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Rue
d’Arnal
allant
de la rue Sully à la rue Fulton et parallèle à la rue Watt
Pour
honorer la mémoire du « chanoine Etienne d’Arnal », la
municipalité de Nimes baptisera une rue « d’Arnal »
dans le quartier des inventeurs, route d’Uzès, le 12 novembre
1884. Par cette action elle rétablit aussi son origine noble qu’il
avait été obligé d’abandonner à l’époque révolutionnaire,
en devenant « le citoyen Darnal ».
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Biographie
de l'abbé Etienne d'Arnal
Inventeur du premier moulin à feu
de Nîmes.
Emplacement
de l’ancien moulin à feu en 1849. Extrait du plan de Nîmes de
Liotard & Bernard.
Etienne d'Arnal (1)
né à Valleraugue le 17 avril 1733 et décédé le 23 février 1801
à Nîmes, fils de Noble Maurice d’Arnal, ancien Lieutenant du
Régiment de dragons de la Reine qui fut tué le 1er
octobre 1735, lors de la campagne d’Italie à Bozole dans le Duché
de Mantoue (Ducato di
Mantova) et de demoiselle
Finiel, fille d’un Avocat ancien Procureur du Roi à Milhau.
(1)
Autre
formes de noms : Scipion d’Arnal, Abbé d’Arnal, le
mécanicien ou le citoyen Darnal.
Son frère aîné Jean, né le 11 août
1729, fut colonel du génie. Son plus jeune frère, Noble Maurice, né
quelques semaines après le décès du père, le 12 décembre 1735.
Maurice épousera le 18 janvier 1774, la fille du colonel
Jacques-Philippe Mareschal (1689-1778), directeur des fortifications
du Languedoc. (1)
Etienne était parent de Suzanne
d'Arnal, femme d'Angleviel, dont le fils dit « La
Beaumelle », est connu par
ses polémiques avec Voltaire.
Chanoine à Alais, il résigna son
Canonicat en 1780 pour s'occuper des moulins à feu destinés à
remplacer les moulins de la Fontaine de Nîmes. (2)
Il sollicita et obtint par arrêt du
15 juillet 1780, un privilège de 15 ans et fonda la « Compagnie
des moulins à vapeur de Nîmes ».
Le capital était de 40 000 livres, divisées en 20 actions de 2 000
livres, dont 13 furent souscrites tout de suite. (3)
Le 26 août 1780, D’Arnal dépose
les statues de la Compagnie des moulins à feu et 20 actions de 2 000
livres sont lancées. Les sieurs Vitalis, Souérat, Demande et Larnac
sont les premiers enthousiastes à souscrire à la Compagnie.
Monsieur le baron de Marguerittes accepte d’être actionnaire et de
participer à la gestion de l’entreprise sur le plan comptable. Le
seul emplacement possible pour réaliser son projet semble être un
terrain vacant au quartier des Cinq Vies, entre l’actuelle rue
Séguier et la rue des Jardins. Les sieurs Pascal et Jonquet y
possèdent trois parcelles faisant d’un seul tenant plus de 20
émines (14 200 m²)
et sont prêts à les céder pour 1 200 livres. La vente est signée
le 11 octobre 1780, devant le notaire, Charles Marignan. (4)
Il acheta une machine aux frères
Périer (système Watt),
et après avoir pensé faire mouvoir ses meules directement, il
adopta l'intermédiaire de l'eau. Mais la machine, dit-il, fonctionna
mal, et au cours de la Révolution, vers 1792 ou 1793, il dut
suspendre ses travaux, avec un passif de près de 200 000 livres. (5)
Au cours de la période
révolutionnaire l'abbé d'Arnal, chanoine de la Cathédrale d'Alais,
perdra d'abord ses illusions avec ses déboires financiers, mais
aussi sa particule et son premier titre, il ne deviendra que le
citoyen Darnal, mécanicien d'Alais.
Avant son décès survenu au début de
l'année 1801, il fut tenu très certainement au courant de la
réussite de Perier, son fournisseur de pompe à feu. A ce sujet, le
mémoire daté de 1790 publié par Bailly, ne lui laissait aucune
illusion. Vous le retrouverez plus loin dans ce document.
NDLR
(1)
Mareschal, était l'ingénieur qui créa les jardins de la Fontaine
de Nîmes. Dans son aménagement il supprima tous les moulins à eau
qui se trouvaient sur le canal de la fontaine en amont de la ville.
(2)
Ce paragraphe d'Achille Bardon, publié dans les Mémoires de
l'Académie de Nîmes de 1897, page 330, n'est pas très crédible.
Car si, suite aux travaux de l'ingénieur Maréchal, sept moulins ont
été détruits en 1744, il est difficile d'imaginer qu’ils aient
attendu 40 ans pour trouver un moulin qui veuille bien moudre leur
blé.
Liste
des 7 moulins détruits en 1744 suite aux travaux de l'ingénieur
Mareschal : Moulin Campagnan, Moulin Flaméjal, Moulin Gavagnac,
Moulin Maillan, Moulin Pezouilloux, Moulin Rey, Moulin Supérieur ou
de l'Abesse.
(3) D'après
les écrits de Tubeuf, le baron de Marguerittes était le principal
associé d'Arnal.
Le
baron de Marguerittes dernier Maire de Nimes et 1er Consul sous
l’ancien régime, sera le premier maire sous la révolution.
(4)
Renseignements du paragraphe, extraits de la Conférence de
Jean-François Aupetitgendre du 10 décembre 2005, publié dans le
Bulletin n° 21 de décembre 2005, pages 96 à 104, édité par la
Société d’Histoire Moderne et Contemporaine de Nimes et du Gard.
(5)
Décision officielle de fermeture : Archives nationales. F20
291, Gard, district de Nimes, lettre de Simon Peschaire, procureur
syndic provisoire, datée du 23 frimaire an II (13 décembre 1793) et
où il est question « d'un moulin à farine qui est mis en mouvement
par une pompe à feu qui existe dans la commune de Nismes » et
Archives nationales F12 1557, « Copie de l'adresse du citoyen Darnal
au citoyen Président de la Convention nationale pour faire suspendre
toute décision sur son entreprise des moulins à feu », Nîmes, 17
ventôse an III (7 mars 1795). > Généalogie de la famille d'Arnal, arrêtée en 1787, avec son blason. . |
L’aventure
industrielle
d’Étienne
d’Arnal, ancien chanoine
|
C’est en 1780, âgé de 47 ans,
qu’Étienne d’Arnal chanoine de la cathédrale d’Alais,
devient, fondateur et patron
de la « Compagnie de
Machines à Feu. »
Cette décision mûrement réfléchie était le fruit de sa propre
personnalité. Sa vocation religieuse première était très
certainement inspirée par la tradition des grandes familles, où
l’aîné prenait la suite du père, un des enfants rentrait dans
les ordres et un autre devenait militaire.
Ayant déjà parcouru plus des deux
tiers de sa vie, il choisira une voie qui l’attirait depuis son
adolescence, nouveau destin auquel son éducation ne l’avait pas
vraiment préparé.
Issu d’un milieu cévenol noble et
catholique, son arrivée à Nîmes moins d’une décennie avant la
prise de la Bastille, ville où l’industrie est tenue
majoritairement par des protestants, le temps lui était compté,
l’argent aussi.
Après avoir épuisé tous les
subsides familiaux en hypothéquant tout ce qu’il possédait, il
tentera de trouver des capitaux et des appuis. Des associés,
Vitalis, Souérat, Demande et Larnac, souscriront financièrement à
sa société ; le baron Teissier de Marguerittes, actionnaire,
participera aussi à la gestion de l’entreprise. Au début de son
aventure, ce soutien lui fut précieux.
Le baron était un homme politique
nîmois de premier plan, premier consul et maire de Nîmes avant la
Révolution, député à l’Assemblée Constituante en juin 1789 et
premier maire élu sous la Révolution, mais pour une courte période,
de février à juillet 1790.
Malheureusement pour d’Arnal, son
soutien politique est progressivement déchu de tous ses mandats. Il
s’éloignera de Nîmes, sera arrêté en 1793 et guillotiné le 15
septembre 1794.
Cette période marquera la fin de 15
ans d’aventure industrielle. La société de D’Arnal, plombée
par une dette de 200 000
livres, sera mise en cessation de paiement le 7 mars 1795.
Au niveau des affaires, que s’était-il
passé ?
Après la publication intégrale de 9
documents originaux, édités dans une période allant de 1781 à
1811, lire en conclusions : « Une
aventure industrielle ratée ».
A suivre
. |
Publications
originales sur les inventions
de l'abbé Etienne d’Arnal, chanoine de la Cathédrale d’Alais
Documents d'époque, commentés
et classés par dates de parution
Les deux premiers documents (1781 &
1782), décrivent un projet sur l’utilisation d’une machine à
vapeur pour tracter les bateaux sur des rivières.
Mis à part un article, daté de
1788, reprenant ces 2 prospectus, tous les autres, ne parleront que
de son moulin à feu destiné à moudre le blé. | |
1781
Extrait du « Journal
Encyclopédique ou Universel, année 1781, tome VIII, pages 149 à
153. A. Bouillon.
Divers articles de nouvelles
inventions dans les arts, & découvertes nouvelles dans les
sciences. |
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On vient de nous envoyer de Paris un
Prospectus de la navigation générale des rivières du royaume, par
le moyen de la machine à feu, moyen inventé par M. l'abbé d'Amal,
chanoine de la cathédrale d'Alais, privilégié du roi. « La
navigation intérieure (observe-t-on) est un des grands ressorts de
la prospérité publique par les avantages immenses qui en
résultent... Mais la difficulté de remonter les rivières, qui est
en raison directe de la rapidité de leurs cotes, a mis
nécessairement des entraves, & des bornes à son activité... Le
mobile que l'abbé d'Arnal emploie, est le plus puissant connu : la
machine à feu, dont il a découvert l'art d'appliquer & de
diriger l'action par un mécanisme également simple & nouveau,
qui a fixé l'attention, & mérité les éloges des connaisseurs.
