NOTRE DAME DE ROCHEFORT
Blessures et maladiesguéries miraculeusement

Extrait de Notre-Dame de Rochefort-du-Gard
depuis Charlemagne jusqu'à nos jours.
Récit du Chanoine J. -B. Petitalot, 1910

Avertissement : Le livre du Chanoine de Notre-Dame de Rochefort, Jean Baptiste Petitalot, doit être abordé comme un livre pieux écrit par un homme partagé entre la rigueur de l'historien et la foi de l'homme d'église. Il n'en reste pas moins très intéressant et incontournable.   G.M.

XIX

Nous regardons comme miraculeuses toutes les guérisons racontées dans cette histoire, même celles qui, avec le temps, par les forces de, la nature ou les ressources de la science, pourraient à la rigueur s'opérer sans miracle. En effet, quand un mal grave et bien constaté, fièvre, tumeur, blessure, plaie ou paralysie, dure depuis longtemps ; qu'il a résisté à l'emploi de tous les remèdes connus ; quand ensuite il disparaît instantanément, sans application d'aucun remède, après une simple prière et un vœu fait à Dieu en l'honneur de la très Sainte Vierge, dans ces conditions, disons-nous, il suffit d'être raisonnable pour convenir que la guérison est miraculeuse.

C'est le cas pour tous les prodiges que nous mettons sous les yeux de nos lecteurs.

Michel Arnaud, de Carpentras, étant au siège de Valence, reçut un coup de mousquet qui lui traversa l'épaule gauche. Les chirurgiens ayant échoué, cet homme fit un vœu à la sainte Montagne de Rochefort. Il y vint lui-même, se confessa, communia, et fut guéri de sa blessure, le 14 novembre 1635, à la vue de nombreux témoins qui ont signé le verbal.

Voici une étrange maladie, dont le démon était peut-être la cause. Une femme du Vivarais, nommée Antoinette Dubois, fut saisie d'un mal inconnu, qui lui troubla la raison, lui bouleversa les sens et lui ravit tout repos, l'agitant sans cesse la nuit et le jour ; en sorte qu'elle courait, comme une bête sauvage, à travers les champs, les bois et les buissons ; la fureur la portait jusque dans les endroits les plus dangereux et dans les plus effroyables précipices. Ce mal lui enlevait encore toute connaissance de Dieu, toute pensée de son salut, lui faisait dire et faire mille extravagances. Elle demeura six ans dans cet état épouvantable, sans aucun soulagement.
La réputation de la chapelle de Rochefort se répandant partout, parvint en Vivarais et donna quelque espérance au mari de cette furieuse. Il fit vœu d'y venir et d'y conduire sa femme. Ils y arrivèrent le 19 juillet 1635 ; la femme fit des efforts incroyables pour ne pas entrer dans la chapelle, où Celle qui a brisé la tête du serpent fait sentir sa faveur. On l'y fit pourtant entrer par force. À peine dans ce saint lieu, cette furieuse devient paisible, cette maniaque retenue, et celle qui ne disait et ne faisait que des extravagances, ne parle plus que dé dévotion. Enfin dans trois jours elle fut si parfaitement guérie, qu'elle se confessa et communia très dévotement. Elle fit sa prière, demanda pardon à son mari de toutes les peines qu'elle lui avait données durant le temps de sa fureur, et à tous les assistants du mauvais exemple qu'elle pouvait aussi leur avoir causé.

Un homme avait reçu un coup d'épée dans le cœur. Les chirurgiens les plus habiles sondèrent cette plaie, et la jugèrent sans remède, parce qu'elle perçait le cœur. Ils abandonnèrent ce blessé, le croyant mort. Mais ce languissant invoqua l'Auteur de la vie, il y employa le crédit de sa très sainte Mère, fit un vœu à sa chapelle de Rochefort. Et Celui qui a tous les cœurs des hommes dans ses mains, le guérit tout subitement, et lui donna une santé parfaite. - M. Chalamon, avocat de la ville d'Arles, qui lui avait lui-même donné ce coup mortel, fit l'attestation de cette guérison, et l'envoya en bonne forme à Rochefort, le 13 février 1636.

M. de Châtelier, habitant de Valence, président des trésoriers généraux du Dauphiné, fut affligé au mois d'août de l'an 1638, d'une fièvre continue et fort violente, accompagnée de symptômes très alarmants. Faible et fort âgé, il résista pourtant l'espace de vingt jours ; mais ensuite les médecins désespérèrent de sa vie. Il fit alors un vœu à Notre-Dame de Rochefort, pria un religieux Carme d'aller en son nom à cette sainte chapelle, promit de faire lui-même ce voyage de dévotion, si Dieu lui rendait la santé. Au même jour et au même moment que le religieux priait dans la chapelle de Rochefort, la fièvre quitta le malade qui fut instantanément guéri. Et le religieux étant de retour le trouva en pleine santé. - Le dixième de novembre de l'année suivante, 1639, ce seigneur vint à la sainte Montagne pour accomplir son vœu ; il dicta lui-même cette déclaration, la signa de sa main, et la fit signer à beaucoup de témoins.

