Constructions
et embellissements
de Notre-Dame de Rochefort en 1691 Extrait
de Notre-Dame de Rochefort-du-Gard
Le
piédestal de la statue est en maçonnerie, son trône
recouvert d'or orné à dessein des palmes de la victoire ;
quatre colonnes en marbre rouge,avec par-dessus un magnifique
baldaquin, doré lui aussi, enrichi de belles magnifique et fait en
forme de dôme ou de diadème royal pour couronner l'auguste Vierge, le
tout conformément au dessin que M. Mignard d'Avignon, professeur
d'architecture et ingénieur du roi, eut la bonté de dresser. -oOo-
Avertissement : Le livre du Chanoine de Notre-Dame de Rochefort, Jean baptiste Petitalot, doit être abordé comme un livre pieux écrit par un homme partagé entre la rigueur de l'historien et la foi de l'homme d'église. Il n'en reste pas moins très intéressant et incontournable. G.M. Après
un demi-siècle de séjour sur la montagne, les Bénédictins
habitaient encore une demeure étroite et incommode, qui n'avait ni
cloître, ni salle capitulaire, ni infirmerie. D'un autre côté, se
préoccupant plus de travailler à l'oeuvre de Dieu que de pourvoir à
leurs propres besoins, ils avaient construit leur couvent trop à la
hâte. Du moins n'avaient-ils pas tenu assez compte des difficultés
de la position, ni de la violence extrême du Vent qui souffle
pendant plusieurs mois de l'année. Ils eurent donc beaucoup à
souffrir, et virent même leurs jours exposés.
L'an 1689, dit leur chroniqueur, le 22 du mois de janvier, il fit un vent si fort et si impétueux, qu'on dit qu'on n'en avait jamais vu un pareil. Nous croyions devoir être ensevelis sous les ruines de nos bâtiments. Il abattit notre écurie, un moment après qu'un religieux en eut sorti notre mule ; il renversa deux cheminées, découvrit presque tous nos toits, arracha toutes les tuiles plates du clocher, déterra plusieurs de nos oliviers et autres arbres. Nous vîmes les murailles de notre monastère branler comme un roseau ; le dommage qu'il nous fit fut considérable. II fit aussi beaucoup de mal dans tout le pays. Ce désastre détermina les Pères à construire un nouveau couvent. La première pierre en fut posée le 5 mai1691; par le comte de Brancas, seigneur de Rochefort, en présence du prieur de Saint-André, du prieur du monastère et de toute la communauté de Notre-Dame. Le plan de l'édifice avait été fait par les Bénédictins eux-mêmes. On y travailla durant trois ans, et le bâtiment, dans toute son étendue, s'élevait déjà jusqu'au couvert. Mais alors on s'aperçut que ce bâtiment, de la manière qu'il était entrepris, serait très incommode, à cause des grands vents qui sont presque continuels sur cette montagne. Le prieur proposa au Père visiteur de réformer le premier plan adopté. La chose sérieusement examinée, on en écrivit au Père Général. Celui-ci accorda toutes les permissions demandées, s'en remettant au visiteur des changements à introduire dans les dessins, et autorisant les nouvelles constructions, pourvu, ajoute-t-il, que le couvent ne s'engage pas dans de trop grandes dépenses. On abattit alors tout le devant du bâtiment neuf et on le refit tel qu'il est à présent. Le second plan fut dressé par D. Antoine Pomet, un des Pères dé Rochefort. Le visiteur l'approuva, et ledit bâtiment commença d'être habité au mois de janvier 1696. L'expérience et une grande connaissance de l'art ont présidé à la construction et à la distribution des différentes parties du monastère. La commodité et la solidité s'y font principalement remarquer. L'habile architecte a eu d'abord en vue de procurer aux religieux une véritable solitude. Il a donc cherché à les séparer autant que possible du bruit et du tumulte du pèlerinage. Pour cela, il a choisi l'endroit le plus isolé sur la montagne, en plaçant le prieuré au nord du chevet de l'église, ne le faisant communiquer avec celle-ci que par la sacristie et un couloir. En outre, le plan comprenait trois ailes, dont deux parallèles, allant de l'est à l'ouest, étaient reliées à l'extrémité par une troisième, et l'espace laissé vide entre elles devait former la cour du cloître ou le préau. Mais l'une des ailes parallèles n'ayant point été élevée, l'édifice reste inachevé. D'un autre côté, pour éviter les effets désastreux du vent du nord, on a donné peu d'élévation au bâtiment. Il n'a, en effet, qu'un étage, ou plutôt le seul rez-de-chaussée. En compensation, il a reçu un grand développement en longueur, et toutes les pièces, ainsi que le vaste corridor à droite et à gauche duquel elles sont régulièrement disposées, ont été bien bâties et artistement