Le rivage seul lui offrait un point
d'appui assez ferme & assez fiable pour exclure jusqu'à l'idée
d'inquiétude & de méfiance. C'est aussi sur le rivage qu'il l'a
pris ; & il s'en sert de distance en distance, à l'aide d'un
batelet volant, monté d'un seul homme, & tiré par un cheval qui
doit précéder les traits. Avec ce double secours, on aura enfin la
satisfaction de voir une file de bateaux attachés suivant la méthode
ordinaire obéir à la fois à l'impulsion sans embarras, sans la
moindre complication dans la manœuvre , & remonter nos rivières
les plus rapides en aussi peu de temps & avec autant de sûreté
qu'il est possible de l'attendre. Il est démontré qu'il y a des
machines à feu dont la force excède celle de 200 chevaux. Il y a
donc ici une puissance d'une supériorité évidente, déduction
faite, au plus fort, de la quantité de mouvement que les frottements
absorbent. D'un autre côté, la solidité du point d'appui est
acquise , & ne saurait être plus grande : or, qui ne sait qu'on
peut tout en mécanique, lorsqu'on a la puissance & le point
d'appui ?
Quoique sur de son fait, M. l'abbé
d'Arnal n'hésita pas un moment à soumettre d'abord son invention à
l'examen des principaux Officiers du corps royal du génie, de la
brigade de Montpellier, pour lui donner toute l'authenticité &
toute la certitude qu'elle méritait par son importance. L'avis de
ces Meilleurs est conçu en ces termes : Nous soussignés , officiers
au corps royal du génie, après avoir examiné attentivement la
description et le modèle d'une nouvelle machine inventée par M.
l'abbé d’Arnal, chanoine de l’église cathédrale d’Alais,
pour faire remonter les bateaux contre le courant des rivières, &
en avoir recherché les discuté toutes les difficultés, estimons
que, vu la force immense, reconnue & expérimentée de la machine
à feu qu'il emploie comme premier agent, & la simplicité du
mouvement qu'il en fait résulter, cette machine n'est pas du nombre
de celles qui, exécutées en petit, ne réussissent point en grand ,
& qu'elle ne peut manquer de produire les effets qu'il en promet.
A Montpellier, ce 22 décembre 1779. Signés , La Chiche, colonel au
corps royal du génie, chef de la brigade de Montpellier. CHABAUD,
major de la brigade de Montpellier. Frémond de la Merveillère
capitaine en premier ».
« Muni
d'un suffrage si respectable, M. l'abbé d'Arnal présenta, il y a
environ 9 mois, un mémoire au ministre des Finances, qui voulut bien
le prendre en considération. Il crut aussi devoir faire part de son
invention à l'académie royale
des sciences (de Paris), qui l'a également approuvée dans sa séance
du mercredi 9 mai 1781 ».
« Ce
n'est pas tout : dans la vue d'éclairer la méfiance toujours en
garde contre toutes les nouveautés, & de détruire jusqu'au
doute, il s'est transporté en dernier lieu à Corbeil, où, sous les
yeux & avec l'aide de gens expérimentés dans la navigation des
rivières, il en a fait, en grand, un essai qui a réussi au-delà de
ses espérances. Dans cet essai, les bras ont été employés pour
suppléer à la machine à feu„ qu'il n'était pas possible
d'avoir, & dont l'action eût été infiniment plus forte. Si on
peut faire avez plus ce qu'on fait avec moins, il ne doit point
rester d'incertitude à cet égard ».
« Pour
donner une juste idée de la préférence & du degré d'intérêt
que mérite cette découverte, il suffira de proposer deux points de
comparaison faciles à vérifier : l'un pris sur la Seine, &
l'autre sur le Rhône , d'après les renseignements les plus
exacts ».
« Pour
conduire de Paris à Corbeil un trait de 10 bateaux vides, non
compris trois ou, quatre batelets, il faut 7 courbes (14 chevaux), &
deux jours & demi de temps. Les 7 courbes, à raison de 13 livres
10 fois chacune, coûtent, par jour, 94 livres 10 fois (les mariniers
compris), & pour les deux jours & demi, 236 livres. Par
l'invention de M. l'abbé
d'Arnal, dont la dépense quotidienne, calculée au plus haut, va à
peine à 40 livres, cette même opération se fera au moins dans un
jour & demi & en joignant à cette dépense, les sacrifices
des avantages qu'il faut nécessairement donner à la navigation,
ainsi que les frais de manutention, l'on y trouvera encore un profit
de plus de 100 livres par voyage, sur un espace de 8 lieues
seulement, sans parler du temps gagné pour le négociant. Ajoutons,
1°. qu'il part presque tous les
jours de Paris deux de ces traits lorsque la navigation a lieu ;
2°. que, pour la plupart, ils
remontent à Montereau & jusqu'en Bourgogne ;
3°. que , vu la facilité &
la, vitesse de la remonte, il est plus que probable qu'on cessera de
se servir de la route de terre pour gagner le canal d'Orléans, A
présent portons nos regards de Paris jusqu'au Havre-de-Grace, en les
dispersant à droite, & à gauche de cette longue ligne, de la
spéculation le présentera dans toute son étendue ».
« Par
rapport au Rhône, on se contentera d'envisager les trains de sel,
fait parce que les informations qu'on s'est procurées sur les lieux,
ne sont relatives qu'à cet objet, fait parce que c'est la partie la
plus remarquable & la plus aisée approfondir de la navigation de
cette rivière. Or, la dépense d'un train de sel, composé de 30 à
40 chevaux de trait, & de 25 à 3o conducteurs, rendu à Lyon ,
revient à 12 mille livres, l'un valant l'autre ; & il est un
mois à arriver, terme moyen. Par la méthode proposée, les voyages
se feront dans 15 ou 18 jours ; les plus longs dans 20 ; & ils ne
reviendront certainement pas 3 000 livres, l'un dans l'autre ( tous
les faux frais à admettre compris). Il y a donc ici une économie de
plus des trois quarts sur un article seul qui forme, à peine un
sixième des transports qui peuvent se faire & qui se feront
réellement sur le Rhône, lorsque la remonte en aura été rendue
facile & infiniment moins coûteuse ».
« De
tous les services rendus à l'état par les arts depuis un temps
immémorial, celui-ci ne peut manquer d'être mis au premier rang &
l’auteur jouira encore de la douce satisfaction d'avoir bien mérité
de l'Europe entière ».
NDLR
– A la lecture de ce document, on peut se demander pourquoi son
système n’a pas été adopté. Y a t’il eu une forte opposition
corporative, ou bien un empêchement financier pour mettre en route
son projet ?
Quoi
qu’il en soit ce projet, tout comme celui des moulins à feu a
trébuché, comme Perrette… adieu veaux, vaches, cochons, poulets….
A
lire, l’article suivant sur le même sujet : un extrait du «
Journal d’Agriculture, Commerce, Finance et Arts » par une
Société de Gens de Lettres de Janvier 1782. .
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1782
Extrait du « Journal
d’Agriculture, Commerce, Finance et Arts »
par une Société de Gens de Lettres. Janvier 1782.
Découvertes, Inventions,
Établissements utiles.
- Navigation générale des
rivières du Royaume, par le moyen de la Machine à feu.
(deuxième version plus complète
que la précédente) |
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La navigation intérieure, dit M.
l'abbé d'Arnal, auteur
de ce projet, est un des grands efforts de la prospérité publique,
par les avantages immenses qui en résultent pour le commerce. Elle
rapproche les provinces les plus éloignées, & répand partout
le mouvement & la vie.
En faisant circuler les productions de
tous genres, dont les frais énormes de voiture rendraient
l'exportation impossible, elle les tire de leur nullité primitive, &
en encourage puissamment la culture & l'exploitation ; mais la
difficulté de remonter les rivières, qui est en raison directe de
la rapidité de leur cours, a mis nécessairement des entraves &
des bornes à son activité, & ses branches n'ont pu s'étendre
partout où la fécondité du sol & l'abondance des autres
richesses nationales semblaient l’appeler.
C'est le désir de procurer à la
France tous ces avantages, qui a engagé M. l'Abbé d'Arnal à
reprendre de nouveau les tentatives inutilement faites par M. le
Maréchal de Saxe, M. Grollier de Serviere, l'Abbé Soumille, &c.
mais en suivant de nouveaux procédés.
Le mobile qu'il emploie est la machine
à feu dont il a découvert l'art d'appliquer & de diriger par un
mécanisme simple & nouveau, & c'est le rivage même qui lui
sert de point d'appui.
Il eût été d'autant plus à désirer
que M. l'Abbé d'Arnal eût pris la peine de faire connaître dans
son prospectus, les moyens qu'il a employés à cet effet, qu'il ne
pouvait pas être retenu par la crainte d'être copié, d'après la
précaution qu'il a prise de se procurer un privilège exclusif, &
que d'ailleurs le peu qu'il dit à ce sujet, non seulement est
insuffisant, mais même est si peu clair, qu'il ne peut servir qu'a
faire douter de son succès ; car il se borne à dire qu'il a pris le
rivage pour point d'appui , & qu'il s'en sert, de distance en
distance, à l'aide d'un batelet volant monté par un seul homme &
tiré par un cheval, qui doit précéder les traits
: & l'arrêt du conseil qu'il a obtenu lui impose la condition ;
que, pour amarrer les câbles
qui serviront à la remonte des bateaux, il ne pourra le servir que
d'ancres qui seront portées, de distance en distance, par des
batelets qui les garderont jusqu’à ce qu'elles soient relevées.
À l'aide de ces deux passages, on
conçoit facilement, que la machine à feu peut faire mouvoir un
cabestan , ou toute autre machine équivalente, fixée sur le bateau
de tête, & le faire marcher en avant à l'aide d'un cordage
amarré sur la rive ; mais il n'est pas aussi aisé de comprendre
comment, par ce procédé, on obtiendra plus de vitesse, que par la
routine actuelle. Car la supposition ainsi présentée offre la
difficulté suivante. Le bateau dans ce cas obéira à deux
impulsions différentes, celle que lui donnera la direction du
gouvernail pour le porter en avant, & celle de la corde, qui
l'attirera vers le rivage, de sorte qu'il décrira une ligne oblique,
jusqu'à ce qu'il soit arrivé près de l'ancre. Alors il faudra
relever l'ancre, & que le bateau volant, dont il est parlé
ci-dessus, aille la reporter plus loin, pour que le cabestan
recommence à tirer en avant.
