Origine de la soie
et
introduction du mûrier en France.
Compte-Rendu
à l'Académie du Gard
de
M. Jacques VINCENS-SAINT-LAURENT, 1809
Nous
devons ce riche végétal à l'industrie d'un jardinier de Nismes,
François Traucat. Cette gloire vient de lui être contestée : on a
voulu l'en dépouiller pour en revêtir Olivier de Serres qui à coup
sûr, n'a pas besoin d'un mérite usurpé. C'est à rétablir son
concitoyen dans ses droits, que M. Vincens-St-Laurent a consacré un
mémoire tout à la fois économique , philosophique et littéraire.
Ce sujet, au premier coup d'oeil, peut sembler stérile ; mais
l'auteur l'a fécondé par des recherches intéressantes , et en nous
retraçant une histoire de la soie depuis les temps antiques jusqu'à
nos jours. Sans croire, dit-il. comme on l'a écrit (1), qu'en France le produit
agricole du mûrier s'élève à cent millions de francs chaque
année (1809) et que l'industrie quadruple cette somme, cet arbre a
néanmoins trop puissamment, influé sur la population et sur la
richesse, principalement dans les provinces Méridionales, pour qu'il
ne soit pas intéressant de rechercher à qui l'on doit l’éminent
service d'en avoir introduit et propagé la culture.
(1)
Th. d'.Agr. ,1804, Lettre de Barthélémy Faujas de St-Fonds, tome 1,
page IXXX.
Les
anciens n'ont eu que des idées incertaines et confuses sur la nature
et sur l'origine de la soie. Les uns (1) ont cru que cette substance
était une laine plus belle et plus fine que celle des animaux, et
qu'elle croissait sur un arbre sauvage des Indes , prenant peut-être
pour des pelotons de laine les cocons que, dans ces climats chauds,
les vers à soie déposent sur les branches des mûriers , en plein
air ; les autres (2) l'ont décrite comme une espèce de coton d'une
qualité supérieure ; d'autres l'ont confondue avec le tissu, sorte
de lin qui servait aux habits du grand prêtre des Juifs , et dont
les Indiens faisaient usage; ceux-ci (3) l'ont prise pour une ouate
légère , recueillie sur certaines fleurs, ou composée d'un amas de
ces poils mous qu'on voit sur la semence du saule et du laurier rase
: ceux-là (4) pour l'excroissance d'un tronc d'arbre ; il y en a qui
ont imaginé qu'elle se formait d'un duvet très fin, laissé sur des
feuilles par des oiseaux, et ramassé par les femmes indiennes.
(1)
Hérod. , I. III ; Théophr. , I. IV , ch. 9 ; Serv., in Georg. , I.
2 , V. 120 ; Mela, de situ orb. ; Senec. in Hypol. , act. II, V. 339
; Sil. Ital., Punic. ; Plin., I. VI, ch. 17 ; Solin. Polyhist., ch. L
; Arrian., in Indicis ; Amm, Marc., I. XXIII.
(2)
Plin., I, XXX, ch. 1.
(3)
Denys. Alex., V. 762.
(4)
Claudian., de Consul. Olybr.
Ceux
qui se sont le plus approches de la vérité , ont dit que la soie
provenait d'un ver ; mais la variété qui règne dans les
descriptions qu'ils donnent de cet insecte, montre qu'ils n'en
parlaient que par conjeçtures. Aristote (1) l'arme de cornes, lui
donne six mois pour ses trois métamorphoses, et ne lui fait produire
qu'une soie grossière. Pausanias (2) lui suppose huit pieds comme
une araignée, une grandeur double de celle du scarabée, et cinq
années de vie. Il raconte qu'on tire la soie de son ventre, après
qu'il s'est ouvert par l'insatiable voracité de cet insecte qui ne
cesse qu'a sa mort de se remplir des roseaux dont il se nourrit.
Pline (3) le fait naître dans l'ile de Cos, des fleurs tombées des
frênes, des cyprès, des théréhyntes, et des chênes, et
échauffées par les exhalaisons de la terre.
(1)
Hist. nat, , I. V.
(2)
In Eliac. , l. VI.
(3)
Hist. nat. I. XI, ch. 23.
C'est
dans les annales du plus ancien peuple
du monde, qu'il faut chercher la véritable origine de la soie. Les
premiers écrivains chinois, au rapport du père du
Halde (1), placent l'invention de filer cette précieuse matière,
sous Hoang-Ti,
troisième empereur de la Chine, qui, suivant la chronologie de
cette nation , vivait deux
mille sept cents ans avant l'ère chrétienne ; ils l'attribuent à
une des femmes de ce prince, nommée Si-Ling.
(1)
Description
de
la Chine , t. I, p. 273, et t. II, p. 246.
