NOTRE DAME DE ROCHEFORT
Les aveugles voient, les sourds entendent

Extrait de Notre-Dame de Rochefort-du-Gard
depuis Charlemagne jusqu'à nos jours.
Récit du Chanoine J. -B. Petitalot, 1910

Avertissement : Le livre du Chanoine de Notre-Dame de Rochefort, Jean Baptiste Petitalot, doit être abordé comme un livre pieux écrit par un homme partagé entre la rigueur de l'historien et la foi de l'homme d'église. Il n'en reste pas moins très intéressant et incontournable.   G.M.

XVII


Les infirmités de toute nature et les maladies les plus diverses cèdent à l'invocation de Notre-Dame de grâce. Aveugles, sourds, muets, boiteux et paralytiques, hydropiques, épileptiques, pleurétiques, gens estropiés ou blessés même mortellement, personnes atteintes des fièvres les plus pernicieuses, trouvent sur le rocher béni une guérison aussi prompte que radicale.

Nombreuses sont les guérisons d'aveugles. Nous avons déjà raconté celle de Pierre Guigue, qui eut lieu quinze jours après la réouverture de la chapelle.

Voici maintenant M. de Boyer, abbé de Pontaut, qui avait entièrement perdu la vue par la violence d'une cruelle et continuelle douleur de tête. On fit usage de tous les remèdes et de tous les collyres, que les plus habiles oculistes peuvent inventer. Le mal obstiné ne céda pas, et le malade demeura entièrement aveugle durant près de deux ans. Voyant que ni l'art ni la nature ne le guériraient, l'abbé de Boyer s'adressa à Dieu, par l'intercession de Marie. À peine eut-il fait son vœu à la sainte Montagne de Rochefort, qu'il reçut l'usage de ses yeux. Quand la vue lui fut rendue miraculeusement, il était accompagné de plusieurs personnes de qualité et de mérite, qui voulurent signer le procès-verbal qui en fut dressé.

Même faveur fut accordée à Jean Mérindol, natif de Carpentras, et habitant à Beaucaire. Cet homme, âgé de quarante-deux ans, tomba du haut des prisons de cette ville, dont il était geôlier, et entraîna dans sa chute deux grosses pierres pesant au moins un quintal chacune. Il eut le corps tout meurtri, et demeura complètement aveugle ; on parvint à guérir ses meurtrissures, mais rien ne put lui rendre ses yeux. Il fit vœu à Notre-Dame de Rochefort, et aussitôt ses yeux s'ouvrirent à la lumière, qu'il n'avait pas vue depuis deux mois. Il vint lui-même accomplir son vœu, et offrit à la chapelle un tableau, où ce miracle est représenté avec toutes ses circonstances: L'attestation est datée du 12 juin 1636.

Un nommé François Hugues, habitant de Caromb, aujourd'hui en Vaucluse, âgé de vingt-sept ans, perdit d'abord l'œil gauche, puis l'œil droit, par suite d'une douloureuse inflammation qui le laissa absolument aveugle. Après avoir épuisé inutilement tous les remèdes, il fit vœu à Notre-Dame de Rochefort, et reçut une guérison parfaite. Il fit sa déclaration le 2 novembre 1637.

Gaspard Clauteau, fils d'un habitant d'Avignon, fut atteint de la petite vérole au mois de novembre 1637. Réduit à l'extrémité, il obtint pourtant sa guérison, à la suite d'un vœu que ses parents firent à Notre-Dame de Rochefort ; mais cette maladie le laissa entièrement aveugle. Le père et la mère, de nouveau, recoururent à la puissante Madone ; et, dès le second jour de la neuvaine qu'on fit pour lui dans la sainte chapelle, leur fils commença de voir la lumière, et fut peu après entièrement guéri. L'attestation est du 4 juillet 1638.

Un habitant de la ville d'Arles, nommé Esprit Michel, fut affligé d'une fluxion si abondante et si maligne, qu'elle lui ôta complètement la vue. Ne trouvant point de remède à son mal, il fit un vœu à Notre-Dame, et recouvra aussitôt l'usage de ses yeux. Il vint à la sainte Montagne rendre son vœu, et fit sa déclaration dans les formes, le 6 avril 1638.

Voici le tour d'une religieuse de la Visitation, du couvent d'Arles. Elle se nommait Louise-Françoise de Saint-Cosme, fille du sieur de Saint-Cosme et de damoiselle de Calvisson. Après une longue maladie et une cruelle fluxion, elle perdit entièrement la vue. Toutes les ressources de l'art furent employées, sans aucun succès. Alors, avec une ferme confiance, elle fit vœu à la chapelle de Rochefort ; et, par une merveille qui surprit agréablement toute cette sainte communauté, elle reçut tout aussitôt la vue. Une déclaration en forme fut signée de la malade et de sa supérieure. M. Serrier, célèbre médecin, qui l'avait traitée pendant sa maladie, en voulut faire une attestation particulière, qu'il écrivit de sa main. Ces deux attestations sont du 16 janvier 1641.