Mais il est évident que, non
seulement cette manœuvre coûtera du temps, mais encore que
lorsqu'on remontera un fleuve, le courant fera redescendre le bateau,
& lui fera perdre une partie du chemin qu'il aura déjà fait,
égale à l'espace de temps nécessaire pour aller amarrer l'ancre
plus loin.
Les suffrages de Messieurs les
Officiers du génie & de l'académie des sciences, que M. l'Abbé
d'Arnal rapporte dans son prospectus, & plus encore,
l'expérience, en grand, qu'il dit avoir faite, en remontant un trait
de bateaux depuis Paris jusqu'à Corbeil, nous rassure, il est vrai,
sur cette difficulté ; nous sommes très persuadés que M. l'Abbé
d'Arnal a trouvé les moyens de la surmonter, puisqu'il avance que
son essai a réussi, quoique les bras de quelques hommes aient été
suppléés à la machine à feu dont l'action eût été infiniment
plus forte ; mais il nous semble au moins qu'il devait la faire
disparaître également dans l'esprit des lecteurs de son prospectus,
qui n'ont pas été à même de voir les expériences.
Nous espérons donc que M. l'Abbé
d'Arnal ne verra dans cette objection que le désir sincère où nous
sommes qu'une idée aussi heureuse ne soit accompagnée dans l'esprit
du public d'aucune incertitude qui puisse nuire. (1)
Quoi qu'il en soit, pour en faire
sentir, il suffira de proposer deux points de comparaison faciles à
vérifier, l'un pris sur la Seine, l'autre sur le Rhône.
Pour conduire de Paris à Corbeil un
trait de dix bateaux vides, il faut sept coures, ou quatorze chevaux
, & deux jours & demi de temps.
Les sept courbes à raison de 13
livres 10 sols fois chacune, coûtent par jour 94 livres 10 sols (les
mariniers compris) &
pour les deux jours & demi 236 livres ; par l'invention de M.
d'Arnal il ne faut qu'un jour & demi au plus, & l'on gagnera
au moins 100 livres par voyage, la dépense quotidienne calculée au
plus haut allant à peine à 40 livres.
Par rapport au Rhône, on prend les
trains de sel, pour objet de comparaison. Or , dit M. l'Abbé d'Arnal
la dépense d'un train de sel composé de trente à quarante chevaux
de trait, & de vingt-cinq à trente conducteurs, rendus à Lyon,
revient à 12 000 livres, l'un valant l'autre, & il est un mois à
arriver ; par la méthode proposée, il assure que les voyages se
feront dans quinze ou dix-huit jours, & ne reviendront pas à
3000 livres l'un dans l'autre, tous les faux frais possibles compris.
Il n'y a personne qui ne soit à
portée de connaître & d'apprécier les avantages qui naissent
en foule de cette heureuse invention. Les denrées, les différents
objets de commerce circuleront déformais dans toute l'étendue du
royaume avec une économie & une avance inconnues jusqu'à nos
jours. Le Rhône, ce fleuve si connu par l'impétuosité de ses eaux,
n'opposera plus de barrière à l'exportation des vins, des
eaux-de-vie, des huiles des provinces méridionales & des
marchandises du Levant, dont Marseille est l'entrepôt. Les bâtiments
de commerce cesseront d'éprouver, à l'embouchure de nos grandes
rivières, ces retards préjudiciables, ces difficultés désolantes
qui font gémir l’industrie & l’activité. Ce grand nombre de
chevaux employés au tirage avec leurs conducteurs seront rendus à
l'Agriculture qui leur tend les bras. Insensiblement une multitude de
charrettes sans occupation, feront changées en charrues, &
l'entretien des chemins qu'elles dégradent, deviendra moins onéreux.
Telles sont les obligations que la
patrie aura un jour à M. l'Abbé d'Arnal, si son projet réussit ; &
nous voyons avec regret qu'un privilège exclusif est la seule
récompense qu'il ait sollicitée. Cette exclut on funeste ne peut
que priver les sujets du Roi d'une partie des avantages qu'on leur
offre ?
Voyons ce qui va arriver. Une pareille
entreprise exige des moyens proportionnés à son étendue ; l'auteur
s'est déterminé en conséquence à former une compagnie à qui il
cédera son privilège. Cette compagnie croira suivre les lois de la
justice, en exigeant l'intérêt de ses avances, & de plus un
bénéfice qu'elle proportionnera à l'empressement du public. Celui
sur lequel M. l'Abbé d'Arnal compte dès à présent, nous a paru
très-considérable, car on a dû remarquer qu'il dit lui-même que
la dépense journalière pour remonter un trait de dix bateaux, de
Paris Corbeil, montera au plus à 40 livres suivant son procédé, ce
qui fait, pour un jour & demi, 60 livres de dépense réelle.
Cependant M. l'Abbé d'Arnal ne présente sur la routine actuelle,
qui coûte 236 livres, qu'une diminution de 100 livres, d'où il suit
que le bénéfice exigé fera de 76 livres pour huit lieues sur dix
bateaux, c'est-à-dire, une somme plus forte que la dépense
effective.
Nous prions encore une fois M. l'Abbé
d'Arnal, de ne voir dans ces réflexions que notre amour du bien
public, auquel notre Journal est uniquement dévoué ; il a trop
d'esprit & d'équité pour ne pas sentir qu'il eût été
infiniment plus honorable & plus satisfaisant pour lui d'être
dédommagé de ses peines & de ses démarches, par des moyens qui
n'auraient pas rendu illusoire, du moins en partie, l'utilité de son
invention , qui est au-dessus de tous les éloges.
Quoi qu'il en soit, M. l'Abbé d'Arnal
prévient que la compagnie ne sera constituée que de seize actions,
& que les personnes qui voudront avoir connaissance des clauses &
conditions de la souscription, & prendre intérêt dans cette
entreprise, pourront s'adresser à M. Jorry, Imprimerie Libre rue de
la Huchette.
.
NDLR
–
(1)
Sa démonstration réalisée sur un trajet choisi, écartant toutes
les difficultés naturelles des cours d’eau, auxquelles sera
confronté son système, n’aura pas laissé dupe les professionnels
de la batellerie, ainsi que les autorités. Résultat : son projet ne
verra pas le jour. Ci-dessous quelques explications. Dans
toutes ses descriptions, il manque les renseignements essentiels qui
permettraient de juger si ce système est viable.
-
La distance maximale qui sépare les points d’amarrage, déterminant
le nombre de relais générateurs de temps morts.
-
Le type de cordage qui doit assurer la traction, son prix, et sa
durée de vie liée à ses conditions d’utilisation. Le matériau
probablement du chanvre de qualité marine devant subir une usure
anormale suite au glissement sur les berges lors de son déroulement.
Il est aussi régulièrement trempé dans l’eau. Une marge d’usure
devant être prévue pour éviter une rupture lors des tensions de
remontée du train de bateaux. Cette rupture serait catastrophique
pour la sécurité des bateaux et des équipages.
-
L’aménagement et l’entretien de la rive ne doivent pas être
négligés, à chaque relais, un accostage de sécurité doit être
prévu et le cheminement de bordure doit être propre et entretenu
pour assurer le glissement du cordage dans de bonnes conditions. Ces
coûts d’investissement et d’entretien, rive et cordage,
n’apparaissent pas dans les prévisionnels. -
Les temps des manœuvres d’accostage, quand l’amarre doit prendre
le relais du cordage, il y a le temps de déroulement du cabestan,
effectué par l’attelage sur la rive en se déplaçant jusqu’à
l’amarre suivante. Dès que le cordage de traction est accroché à
cette amarre, l’opérateur donne un signal, probablement avec une
corne. Alors seulement, le batelier met le cordage en tension en
lançant en rotation le cabestan actionné par sa machine à vapeur,
l’amarre détendue est décrochée depuis le bateau grâce à un
astucieux système de double cordage. Toutes
ces manœuvres délicates répétées continuellement sont
éprouvantes et à haut risque, surtout avec un ensemble dont on ne
connaît pas les limites liées à l’usure.
-
Autre oubli, dans son récit il parle de cours d’eau naturels. Ces
derniers, ont des affluents qui représentent de véritables
barrières pour le bon déroulement de ces opérations ; au fil
des saisons, ils ont des niveaux variables, pouvant représenter des
difficultés énormes dans leurs extrêmes ; en hiver, le gel
peut entraver la bonne marche de son système ; les courbes
naturelles des cours d’eau sont un handicap pour une traction avec
un cordage de plusieurs centaines de mètres à partir des rives, le
cordage devant se déployer dans les terres pour les courbes à
l’intérieur, et sur le cours d’eau pour celles à l’extérieur ;
dans le premier cas, la barge se trouve fortement attirée vers la
rive, dans le second, elle se trouve attirée vers le milieu du
fleuve. Cela fait beaucoup de problèmes à résoudre, et sa
description détaillées, financière et technique, n’en aborde
aucun. En
résumé, l’abbé d’Arnal n’apportait là qu’une idée
sommaire, pas une solution détaillée et réaliste pour mettre en
œuvre un transport bon marché et fiable. D’autres inventions plus
pertinentes avaient déjà vu le jour : en 1776, le Français
Claude François Jouffroy d'Abbans navigua sur le Doubs, en France
avec un bateau à vapeur, Le Palmipède.
| |
1783
Extrait de « l’Esprit des
Journaux François et étrangers, par une société de
Gens-de-Lettres ».
Août 1783, tome VIII, douzième
année, à paris chez Valade, Imprimeur Libraire
Mémoire sur les moulins à feu
nouvellement établis à Nismes, inventés par M. l'abbé D’Arnal ;
chanoine de la cathédrale d'Alais, communiqué aux rédacteurs du
journal, pages 319 à 327. |
|
La plupart des villes, & même des
places frontière, manquent de moulins à bled. Là même où il en
existe, ils sont rarement tels qu'ils devraient être. Le petit
nombre de moulins qui sont établis sur les grandes rivières gênent
la navigation ; ceux qui ne vont que par des ruisseaux chôment dans
les temps des glaces ou de sécheresse ; & ceux à vent, sujets
au même inconvénient dans les temps d'ouragans ou de calme, ne
donnent qu'une très mauvaise qualité de farine à cause de
l'extrême irrégularité de leur mouvement. Delà cette différence
sensible qu'il y a, d'une ville à l'autre, dans la qualité du pain
; différence qu'on attribue, quelquefois mal à propos, à la
qualité de l’eau dont on se sert pour pétrir, tandis qu'elle ne
provient le plus souvent que de celle de la farine. Une mouture mal
faite ne donne que du mauvais pain ; la nécessité d'aller moudre au
loin le renchérit.
