NOTRE DAME DE ROCHEFORT
Indulgences, reliques, culte de saint Joseph.

Extrait de Notre-Dame de Rochefort-du-Gard
depuis Charlemagne jusqu'à nos jours.
Récit du Chanoine J. -B. Petitalot, 1910

Avertissement : Le livre du Chanoine de Notre-Dame de Rochefort, Jean Baptiste Petitalot, doit être abordé comme un livre pieux écrit par un homme partagé entre la rigueur de l'historien et la foi de l'homme d'église. Il n'en reste pas moins très intéressant et incontournable.   G.M.


XXIII

Tableau de Mignard, 1647.
Saint Joseph y est représenté en pied, entre Saint-Benoît et Sainte Scolastique.

Outre la magnifique châsse dont nous avons parlé, et le précieux voile de la Sainte Vierge, donné par Anne d'Autriche, notre chapelle possédait beaucoup d'au­tres reliques et reliquaires, dont plusieurs étaient assez remarquables.

En 1645, Rodolphe Robert, se trouvant à Rome, comme ambassadeur de la ville d'Avignon, sollicita du cardinal Ginetti, grand-vicaire de Sa Sainteté, de lui accorder quelques saintes reliques, qu'il avait le désir d'apporter à la sainte et dévote église de Roche­fort. Il obtint, en effet, des reliques des saints Pontien, Piscator, Parini et Antoine, martyrs ; et il s'empressa de les apporter. Elles furent placées dans un petit cof­fre d'acier soigneusement fermé, et exposées sur l'au­tel à la vénération des fidèles.

Plus tard, on mit dans le même coffret d'acier plu­sieurs autres reliques venues de Rome. C'étaient celles des saints martyrs Vital, Jovinien, Félix, Euticite, Abram et Azellens, que noble Henri de Suarès, député de la cité d'Avignon vers le pape Alexandre VII, avait reçues, en 1655, du cardinal Chimetti, et dont il fit pré­sent l'année suivante à notre sainte chapelle.

Une autre relique insigne que possédait l'église de Notre-Dame, était un morceau assez considérable de la vraie croix. Ce riche présent lui fut fait le 27 septembre 1688, par les religieux de Saint .André de Vil­leneuve, qui eux-mêmes l'avaient reçu depuis peu des Bénédictins de Saint-Germain-des-Prés de Paris.

Si les saintes reliques ajoutaient singulièrement à la décoration du sanctuaire, la faveur inestimable des indulgences ne contribuait pas moins à le rendre de plus en plus cher à la piété des peuples.

De nouvelles et riches indulgences furent accordées aux pèlerins de Rochefort. Les Pontifes Romains, ap­prenant quel bien immense opérait dans les âmes et parmi les populations ce dévot pèlerinage, sachant d'ail­leurs que la concession des indulgences y avait grande­ment contribué, ouvrirent plus largement encore la source des biens spirituels en faveur d'un sanctuaire si manifestement privilégié du ciel.

En 1642, une indulgence plénière pour le jour de la Nativité de Marie fut accordée par Urbain VIII, le même pontife qui avait confirmé par une bulle spé­ciale l'érection de la confrérie de Notre-Dame, et s'était plu à enrichir cette association de nombreux privilèges. Ce pape avait déjà octroyé la même faveur pour les fêtes de l'Annonciation et de l'Assomption ; en sorte que les trois principales solennités de la Sainte Vierge étaient singulièrement privilégiées sur la sainte Mon­tagne, attendu la rareté des indulgences accordées à cette époque, et le prix extraordinaire que l'on y attachait.

Innocent X confirme de nouveau la dévote confré­rie de Notre-Dame par une bulle, ajoute une nouvelle indulgence plénière pour le jour de l'Assomption, et plusieurs partielles pour les fêtes de la Conception, de saint Joseph et de sainte Anne. Huit ans après, ce pape daigna privilégier le maître-autel.

En 1690, Alexandre VII accorde une indulgence plénière à gagner une fois l'an, au jour désigné par l'ordinaire. Deux ans plus tard, Innocent XII accorde aussi aux pèlerins de Notre-Dame une indul­gence plénière pour la fête de l'Exaltation de la Sainte­ Croix, 14 septembre. Il renouvela cette concession et la rendit perpétuelle; en 1696. Cette dernière faveur était faite à la chapelle, en vue sans doute de la reli­que insigne de la Croix, que l'on y possédait et qui était: exposée ce jour-là à la vénération publique.

Ainsi, tous concouraient à rendre plus célèbre le pè­lerinage de Rochefort : les peuples, en se rendant en foule sur le Mont Sacré ; les religieux, par le zèle qu'ils déployaient dans l'exercice de leurs saintes fonctions ; les grands, les riches, et tous ceux qui avaient reçu des bienfaits de Notre-Dame, par la multitude, la variété, et le haut prix de leurs dons et de leurs ex-voto ; les pre­miers pasteurs de l'Église et surtout les souverains pontifes, par les biens spirituels dont ils comblaient les pèlerins avec une sorte de profusion ; le Ciel lui-­même, Dieu et son auguste Mère, en opérant chaque jour les miracles les plus étonnants:

En même temps que la Mère de Dieu, son glorieux époux, saint Joseph, était singulièrement honoré sur là Montagne sainte. Dès l'année 1641, les Bénédictins lui avaient bâti une chapelle, « voulant que ceux qui viennent honorer l'épouse n'oublient pas l'époux, et que l'honneur ne sépare, pas ce que Dieu a si saintement et si étroitement uni ».

