NOTRE DAME DE ROCHEFORT
Restauration matérielle
par Jacques Sicard et le frère Louis.


Extrait de Notre-Dame de Rochefort-du-Gard
depuis Charlemagne jusqu'à nos jours.
Récit du Chanoine J. -B. Petitalot, 1910

Avertissement : Le livre du Chanoine de Notre-Dame de Rochefort, Jean Baptiste Petitalot, doit être abordé comme un livre pieux écrit par un homme partagé entre la rigueur de l'historien et la foi de l'homme d'église. Il n'en reste pas moins très intéressant et incontournable.   G.M.

XXIX


 I - Diocèse de Nîmes - Vue Générale du Calvaire Monumental en cours d'exécution
à Notre Dame de Grace de Rochefort par Avignon (Gard)

Gravure, Soulier Ainé éditeur Lyon


À peine installés sur la montagne, les nouveaux chapelains s'appliquèrent à poursuivre les restaurations matérielles déjà commencées. Elles étaient urgentes, soit dans la chapelle, soit dans les autres bâtiments et les lieux adjacents.

Les supérieurs Maristes qui se succèdent, rivalisent d'ardeur et de dévouement dans cette tâche ardue et en quelque sorte interminable. C'est d'abord le premier d'entre eux, le P. Séon, qui y emploie son inlassable activité, y dépense son patrimoine, y épuise ses forces et y perd sa vie, à l'âge de 55 ans.

D'abondantes ressources auraient été nécessaires. En 1850, Mgr Cart adressait à son diocèse deux lettres par lesquelles il déclare qu'une souscription est ouverte et durera trois années consécutives. Mais cette souscription produisit très peu : 470 francs furent versés à l'évêché, et 991 francs à Notre-Dame ; en tout 1.461 francs. On commença néanmoins.

Il fallait d'abord pourvoir au logement des pèlerins. Quelques chambres étaient affectées à leur usage, même du temps des Bénédictins ; mais de cette habitation, d'ailleurs très insuffisante, il ne restait que des ruines. Sur les anciennes fondations, le P. Séon entreprit de construire une hôtellerie vaste et commode, qui fut terminée par son successeur, le P. Jacquesson, et qui peut loger plus de 80 personnes.


II - Le Jardin du Nord
.
En 1853, le P. Séon place dans la chapelle les tableaux d'un nouveau chemin de la croix (I) , et fait une première plantation de cyprès dans le jardin du Nord. Le P. Bertholon, qui le remplace pendant un an, continue les plantations, achève les jardins du Nord (II) et de l'Est. Pour ce travail, il fallut transporter à dos de cheval et de mulet une énorme quantité de terre.

Au mois de mai 1855, le P. Séon, de retour à Notre-Dame, commence le bâtiment qui est aujourd'hui la Conciergerie. Les appartements inférieurs serviront au concierge et aux pèlerins; les pièces supérieures, louées à un noble espagnol, le chevalier d'Espana: Le 10 du même mois, à la suite de la retraite des dames, une statue de la Vierge immaculée, en fonte et faite sur le modèle de celle qui domine la tour de Fourvière à Lyon, est, installée solennellement sur le clocher de Notre-Damé. Ce fut une grande fête sur la sainte montagne; une foule nombreuse était accourue, et le soir, il y eut une magnifique illumination à l'intérieur et à l'extérieur de la chapelle.

En juillet 1856, le P. Séon enrichit la chapelle de deux statues en bois doré, sculptées à Lyon, celles de saint Joachim et de Sainte-Anne, parents de la Sainte Vierge.

Le 1er mai 1856, on place sur la façade de la chapelle une nouvelle statue en pierre, sculptée par M. Roux de Bagnols, et donnée par Mlle Richard, de Saint-Nazaire prés Bagnols. La même année, d'autres travaux importants sont exécutés. Ainsi, le dôme de Notre-Dame est doré à neuf tout entier ; dépense de 600 fr payée par le P. Séon. Le sanctuaire est pavé en marbre, grâce aux offrandes de plusieurs pieuses personnes. Le plateau devant l'église est aplani et agrandi. Une horloge est placée à la sacristie.

En 1858, les deux sanctuaires de Saint-Joseph et de Sainte-Victoire, et la grande nef sont pavés en belles pierres du Theil ; deux nouvelles tables de communion sont placées devant lés deux chapelles latérales.

