivarex, avec la juste punition qui a été faite des rebelles qui s'y sont trouvés.
(A Aix, Etienne David, imprimeur, 1629.)
 
C'est dans cette pièce que se trouvent les détails suivants
 
Saint-Preuil le Menu (Saint-André Montbrun) vint au logis de Sa Majesté, laquelle ne le voulut voir et le renvoya à M. te cardinal, avec lequel, après avoir parlé, il a depuis été conduit avec sept ou huit autres (à ce qu'on dit) à Valence ou à Montélimart, pour lui faire faire leur procès comme à des criminels, tous à pieds, liés et garrotés et nue teste, excepté ledit Saint-André Montbrun, à qui, par privilège, on donna un bien chétif cheval, entre lesquels on dit estre le sieur Clausel qui avait servi M. de Savoye, et un soldat que le roi voulut voir, lequel avait crevé les yeux à un pauvre capucin qu'il avait prins .....
Ce qui fit croire (l'explosion d'une barrique dans la citadelle) que ce fut une mine qu'on eut fait jouer, à dessein de les perdre, et anima tellement les troupes du roi contre ceux dudit fort, qu'ils en taillè­rent en pièces une partie, puis se mirent à faire pendre les autres : et enfin furent tous achevés de tailler en pièces par les Suisses quand on se lassa de pendre et que les cordes commençaient à manquer pour cet effet.
 
Le roi a donné (comme on croit) tous les biens fonciers de Privas (comme à luy acquis par la félonie des habitants), au viscomte de Lestrange, qui aura bien de quoi (si cela est) pour réparer ses pertes passées.
 
Aucuns disent toutefois qu'un brave soldat avoit prins un desdits habitans qui lui offroit mille pistoles s'il lui sauvait la vie: lequel alla supplier le roi de lui octroyer cette gràce, qui le pouvoit enrichir pour toute sa vie, et que le roy s'estant enquis du prisonnier combien il avoit vaillant, qui respondit qu'il avoit bien dix mille écus , commanda qu'on fit expédier en faveur du soldat un don de toute la confiscation de ce prisonnier et qu'on le fit passer, luy, par la rigueur des armes, ce qui fut exécuté sur-le-champ…
 
II
 
 M. Sainte-Beuve reçut, en avril 1842, à l'occasion de son article sur Clotilde de Surville, dont nous avons parlé, une lettre de M. La Vialle de Mas-Morel, président du tribunal civil de Brives et ex-député de la Corrèze. Voici .un fragment de cette lettre :
Vous avez rencontré parfaitement juste, lorsque vous avez attribué ces poésies au marquis de Surville. Ce fait est pour moi de la plus grande certitude ; car il m'a été certifié par mon père, qui, ayant été le compagnon d'infortune du malheureux Surville et son ami intime, avait fini par lui arracher l'aveu qu'il était réellement l'auteur des prétendues oeuvres de son aïeule…
Vous pouvez compter entièrement sur l'exactitude de ces renseignements (1).
 
(1) Note insérée à la fin du volume de l'ouvrage intitulé; Tableau historique et critique de la poésiefrançaise au seisié ne siècle, par Saints-Beuve ; 1843. Paris, Charpentier, éditeur, etc.
 
Un témoignage si formel semblerait devoir clore le débat relatif à l'authenticité des poésies de Clotilde de Surville. Nous croyons pourtant encore que M. de Surville a eu du moins l'artifice de mêler à ses compositions quelques fragments véritables de ses aïeules Jeanne de Vallon et Clotilde de Surville, qui ne sont, ni l'une ni l'autre, des personnages imaginaires ; de sorte que la confusion devenait plus facile et que l'écheveau était mieux brouillé, comme le dit M. Sainte-Beuve des Poésies occitaniques de Fabre d'Olivet.
 
Il suivrait de là aussi que la veuve du marquis de Surville aurait été trompée toute la première par la fiction littéraire de son mari.
 
Nous disons que Clotilde de Surville et son époux Bérenger n'étaient pas des personnages imaginaires. la preuve en est vivante encore dans une épitaphe placée sur la porte principale de l'église de Vesseaux. Cette épitaphe la voici :
INDNI ' PECTVS ' IOBS - IACVIT ' BENE '
TECTVS ' NOSVTINA , LVSAS ' PARADISI
AD • GAVDIA • DVCAS
 
On peut la traduire ainsi :
Au nom de notre Seigneur Jésus-Christ,
le cœur de Jean Bérenger Surville repose bien caché.
Fasse le ciel que tu nous conduises en paradis, nous qui, en te perdant,
avons été si cruellement déçus.
 
