NOTRE DAME DE ROCHEFORT
Restauration spirituelle

Extrait de Notre-Dame de Rochefort-du-Gard
depuis Charlemagne jusqu'à nos jours.
Récit du Chanoine J. -B. Petitalot, 1910

Avertissement : Le livre du Chanoine de Notre-Dame de Rochefort, Jean Baptiste Petitalot, doit être abordé comme un livre pieux écrit par un homme partagé entre la rigueur de l'historien et la foi de l'homme d'église. Il n'en reste pas moins très intéressant et incontournable.   G.M.


Mgr Plantier évêque de Nîmes (1855-1875), approuva en 1857 les règlements de la confrérie de l'Immaculée-Conception.
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XXXI

Il est très regrettable que les précieuses reliques, et en particulier collé du saint voile, que possédait autrefois notre chapelle, se soient perdues pendant la Révolution ; malgré toutes les recherches, il a été impossible,d'en rien découvrir. Les privilèges et les indulgences attachés à ce saint lieu ont été aussi perdus ou annulés à la même époque, par le fait de l'éloignement des Bénédictins et de la cessation du culte.

En revanche, la chapelle est aujourd'hui enrichie de nouveau d'indulgences nombreuses. D'abord le maître-autel est privilégié à perpétuité, et ainsi les prêtres qui y célèbrent, peuvent gagner tous les jours une indulgence plénière.

Ensuite, par un Bref donné à Rome le 20 janvier 1847, le Pape Pie IX a daigné, dans sa bonté apostolique, accorder à l'instar de ses prédécesseurs une indulgence plénière, applicable même aux âmes du purgatoire, à tous les fidèles de l'un et de l'autre sexe, qui, une fois l'an, et au jour que chacun voudra choisir, pénétrés d'une véritable componction, après s'être confessés et avoir communié, visiteront la chapelle de Notre-Dame-de-Grâce, et y prieront quelque temps aux intentions ordinaires.

En 1854, le P. Bertholon, connaissant les merveilles que l'association du Très Saint et Immaculé Cœur de Marie produisait à Paris, dans l'église de Notre-Dame-des-Victoires, eut l'heureuse idée d'établir cette confrérie dans le sanctuaire de Rochefort. L'Évêché de Nîmes donna, avec l'autorisation, des statuts dressés sur ceux de Paris et adaptés aux circonstances du lieu. D'autre part, M. Desgenettes, curé de Notre-Dame-des-Victoires, et directeur général de l'Archiconfrérie, accorda les lettres d'agrégation, datées du 26 juillet. Elles furent publiquement affichées dans la chapelle de Notre-Dame, et, dès lors, la confrérie fut canoniquement érigée. En peu d'années, le nombre des associés inscrits dépassa dix milles.

De plus, l'église de Notre-Dame possède sa confrérie propre, sous le titre et en l'honneur de l'Immaculée-Conception. L'ancienne confrérie de Notre-Dame-de-Grâce avait cessé d'exister en 1793. Les temps étant devenus meilleurs, et toutes choses devant être restaurées pour le bien de notre pèlerinage, on pensa à rétablir cette œuvre, autrefois si féconde en heureux résultats pour les fidèles. Elle fut, en effet, rétablie avec de nouveaux statuts et á des fins appropriées aux besoins actuels de la religion, de la France et des âmes. Mgr Plantier en approuva tous les règlements, le 8 décembre 1857. L'illustre prélat voulait ainsi, comme il le dit formellement dans ses lettres d'approbation, « donner un nouveau témoignage de sa dévotion envers l'auguste Marie, favoriser de plus en plus son culte, et offrir aux fidèles de son diocèse un nouveau moyen de manifester leur piété et leur confiance à l'égard de la bienheureuse Mère de Dieu. » Il permit en outre d'établir ladite association dans les diverses paroisses de son diocèse, lorsque Messieurs les curés en feraient la demande.

Cette confrérie est l'une des plus riches en faveurs spirituelles. D'ailleurs, elle fut aussitôt affiliée á l'association de l'Immaculée-Conception de Rome, comme l'attestent les pièces authentiques délivrées à l'église de l'Ara Cœli, le 20 janvier 1858. En quelques années le nombre de ses membres montait à plus de vingt mille. Il y en a de toutes les parties de la France et même des pays étrangers.

A la même époque, et encore à la sollicitation de Mgr Plantier, l'église de Notre-Dame obtint l'insigne privilège d'être agrégée à celle de Notre-Dame de Lorette, en Italie. Par conséquent, ainsi qu'il conste par les lettres d'agrégation données à Rome le 18 janvier 1858, tous les fidèles qui visitent dévotement notre sanctuaire, et qui remplissent les autres conditions prescrites, gagnent toutes les indulgences et obtiennent les mêmes grâces dont jouit la Sainte Maison de Lorette. Ces grâces et ces indulgences sont très multipliées et très précieuses. Ainsi le pèlerinage de Rochefort, que nous avons vu déjà lié si étroitement à celui de Lorette, par suite des circonstances merveilleuses de sa restauration au XVIIe siècle, lui est uni aujourd'hui d'une manière beaucoup plus intime encore. C'est pour ainsi dire la Santa Casa., le plus célèbre sanctuaire de Marie dans le monde, transporté sur notre sainte montagne et rendu perpétuellement présent au milieu de nous, avec toutes ses richesses spirituelles.

Enfin, par un Bref du 12 janvier 1858, Pie IX a accordé aux pèlerins de Notre-Dame, qui prieront devant l'autel de Saint-Joseph, d'abord une indulgence plénière pour la fête et pour le patronage de ce grand saint ; ensuite une indulgence de sept ans et autant de quarantaines pour chaque jour de l'année.

