La Soie des
Cévennes
Tout
le monde connaît, au moins de réputation, la soie de nos Cévennes, mais ce que
beaucoup ignorent, ce 'sont les diverses étapes de la préparation de ce noble
fil doré, si souple, si mince et si résistant à, la fois, précieux produit de
la sécrétion d'un humble ver, au nom scientifique de bombix mori et que
nous, Cévenols, appelons magnan.
Phases de l'évolution du ver à soie
En
premier lieu, il convient de choisir des œufs - qui se présentent sous la forme
de petites graines grisâtres - exempts des germes de maladies. On se les
procure aujourd'hui facilement, depuis que Pasteur, sur l'appel de notre
compatriote, le chimiste Jean-Baptiste Dumas, est venu près d'Alès, au Pontgisquet, se livrer à des études qui lui ont permis de découvrir et de vaincre le microbe
de la maladie des graines de ver à soie.
L'éclosion
des œufs s'obtient dans un petit appareil, appelé castélet, chauffé par une
simple veilleuse. Une pratique, encore en usage dans maints villages, consiste
à obtenir la chaleur nécessaire à cette éclosion en enfermant les œufs dans un
petit sac que l'on dispose dans le lit, sous l'édredon ou que la magnanarelle
cache sur sa poitrine, entre les seins.
Les
vers se présentent sous, la forme de petits fils noirs qui grossissent assez
vite, deviennent blanchâtres, et que l'on dispose sur des sortes de claies,
dans les magnaneries, où l'on entretient une température modérée et
constante, d'environ 25 degrés.
Pendant
leur évolution, qui dure près de cinq semaines, les vers subissent quatre
maladies, occasionnées par les différentes mues. La nourriture des vers demande
beaucoup d'activité, surtout lorsqu'ils commencent à grossir. Comme ils sont
nourris avec la feuille du mûrier, il est indispensable d'en fournir constamment
à ces bestioles qui, en mangeant, produisent un bruit semblable à celui de la
pluie tombant sur le feuillage. La feuille du mûrier est généralement détachée
des rameaux ; cependant, quelques éducateurs utilisent les branches garnies de
leurs feuilles (élevage au rameau).
L'arbre
nourricier le plus répandu dans nos régions est le mûrier blanc, importé de Chine au commencement du XVe siècle et
dont la plantation fut largement favorisée par Sully. Dans nos Cévennes, on le
plante en bordure des champs, dans les prairies et .surtout dans les terrains
superposés, aménagés en gradins par le labeur tenace du paysan cévenol et qu'on
appelle, dans le pays, faïssos ou bancels.
Une
semaine après la dernière mue, les vers deviennent transparents et sont prêts
à monter dans les branches de bruyère ou de genêt que l'on dispose à cette
intention. Dès lors, le ver commence à sécréter le fil qui va lui permettre de
tisser son cocon, en s'emprisonnant à l'intérieur.
Traitement des cocons
Le
cocon arrive à la filature où il est étouffé et séché, afin d'empêcher la
chrysalide, qui n'est qu'en léthargie, de sortir pour se reproduire et d'abîmer
ainsi sa précieuse enveloppe. Après triage et séparation par grosseurs et
qualités, les cocons de choix sont donnés aux batteuses, ouvrières qui les cuisent dans des appareils spéciaux.
Ensuite, ils sont passés sur des poêles à une autre ouvrière, la fileuse qui les purge, les débarrasse
de leur frison (partie extérieure) jusqu'au moment où le fil apparaît pur et net.
La fileuse, alors, forme un faisceau avec le fil de 4 à 8 cocons - suivant le
titre de la soie que l'on veut obtenir - introduit ce faisceau dans la
filière, puis sur des guide-bouts et le tord sur lui-même (croisure), avant de
le passer sur le, parte-bout de réglage, destiné à le disposer sur le dévidoir,
sorte de tambour de 0 m. 50 de diamètre qui tourne à 60 tours à la minute et
recueille le fil.
La
fileuse procède de la même façon à la confection des autres bouts de son métier
- certains de ceux-ci comportent jusqu'à 8 bouts - et veille ensuite constamment
à remplacer à la filière ou au guide-bout, chaque cocon entièrement dévidé. On
voit combien l'attention de l'ouvrière doit être toujours en éveil, surtout
dans les filatures qui filent 8 bouts, pour que les fils de soie dorée soient
toujours de la même grosseur et composés du même nombre de cocons.
Le fil
recueilli du dévidoir est disposé en torsades et prêt à être livré au
manufacturier, qui le transformera et en tirera les élégantes étoffes :et les
transparents bas de soie qui agrémentent si délicieusement vos charmes,
Mesdames, et font si bien valoir la finesse de vos jambes.
Un peu de statistique
Une
once (30 grammes) d'œufs de ver à soie produit en moyenne de 60 à 65 kilogs de
cocons frais.
Il
convient de signaler en passant, que la soie provenant des cocons des Cévennes,
dont les vers sont nourris avec des mûriers qui poussent dans des terrains
granitiques ou schisteux, est très appréciée sur les marchés de Lyon. Aussi, à
l'heure actuelle, ces cocons sont-ils achetés par les filateurs au prix de 18 à
22 francs le kilog. Ces prix rémunérateurs favorisent l'élevage des vers à soie
; la récolte annuelle des cocons a dépassé, ces dernières années, un million de
kilogs, dont plus des 4/5 ont été fournis par les arrondissements d'ALES et du
VIGAN, pour lesquels l'élevage des magnans est une source appréciable de revenus.
Ajoutons
qu'il existe à Alès une STATION SERICICOLE, destinée à favoriser le relèvement
de l'industrie de la soie en France et a vulgariser la sériciculture. Cette
station comprend :
Une
salle de collections, où sont réunis tous les documents qui intéressent les
éducateurs de vers à soie ; une salle de micrographie, où sont poursuivies les
études sur les maladies de ces vers ; un laboratoire ; une magnanerie, où
chaque année, à l'époque de l'élevage des vers à soie, ont lieu des recherches
sur tout ce qui concerne l'éducation de ces précieux « tisseurs » de fil d'or
et enfin une pépinière de mûriers qui comprend les plus pures variétés de la
Chine et qui sont distribués aux agriculteurs qui en font la demande.
F. Martin, président des Enfants du
Gard à Paris, 1928.
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