NOTRE DAME DE ROCHEFORT
Riches offrandes faites à Notre-Dame

Extrait de Notre-Dame de Rochefort-du-Gard
depuis Charlemagne jusqu'à nos jours.
Récit du Chanoine J. -B. Petitalot, 1910

Avertissement : Le livre du Chanoine de Notre-Dame de Rochefort, Jean Baptiste Petitalot, doit être abordé comme un livre pieux écrit par un homme partagé entre la rigueur de l'historien et la foi de l'homme d'église. Il n'en reste pas moins très intéressant et incontournable.   G.M.


Ex-Voto de la famille de Forbin des Issarts, 1774

XXI


Le trésor et les décorations de notre église étaient déjà considérables à l'arrivée des Bénédictins de Saint-Maur, mais depuis lors, ils le devinrent encore beaucoup plus. La plupart des ex-voto entassés sur le Mont Sacré, étaient d'un très grand prix. Dans la vivacité de leur reconnaissance, les fidèles semblaient craindre de ne pouvoir la manifester avec assez d'éclat. On aurait dit que, rivalisant entre eux pour orner le bien-aimé sanctuaire, ils voulaient aussi lutter de générosité avec Marie.

La sacristie possédait, outre beaucoup d'amicts, de corporaux, de nappes et de purificatoires, plus de soixante chasubles, étoles et manipules ; quatre belles, chapes et dalmatiques ; vingt-cinq aubes et cinquante voiles de calice ; quarante-deux devants d'autels ; un grand nombre de robes, d'écharpes et d'autres vêtements de la Sainte Vierge ; enfin plus de trente pièces d'étoffe, et quantité de dentelles très riches, destinées à entretenir les anciens ornements et à en faire de nouveaux. (1).

(1) On peut voir la mention des dons principaux,et les noms des donateurs et donatrices dans l'ouvrage du P. JOBERT, mariste, Notre-Dame de Rochefort, IIIe époque, chapitre IV et chapitre V.

Mais la munificence des bienfaiteurs se manifestait principalement par la multitude des objets d'or, d'argent ou d'autres matières précieuses, qu'ils y déposaient comme à l'envi.

Il y avait, tant au trésor que dans la chapelle, plus de cinq cents bagues et anneaux d'or, enrichis pour la plupart de diamants, d'émeraudes, de turquoises, ou d'autres pierres rares ; cent têtes, cent cœurs, deux cent cinquante yeux, et un grand nombre d'autres figures en argent ; plusieurs tours de perles fines; cent bracelets, et quantité de chaînes, de pendants, de médailles d'or ; des lapis et des cornalines enchâssées de même matière ; des ceintures et plus de vingt croix de diverses grandeurs d'or et d'argent ; beaucoup de chapelets à grains d'or, d'argent, d'agate, d'ambre, de corail, de nacre, etc.

Enfin, outre deux ostensoirs, trois ciboires, et quelques coupes simples servant à donner la communion : douze calices, cinq paires de burettes et quatre bassins, une clochette et d'autres vases, tous d'argent ou de vermeil; quatorze chandeliers de différentes grandeurs aussi d'argent ; plus de vingt statues en pied ou en relief, les unes d'or, les autres d'argent, et plus de soixante lampes d'argent de toutes dimensions, suspendues le long des nefs et autour de l'autel principal.

Ces derniers dons étaient spécialement riches et remarquables ; ils n'étaient faits ordinairement que par les grandes familles et les personnes de haute condition, telles que les maisons de Suze, de Grignan, de Caderousse, de Saze, des Issarts, (dont un ex-voto est présenté en tête d'article) de Montréal, de Collias, de Villars, de la Jaille, de la Roche-Mirabel, enfin, par toutes les nobles familles de la région.

Quelquefois les donateurs habitaient des provinces plus éloignées. Ainsi, Mlle Charlotte le Grand, de Reims en Champagne, ayant été guérie miraculeusement, par un vœu à Notre-Dame de Rochefort, d'une maladie jugée incurable par tous les médecins de cette ville, offrit à cette sainte chapelle, deux fort beaux chandeliers d'argent, du prix de 200 livres. Ainsi, encore, dès 1637, un gentilhomme anglais, de la famille de Brunedelli, avait donné un calice portant cette inscription sous le pied : Mater Dei, ora pro familia Brune-delliana anglicana.

Plusieurs, non contents d'orner richement le sanctuaire et la statue miraculeuse, léguaient encore à la chapelle, pour un temps ou à perpétuité, des propriétés ou des sommes d'argent assez considérables. Quelques-unes de ces pieuses fondations avaient pour but d'entretenir et de faire brûler continuellement les lampes devant l'autel de la Vierge; d'autres demandaient des prières, des messes, des services funèbres. Ainsi, en 1708, Mme de Saze, mère de M. le marquis de Saint-Victor, « légua par testament pur et simple la somme de 200 livres, sans autre charge que de prier Dieu pour elle et pour sa famille. Une messe de mort fut célébrée à son intention, et l'argent employé selon sa volonté aux réparations de l'église et du couvent ».

Mais, de toutes les donations, la plus importante pour le monastère et la chapelle, fut celle de la montagne même sur laquelle s'élèvent ces édifices. Elle fut faite par le comte de Suze, seigneur de la localité, le 3 décembre 1652, et ratifiée le 2 janvier suivant par le supérieur général de la Congrégation de Saint-Maur.

À vrai dire, cette donation ressemble beaucoup à une restitution. Car, depuis les libéralités des comtes de Toulouse, la sainte Montagne appartenait à l'abbaye de Saint-André; et même depuis la restauration de la chapelle, les Bénédictins n'avaient cessé d'agir en propriétaires, creusant des puits, élevant des édifices, traçant des chemins. Toutefois, cet acte de donation du sol et de la propriété de la montagne rendait plus inattaquable la possession des religieux. Ils furent donc considérés par tous comme les seuls et légitimes propriétaires ; ils conservèrent cette propriété, sans aucune contestation, et en remplirent fidèlement les charges jusqu'à l'époque de la Révolution, c'est-à-dire, l'espace de 140 ans.

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