C’est donc rendre service à la
société, que de lui procurer le moyen d'établir des moulins à
bled, sans le secours des rivières ni du vent ; des moulins surtout
qui, réunissant à l'excellente de la régularité une continuité
d'action, puissent rendre, en tout temps comme en tout lieu, une plus
grande quantité de farine, & d'une meilleure qualité que les
autres. Un usage particulier de la pompe à feu procure déjà ce
double avantage dans la ville de Nismes, où vient de se faire te
premier établissement de ce nouveau genre de moulins. L'auteur
s'empresse d'en donner connaissance, & se propose, dans ce
mémoire, d'entrer dans les principaux détails de son procédé.
Quelque prodigieuse que soit la force
des machines à feu, quelle que toit la quantité d'eau qu'elles
peuvent élever suivant leur grandeur, le vrai produit n'en est pas
moins subordonné, comme dans toute autre machine, à la profondeur
des puisards, laquelle varie à tous les pas, suivant la situation
des lieux. Plus cette profondeur est considérable, plus il faut
diminuer le diamètre de la colonne d'eau à élever , & se
résoudre à en recevoir une moindre quantité.
Ce principe établi, l'on ne sera pas
étonné que jusqu'ici on ait négligé de construire expressément
des machinés à feu, pour suppléer la force des courants ; parce
que dans les pays qui en sont dépourvus, les sources des puits sont
communément profondes & peu abondantes, & qu'avec ce double
désavantage, le secours d'une pompe à feu devenait trop limité,
pour l'appliquer, sans autre invention, à l'usage des moulins à
bled.
Convaincu de tout ce qu'on peut en
mécanique, lorsqu'on a un premier agent, l'auteur des moulins à feu
de Nismes s'est appliqué spécialement à diminuer la hauteur de la
colonne d'eau à élever, de telle sorte qu'elle puisse être la même
dans tous les pays, quelle que soit la profondeur des sources qu'on y
découvre. Pour cet effet , il a imaginé un réservoir provisionnel
élevé au-dessus de la source, & construit au niveau du terrain
ou à peu près, de manière à être à l'abri des infiltrations. Ce
réservoir une fois rempli d'eau par le moyen des machines usitées
ou à manège ou à bras devient le puisard d'où la pompe à feu
élève l'eau pour la porter sur un bassin supérieur élevé
seulement de dix-sept pieds. (NDLR :
4,70m)
C'est de ce bassin supérieur, que l'eau versant sur les roues des
moulins se rend dans le même réservoir provisionnel d'où elle a
été élevée, pour être encore remontée sur celui qui est
au-dessus, & retomber sur les mêmes roues ; la même eau étant
ainsi continuellement dans l'action , ascendante & descendante,
tantôt soumise aux efforts de la pompe à feu, tantôt exerçant les
liens propres sur les moulins.
Comparons actuellement une colonne
d'eau qui serait, par exemple, de cent pieds de hauteur, à celle
qu'établit ici l'auteur des moulins à feu, laquelle peut,
indifféremment partout, n'être que de dix-sept pieds ; il est
évident que celle-ci ayant six fois moins de hauteur que la première
, elle pourra recevoir en compensation six fois plus de grosseurs, &
rendra par conséquent six fois plus d'eau à chaque coup de piston
d'où il suit que, si une machine à feu, par exemple de quarante
pouces, élevait l'eau de cent pieds de profondeur , & qu'elle
fut capable d'en fournir assez abondamment pour faire tourner deux
meules de moulin, comme elle le peut en effet ; par le moyen proposé,
la même machine en ferait tourner douze. Dans le premier cas, la
dépense excéderait le profit ; dans le second, il devient
très-considérable.
Il se présentait une difficulté dans
le nouveau projet, à laquelle il fallait absolument remédier. Une
même eau toujours en mouvement ne pouvait sans doute être sujette à
corruption. Mais elle se fut insensiblement évaporée. Le remède
est à côté : la même source qui a servi à remplir le réservoir
provisionnel sert aussi à l'alimenter. La machine à feu elle-même
y, puise, par le moyen de sa petite pompe ordinaire, l'eau froide
nécessaire pour condenser la vapeur, & le superflu de cette même
eau va se rendre dans le bassin provisionnel ; ce qui l'entretient
toujours rempli, malgré la plus abondante évaporation. Ce puits
seul doit y suffire dans tous les temps, s'il est seulement assez
abondant pour fournir à l'arrosage ordinaire d'un jardin.
Il est donc constant que partout où
pourra se découvrir une petite source alimentaire du réservoir
provisionnel pratiqué au niveau du terrain fût elle à cent pieds
de profondeur, la nouvelle invention pourra avoir lieu. À l'aide de
cette source, & d'une machine à feu , on est assuré de se
procurer des torrents d'eau pour faire tourner, s'il le faut, jusqu'à
vingt meules à la fois, sur les lieux les plus élevés, comme dans
les plaines les plus arides, & sans aucun des inconvénients que
la proximité des rivières entraîne toujours avec elle.
Il s’agit actuellement d'expliquer
comment l'auteur fait agir l'eau sur les roues, de manière à ne
consommer qu'un tiers de l'eau qui se dépense dans l’usage
ordinaire pour faire tourner un moulin. Mais avant tout, il faut
avoir que l'eau peut faire tourner une roue de deux manières, ou par
la force de son choc ; c'est à dire, par sa chute & son
impulsion, ou bien par son seul poids d'inertie, étant
successivement retenue dans des augets sur lesquels elle tombe en
nappe, sans être forcée. Dans le premier cas, l'eau ne peut
communiquer à la roue frappée, que le tiers ou à peu près de sa
force, conformément à la théorie des corps choqués ; théorie qui
ayant lieu pour les corps solides, regarde, à plus forte raison, les
fluides dont les parties sont bien moins liées ensemble. Dans le
second cas, au contraire, où l'eau n'agit uniquement que par la
pesanteur, non seulement elle communique entièrement à la roue
toutes les forces qu'elle a en entrant & se reposant dans un
auget, mais, de plus, cette force est reproduite à proportion du
nombre de ces mêmes augets, dans lesquels elle est toujours retenue
sur la demi-circonférence de la roue. Par le choc, l'eau n'agit que
sur une seule palette de la roue : par le poids, au contraire, elle
agit sur tous les augets de sa demi-circonférence, d'où il fuit que
, pour faire tourner une roue à palettes par le choc ou l’impulsion
de l'eau, on est obligé d'employer trois fois plus d'eau qu'il n'en
faut, à égale hauteur, pour faire tourner une roue à pots par la
force du poids. Lors donc, qu'en suivant le premier principe, on n'a
de l'eau que ce qu'il en faut pour un seul moulin ; suivant le second
principe, il y en aurait suffisamment pour en faire tourner jusqu'à
trois. De tels avantages n'ont point échappé à l'auteur des
moulins à feu qui use effectivement de ce genre de roue dans
l’exacte de perfection où elles sont aujourd'hui, & dont
l'effet a parfaitement répondu à la théorie. (1)
Mais ce ne serait pas assez de
procurer de nouveaux moulins, s'ils ne devaient avoir la régularité
de mouvement requise, d'où dépend essentiellement la bonne mouture.
À cet égard il est aisé de démontrer qu'il ne peut y avoir des
moulins, dont le mouvement soit plus uniforme. En effet, le bassin
supérieur étant toujours également plein, & le pertuis étant
constamment le même, il tombe nécessairement, à chaque instant,
sur la roue une même quantité d'eau qui y exerce une même force :
elle procure donc une uniformité de mouvement qui allure la
meilleure qualité de farine.
Reprenons, & articulons en deux
mots, le principe de l'invention. C'est, d'une part, un réservoir
provisionnel qui, en diminuant considérablement la profondeur des
puisards, multiplie à proportion la quantité d'eau élevée par la
machine à feu ; cette même eau étant sans cesse reproduite en
retombant dans le même réservoir. C'est, d'autre part, un usage
bien entendu de roues à augets qui épargnent les deux tiens de
la consommation d'eau nécessaire aux moulins, en ne la faisant agir
que par son poids , au lieu de la faire agît par son choc. Telle est
cette invention simple, qui d'abord trouva des incrédules, comme
toute invention nouvelle dont on n'a point encore vu les effets ;
mais elle satisfait aujourd'hui ceux qui en ont connaissance, ou qui
aiment le bien ; & la ville de Nismes en voit le succès avec la
plus grande satisfaction. Combien n'aura telle pas à s'applaudir
d'en avoir donné le premier modèle à la France !
Trop longtemps asservie aux
inconvénients qu'occasionnaient la disette des eaux &
l'éloignement des moulins étrangers, cette ville fournit bientôt
des citoyens distingués, qui saisirent, avec empressement un projet
qui peut pouvoir la délivrer de cette servitude. Il fut doux sans
doute à l'auteur de voir des personnes aussi éclairées que
respectables, s'associer à l'envi, pour procéder aux moyens de
l'exécution : nullement émus de l'incrédulité publique, presque
aussi convaincus du succès que l'auteur même, & plus animés du
zèle patriotique que de leurs propres intérêts, ils n'ont rien
épargné dans l'exécution , pour relever et assurer la durée de ce
premier établissement. (2)
Mais, ni le zèle de MM. les
actionnaires ; ni la justesse des combinaisons de l'auteur, ne
suffisaient pas ; il fallait une pompe à feu, & des personnes
expérimentées dans la construction de cette ingénieuse &
savante machine. Ces hommes rares, si utiles à la société, &
par la même si dignes d'éloges, ont été MM. Perier frères, défia
célèbres par d'autres établissements utiles. Entendus en
mécaniques de tout genre, mais surtout consommés dans l’art des
machines à feu, ils peuvent se féliciter de les avoir portées à
un degré de perfection inconnu jusqu'à ce jour, aussi, le succès
de celle qu'ils ont établie à Nismes, ne laisse plus rien à
désirer.