Le 18 août de la même année, le P. Séon, premier supérieur Mariste de Rochefort, succombait à une longue maladie, pendant laquelle il avait donné les plus grandes marques de dévotion envers la Sainte Vierge et saint Joseph. Quelques jours après, dans un journal d'Avignon, M. Astier, curé de Laudun, parlait ainsi du défunt et de ses œuvres :
« La tombé vient de s'ouvrir pour recevoir les dépouilles mortelles du R. P. Séon, ancien supérieur des PP. Maristes, établis sur la montagne de Notre-Dame de Rochefort, dans le diocèse de Nîmes.
Ce fut une heureuse pensée que celle de Mgr Cart, de douce et sainte mémoire, de confier aux membres d'une Congrégation religieuse le pèlerinage de Notre-Dame de Rochefort, dirigé autrefois par les Bénédictins de Villeneuve-les-Avignon. Le pieux évêque, en formant ce projet, avait un double but : celui de donner des gardiens sûrs et fidèles à un sanctuaire isolé, et celui d'enrichir son diocèse d'une maison de missionnaires. Les Pères Maristes de Lyon lui ayant paru propres à remplir cette double destination, quelques-uns d'entre eux, sous la conduite du P. Favre, devenu depuis Supérieur général de son Ordre, vinrent prendre possession de leur nouveau domaine, le 10 août 1846. La pieuse colonie d'apôtres fut installée sur la sainte montagne, ayant à sa tête en qualité de Supérieur le P. Séon, dont la capacité, le zèle et la prodigieuse activité devaient opérer en si peu de temps les heureuses et importantes améliorations que l'on a vues depuis dans l'ancienne résidence des Bénédictins.

Pour régulariser le pèlerinage et assurer l'avenir de sa nouvelle maison, la première pensée du P. Séon fut de relever les ruines amoncelées autour de l'église et du cloître, seuls bâtiments restés debout, et échappés aux ravages du temps. L'œuvre était grande, difficile et coûteuse, mais rien n'arrêta son zèle ; et pour quiconque a pu se trouver sur la sainte montagne de Rochefort, à cette époque, c'était un spectacle admirable et touchant de voir les bons Pères, en quittant la chaire ou le confessionnal, s'armer de pioches et de leviers, et s'occuper à défricher les flancs arides de la montagne, bientôt transformés en riants jardins, couverts de fruits et de fleurs. Doué d'une force physique étonnante, le P. Séon ne se contentait pas de diriger les travaux, il était encore le premier des ouvriers. En même temps, et à côté se relevaient les bâtiments qui devaient servir d'asile aux pèlerins, et leur fournir toutes les ressources qu'on peut désirer, après une marche souvent longue et pénible, dans un lieu solitaire et désert.

Grâce à la bonne administration et à la générosité du P. Séon, qui a consacré à cette Œuvre presque tout son riche patrimoine, à peine quelques années s'étaient écoulées, que tout avait changé de face ; le pèlerinage avait grandi, les abus occasionnés par les agglomérations de pèlerins, qui se formaient autrefois sans ordre et sans discipline, avaient disparu; le nombre des ouvriers évangéliques résidant auprès du sanctuaire de Marie était augmenté; des retraites pour les personnes pieuses étaient organisées, la dévotion des pèlerins était satisfaite ; et Mgr Cart emportait dans la tombe la consolation de voir une de ses œuvres les plus importantes grandir et prospérer. Comme il l'avait désiré, les paroisses de son diocèse avaient à leur disposition des missionnaires toujours prêts et pleins de zèle ; car le P. Séon ne se contentait pas de remuer et de rassembler les pierres éparses de l'antique monastère, sa parole enflammée remuait d'autres ruines, et allait porter au loin le feu sacré dont il était enflammé pour le salut des âmes. Un grand nombre de paroisses des diocèses d'Avignon et de Nîmes ont entendu cette voix forte et entraînante, dont les élans souvent impétueux semblaient parfois un écho de la grande et populaire voix du P. Bridaine...

Cependant sa forte constitution avait subi trop d'échecs pour résister plus longtemps; ses facultés morales s'altérèrent et fléchirent sous les efforts obstinés de son zèle, et chaque jour on le voyait marcher rapidement vers la tombe. La Providence n'avait plus besoin de lui; la maison de Notre-Dame de Rochefort, dirigée par le pieux et habile P. Jacquesson, son successeur, protégée surtout par Monseigneur Plantier, recevait de nouveaux accroissements ; le sanctuaire de Marie s'embellissait, le pèlerinage florissait de plus en plus, et le bon et fidèle serviteur pouvait aller recevoir sa récompense. C'est le 18 du mois d'août dans l'octave de l'Assomption, que le P. Séon a rendu son âme à Dieu, à l'âge de 55 ans. Le surlendemain, 20 août, au milieu d'un concours considérable de prêtres et de fidèles ses restes mortels descendaient dans une tombe depuis longtemps fermée, où la cendre du premier supérieur des Pères Maristes allait se trouver mêlée à la cendre des derniers Pères Bénédictins pour reposer ensemble à l'ombre six fois séculaire (1) du sanctuaire vénéré, dont ils furent les uns et les autres les fidèles gardiens.