Quand des malades étaient amenés à Jésus-Christ, ce bon Sauveur guérissait d'abord les âmes, en leur remettant leurs péchés ; et ensuite, par un autre bienfait, il leur rendait la santé corporelle. Ce double miracle s'opéra l'an 1640, au mois de septembre, sur un soldat nommé Pierre Guiraud, sergent de la compagnie du sieur Vedel. Il était dans l'armée du roi au camp de Turin, et il fut blessé d'un grand coup d'épée au sein droit, qui pénétrait un demi-pied dans la poitrine. Les chirurgiens qui le pansèrent jugèrent sa plaie mortelle et désespérèrent de sa vie.
M. Vedel, son capitaine, par un sentiment de bon catholique et de bon chef, sachant que ce blessé avait été nourri dans l'erreur de Calvin, fit mille efforts pour sauver l'âme de son sergent. Il combattit son hérésie, lui fit voir qu'il était trompé, et que, s'il ne se convertissait, il n'y avait point de salut pour lui. De plus, il fit un vœu pour lui à Notre-Dame de Rochefort.
Dieu bénit le zèle de ce brave capitaine, et lui accorda la conversion et la guérison de son soldat. Car le blessé, comprenant la fausseté de la religion qu'il avait suivie jusque-là, se convertit de tout son cœur, abjura ses erreurs entre les mains d'un religieux, confesseur de l'armée ; et ensuite, toujours par le conseil de son capitaine, il fit lui-même un vœu à Notre-Dame de Rochefort, et fut en peu de temps parfaitement guéri, au grand étonnement des chirurgiens qui l'avaient abandonné. - Il vint à la sainte Montagne le 26 novembre de la même année 1640, accompagné de son capitaine et d'un nommé Boisset qui firent l'attestation de ce miracle et la signèrent comme témoins de vue.

Voici une maladie bien étrange. Un jeune homme, nommé Louis Garnie, de Largentière en Vivarais, se trouva: dans la disposition la plus extraordinaire du monde. Il eut d'abord le goût si dépravé qu'il conçut une horreur du pain, de la viande, et de tous les aliments qui servent à la vie de l'homme ; et il ne lui resta de l'appétit et du goût que pour la terre, qu'il mangeait comme une viande délicieuse. Le plus étonnant, c'est qu'il vécut deux ans dans cet état. Ni la raison ni les remèdes ne purent le faire changer d'inclination; toute la médecine, après avoir bien raisonné, se trouva courte et confessa que ce mal était au-dessus de sa connaissance, comme il était plus fort que tous ses médicaments. On soupçonna que c'était l'effet de quelque Maléfice, et que le, jeune homme était ensorcelé.
Le père, voyant avec douleur que le tempérament de son fils était déjà tout corrompu, que son esprit même était tout renversé, comprit qu'un mal si extraordinaire ne pouvait être guéri que par une main divine. Mettant donc sa confiance en Dieu, il prit la Sainte Vierge pour avocate, et fit vœu pour son fils à la sainte chapelle de Rochefort. Aussitôt, par un miracle qui ravit tous ceux qui avaient vu cet étrange mal, le malade se trouva parfaitement guéri d'esprit et de corps, usa des viandes ordinaires et jouit d'une pleine santé.
Quelque temps après il tomba de nouveau dans une maladie mortelle. Son père eut encore recours à la sainte Mère de Dieu, et son fils reçut encore une santé parfaite. On fit une attestation authentique de ce double miracle, le 30 juin 1641.

Citons un dernier bienfait de Notre-Dame-de-Grâce, avec les réflexions dont le P. Mège le fait précéder. Messieurs les médecins, qui appliquent tout leur temps et toute leur attention à connaître les maladies et les remèdes pour les guérir, ont de la peine à croire qu'elles se guérissent par miracle. Leur difficulté vient de leur connaissance de la nature, et quelquefois aussi d'une secrète jalousie qu'ils ont de ces remèdes extraordinaires, qui marquent la faiblesse de leur art. Mais Dieu les sait bien contraindre, quand il veut, de lui donner la gloire qu'il mérite, et leur fait avouer sa puissance dans leur impuissance et sa force dans leur faiblesse.
M. Sanchez, professeur en médecine de la célèbre Université de Montpellier, fut saisi d'une fièvre continue et violente, qui fut plus forte que lui et que tous les remèdes. Je ne vous dis pas que toute la médecine et toute la pharmacie de Montpellier fut occupée à guérir ce malade : pour qui aurait-elle plus justement travaillé, que pour celui qui faisait sa gloire par sa profonde érudition ? Mais enfin l'art parut court, et la nature trop faible pour résister à un mal si violent. En quarante jours, les forces du professeur furent abattues, son tempérament épuisé, et les plus habiles furent obligés de dire : Dieu seul peut lui sauver la vie. La femme de ce docteur fit vœu pour lui à Notre-Dame de Rochefort. Ce vœu eut un succès si heureux et si prompt, que dès lors la fièvre quitta le malade, et en peu de temps il reçut une entière santé. - Ce vœu fut rendu, et l'attestation de cette guérison merveilleuse faite le 14 octobre 1641.

Après tous ces prodiges, aussi variés que soigneusement attestés, il est temps de reprendre le fil de notre histoire.