Cela prouve, non pas que Clotilde soit l'auteur du recueil complet des poésies éditées sous son nom, mais que son descendant, le dernier des Surville, connaissait bien la généalogie de sa famille.
 
III.
 
 
Un magistrat, qui consacre à la culture des lettres les intervalles de loisir que lui laissent ses fonctions, a bien voulu nous communiquer la légende relative à la tour de Brison, sous la forme d'un petit poème en vers de dix syllabes. Nous regrettons que ce poème, dont la lecture nous a pourtant paru bien courte, soit trop long pour pouvoir trouver place dans la dernière page de notre Album. Tout ce que nous pourrons faire, ce sera d'en donner une sèche analyse, et de reproduire les faits principaux qui y sont racontés, en les dépouillant du charme d'un coloris animé et du prestige d'une versification facile.
 
Brison, seigneur du château de ce nom, était allé à la croisade: il se trouvait sous les ordres de Godefroy de Bouillon, devant les murs de Jérusalem, quand il apprend qu'abusée par le faux bruit de sa mort, sa femme, se croyant veuve depuis plus d'un an, va épouser en secondes noces le sire de Surville. D'après le message qu'il a reçu de sa sueur, la dame de Tavernol, Brison calcule quel jour doit se faire cette cérémonie sacrilège ....: « Quoi ! c'est demain ? » s'écria-t-il avec rage, "Oui, c'est demain .... Satan, où sont tes ailes ! "
A peine a-t-il prononcé ces mots, que la terre s'ouvre sous sa tente et vomit des tourbillons de feux.. Satan parait. Il était nuit. Brison se sent saisi par une puissante étreinte: il est soulevé dans les airs et emporté au loin au milieu des ténèbres.
 
Pendant ce temps, de grands préparatifs de fête avaient lieu au château de Brison. Après une nuit agitée par de tristes souvenirs ou de vagues inquiétudes, la fiancée du sire de Surville entend les premiers sons de l'angélus qui devançaient l'aube matinale ; elle appelle ses femmes, se lève tout à coup elle aperçoit de sa fenêtre une clarté qui enveloppe la tour de son château comme d'un manteau de feu ; la clarté s'évanouit, mais en laissant après elle une longue odeur de soufre.
 
Effrayée de ce présage, la jeune veuve voudrait retarder l'heure de la cérémonie nuptiale ; mais déjà le prêtre pare l'autel, et fait allumer les flambeaux. Bientôt après, le bruit des coursiers et le cliquetis des armures se font entendre près du pont-levis : c'est le sire de Surville qui arrive avec un nombreux cortège d'amis, d'écuyers et de varlets. Au moment où le pont allait s'abaisser pour lui livrer passage, un chevalier à l'armure noire s'avance sur un coursier qui fend les airs ; il s'approche de Surville, lève à demi sa visière, et le défie à un combat à outrance. Le fer croise le fer, le sang coule; la dame de Brison sort au bruit, on murmure autour d'elle le nom de son premier époux; le chevalier noir tombe, et son casque, qui roule à terre, laisse voir des traits trop connus de celle qui s'était crue veuve sur des rumeurs mensongères, veuve bien réellement cette fois: elle s'évanouit à ce spectacle.
 
Le ministre de paix était aussi sorti pour séparer les combattants ou les secourir de sa parole. Quand il étend sa croix sur le corps encore palpitant du croisé, le démon s'en échappe en rugissant, détache une pierre au bas de l'angle de la tour, et disparaît dans un abîme de feu.
 
Surville, blessé à mort, embrasse la croix sainte et expire dans le Seigneur. La dame de Brison ne survit pas longtemps non plus à cette scène de deuil.
 
Depuis ce temps, Satan, s'il faut en croire la tradition du pays, revient, à chaque anniversaire de cette funèbre nuit, arracher quelques pierres du château de Brison ; cette oeuvre de destruction est maintenant achevée. La tour carrée, vaste débris de ce vieux monument, reste seule debout, subira-t-elle le sort du reste de l'édifice ?
 
Adressez cette question à un habitant de la contrée ; il se signera et gardera le silence.
 
FIN
 

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