(1) Il faudrait dire onze fois séculaire.

Pendant les premiers mois de l'année 1859, le Pére Jacquesson a fait creuser, bâtir et voûter une vaste citerne au-dessous de la grande cour du couvent, prés du jardin de l'Est. Elle est destinée à recevoir toutes les eaux qui tombent sur le sol, et à les conserver pour servir à l'arrosage dudit jardin.

Le 14 octobre 1861, sont placés trois vitraux dans les fenêtres de la chapelle : celui de l'Immaculée-Conception, celui de l'Annonciation et celui de la Présentation au Temple. Le premier, datant de 1856, avait été commandé et payé par le P. Séon ; les deux autres furent commandés par le P. Jacquesson, et payés par diverses personnes ; tous trois sont l'ouvrage de M. Martin d'Avignon. Au mois de juillet 1862, on ajoutait cinq autres vitraux, également fabriqués par M. Martin, et donnés par M. Dumas, de Bagnols. Les quatre premiers représentent la Visitation, la fuite en Egypte, l'intérieur de Nazareth et l'Assomption. Le cinquième est un groupe de saint Jean-Baptiste, patron du donateur, de sainte Cécile et de sainte Angèle, l'une patronne de son épouse et l'autre de sa fille. Deux de ces vitraux ont été enlevés pour faire place, dans l'abside, à ceux du Couronnement et du XIe Centenaire.

Le 8 octobre 1862, mourut dans les appartements qu'il occupait depuis sept ans, M. le chevalier Balthazar d'Espana, l'un des principaux bienfaiteurs du sanctuaire. Le lendemain, le corps fut porté à la chapelle et une messe basse fut célébrée ; ensuite, le convoi se rendit à l'église paroissiale pour un service solennel et l'inhumation eut lieu dans le cimetière de la paroisse. Son épitaphe est aussi courte qu'expressive : Exul Deo Regique fidelis.

M. d'Espana était sorti de sa patrie depuis près de trente ans, à la suite de la révolution qui dépouilla don Carlos du trône d'Espagne. Il espérait toujours y rentrer, mais avec le souverain légitime. Cet homme, plein de foi, a vécu, surtout dans la dernière partie de sa vie, d'une manière très chrétienne. Vivant très simplement, il aimait à faire des dons aux églises pour lesquelles il avait plus de dévotion, à Notre-Dame de Rochefort, à Notre-Dame-de-la-Salette, à l'église d'Ars, à celle des Carmes de Montpellier, à la chapelle des gardes-malades de la même ville.

Il laissait une veuve digne de lui, Mme Francisca d'Orten, et trois enfants encore jeunes. Tous habitaient la ville de Montpellier depuis quatre ans, et, auparavant ils étaient à Bezouce. Depuis environ douze ans, ils, venaient chaque année passer deux à trois mois sur la montagne de Rochefort, pendant le concours des pèlerins ; c'est-à-dire de l'Assomption à la Toussaint.

À peine arrivée à Montpellier, Mme veuve Espana, se hâta de réaliser les promesses qu'elle avait, faites en quittant la sainte montagne et envoya la déclaration suivante :

« Moi, Françoise d'Orten, veuve d'Espana, voulant témoigner, autant qu'il est en moi, ma reconnaissance et ma dévotion envers l'auguste Vierge Marie, Mère de Dieu, Notre-Dame de Grâce de Rochefort, de qui j'ai tant reçu de faveurs, et non loin de laquelle reposent jusqu'à la résurrection les restes mortels de mon époux, le chevalier Balthazar d'Espana, déclare dans cet écrit authentique, tracé de ma main, au moment de rentrer dans ma patrie, avec mes chers enfants, Philomène, Joseph, et Anna d'Espana, offrir, donner et délaisser de grand cœur, pour décorer l'autel et la statue de ladite Notre-Dame, une robe et deux voiles en dentelle de soie blanche, et un pardessous en satin ; la somme de cinq cents francs, dont quatre cents pour deux lustres d'église, et cent pour restaurer la statue de la Vierge et celle du petit Jésus, et les remettre dans leur état primitif ; et plusieurs reliquaires en argent contenant des reliques de divers saints avec les authentiques.
Par cette humble offrande, à laquelle j'espère ajouter un jour, je prétends me consacrer corps et âme, moi et toute ma famille, à la très Sainte Vierge notre bonne Mère, désirant lui demeurer fidèle, l'aimer, l'honorer toujours, mériter pour moi et les miens sa maternelle et toute puissante protection, enfin lui être constamment et étroitement unie dans le temps et dans l'éternité.

