En 1634, inauguration de la nouvelle statue
de Notre-Dame de Rochefort (Gard).

Extrait de Notre-Dame de Rochefort-du-Gard
depuis Charlemagne jusqu'à nos jours.
Récit du Chanoine J. -B. Petitalot, 1910


Avertissement : Le livre du Chanoine de Notre-Dame de Rochefort, Jean Baptiste Petitalot, doit être abordé comme un livre pieux écrit par un homme partagé entre la rigueur de l'historien et la foi de l'homme d'église. Il n'en reste pas moins très intéressant et incontournable.   G.M.


À mesure que le bruit des premiers miracles se ré­pandait, les pèlerins devenaient de plus en plus nom­breux. Mais la sainte chapelle était encore dans le plus grand dénuement ; elle n'avait pas même une statue de la Sainte Vierge. Aucune du moins n'était venue remplacer convenablement l'ancienne, brûlée par l'ermite Grégoire. Un don spécial était nécessaire. Il fut sollicité par le Frère Louis, et un habitant de Rochefort, nommé Jean Palejay, eut l'insigne hon­neur de faire ce présent à la chapelle. C'est la statue miraculeuse que les fidèles vénèrent aujourd'hui sur la montagne.

Cette image, en bois sculpté, haute de quatre pal­mes, représente la bienheureuse Vierge tenant l'En­fant Jésus sur le bras gauche. Elle porte le sceptre royal, symbole de sa dignité souveraine ; et l'Enfant Jésus d'une main soutient le globe du monde, de l'au­tre il le bénit.

Cette statue, quoique nouvelle et très simple pour la matière et pour la forme, devint bientôt, et n'a ja­mais cessé d'être chère et précieuse aux pèlerins. Tous vénèrent en elle l'auguste Mère de Dieu, celle qu'ils aiment à appeler la Bonne Mère, exprimant ainsi leur vive reconnaissance pour la miséricordieuse tendresse que Marie leur témoigne dans son sanctuaire.

L'inauguration eut lieu le 15 août 1634, fête de l'Assomption. La statue fut apportée processionnelle­ment du village dans le sanctuaire, et placée sur un trône derrière le maître-autel. Telle fut sans doute l'ori­gine première du concours que nous voyons commen­cer, chaque année, le jour de l'Assomption et se con­tinuer pendant les mois de septembre et d'octobre.

Le pèlerinage de Rochefort était rétabli, et la gloire dont il commençait à briller, semblait dépasser déjà tout ce qui s'était vu autrefois sur le Mont sacré. La célébrité de la sainte chapelle allait chaque jour se répandant au loin. Cette célébrité était si grande, la foule des pèlerins si considérable, et les manifestations de la piété si vives, que nos chroniqueurs ne savent comment dépeindre toutes ces merveilles, et en expri­mer toute leur admiration.

Il se produisit, parmi les populations méridionales, comme une immense explosion de sentiments reli­gieux envers la Vierge de Rochefort. En deçà et au-delà du Rhône, les villages, les bourgs et les villes accou­raient à l'envi dans ce lieu de bénédiction. On voyait venir de toute part des familles, des troupes nombreuses de fidèles, des processions de toute sorte. Les pa­roisses, les associations, les confréries arrivaient ban­nières déployées. Les pénitents, croix en tête, vêtus de leurs insignes, et sans oublier leurs falots, s'avan­çaient avec dévotion et en bon ordre. Venaient aussi bien nombreux des choeurs de jeunes filles, marchant d'un pas recueilli et modeste. La joie la plus vive se pei­gnait sur tous les fronts et tous les coeurs étaient rem­plis d'une sainte allégresse. L'air retentissait des can­tiques, des psaumes, des hymnes et des litanies, chan­tés en l'honneur de la bienheureuse Vierge.

Tel était l'effet produit par ce spectacle que beau­coup de personnes en étaient émues jusqu'aux larmes et pénétrées de componction. On les voyait alors se rendre à Notre-Dame, de vingt et trente lieues, soit pour accomplir un voeu, soit par pure dévotion, s'y confesser et y faire la sainte communion.

Tous les habitants de la contrée semblaient parfois s'être donné rendez-vous à la chapelle. Ainsi en trois jours seulement, du 23 au 25 août 1635, on y compta plus de quarante mille pèlerins. Il fallut, pour satis­faire les pieux désirs de cette multitude, dresser plu­sieurs autels et célébrer la messe en plein air, sur plu­sieurs points de la montagne. Dans ces circonstances, ajoutent nos historiens, il y avait des confesseurs de vingt ordres différents, outre les curés et les vicaires des paroisses voisines ; tous étaient occupés le jour et la nuit, encore suffisaient-ils à peine à entendre toutes les confessions.

On comprend que l'antique chapelle se trouvât trop étroite, pour contenir tant de pèlerins. Elle n'a­vait d'ailleurs ni vases sacrés ni ornements, elle n'était pas même pavée. D'un autre côté, il manquait une habitation pour l'ermite, et pour les prêtres, dont la résidence et le ministère devenaient de plus en plus nécessaires au pèlerinage. Un agrandissement et des constructions nouvelles étaient indispensables. On se mit à l'œuvre, les travaux furent poussés active­ment, et, en moins d'une année, nonobstant les diffi­cultés locales, ils étaient presque achevés.

Le Frère Louis avait commencé, dès les premiers mois de 1635, à se bâtir un ermitage avec une sacristie au-dessous, au midi de la chapelle, dans l'endroit où se trouve maintenant l'autel de saint Joseph. La dévote confrérie se chargea de poursuivre l'entreprise, au moyen des aumônes données par les pèlerins et par les mem­bres de l'association. On creusa un puits au pied du ro­cher, on termina l'ermitage et la sacristie, des dalles fu­rent placées dans l'église, et les toitures restaurées. On éleva ensuite un portique ou vestibule, sur la façade, à l'ouest du sanctuaire ; cette pièce servait à agrandir la chapelle, à abriter les pèlerins, et, dans sa partie supérieure, à loger les prêtres desservants. En­fin, la confrérie fit de riches acquisitions, pour orner dignement le saint lieu, et y faire célébrer avec pompe le service divin.

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