M. l'abbé d'Arnal doit rendre cette
justice aux talents distingués de MM. Perier, comme il l'a rendue au
zèle patriotique des bons citoyens qui ont secondé son projet : il
se trouve heureux d'avoir procuré le plus grand bien dans sa patrie,
conjointement avec eux, sur un objet de première nécessité : il
serait plus heureux encore, s'il pouvait étendre les avantages de
son invention sur toutes les villes qui manquent de moulins ou qui
n'en ont que d'imparfaits. Si quelqu'une d'elles désiraient des
connaissances plus détaillées sur l'économie & l'ensemble de
la construction, elles peuvent s'adresser à Nismes, à M. l'abbé
d'Arnal, chanoine de la cathédrale d' Alais, privilégié du roi
dans cette partie. Il donnera, avec plaisir, les notions les plus
précises sur une invention qui ne lui est chère qu'à raison de son
utilité.
NDLR
(1)
L’auteur
nous fait la description d’une roue à augets, qui existait déjà
avant l’antiquité. La force d’une roue à augets est donnée par
la hauteur de la chute qui conditionne son diamètre. Le volume d’eau
absorbé, lié à la capacité des augets, nous donne la puissance
maximale de la roue. La vitesse de cette dernière est régulée par
le meunier qui fait varier le débit de l’eau. Un bon rendement du
système est lié à une distribution d’eau sans fuite, ainsi
qu’une étanchéité parfaite des augets. Dans le cas du système
Darnal, deux meules sont accouplées à une même roue, elles
tournent à la même vitesse.
Même
à cette époque tout cela ne s’inventait pas, ce secret faisait
partie du savoir-faire ancestral des constructeurs de moulins.
Une
des essences de bois le plus utilisées pour la construction des roues
de moulins est le chêne.
En
conclusion, le choix d’un type de roue pour un moulin à conduite
non forcée est fonction de la quantité d’eau disponible et de la
hauteur de la chute d’eau.
(2)
D'après
les écrits de Tubeuf, le baron de Marguerittes était associé à
d’Arnal, il était aussi son comptable.
Le
baron de Marguerittes dernier Maire de Nimes et 1er Consul sous
l’ancien régime, sera le premier Maire sous la Révolution.
. | |
1787
Visite de Thomas Jefferson à Nîmes
en 1787
Présentation
et traduction de Marie-Jeanne GAMBINI, avec
l’assistance « technique » de Michel LAJOIE-MAZENC, Directeur de
recherche honoraire au CNRS, Membre de l'Association Régionale des
Amis des Moulins du Midi Toulousain, qui a eu l’extrême courtoisie
d’annoter les dessins exécutés à la fin de sa lettre par Thomas
Jefferson à l’intention de l’Abbé d’Arnal. Qu’il en soit
ici remercié.
|
|
Quand
un ambassadeur parle de mécanique
à
un ancien chanoine
Au
XVIIIe siècle, avec les atouts touristiques antiques que sont
l’amphithéâtre et la Maison Carrée, et les transformations de
l’ingénieur Mareschal au Jardin de la Fontaine, Nîmes est devenue
une ville que toute l’Europe des intellectuels et des antiquaires
(le terme alors employé pour désigner les archéologues) connaît.
Mais au fur et à mesure que le siècle s’étire et que la
situation politique en France se dégrade à grande vitesse, Nîmes
souffre de l’agitation qui enflamme les Cévennes et le Vivarais. A
ce sujet, l’Abrégé de
l’histoire de Nîmes, de
Léon Ménard est irremplaçable, en particulier pour ce qui est de
la décennie 1780. Que s’est-il donc passé ?
La Guerre de 7 ans s’est terminée
sur un traité catastrophique pour nous, en 1763, qui met la France à
portée d’une invasion par l’Angleterre. La décennie suivante a
vu notre participation à la Guerre de l’Indépendance américaine,
décisive pour la création de la première démocratie – toujours
en exercice – au monde, mais décisive aussi quant à l’aggravation
de la situation économique, politique et sociale en France, avec un
coût de 24 millions de livres que les Américains ne sont pas en
mesure de rembourser au Trésor royal.
C’est le 5 août 1784 qu’arrive le
premier ambassadeur américain en France – Thomas Jefferson - le
meilleur ami que notre pays ait jamais eu à l’extérieur de nos
frontières. De son côté, la France est le seul pays ami de la
jeune république américaine, et une des grandes idées de Jefferson
– qu’il soumet à son gouvernement – est d’essayer d’évaluer
les capacités économiques de notre pays, en termes d’agriculture,
de technologie et de pré-industrie, pour mettre en application les
traités de commerce qu’il vient de signer avec le gouvernement
français.
Très vite, il décide de parcourir
notre pays pour mettre en œuvre ses théories. Il part le 28 février
1787 et en trois mois et demi, il va parcourir 2000 km en France et
dans le nord de l’Italie, pour mieux comprendre la culture du riz
dans le Piémont…
Il a fait ce voyage la plupart du
temps dans l’incognito le plus complet, et a laissé des notes très
intéressantes sur l’économie de nos régions, notes qui n’étaient
pas destinées à être publiées. Cependant, elles présentent un
immense intérêt, et n’ont rien à voir avec les récits de voyage
des Britanniques qui, à la même époque, traversaient l’Europe
d’une manière hédoniste et fleurie !
A
Nîmes, où il est resté du 20 au 23 mars inclus, il est venu,
attiré par la présence de la Maison Carrée, dont il rêve déjà
comme futur Capitole de l’Etat de Virginie. Dès le premier soir,
voulant voir, selon son habitude, « tout
ce qu’il y a à visiter »
il « se plonge dans les
antiquités », selon son
expression ! Que ce soit les monuments ou la collection des
antiquités laissées par Séguier à l’Académie de Nîmes, les
visites sont payantes. En 4 jours et demi, il dépense 16,68 francs
pour satisfaire sa passion de l’art antique !
Qu’il
soit en train d’admirer la collection d’antiques à l’Hôtel
Séguier ou de rêver à la fenêtre de son hôtel - le Louvre, alors
dans toute sa gloire - il a dû être frappé par le bruit et le
mouvement, générés par une construction importante, pourvue d’une
cheminée de plus de 15 mètres de haut, qu’on était en train de
finir, dans la même rue Séguier, au niveau de la rue des Jardins !
(*)
C’est ainsi qu’il a découvert l’énorme moulin à vapeur que
l’Abbé d’Arnal était en train de construire ! Énorme, et
impressionnant par sa nouveauté industrielle ! Hélas, la machine à
vapeur fournie par la Maison Périer, à Paris, n’était pas assez
puissante, causant peut-être l’échec ultérieur de cette «
minoterie » !
Mais
en 1787, on n’est pas encore dans un constat d’échec …Et
Jefferson engage la conversation avec Scipion d’Arnal. Ils ont dû
parler longuement puisque dans une lettre du 20 septembre 1787 à un
de ses correspondants, Jefferson écrit : « ….quand
j'étais à Nismes, je suis allé voir le moulin à vapeur là et ils
m’en ont montré toutes les parties. J'ai vu que leur vapeur
faisait monter de l’eau, et que cette eau actionnait une roue. J'ai
exprimé mes doutes sur la nécessité de la médiation de l'eau et
ai dit que le moulin de Londres en était dépourvu. Mais ils ont
supposé que je me trompais ; peut-être était-ce le cas ; je n'ai
pas eu la possibilité, depuis, d'éclaircir le doute ».
Cette lettre, datée du 20 Septembre, montre qu’il n’a pas reçu
de réponse à celle qu’il a écrite à Arnal, dès le 9 juillet,
un mois après son retour à Paris ; une lettre dans laquelle il lui
explique des détails de mécanique bien précis, ce qui est plutôt
inhabituel, de la part d’un ambassadeur…
De
Thomas Jefferson à l’Abbé d’Arnal
Paris, le 9 juillet 1787
Monsieur,
J'ai eu l'honneur de vous informer
quand j’étais à Nismes de ce que nous avions adopté en Amérique
une méthode pour supporter la meule tournante d'un moulin à blé,
qui avait été jugée tellement plus commode par rapport à
l'ancienne que nous en avons généralisé l’utilisation. Que nous
tirions cette invention de l'Europe, ou l'ayons faite nous-mêmes, je
suis incapable de le dire. La différence réside seulement dans le
système fer de meule – anille.
Avec
l'ancienne technique, l'anille était d’une seule pièce en fer en
forme de croix, avec un trou carré au milieu, comme ceci :
, lequel trou s’adaptait sur l’extrémité supérieure du fer de
meule . L'anille était alors fixée dans des sillons creusés en
croix au bas de la meule tournante, qui devait être posée sur le
fer de meule de telle manière que le plan de la surface de mouture
soit parfaitement perpendiculaire au fer de meule. C’était une
opération difficile et fastidieuse, qui devait être répétée
chaque fois que les meules étaient rhabillées.
Selon
la méthode présente, deux pièces de fer distinctes sont
substituées à l'anille : la première pièce a cette forme :
, d’une largeur et d’une épaisseur telle qu’elle peut
supporter tout le poids de la meule. Ses extrémités rectilignes
doivent être fermement fixées dans un des sillons creusés en croix
dans la meule tournante, la partie circulaire doit monter par le trou
au centre de cette meule de manière à être proche de sa surface
supérieure. Au milieu de cette partie semi-circulaire, et sur sa
surface intérieure (a, sur le croquis) doit se trouver un creux
auquel l’extrémité supérieure du fer de meule doit être
ajustée, en lui donnant une convexité adaptée à la concavité de
ce creux. L'autre pièce en fer est seulement une barre rectiligne,
qui devra être fermement fixée dans l’autre sillon croisé de la
meule tournante et devra avoir un trou carré en son centre comme
ceci :
On
donnera à la partie correspondante du fer de meule une forme carrée
pour l’adapter à ce trou. La fonction de la première pièce en
fer est de supporter la meule, celle de la seconde est de lui donner
et de maintenir son mouvement. Les meules étant rhabillées et ces
pièces (en fer) fermement
fixées dans la meule tournante, celle-ci est placée à l'envers sur
le fer de meule pour que la pointe de ce dernier puisse entrer dans
le creux de la pièce en fer semi-circulaire, et que la meule
tournante puisse ainsi être soutenue librement.