Fait à Montpellier, le 28 octobre de l'an 1862.
Françoise d'Orten, veuve d'Espana. »

Peu de jours après, arrivèrent de Paris et furent placés dans la chapelle ces deux grands lustres à branches gothiques et à double rang de bobèches, donnés par Mme d'Espana. On reçut aussi de Montpellier une boîte en carton, renfermant plusieurs petits reliquaires en argent, avec les reliques et les authentiques, ayant appartenu au chevalier d'Espana ; de plus une belle robe toute en dentelle de soie brodée, et deux voiles également en dentelle de soie, dont l'un richement brodé, et un pardessous en satin. C'étaient les ornements de noces de Mme d'Espana ; ils avaient coûté prés de douze cents francs, et cette noble dame les donnait pour habiller la statue de Notre-Dame.

Ce sont aussi les largesses de Mme d'Espana qui payèrent la restauration faite le 9 février 1863. Primitivement, la statue de Notre-Dame de Grâce portait un sceptre, et l'Enfant-Jésus un globe qu'il bénissait de la main droite ; plusieurs anciens tableaux, ex-voto et images en font foi. Mais pendant la révolution de 1793 les bras du petit Jésus furent brisés, et aussi la main, aussi bien que la tête de la Vierge. Ils furent restaurés de manière à porter chacun une fleur à la main selon le goût du temps. Or, le 9 février 1863, la statue fut remise dans son état primitif, la Vierge avec le sceptre, et l'Enfant Jésus avec le globe. Pour cela, une nouvelle main fut adaptée au bras droit de Notre-Dame, avec un sceptre mobile ; et deux bras au petit Jésus, avec un globe doré, fixé, et surmonté d'une croix. Ce travail fut exécuté par MM: Cournaux, père et fils, sculpteurs à Avignon.

Une autre réparation d'importance, la construction d'une nouvelle route, fut principalement l'œuvre de M. Ménigot, sous-préfet d'Uzès. Lors de sa première visite au sanctuaire, le 9 septembre 1862, cet honorable magistrat fut frappé du mauvais état du chemin. Il en parla au Supérieur, de qui il apprit avec étonnement que la commune de Rochefort ayant revendiqué la propriété de la montagne, et ayant obtenu gain de cause devant le tribunal d'Uzès, après un premier échec devant le juge de paix de Villeneuve-lés-Avignon, l'entretien des chemins était l'affaire de la commune.

Aussitôt, le sous-préfet conçut le projet de restaurer ce chemin et de le faire classer comme chemin vicinal de Rochefort. Dés le lendemain il en parla chaudement à Villeneuve-lés-Avignon, devant les maires du canton et l'agent-voyer de Roquemaure, disant qu'il voulait que ce chemin fût fait, qu'il s'en occuperait activement, qu'il en parlerait au préfet de Nîmes, et qu'il solliciterait, s'il était besoin, un secours en argent auprès du gouvernement. En même temps, il donna ordre à l'agent-voyer de se transporter, dès le lendemain sur la montagne avec ses cantonniers, le maire de Rochefort et quelqu'un des Pères de Notre-Dame ; de tracer un chemin plus commode que celui qui existait, de lui en envoyer le plan et de le faire afficher et publier dans la localité, suivant les formalités prescrites par la loi. Ce qui fut exactement fait et exécuté; mais le conseil municipal repoussa ce projet.

M. Ménigot ne se découragea pas. Il s'assura l'appui du préfet du Gard, le baron Dulimbert, et de l'agent voyer en chef du département; et le 8 janvier 1863, il vint à Notre-Dame, avec les agents-voyers d'Uzès et de Roquemaure. Ces messieurs arrivèrent à 11 heures, déjeunèrent au couvent avec M. de Talode du Grail, le maire et l'adjoint de Rochefort. Ensuite, ils se mirent à parcourir et à étudier presque toute la montagne, pour tracer un chemin qui menât aussi directement et aussi doucement que possible à la chapelle, en partant de la route de Roquemaure à Rochefort. Le plan adopté ce jour-là subit quelque modification l'année suivante, mais enfin, M. Ménigot réussit dans son entreprise, et vint en personne le 2 juillet 1863, annoncer aux Pères le classement du chemin de la montagne comme chemin vicinal. Au mois de février précédent, il était venu en pèlerinage avec toute sa famille ; ils prièrent longtemps au pied de la Vierge, se procurèrent et firent bénir et indulgencier plusieurs objets de piété, et ne partirent qu'après s'être fait inscrire au registre de la confrérie de Notre-Dame.