Une institution des plus sanctifiantes, fut celle des retraites annuelles. Depuis leur arrivée, les Maristes avaient été souvent sollicités d'établir des retraites générales dans la sainte chapelle, et plusieurs personnes venaient chaque année faire des retraites particulières. Pour répondre à ces pieux désirs, Mgr Cart publia de Notre-Dame même, où il s'était arrêté pendant une tournée pastorale, une lettre circulaire, datée du 16 avril 1853, adressée au clergé et aux fidèles de son diocèse, par laquelle il annonce que des retraites générales auront lieu à l'avenir, quatre fois l'année, dans le sanctuaire de Rochefort, et des retraites particulières en tout temps.

C'était beaucoup, c'était trop, comme on le comprit bientôt par l'expérience, et dés l'année suivante,- on réduisit à deux le nombre des retraites ; et même à la fin de celle d'octobre 1855, comme elle n'avait pas été très nombreuse, le P. Séon annonça que celle du mois de mai serait supprimée, et qu'il n'y aurait plus qu'une seule retraite générale, celle du mois d'octobre de chaque année.

Mais en 1861, à la retraite d'octobre prêchée par le P. Reculon, assistèrent plus de 150 personnes ; la place manqua à l'asile, le recueillement en souffrit, et l'on décida de rétablir la retraite de mai.

Depuis cette époque, les deux retraites ont été maintenues ; et voici comment elles sont désormais réglées : la première commence le dimanche de la Trinité, et se termine le jeudi suivant, fête du Saint-Sacrement et jour d'adoration dans le sanctuaire; dans la matinée, messe solennelle, suivie de la procession du Très Saint Sacrement, à laquelle assistent tous les prêtres des environs ; dans l'après-midi, vêpres, sermon, bénédiction. La seconde retraite, celle d'octobre, s'ouvre le mardi après l'octave du Rosaire, pour se clôturer le dimanche suivant, c'est-à-dire le troisième dimanche d'octobre; ce jour-là, Notre-Dame reçoit plusieurs milliers de pèlerins.

Parmi les moyens propres à ,entretenir et à développer le pèlerinage, il faut évidemment compter les livres qui le font connaître.

Nous avons déjà mentionné celui de dom Mège, La Sainte Montagne, riche et authentique recueil des merveilles qui s'opéraient journellement, au XVIIe siècle, par l'invocation de Notre-Dame de Rochefort. Ce volume est aujourd'hui très rare.

Nous voulons aussi nommer le Pieux Pèlerin, de l'abbé Griolet, directeur au grand séminaire de Nîmes ; manuel d'histoire et de prières à l'usage des pèlerins de Rochefort. L'auteur y travailla longtemps, soumit son manuscrit à Mgr Cart, et, sur les pressantes sollicitations du P. Séon, le fit paraître au mois de juillet 1847.

Un ouvrage plus complet, Notre-Dame de Rochefort par un Père Mariste, vit le jour en 1861. C'est l'œuvre du P. Jobert, qui s'est entouré de tous les documents qu'il a pu découvrir. Avant lui, le P. Chare avait commencé ; au mois de septembre 1857, il trouva au village de Rochefort une partie des écrits laissés par les anciens Bénédictins, et les rapporta au couvent. Il apprit ensuite qu'il y en avait plusieurs autres très anciens au musée Calvet d'Avignon ; enfin, en novembre, il fit, de nouvelles et précieuses découvertes aux archives départementales. Déjà il avait composé quelques chapitres, lorsque, Dieu l'appela à lui, le 26 novembre 1858, après une assez longue maladie et une vie toute consacrée à la Sainte Vierge

Le P. Jobert est le véritable historien de Notre-Dame, depuis l'origine du sanctuaire jusqu'au milieu du XIXe siècle. Quand les premiers exemplaires de son livre arrivèrent au couvent, le 7 septembre 1861, il voulut consigner dans nos registres son humble et reconnaissante satisfaction, et le fit en ces termes :

« Cet ouvrage avait été commencé par feu le P. Chare qui avait fait des recherches et même composé plusieurs chapitres, dés l'année 1857. Mais l'état maladif de ce religieux ne lui avait pas permis de compléter le nombre de ses documents et d'en assurer suffisamment l'authenticité; emporté enfin par la mort, en novembre 1858, il laissa son entreprise bien peu avancée. Le religieux de Notre-Dame qui fut chargé de reprendre, de continuer et de terminer ce travail, eut besoin de prés de trois années pour le conduire au terme. Sans cesser de s'occuper des fonctions de son ministère, de la prédication et de l'audition des confessions, soit dans les missions, les retraites, les carêmes, soit dans le pèlerinage, il eut à dépouiller et à mettre en ordre toutes les notes laissées par le P. Chare ; à rechercher les documents déjà trouvés, pour en connaître bien la source et la véracité, et à en chercher une foulée d'autres encore inconnus. Ces nouvelles recherches ont été très fructueuses ; et tout ce grand et nouveau travail a été enfin heureusement terminé. L'auteur se plaît à le reconnaître et à le proclamer, il doit tout son succès à Dieu, à Jésus, à Marie et à Joseph, qu'il a souvent invoqués, surtout dans ses jours, de fatigue, dans ses heures de ténèbres et de faiblesse. »

Pour le volume que nous offrons au public, nous utilisons les travaux de nos devanciers ; et nous ajoutons, d'après les archives de Notre-Dame, le récit des évènements remarquables qui se sont accomplis depuis soixante ans.