Le dessein de ces bans religieux était d'établir et de propager la dévotion au glorieux Patriarche de Naza­reth. Ils y réussirent parfaitement. Car dès lors saint Joseph devint l'objet d'un culte particulier à Notre-­Dame de Rochefort. De nombreux suppliants, et sur­tout des époux, des parents chrétiens, des âmes agi­tées par la tentation, ou secrètement poussées vers les voies de la vie intérieure venaient fréquemment à ses pieds: Sauvent exaucés, ils proclamaient hautement le pouvoir dont ce grand Saint jouit au Ciel. La confiance en sa protection ne tarda point à se répandre au loin. On l'invoqua de toute part ; on fit des vœux en son honneur, dans les dangers, dans les maladies, pour tous les besoins du corps et de l'âme. De grandes grâ­ces étaient obtenues, plus d'une fois même des miracles furent opérés, par exemple la guérison miraculeuse de M. Pernet, prêtre et bénéficier de l'église de Saint-Gil­les, en novembre 1670.

La reconnaissance et la piété portèrent les fidèles à décorer richement l'autel de saint Joseph. Sa cha­pelle eut, comme celle de Notre-Dame, ses bienfaiteurs, ses don, et ses ex-voto précieux, ses lampes d'argent et ses fondations de messes, ses fêtes, ses indulgences, pro­pres.

D'abord, les oratoires élevés sur le versant du rocher furent consacrés en même temps à honorer les sept Joies de la Sainte Vierge et celles de saint Joseph. En­suite, nous voyons Innocent X accorder aux pieux confrères de Notre-Dame une indulgence pour le jour de la fête de saint Joseph.

Un peu plus tard, 2 août 1652, le même pontife pri­vilégiait l'autel de saint Joseph, ainsi que celui de la Sainte Vierge, déclarant expressément dans son Bref, « qu'il accorde très rarement une pareille faveur, et que s'il le fait dans l'occasion présente, c'est afin de rendre plus illustre l'autel ou la chapelle du bienheureux Père nourricier du Sauveur ».

Mentionnons encore quelques fondations et dona­tions parmi les plus intéressantes :

Noble Anne de Fournier, dame de Monsieur Des­marais, conseiller ordinaire de la chambre du roi à Montpellier, a donné et légué par testament, du 28 avril 1651, à la chapelle de Notre-Dame de Grâce de Rochefort, une lampe d'argent du poids d'environ vingt-cinq écus, avec la somme de deux cents livres, pour être employés à la faire brûler nuit et jour devant l'autel du grand saint Joseph. Les pieuses intentions de ladite feue dame furent remplies exactement deux ans après, par Charles Desmarais, son neveu, lequel, en délivrant la lampe et la somme susdite, y ajouta cent livres de son propre mouvement, et par un motif de piété.

Mlle Catherine Boucharde a fondé une messe à per­pétuité, pour être dite à l'autel de saint Joseph.

En 1648, M. le baron de Saze donna une lampe d'ar­gent et un fonds suffisant pour la faire brûler durant l'octave de la fête et devant l'autel de saint Joseph. Ce seigneur fonda en même temps une messe à perpé­tuité, pour être célébrée annuellement sur cet autel, le jour même de la fête du saint, 19 mars ; avec l'obli­gation de chanter là aussi, après vêpres, les litanies de la Vierge. - On voit par ce qui précède que la fête du 19 mars était célébrée alors avec solennité sur notre sainte: montagne.

Enfin, l'un des dons principaux en l'honneur de saint Joseph, fut le tableau que le sanctuaire possède encore. Saint Joseph y est représenté en pied, entre saint-benoît et sainte Scolastique, et tenant par la main un délicieux enfant Jésus. (1) Cette toile, que les amis de l'art trouvent admirable, est due, comme le prouve l'inscription qu'elle porte sous la date de 1645, au pinceau de M. Mignard, dit d'Avignon, pour le dis­tinguer de son frère P. Mignard, surnommé le Romain. Les Bénédictins de Saint-Maur en firent eux-mêmes présent au sanctuaire, voulant par là témoigner leur vénération à un saint que toute leur Congrégation honorait d'un culte spécial, et en même temps contri­buer à faire mieux connaître et pratiquer cette précieuse dévotion.

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Louis XIV enfant

Enfant Jésus par Mignard

(1) NDLR : D'après certaines sources, le peintre aurait pris le visage du jeune Louis XIV comme modèle pour représenter celui de  l'enfant Jésus. Voici ci-dessus, les deux portraits à vous de juger.



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