La meule tournante ne prendra
probablement pas d’emblée sa véritable position qui est celle du
plan de sa surface de mouture, parfaitement perpendiculaire au fer de
meule. L'ouvrier doit donc tailler le dessus de la meule tournante,
avec un ciseau, jusqu’à ce qu'elle se place dans la bonne
position. Une fois que c’est fait, c’est fait pour toujours ; car
ensuite, chaque fois qu’on rhabille les meules on doit seulement
replacer la meule tournante sur son pivot et elle reprendra son
équilibre. Il arrive parfois qu'un côté de la meule tournante
étant plus tendre que l'autre, il s’use plus vite et donc
l'équilibre se perd avec le temps. L'expérience a montré qu'un
petit écart par rapport à l'équilibre sera rectifié par la meule
gisante, qui sert de guide à la meule tournante jusqu’à ce
qu'elle retrouve son mouvement dans un plan correct, et qu'elle le
conserve ensuite. Mais au cas où un défaut de la meule rendrait cet
écart par rapport à l'équilibre trop considérable, il s’avérera
peut être nécessaire de l’arranger, à certaines périodes, en
taillant à nouveau le dessus de la meule tournante.
J'avais promis, quand j'eus l'honneur
de vous voir à Nismes, de vous envoyer une maquette de cette façon
de fixer la meule : mais les frais pour expédier une maquette par la
poste, le danger de la voir se perdre ou être détruite par la
Messagerie et l'espoir que je pourrais la rendre intelligible grâce
à une description et des figures, m'ont incité à préférer la
seconde méthode.
Je
vous donnerai avec grand plaisir d’autres explications qui peuvent
être nécessaires pour votre
parfaite compréhension de la chose, et d’autant plus volontiers
que cela me fournira de nouvelles occasions de vous assurer de ces
sentiments de respect et d’estime
avec lesquels j'ai l'honneur d'être, Monsieur, votre serviteur le
plus obéissant et le plus humble.
TH. JEFFERSON
(*)
(1)
- L’Hôtel du Louvre ; (2) Le moulin de l’abbé d’Arnal
|
.
1788 - « Prospectus
de la navigation générale des rivières du royaume par les moyen de
la machine à feu, inventé par M. l'abbé d'Arnal »,
chanoine de la cathédrale d'Alais. Imprimerie Louis Jorry, rue de la
Huchette. . |
.
Etienne d'Arnal (Valleraugue, Gard,
1773-1801) est une figure méconnue de l'histoire de l'introduction
de la machine à vapeur en France. Il inventa des moulins à vapeur
dont on fit l'expérience à Nîmes. Dans ce "Prospectus",
il propose un système pour remonter les fleuves : c'est une machine
à vapeur montée sur un bateau tirant sur un câble fixé sur le
rivage. Il obtint en 1782 un privilège exclusif pour l'établissement
de cette machine en France. Cette machine, qui précède l'invention
de Robert Fulton n'a probablement jamais été expérimentée. Relié
avec : - Avis sur l'entreprise de la navigation du Rhône, de la
Saône & de l'Isère, par le moyen de la machine à feu, proposée
par souscription. Lyon, de L'imprimerie de La Ville, 1788. Maintenant
que l'abbé Arnal voit ses travaux couronnés de succès ; "(ses)
moulins à feu sont en activité dans la ville de Nîmes", ce
prospectus propose la constitution d'une compagnie par actions qui
financera un voyage d'Arles ou de Beaucaire à Lyon, "d'une
machine qui aura remonté avec elle plusieurs bateaux." Etienne
d'Arnal "mourut à Nîmes dans la plus grande misère, après
avoir consumé sa vie et sa fortune en entreprises utiles, mais
infructueuses." (Hoefer)
NDLR
– Cet article édité en 1788, reprend le prospectus de d’Arnal
édité en 1782, et donne quelques informations complémentaires
liées à l’actualité de 1788. . | |
1790
« Mémoire
sur les moulins à blé, mus par des machines à feu, établis à
Paris dans l'Isle des cignes »,
par Jean Sylvain Bailly (1736-1793). Imprimerie du Postillon, Paris,
1790.
Jean Sylvain Bailly, mathématicien,
astronome, littérateur et homme politique, premier maire de Paris,
du 15 juillet 1789 au 18 novembre 1791, guillotiné à Paris en 1793. |
|
NDLR
- Ce document implacable démontre que le système inventé par
l'abbé d'Arnal n'a aucun avenir. Le constructeur de la pompe à feu
d'Arnal, a construit à Paris un moulin mu directement par une
machine à vapeur. Dans ce mémoire, il est précisé que ce moulin
fonctionne parfaitement depuis 3 ans, soit depuis 1787. Si l'on se
réfère aux écrits de Thomas Jefferson, cette année là, d'Arnal
était encore en train de finir une machine, pourtant sa mise en
chantier date de 1780. Elle est dépassée quand elle sera supposée
« entrer en activité en 1788 » comme l'affirme un prospectus
édité par lui-même.
Voici extrait et commentaires du texte
de Bailly en 1790 :
« A
Paris, les choses sont menées plus rondement, la technologie est
apparemment plus aboutie. C'est celle de moulins qui tournent à
Londres, le volume traité est beaucoup plus important, 1000 sacs de
farine par jour. Au début l'administration n'étant pas très
réceptive il construisit à ses frais, une machine à feu. Il y
adapta un Moulin garni des Bluteries et tous les instruments
nécessaires pour faire de la farine la plus parfaite. Cette machine
fonctionnera dès l'année 1787.
Vu sa réussite, Perier sera chargé
par le bureau des subsistance, par un arrêté du 26 septembre 1789,
de former un établissement de deux machines à feu et de douze
meulages. L'isle des Cignes lui a paru le local le plus favorable,
par la facilité de recevoir les blés expédiés par Rouen. Les deux
machines à feu y sont construites et l'une des deux est déjà en
activité. » (1)
Voici la description sommaire de
l'établissement de l'isle des Cignes :
Un bâtiment 128 pieds (39 mètres) de
long sur 40 (12 mètres) de large contient douze Meules. Trois étages
de planchers, sont destinés à recevoir les Meules au premier, les
Bluteries (système de tamis rotatifs) au second et les tarares au
troisième. (2)
La construction de ce Bâtiment est
élevée en charpente sur un Parpin de quatre pieds (1,20 mètre) de
hauteur. Les dimensions des fondations, laissent le moyen de le
construire entièrement en pierre, si on le juge nécessaire par la
suite.
Deux machines à feu de rotation
donnent chacune le mouvement à six meules.
Ces machines sont garnies chacune de
deux chaudières pour se suppléer l'une à l'autre dans les moments
de réparations.
Une pompe mue par la Machine même,
élève l'eau de la Rivière par un tuyau d'aspiration prolongé fort
au-dessous des plus basses eaux et des fortes glaces alimente ces
Chaudières, et fournit pour l'injection d'eau froide nécessaire au
jeu des Machines.
Le cylindre à vapeur de cette Machine
à feu, a 36 pouces (3 pieds, c'est à dire 90,44 cm) de diamètre
intérieur.
Le piston qu'il renferme, met en
mouvement un Balancier ou Fléau de charpente, dont le bras de levier
opposé est fixé à deux manivelles qui communiquent par des rouages
le mouvement aux Meules et leur imprime une rotation de 60 à 80
tours par minute.
Pour rendre cette rotation
parfaitement uniforme, on a fixé sur les axes des manivelles deux
roues de fer, d'un poids considérable et de vingt pieds de diamètre
qui font l'office de volant (3) ; les dispositions de cette
machine, sont telles que l'on peut à volonté accélérer ou
diminuer son mouvement.
La même machine fait tourner les
Bluteries, les Tarares et monte les sacs à tous les étages du
bâtiment, en même temps qu'elle fait mouvoir les meules.
La première expérience de ce moulin
a été faite le 30 du mois dernier (30
septembre 1790), en
présence de M. le Maire et de plusieurs membres de la Municipalité.
Six Meules seulement qui ont été
mises en activité, ont moulu en cinq heures, soixante-six setiers de
blé, ce qui fait pour chaque Meule par vingt-quatre heures,
cinquante-deux setiers deux tiers, et pour la totalité de
l'établissement, six cent trente-deux setiers par jour. Il est
probable que le produit de ces Moulins sera plus considérable
lorsque les Meules seront parfaitement en Moulage.
Mais en partant seulement de ce
résultat, les 12 Meules fourniront en mouture parfaite,
c'est-à-dire, à Moudre et
Remoudre au moins 200 sacs
du poids de 325 livres par jour, lesquels à raison de 4 livres de
mouture, prix ordinaire, produiront 800 livres, et par année, en
comptant que 300 jours de travail, 240 000 livres. Cet établissement
complet avec deux Machines à feu et douze Meules, coûtera y compris
le Bâtiment environ 450 000 livres, et pour n'être pas en dessous
des dépenses, on les portera à 500 000 livres…..
NDLR
(1)
Ce texte écrit en 1790, tout juste un an après la décision de
construction, nous prouve que Pèrier maîtrisait complètement la
mise en œuvre d'un tel procédé, rien à voir avec le moulin du
citoyen Darnal.
(2)
Tout ces systèmes sont actionnés par la force des machines à feu. (3)Ce
n'est autre que l'ancêtre du volant moteur de nos voitures, qui
lancé en rotation à la vitesse de l'embiellage, accumule un force
de rotation à chaque explosion et la restitue entre.
| |
1799
Extrait de
« Description
Abrégée du Département du Gard »,
page 57, par Stanislas-Victor Grangent (1768-1843), ingénieur en
chef du Département, brumaire an VIII, 1799. |
|
Dans
la commune de Nîmes, il y a un moulin à feu abandonné depuis la
révolution, qui a cependant été en activité plusieurs années
avec succès, et dont l'établissement est dû au Citoyen DARNAL,
Mécanicien d'Alais. Le manque absolu de moyens de faire moudre aux
environs de Nîmes pendant l’été, les difficultés et
l'éloignement des moulins à blés situés sur le Gardon et sur la
rivière d'Uzès, nous font désirer qu'un établissement aussi utile
à la commune de Nîmes puisse reprendre son activité.