voûtées. Aussi, le couvent de Notre-Dame, plus solide qu'élégant, bien qu'il ne manque pas d'une certaine grâce, est-il aujourd'hui assez bien conservé, malgré ses deux cents ans et plus d'existence, malgré surtout les épreuves auxquelles il a été soumis, et le long abandon où il s'est vu plongé, soit pendant, soit après la Révolution. Cependant, Ies bons moines avaient encore plus à coeur d'agrandir la chapelle, toujours trop étroite, surtout aux jours d'affluence, et d'y faire dès réparations urgentes. Le tabernacle et le maître-autel, en particulier, étaient en fort mauvais état. Dès que les ressources le permirent, on commença les travaux de réparation et d'agrandissement. « L'an 1696, dans le mois de juillet, disent nos chroniques, M. Guy Chapelle, ancien religieux bénédictin, natif de la ville de Chambéry en Savoie, poussé de zèle pour la gloire de Dieu et de la Sainte Vierge, donna environ seize cent livres pour bâtir l'église et la mettre dans la perfection comme elle est ; ce qui a été aussitôt exécuté et fini dans trois ou quatre mois. La clef de voûte a été posée le 11 novembre de ladite année 1696. » La chapelle n'a pas été agrandie depuis cette époque. Elle mesure 16 mètres environ de largeur et 35 mètres de longueur, y compris l'abside. Les armoiries que portent plusieurs clefs de voûte, et qui se composent d'une couronne d'épines, avec les trois clous de la Passion et le mot Pax au centre, sont celles de la Congrégation de Saint-Maur. L'agrandissement d'alors affecta l'abside d'abord, cette partie du chœur, appelée autrefois presbytère ; c'est là que les religieux se retiraient pour vaquer au chant de l'office, à la prière, et à tous leurs exercices de piété. Ensuite les trois nefs furent prolongées et voûtées ; et l'entrée principale: de l'église se trouva transportée sur le côté droit, et à l'extrémité de la chapelle latérale de Saint-Joseph. D'autres travaux importants furent entrepris et exécutés pendant l'année 1698. Ainsi, par l'ordre du visiteur de Toulouse, M. Arnaud Boisserie, et à l'aide d'un secours d'argent dont il fit l'offrande à Notre-Dame, les anciennes voûtes furent refaites à neuf, et avec arêtes comme les nouvelles. De plus, le chœur des religieux reçut une boiserie et des stalles en noyer. Enfin, on vit s'élever majestueusement, sous l'arc triomphal du sanctuaire, le piédestal en maçonnerie de la statue miraculeuse, son trône recouvert d'or, et orné à dessein des palmes de la victoire ; quatre colonnes en marbre rouge, et par-dessus un magnifique baldaquin, doré lui aussi, enrichi de belles magnifique et fait en forme de dôme ou de diadème royal pour couronner l'auguste Vierge : « le tout conformément au dessin que M. Mignard d'Avignon, professeur d'architecture et ingénieur du roi, eut la bonté de dresser. »
L'ancien clocher avait dû disparaître par suite du prolongement de la nef de Saint-Joseph. Il fallut donc en élever un autre ; c'est celui qui existe à côté du choeur. Il ne fut terminé qu'en 1709. On y mit d'abord une seule cloche ; plus tard, il y en eut deux, avec une horloge sonnant les quarts. Ce clocher, frappé plusieurs fois de la foudre, subit diverses réparations. Enfin, la chapelle reçut encore quelques autres embellissements dans les dernières années qui précédèrent la catastrophe de 93. Tels furent les trois autels en marbre qui la décorent, et qui sont tous remarquables, celui du milieu par ses belles sculptures et ses proportions grandioses, et les deux autres par leurs riches et délicates incrustations. À la même époque, une nouvelle façade, toute en pierres de taille fut élevée au midi de l'église et dans toute la longueur de l'édifice. Elle est -du style grec, selon le goût du temps, et elle se compose de douze pilastres couplés de distance en distance, avec un fronton demi-circulaire; un piédestal et une statue de la Vierge au centre. Les plans et devis de cette dernière construction ont été dressés, l'année 1762, par MM. Franke et Brun, architectes distingués d'Avignon. Les dépenses y compris d'autres travaux exécutés en même temps dans les bâtiments du monastère, ne montèrent pas à moins de 8397 livres. Ainsi, les Bénédictins n'ont rien négligé pour laisser à la postérité un sanctuaire spacieux et plein de charmes, où tout inspire le recueillement et la dévotion. Les nombreux fidèles qui visitent ce saint lieu, se sentent en entrant, profondément pénétrés ; ils tombent aussitôt à genoux, et se laissent aller comme instinctivement à prier, et parfois jusqu'à répandre des larmes. -oOo- > Contact Webmaster |