D'après les notes du P. Duzellier, alors Supérieur, les travaux de la route coûtèrent environ dix mille francs ; la commune donna 2.276 francs, le reste: fut fourni par le couvent.

Le même Supérieur dépensa encore six à sept mille francs pour les vitraux de la chapelle, la remise, les arceaux, et la pompe des pèlerins, la crèche du vestibule, les plantations, etc.

Son successeur, le P. Besson, voyant les besoins du pèlerinage accrus considérablement, à cause de la grande affluence des pèlerins, s'occupa de mieux installer l'asile, qu'avait réparé le P. Séon et agrandi le P. Jacquesson. Il pensa que le moment était arrivé de réaliser une idée, conçue déjà par le P. Séon, celle de confier le soin de l'asile des pèlerins à des religieuses.

Il s'adressa à des religieuses de Lyon, dites du Tiers-Ordre de Saint-François, qu'il avait connues et vues à l'œuvre dans d'autres établissements. Dès le mois de janvier 1867, il écrivit à la Supérieure générale de cette communauté. Elle vint en personne à Rochefort, avec Sœur Marie-Hélène, et passa avec le P. Besson un contrat par lequel elle s'oblige :
1° à diriger, à partir du mois de mai, l'hôtellerie des pèlerins ;
2° à préparer la nourriture des Pères, à blanchir leur linge et celui de la sacristie, à prendre soin des fleurs et autels de la chapelle ;
3° à tenir, quand le temps en serait venu, le magasin des objets de piété. Pour ces divers offices., la Révérende Mère promet un nombre suffisant de religieuses, et de plus des auxiliaires, du 15 août à la mi-octobre, époque du grand concours.

De son côté, le P. Besson promet :
1° de couvrir les frais de nourriture, de logement, de blanchissage, d'éclairage et de chauffage des Sœurs ;
2° de récompenser annuellement les bons services des Sœurs attachées à l'établissement par une rétribution de deux cents francs pour chacune, et de payer le voyage de celles qui viendront les aider en automne ;
3° de payer toutes les dépenses en cas de maladie ;
4° de leur faire donner les soins spirituels ;
5° de leur assigner des appartements spéciaux.

Ces clauses ainsi arrêtées et revêtues de l'autorisation du Supérieur Général des Maristes, les Sœurs de Saint-François arrivèrent au nombre de trois : Sœur Sainte-Hélène, Sœur Sainte-Claire et Sœur Saint-Mathieu, le 8 avril 1867. Le lendemain, après avoir administré la Confirmation dans la chapelle aux enfants de plusieurs paroisses, Mgr Plantier fit en personne la cérémonie d'installation, en présence ,d'une foule immense de fidèles, accourus sur la montagne, et tout joyeux d'assister à cette fête, qui allait opérer une modification importante pour le bien du pèlerinage. Après la messe, M. l'abbé Clastron, secrétaire particulier de l'Évêque de Nîmes, monta en chaire, annonça l'arrivée des religieuses, et montra quel avantage allait en résulter pour le sanctuaire et pour les pèlerins.

Ensuite, Mgr Plantier accompagné du clergé, se rendit à la grande salle de l'hôtellerie, les Sœurs marchant au premier rang de la procession. Sa Grandeur exprima en termes pleins de bonté et d'éloquence, combien elle était heureuse de voir les Filles de saint François venir travailler auprès du sanctuaire de Marie. Leurs vertus, leur zèle et leurs prières seconderont admirablement les efforts des Pères Maristes ; et les pieux fidèles, qui affluent si nombreux sur la sainte montagne, trouveront auprès d'elles autant d'édification que de secours temporels.

Monseigneur bénit les Sœurs et les appartements qui leur étaient destinés. Dès le 1er mai, elles entrèrent en fonctions ; au mois d'août, Sœur Saint-Ignace vint compléter leur nombre, car elles devaient être au moins quatre, et deux auxiliaires furent alors envoyées de la Maison-Mère pour le grand concours.

Pendant seize ans, les Sœurs Franciscaines ont dirigé l'asile, à la grande satisfaction des pèlerins. Au mois d'avril 1883, la Communauté ne pouvant donner de nouveaux sujets pour remplacer les Sœurs fatiguées, elles abandonnèrent cette mission. Elles furent alors remplacées par les Sœurs de la Sainte-Famille de Lyon, qui, depuis cette époque, s'acquittent avec succès de cette tâche difficile.
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