NOTRE DAME DE ROCHEFORT
Jusqu'à l'arrivée des Pères Maristes.

Extrait de Notre-Dame de Rochefort-du-Gard
depuis Charlemagne jusqu'à nos jours.
Récit du Chanoine J. -B. Petitalot, 1910

Avertissement : Le livre du Chanoine de Notre-Dame de Rochefort, Jean Baptiste Petitalot, doit être abordé comme un livre pieux écrit par un homme partagé entre la rigueur de l'historien et la foi de l'homme d'église. Il n'en reste pas moins très intéressant et incontournable.   NDLR


XXVIII


 Mgr de Chaffoy évêque de Nîmes (1821-1837)

Le siège épiscopal de Nîmes n'avait pas été relevé par le Concordat de 1801. Il était vacant depuis près de trente ans, lorsqu'il fut enfin rétabli par le gouver­nement de la Restauration. Mgr de Chaffoy en prit possession le 10 décembre 1821. Le nouveau diocèse comprit tout le département du Gard dans sa circons­cription, et ainsi la chapelle de Rochefort passa sous la juridiction des évêques de Nîmes.

Les archevêques d'Avignon en avaient eu la haute administration de temps immémorial, et s'étaient plu à favoriser le concours des pèlerins. Il en a été de même jusqu'à ce jour des éminents prélats qui se sont suc­cédé sur le siège de Nîmes.

Mgr de Chaffoy dut tout d'abord pourvoir au service religieux de Notre-Dame. M. Laurent était arrivé à l'âge de 69 ans. Jusqu'alors, aidé dans les temps de grand concours par les prêtres du voisinage, il avait pu suffire au pèlerinage et à sa paroisse. Mais il ne le pouvait plus désormais, et il demandait lui-même à être déchargé du pèlerinage. D'ailleurs, on sentait le besoin d'établir plusieurs prêtres éclairés et pieux sur la montagne, et Mgr de Chaffoy nourrissait le projet de confier le sanc­tuaire à une communauté religieuse.

Sur ces entrefaites, il se présente inopinément au prélat deux hommes qui lui paraissent propres à seconder ses vues. C'étaient des religieux d'un tiers ­ordre de Saint-Benoît tout récemment fondé, et qui venaient de Notre-Dame de Lumières, au diocèse d'Avignon, offrir leurs services pour le sanctuaire de Rochefort. La Providence semblait les amener pour tenter au moins un essai sur la sainte Montagne; et ils y furent établis.

Les peuples de la contrée, encore tout remplis du souvenir des anciens Bénédictins de Notre-Dame, con­çurent pour l'avenir les plus douces espérances. En effet, les nouveaux chapelains déployèrent un grand zèle et rendirent d'importants services. Malheureuse­ment la jeune communauté, à laquelle ils appartenaient ne réussit pas dans le choix de ses novices et, après 1830, ne tarda pas à disparaître.

Les: espérances furent donc déçues, et Mgr de Chaf­foy comprit que le moment n'était pas encore venu de réaliser ses desseins. :De nouveau, le service ordinaire de Notre-Dame fut confié au curé de Rochefort, M.Lau­rent, et après lui à MM. Rath et Astier, ses successeurs, qui en furent chargés pendant près de treize ans, et déployèrent un zèle au-dessus de tout éloge. En même temps, l'évêque de Nîmes eut l'heureuse idée d'envoyer présider au pèlerinage, pendant les mois d'août et de septembre, les directeurs de son Petit-Séminaire de Beaucaire. MM. Guinoir, Privat et Gébelin, y vinrent successivement en 1833 et les deux années suivantes.

En 1836 le vénéré sanctuaire courut le plus grand danger. L'administration de l'hospice d'Uzès, en ac­ceptant du gouvernement la propriété de la montagne de Rochefort, avait compté retirer de la chapelle un revenu assez considérable pour les besoins de ses pau­vres: Ce revenu s'éleva successivement jusqu'à la som­me de 300 francs. Une recette si minime ne suffisait pas même aux dépenses d'entretien des. bâtiments. En conséquence, les administrateurs résolurent de mettre en vente l'église et le monastère, avec toutes leurs dépendances.

Une société de spéculateurs, connue sous le nom de Bande Noire, parcourait alors la France, achetant à bas prix les anciens édifices, et les démolissant pour en vendre les matériaux. Ils ne tardèrent pas à se présenter à l'hospice d'Uzès, et le marché était sur le point d'être conclu.

La situation paraissait désespérée, elle fut sauvée par M. Privat, alors curé de la cathédrale de Nîmes. Bien au courant des choses par ses relations avec Uzès, où il avait été principal du collège communal, M. Pri­vat fit connaître à Mgr de Chaffoy l'imminent danger qui menaçait Notre-Dame, et s'offrit à aller lui-même faire des propositions, et, s'il était possible, acheter au , nom du prélat.

- Allez, et usez de toute votre influence, répondit le saint évêque.