La
machine à feu existe encore dans son entier, quelques réparations
au corps du bâtiment, et aux rouages en bois qui sont très dégradés
pourraient faire reprendre cet établissement ;
et les propriétaires devraient ne pas négliger le seul moyen
d'utiliser les dépenses immenses que cette machine à feu a dû
occasionner dans son principe.
| |
1801
« Le
Citoyen Français, journal politique, commercial, littéraire »
n° 656, page 4, daté du 16 fructidor de l'an IX (3 septembre 1801) . |
|
. Article sur Nîmes : «
L'on vient de construire à
Nîmes 2 moulins à blé, mus par une machine à vapeur, à rotation
à double effet, construite sur le principe de celle existante à
Paris, par le citoyen Edwart Boury, élève de Perrier (Perier ?).
Les essais qui ont été faits sur cette machine ne laissent aucun
doute sur la réussite de cet établissement... »
(*)
(*)
NDLR –
Le système de d’Arnal est définitivement enterré, tout comme son
inventeur décédé en début d’année. Notre inventeur n’a pas
imaginé ce qu’il aurait pu obtenir en transformant un mouvement
pendulaire en mouvement rotatif. Il avait le piston, mais il lui
manquait la bielle et le vilebrequin, le tout monté sur un lourd
volant pour passer l’inertie du point mort bas et du point mort
haut. Il a aussi négligé les études de Réaumur (1683-1785) sur la
sidérurgie, pourtant ces dernières découvertes lui auraient permis
de construire des transmissions en métal, matériau beaucoup plus
performant que le bois.
Au
cours de la même période, d’autres inventeurs ont su exploiter
toutes ces connaissances, c’est le cas des frères Perier. . | |
1811
Extrait de « Description
des Machines et Procédés dont les Brevets d’Invention ont une
durée expirée ».
Publié d’après les Ordres de M. le Comte Montalivet, Ministre de
l’Intérieur, tome premier, 1811, page 198 à 204 |
|
:
7 mars 1792.
BREVET DE TROIS ANS QUATRE MOIS ET
DEMI ,
Temps qui complète la durée du
privilège exclusif de quinze années accordé le 25 juillet 1780,
pour établir des moulins à
farine allant par machine à vapeur, à l'aide d'un mécanisme
particulier au sieur DARNAL ci devant chanoine d'Alais département
du Gard, inventeur.
Description détaillée des moulins à
feu du sieur Darnal, avec figures. (1) :
Quelque prodigieuse que soit la .force
de la machine à vapeur, quelle que soit la quantité d'eau qu'elle
peut élever suivant sa grandeur, le vrai produit n'en est pas moins
subordonné , comme dans toute autre machine à la profondeur des
puisards ; plus le puisard est profond, plus il faut diminuer le
diamètre ou la grosseur de la colonne d'eau à élever, et se
résoudre à en recevoir une moindre quantité.
Ce principe établi, on ne sera pas
étonné qu'on ait si longtemps négligé de construire expressément
des machines à feu pour suppléer à la force des courants, parce
que, dans les pays qui en sont dépourvus, les sources souterraines
sont communément profondes et peu abondantes, et qu'avec ce double
désavantage, le secours d'une pompe à feu devenait et trop limité
et trop cher pour l'appliquer sans autre invention à l'usage des
moulins à blé, surtout en France où le charbon de terre n'est pas,
à beaucoup près, ni si commun, ni à aussi bon compte qu'en
Angleterre.
Pour augmenter à volonté le volume
d'eau à élever, de manière à faire tourner un grand nombre de
meules à la fois, et à former pour ainsi dire des torrents pérennes
là où il ne coule pas même la plus petite fontaine, le sieur
Darnal a imaginé un réservoir provisionnel C , C , planches 5 et 6
, fort élevé au-dessus de la source F, et construit au niveau du
tendu, ou à-peu-près de manière à être à l'abri des
infiltrations.
Le réservoir C C, une fois rempli
d'eau par le moyen des machines usitées, ou à manège ou à bras
devient le puisard principal d'où la pompe à feu élève l'eau pour
la porter sur un bassin supérieur E, dont la hauteur, en partant de
son sol jusqu'à la superficie
ou surface de l'eau du réservoir provisionnel C , C , ne doit être
que de seize pieds, ce qui permet de donner au corps de pompe H le
même diamètre ou la même grosseur qu'au cylindre I.
C'est de ce bassin supérieur E que
l'eau, versant sur les roues G des moulins, se rend dans le même
réservoir provisionnel C , C , d'où elle a été élevée, pour
être de nouveau remontée sur celui E qui est au-dessus, et retomber
encore sur les mêmes roues G ; la même eau étant ainsi
continuellement dans l'action ascendante et descendante, tantôt
soumise aux efforts de la pompe à feu tantôt exerçant les siens
propres sur les roues des moulins, ne peut se
corrompre, mais elle
s'évapore aisément ; pour réparer les pertes on peut faire servir
la même source E, qui sert dans l'occasion à remplir
entièrement le réservoir provisionnel C, C , lorsqu'on le vide pour
une cause ou une autre. La machine à feu elle-même, par le moyen de
la petite pompe L , L , qui élève du puits F l'eau froide
nécessaire pour condenser la vapeur pendant le jeu de la machine
peut entretenir le réservoir provisionnel C, C, toujours plein
malgré la plus forte évaporation, en y conduisant par un tuyau
l’eau de condensation ou son superflu.
Les roues à augets, où l'eau agit
par sa pesanteur , sont préférables aux roues à aubes, contre
lesquelles l'eau agit par son courant ou par sa chute et les fait
tourner dans ce dernier ces l'eau ne communique à la roue frappée
que la moitié de sa force ou à-peu-près, tandis que dans le
premier cas l'eau étant successivement retenue dans les augets où
elle tombe en nappe agit par son poids, en sorte que la moitié de
l'eau qu'il faudrait, tombant d'égale hauteur pour faire tourner la
roue à aubes, suffirait pour faire tourner une roue à augets ,
toutes circonstances égales d'ailleurs.
Les roues à pots G sont placées
entre le mur qui soutient le bassin supérieur E et celui du bâtiment
des moulins B ; ces roues ne doivent avoir que seize pieds de
diamètre de dehors en dehors, et même il serait mieux de ne leur
donner que quinze pieds ; leur largeur d'une jante à l'autre doit
être de six pieds ; l'arbre M de la roue G a vingt pieds de longueur
et trois pieds de diamètre , il est de forme ronde et composé de
plusieurs poutres à cause de sa grosseur ; il est nécessaire de le
garnir de cercles de fer pour consolider l'assemblage.
Le bas des roues à pots doit
approcher de prés la surface de l'eau du canal fermé D qui
communique au réservoir provisionnel et fait corps avec lui, mais
les roues ne doivent point tremper dans l'eau ; il faut donner un
espace de quatre à cinq pouces entre l'eau et le bas des roues.
Le rouet N, porté par l'arbre de la
roue et qui engrène la lanterne fixée sur le pas de la meule doit
avoir dix pieds, et la lanterne seize pouces de diamètre ; on
pourrait même donner à cette lanterne jusqu'à dix- huit pouces, si
la meule était de six pieds de diamètre.
La largeur du canal D doit être de
sept pieds six pouces ; l'un des deux murs latéraux O du canal, qui
touche le bâtiment des moulins, peut avoir un pied six pouces, ou
seulement un pied d'épaisseur ; celui P du côté du bassin
supérieur doit avoir trois pieds six pouces d'épaisseur, à cause
des piliers R, qui supportent les tourillons des arbres des roues, et
qui avancent de trois pieds vers le canal de la roue , à partir du
mur du bassin supérieur.
La distance entre le mur du bâtiment
des moulins B et celui du bassin supérieur E sera donc en totalité
de douze pieds six pouces.
M. Darnal a connaissance des moulins
établis en Angleterre par MM. Watt et Boulton, et ceux construits
sur les mêmes principes, à Paris , par MM. Perier frères et qui
paraissent au premier abord d'un usage plus économique que ceux
qu'on vient de décrire, parce que la machine à vapeur qu'on y
applique exerce immédiatement sa force sur le premier mobile des
moulins, et qu'ainsi dégagée de la résistance qu'occasions dans
les moulins du sieur Darnal les pistons des pompes il n'est pas
nécessaire d'employer des machines à vapeur aussi grandes pour
imprimer le mouvement à un nombre de meules déterminé que si on
les faisait tourner par le moyen de l'eau élevée par les pompes ;
mais il observe à ce sujet,
1° - que lorsqu'il s'agit d'un grand
établissement, composé, par exemple de dix-huit à vingt meules
tournant continuellement pour suffire à la consommation d'une grande
ville une seule machine à vapeur de la grandeur convenable pourrait
les faire tourner suivant la méthode du sieur Darnal, tandis qu'il
faudrait quatre machines d'après le système de MM. Wall et Boulton
, attendu qu'il serait imprudent de faire tourner plus de cinq à six
meules à la fois par une seule machine. Il faudrait donc quatre
fourneaux ou quatre feux ; en même temps un plus grand entretien et
un plus grand espace combiné de terrain pour tous les bâtiments ;
et dès lors quelle économie y trouvera-t-on ? il n'y aura que plus
d'embarras. Car pourrait-on croire que quatre fourneaux allumés,
quoique beaucoup plus petits, ne consommassent point autant de
combustible qu'un seul fourneau d'une machine quadruple.
Faut-il au contraire faire un petit
établissement composé seulement de quatre meules pour une petite
ville ? si on veut qu'elles travaillent sans interruption, il faut
non seulement construire une seconde machine à vapeur de rechange,
comme cela se pratique dans tout établissement de machine à feu,
mais il faut en même temps construire un double équipage de
tournant adapté à cette machine, et un second bâtiment pour les
contenir ; parce qu'on ne peut, sans un plus grand inconvénient
encore , suivant la méthode de MM. Watt et Boulton, faire mouvoir
successivement les mêmes meules par deux différentes machines à
vapeur ; au lieu qu'en suivant le principe du sieur Darnal, quel que
soit le nombre de pompes à feu qu'on établisse, chacune d'elles
élève l'eau dans le même bassin supérieur qui a été décrit,
d'où on la fait couler à volonté sur toutes les roues à Baudets
indifféremment qu'on veut faire tourner, sans s'embarrasser de
quelle machine l'eau provient.