Un maître maçon de la même ville d'Arles, âgé de quarante-sept ans, devint aveugle par la violence d'une cruelle douleur de tête. Ne trouvant aucun remède à ces deux maux, il fit vœu à Notre-Dame de Rochefort, se fit porter dans sa chapelle ; et dés qu'il y eut entendu la messe et fait sa dévotion, il recouvra subitement la vue et la santé, s'en retourna chez lui sans guide et sans secours.
On ne manqua pas de faire un procès-verbal authentique, qui fut dressé par un notaire royal et signé par des témoins dignes de foi, le 18 juin 1641.

Cinq autres miracles du même genre se lisent dans la Sainte Montagne de Dom Mège. Mais des aveugles, passons aux sourds.
Une petite fille, âgée de six ans, avait passé sa sixième année dans une surdité déplorable et confirmée, en sorte qu'elle n'entendait rien du tout, et l'on avait cessé tous les remèdes. Le père et la mère de cette petite infortunée étaient du Dauphiné, habitants d'Harcouille. La réputation des grands miracles qui se faisaient à Rochefort par les mérites de la Mère de Dieu, leur donna une ferme espérance qu'ils y seraient sans doute soulagés. Ils firent vœu à la très Sainte Vierge, et la mère conduisit sa malade à la chapelle de Rochefort, éloignée de vingt lieues de leur pays. Elles demeurèrent toutes deux neuf jours au village de Rochefort, venant tous les jours faire leur prière à la chapelle, et le neuvième la petite se trouva subitement et parfaitement guérie.
Le prodige est authentiquement attesté par une déclaration en forme, faite devant M. l'Official de l'archevêché d'Avignon, du 10 octobre 1635 ; signée par un savant médecin, par des témoins dignes de foi et par le commissaire.

L'an 1636, Jeanne Nicolaud, habitante de la Roche-Beaumont, fut affligée d'une entière surdité, en sorte qu'elle n'entendait non plus la voix de ceux qui lui parlaient, non pas même le son des cloches, que si elle n'eût jamais eu d'oreilles. Elle fut plus d'un an dans cet état fort incommode pour elle et pour les autres. Renonçant aux remèdes, qui ne lui rendaient pas le sens qu'elle avait perdu, elle eut recours à Dieu, fit divers pèlerinages, visita tous les lieux de dévotion où elle espérait trouver guérison ou soulagement. Mais Dieu, qui voulait rendre la sainte montagne de Rochefort vénérable à tout le monde, réserva à cette chapelle la guérison miraculeuse de cette affligée. Elle fit donc son vœu, et deux heures après elle fut parfaitement guérie. Et le 8 septembre 1641, accomplissant son vœu, elle fit sa déclaration, qui fut reçue par Maître Jacques Sicard, et signée par trois religieux et par trois autres personnes dignes de foi.

Louise Martine, habitant Urignau dans le Comtat, fut affligée dès le mois d'octobre 1638, d'une douleur d'oreille si violente, qu'en peu de jours elle devint complètement sourde. En perdant ainsi l'ouïe, dit l'historien, elle ne perdit pas sa douleur. Elle fut dans cette double affliction durant huit mois, sans trouver ni remède ni soulagement à son mal, parce qu'elle ne le cherchait pas où il fallait. Enfin, élevant ses yeux vers cette sainte montagne d'où lui devait venir le secours, elle fit vœu à Notre-Dame de Rochefort, et elle en reçut une double grâce; car elle fut au même moment, parfaitement délivrée de sa douleur et de sa surdité. Le mari de cette femme, nommé Jean-Thomas Jourdan, fit la déclaration de cette grâce le 13 août 1639.

Terminons par une guérison manifestement miraculeuse, qui s'opéra dans la chapelle même de Rochefort, sur la personne d'un nommé Guillaume Heuset, habitant de la ville d'Aniane. L'enquête fut faite avec toutes les précautions imaginables, à la réquisition de M. Louis André, prêtre et vicaire perpétuel d'Aniane ; elle fut faite par les officiers de justice et devant les consuls, qui firent venir en leur présence Guillaume Heuset. Celui-ci, après avoir fait serment sur les saints Évangiles de ne dire que la vérité, leur déclara que, depuis deux ans et demi, il avait eu plusieurs attaques d'apoplexie qui lui ravissaient tout sentiment, et que ce mal lui avait enlevé entièrement le sens de l'ouïe, en sorte qu'il n'entendait rien du tout. Il ajouta qu'après avoir inutilement éprouvé beaucoup de remèdes, et même fait quelques pèlerinages, pour obtenir la guérison de sa surdité, il avait enfin fait vœu de visiter la chapelle de Notre-Dame-de-Grâce de Rochefort ; que, sans différer davantage, il y était allé, qu'il avait fait ses prières et couché dans la chapelle ; et que le matin, appréhendant l'incommodité qu'on aurait à le confesser, il se trouva guéri, et l'ouïe aussi bonne qu'il l'avait jamais eue. En effet, il se confessa, communia, et s'en retourna en son pays plein de joie et de santé. - Un acte dûment dressé et signé le 7 janvier 1647, fut envoyé d'Aniane à Notre-Dame de Rochefort.