Dès le lendemain, M. Privat arrivait à Uzès, et obte­nait une réunion extraordinaire du conseil d'adminis­tration, composé en majorité de protestants. Les dis­positions n'étaient pas favorables ; à tous les argu­ments de M. Privat on répondait par les grands mots de légalité, d'intérêt des pauvres, de bonne adminis­tration, et `même d'un commencemend de traité avec les acquéreurs qui s'étaient présentés. Après d'assez longs débats, M. Privat, cédant à un mouvement d'in­dignation, s'écria :

- « Eh bien, Messieurs, on saura non seulement dans le département du Gard, mais encore dans ceux de Vaucluse, de l'Ardèche,. de la Lozère, et dans la France entière, que les protestants d'Uzès portent encore de nos jours le fer et le feu sur les édifices catho­liques, sur les sanctuaires les plus vénérés de nos con­trées méridionales. Vous assumez sur vos têtes une immense responsabilité. ».

Et il sortit de la salle. - Il n'était pas encore sorti de l'hospice, que les membres du conseil, revenus de la stupeur où l'incident les avait jetés, et accédant aux sages réflexions des deux d'entre eux qui étaient catholiques, l'envoyèrent prier instamment de revenir. Il céda; et aussitôt on lui fit part de la résolution prise à l'unanimité en faveur de sa demande en préférence. Tout fut stipulé de part et d'autre. L'État autorisa la vente, et peu de temps après le contrat fut définitive­ment passé entre l'administration de l'hospice et l'évê­que de Nîmes agissant au nom de son Grand Séminaire.

Par suite de cette acquisition, MM. les directeurs du Grand Séminaire de Nîmes succédaient de droit à ceux de Beaucaire dans la direction du pèlerinage. Ils arrivèrent pour présider au concours de 1836 ; ce qu'ils continuèrent assidûment pendant dix ans, tandis que le curé de Rochefort avait la garde et le soin de la chapelle durant le reste de l'année.

Mgr Cart, qui succéda à Mgr de Chaffoy, hérita des vues de son prédécesseur sur notre sanctuaire. Le nou­vel évêque professait une tendre dévotion envers la Vierge immaculée. Il avait choisi pour armes son image bénie, avec cette devise qui était comme le cri de sa piété filiale : Monstra te esse Matrem. Aussi, porta-t-il toujours une singulière affection à la chapelle de Notre­-Dame. Il aimait à en parler, à apprendre les merveilles que la grâce y opérait. Souvent il venait y prier en personne, et il s'occupait activement de tout ce qui pouvait y procurer plus de gloire à Marie. Il voyait avec bonheur tout le bien que les directeurs de son Séminaire accomplissaient en ce lieu. Mais il regrettait vivement que leurs travaux d'étude ne leur permissent pas de se fixer constamment sur la sainte Montagne, afin de se tenir toujours à la disposition des pèlerins. C'est pourquoi le pieux évêque se détermina bientôt à confier le soin du pèlerinage à des religieux.

Son choix se fixa sur la Société de Marie, qui venait de se former à Lyon depuis une dizaine d'années. Les Maristes acceptèrent l'offre bienveillante de l'évêque ; le 10 du mois d'août 1846, le P. Séon, désigné pour être supérieur de la maison de Rochefort, se rendit de Lyon à Nîmes, avec le P. Favre, qui devait être plus tard supérieur général de la Société. Le P. Dumolard vint s'adjoindre à eux pendant la route, et tous trois, après avoir demandé et reçu la bénédiction épiscopale, s'a­cheminèrent vers la sainte Montagne, où ils arrivèrent la veille de l'Assomption. Le jour même de cette, fête eut lieu l'installation des nouveaux gardiens. Elle fut faite solennellement, sous les auspices dé la glorieuse Vierge, et au milieu d'un grand concours de peuple, par MM. Gareiso, Teyssonnier et Léger, professeurs du Grand Séminaire, et M. Astier, curé de la paroisse, tous délégués à cette fin.

Les travaux du pèlerinage commencèrent de suite. Le nombre des Pères ne tarda pas à s'accroitre par l'arrivée du P. Georges (1), et ces dignes fils de l'auguste Vierge Marie se livrèrent à l'exercice de leurs fonctions avec tout le zèle dont ils étaient capables.

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-oOo-

(1) (NDLR) Un courrier du 11 juin 1857, daté de Villeneuve adresse l’état des pères et des frères maristes de Rochefort afin qu’ils soient portés sur l’état des Electeurs de la commune :
- Les pères prêtres : Jacquesson Lazare 34 ans - Léon Etienne 56 ans - Chauvineau Achilles 44 ans - Jaubert Hergeux 36 ans - Sarry Antoine 33 ans - Bouis Alexandre.
- Les frères : Conil Sauveur 41 ans - Brunon Jean 36 ans - Boisson Edouard 32 ans - Bonnet Benoit 20 ans 9 mois.
> La vie du Père Louis Laurent, curé à Notre-Dame et Rochefort

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