2° - Lorsque toutes les meules
reçoivent le mouvement d'un seul et même mobile, elles ont la même
vitesse ; mais tous les blés ne sont pas de même qualité ; l'un
est tendre, l'autre très dur ; les boulangers par exemple mouillent
toujours le leur pour le ramollir avant de le moudre, et avoir ainsi
un son large ; les bourgeois au contraire le donnent à moudre
parfaitement sec pour que le son soit plus menu et que la farine
fasse plus de service pour le pain de ménage. Or la dureté du blé
retarde le mouvement de la meule, dans le temps que le blé tendre le
favorise et l'accélère. Si donc, dans un ensemble de meules
tournantes , les unes écrasent du blé dur et les autres du blé
tendre, elles ne vont pas, ni même il ne convient pas qu'elles
aillent uniformément ; c'est de l'habileté du meunier de
proportionner la vitesse de la meule courante à la qualité du grain
qu'elle moud, et à la quantité qu'elle en peut recevoir. Il doit
éviter que la meule ne s'empâte lorsqu'elle écrase du blé tendre
ou humecté ; il doit éviter que la farine s'échauffe lorsque le
blé se trouve dur et sec, et pour cet effet il faut
indispensablement que le meunier soit le maître absolu de sa meule,
surtout pour la mouture dite à la grosse, qui est la plus
généralement usitée en. France.
Mais lorsque toutes les meules
reçoivent directement le mouvement d'une seule machine à vapeur,
elles ont nécessairement la même vitesse ; il est dès lors
impossible au meunier de modérer ou d'accélérer le mouvement d'une
meule plus que celui d'une autre, à raison de la nature du blé
qu'elle écrase ; et comme d'après cette méthode toutes ces meules
sont poussées d'une égale force, il doit arriver que celles qui,
par la qualité du grain, éprouvent moins de résistance, devancent
instantanément celles qui en éprouvent plus, ce qui occasionne des
contrecoups réitérés à tout instant, qui font darder les rouets,
usent la denture du rouage, produisent de la mauvaise farine.
Nous conviendrons néanmoins que cet
inconvénient est modéré dans un établissement monté spécialement
pour faire de la farine qu'on livre au commerce, surtout si l'on fait
usage de la mouture économique, où on ne fait d'abord que concasser
le grain qu'on remoud ensuite jusqu'à trois ou quatre fois ; d'où
il résulte qu'il n'y a jamais une résistance semblable à celle
qu'éprouvent les meules dans la mouture à la grosse, où, dans un
seul et même moulage, il s'agit d'écraser entièrement le blé et
de perfectionner la farine. Or, pour ce genre de mouture qui est plus
généralement pratiqué, il faut que le meunier puisse régler à
volonté le mouvement de la meule.
3°. Quiconque a vu des machines à
vapeur ne pourra disconvenir qu'elles ne soient sujettes à des
variations qui dépendent tantôt de la qualité du charbon, tantôt
de l'inattention du chauffeur, tantôt de la saison, tantôt enfin de
l'obstruction des conduits du fourneau ; toutes ces circonstances
accélèrent ou ralentissent la marche du volant dont la course
quoique déterminée par le régulateur n'est pas égale ; ce qui
nuit conséquemment à la mouture qui demande une grande régularité
dans le mouvement.
Au surplus, le sieur Darnal est bien
loin de blâmer l'application que MM. Watt et Boulton ont faite de la
machine à vapeur à la mouture des grains ; mais il croit que son
invention est non seulement à l'abri des inconvénients énoncés
ci-dessus, mais qu'elle est encore d'une utilité plus générale, en
ce qu'elle peut être employée au moulin à poudre, parce que la
pompe à feu peut être placée à une distance des moulins qui
n'offre plus le moindre danger du feu, parce que l'eau élevée par
les pompes coulera par un canal supérieur jusqu'au lieu où seront
les moulins à pilons, d'où elle sera reconduite par un canal
inférieur jusqu'au réservoir provisionnel, pour servir de nouveau
de la même manière que dans les moulins à farine déjà décrits.
Le sieur Darnal va même donner à
cette occasion le projet d'un grand établissement de moulin à
poudre, où l'on fera usage de la machine à vapeur conformément à
son invention.
NDLR :
(1)
Les plans accompagnant ce document seraient conservés dans une
bibliothèque nîmoise, mais à ce jour, nous n’avons pas pu les
consulter.
. |
Conclusions
Une
aventure industrielle ratée
|
.
Le moulin à feu d’Arnal, est un
gouffre financier causé probablement par de graves lacunes
techniques mal maîtrisées par son inventeur.
Concernant la traction à vapeur pour
les bateaux des fleuves et rivières, dans le dernier texte daté de
1782, simple reprise de son brevet initial, nous découvrons son côté
candide. Il s’autorisait des commentaires critiques sur les divers
systèmes de ses concurrents, alors que sa propre machine n’était
encore qu’une théorie, non encore confrontée à des essais en
grandeur réelle.
Dans une autre publication datant de
1783, au sujet de son moulin à blé, il ignorait le problème que
lui poserait un pompage en circuit fermé, avec ses compléments
d’eau d’évaporation puisée dans un puits de région calcaire.
Ce dernier entartrant les circuits endommagera les mécanismes en
provoquant, très probablement, un dysfonctionnement de la machine à
vapeur fournie par Périer. Autres problèmes, la pollution avec des
développements d’algues dans des bassins laissés à l’air
libre. Quant à la saison d’hiver avec les grands froids, comment
ne pas imaginer ces grandes roues recouvertes de chandelles de glace
engendrant une autre période de chômage forcé, problème qu’avait
imaginé et résolu Périer dans ses moulins installés dans l’Isle
des Cignes, il n’y a qu’à lire leurs descriptions, année 1790. Confronté à tous ces désagréments
coûteux et handicapants, provoquant de nombreux arrêts, il
découragera une clientèle, qui très certainement réservera sa
production à d’autres moulins traditionnels et ne viendra chez
lui, que lorsque ces derniers seront au chômage, par manque de vent
ou à cause de la sécheresse.
Son invention n’utilisant pas la
force motrice qu’aurait pu produire une machine à vapeur en
transformant un mouvement pendulaire en mouvement rotatif, lui
interdisait de motoriser tous les accessoires essentiels à un
moulin : bluterie, tarare et monte-charge élevant les produits
aux différents étages du moulin.
Que dire de sa noria actionnée par un
cheval puisant dans un puits l’eau destinée à compléter le
niveau du bassin inférieur, alors que sa machine possédait une
petite pompe annexe pour alimenter le circuit à vapeur !
Toute cette énergie qu’aurait pu
fournir à bon compte une machine à vapeur sera remplacée par une
coûteuse main-d’œuvre et l’entretien d’un cheval, augmentant
inutilement les charges de notre entrepreneur.
Avec tous ces non-sens économiques,
comment s’étonner que, 7 ou 8 ans après la mise en service de son
moulin, sa Compagnie
de Machines à Feu, soit
mise en cessation de paiement avec 200 000 livres de dettes.
Son système ne lui survivra pas, en
1801, année de son décès, 2 moulins à vapeur à motricité
directe système Périer (1) s’établiront à Nîmes. C’était la
fin d’une aventure qui ne laissera qu’un nom de rue dans notre
ville, la rue d’Arnal.
Déchu de son titre de noblesse, le
mécanicien Darnal, n’ayant
pas eu, le temps, l’argent, et le savoir-faire pour réagir aux
problèmes que générait son aventure industrielle, évitera la
grande misère grâce au secours de sa famille.
(1)
Ce système est décrit plus haut à la date de 1790, « Mémoire
sur les moulins à blé, mus par des machines à feu, établis à
Paris dans l'Isle des cignes »
Recherches
et Rédaction, Georges Mathon, octobre 2016
avec
l’aimable collaboration de Marie-Jeanne Gambini
. |
Bibliographie
& sources |
- 1781 - Journal Encyclopédique ou
Universel, année 1781, tome VIII, pages 149 à 153. A. Bouillon
- 1782 - Journal d’Agriculture,
Commerce, Finance et Arts, par une Société de Gens de Lettres.
Janvier 1782.
- 1783 - Esprit des Journaux
François et étrangers, par une société de Gens-de-Lettres, août
1783, tome VIII, douzième année, à paris chez Valade, Imprimeur
Libraire. Mémoire sur
les moulins à feu nouvellement établis à Nismes, inventés par M.
l'abbé d’Arnal ; chanoine de la cathédrale d'Alais, communiqué
aux rédacteurs du journal, pages 319 à 327.
-
1787 – Tableau Généalogique Historique de la Noblesse, 1787 –
Famille d’Arnal, pages 25 à 33.
- 1787 -
Visite de Thomas Jefferson à Nîmes en 1787. Présentation
et traduction de Marie-Jeanne GAMBINI, avec
l’assistance « technique » de Michel LAJOIE-MAZENC, Directeur de
recherche honoraire au CNRS, Membre de l'Association Régionale des
Amis des Moulins du Midi Toulousain, 2016
- 1790 - Mémoire
sur les moulins à blé, mus par des machines à feu, établis à
Paris dans l'Isle des cignes, par Jean Sylvain Bailly (1736-1793).
Imprimerie du Postillon, Paris, 1790.
- 1799 - Description
Abrégée du Département du Gard, page 57, par Stanislas-Victor
Grangent (1768-1843), ingénieur en chef du Département, brumaire an
VIII, 1799.
- 1801 - Le
Citoyen Français, journal politique, commercial, littéraire, n°
656, page 4, daté du 16 fructidor de l'an IX (3 septembre 1801)
- 1811 - Description
des Machines et Procédés dont les Brevets d’Invention ont une
durée expirée, publiée d’après les Ordres de M. le Comte
Montalivet, Ministre de l’Intérieur, tome premier, 1811, pages 198
à 204
- 1897 - Mémoires de l'Académie
de Nîmes de 1897, page 330.
-
1989 – Les rues de Nîmes, par Aimé Serre, page 35.
- 2005 - Conférence de
Jean-François Aupetitgendre du 10 décembre 2005, bulletin n° 21 de décembre 2005, pages 96 à 104, édition de la
Société d’Histoire Moderne et Contemporaine de Nîmes et du Gard.
-
2016 - Commentaires
NDLR & illustrations, Georges Mathon, administrateur du site
www.nemausensis.com
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