Les
impératrices qui lui succédèrent, se firent une agréable
occupation de faire éclore les chenilles, d'en tirer la soie, et de
la mettre en œuvre de leurs propres mains. Il y avait même, dans
l'enceinte du palais impérial, un parc destiné à la culture des
mûriers. L'impératrice, accompagnée des reines et des premières
dames de la cour, s'y rendait en cérémonie, et cueillait de sa main
les feuilles de trois branches qu'on abaissait à sa portée. Ainsi,
la culture des mûriers était rendue honorable dans ce vaste empire,
comme celle des grains y était ennoblie par la cérémonie des
semailles, dans laquelle l'empereur avait coutume de conduire
lui-même la charrue et d'ouvrir quelques sillons. L'art d'élever
les chenilles qui produisent la soie, passa de la Chine dans les
Indes, dans la Perse, et successivement dans les autres contrées de
l'Asie qui fut longtemps en possession de fournir cette précieuse
matière à l'Europe. Ce n'est que vers la fin du cinquième siècle
de notre ère, qu'on aperçoit dans les auteurs grecs une
connaissance un peu distincte de notre insecte merveilleux, et la
soierie parait ne pas avoir été un objet de manufacture dans la
Grèce, avant le règne de Constantin ( 1 ).
(1)
St. Clém. Alex., I. Il, ch. 10 ; St. Bazil., homel. VIII.
Si
les conquêtes des Romains introduisirent parmi eux quelque
connaissance de la soie, l'usage de cette riche matière ne s'y
établit que tard. Pline (2) attribue à une femme de l'ile de Cos,
nommée Pamphile,
fille de Latoïus, l'invention de la filer et de la mettre en
étoffes. Cet auteur fait mention de deux sortes de soie connues à
Rome de son temps ; l'une originaire d'Asie, l'autre produite dans
l'île de Cos par la chenille qu'Aristote a décrite. La première,
plus précieuse, était réservée pour la parure des femmes ; les
hommes se contentaient de la seconde, moins belle et plus commune :
encore le philosophe naturaliste leur fait-il un reproche de cette
délicatesse. «
Depuis
que nous sommes désaccoutumés de la cuirasse,
dit-il , nos
habits même sont devenus un fardeau pour nous. »
(1)
Hist. nat., I. XI, Ch. 23.
Il
est étonnant que cette soie de Cos soit aujourd'hui entièrement
inconnue. Peut-être que les femmes de cette île, qui les premières,
s'occupèrent à la filer, ignorant l'art d'étouffer la chrysalide
dans le cocon, n'en tiraient la soie qu'après que le papillon
l'avait percé pour en sortir. Dans cette supposition, la soie de Cas
n'aurait été qu'une simple filoselle, laquelle n'est en effet
qu'une soie de qualité inférieure.
Quoi
qu'il en soit, le reproche que Pline adresse aux Romains de son
temps, semble peu d'accord avec le témoignage de l'histoire. Elle a
remarqué (1) comme une magnificence extraordinaire que Jules César
avait fait couvrir le théâtre de voiles de soie, et il paraît
qu'antérieurement à ce dictateur, le luxe de cette matière était
tout à fait étranger aux Romains.
(1)
Dion. Cass., I. XLIII.
Elle
atteste (1) qu'Héliogabale qui vivait plus de deux cent soixante ans
après César, fut le premier qui porta une robe toute de soie ; et
plus tard encore, un vêtement de demi-soie était un présent assez
considérable pour faire partie des dons que les empereurs
accordaient à ceux de leurs généraux dont ils voulaient
récompenser les services (2). On s'indigna, sous Aurélien, contre
Furius Placidus qui, célébrant son consulat, donna des tuniques de
soie aux cochers du cirque (3). Le vainqueur de Zénobie exigea que
cette reine remit au trésor public ses étoffes de soie. (4) Il
refusa une robe de cette matière à son épouse, ne voulant pas,
disait-il, acheter du fil au prix de l'or (5).
(1)
Lamprid., in Heliogab.
(2)
TreheIt. Poll., in Claud. ; Vopisc., in Aurel. in Bonoso.
(3)
Vopisc., in Aurel.
(4)
Ubi supra.
(5)
Ibid.
À
son exemple, l'empereur Tacite défendit aux hommes de s'en habiller
(1).
Ces
lois somptuaires tombèrent, à la vérité, bientôt en désuétude.
Les progrès du luxe favorisèrent ceux de l'industrie. Dès que le
siège de l'empire eut été transporté à Constantinople, l'art de
façonner la soie en étoffes fut pratiqué, et acquit ensuite une
grande importance parla révolution qu'éprouva sous Justinien, le
commerce de cette matière. Des religieux revenus des Indes au
commencement du sixième siècle, apportèrent, avec des œufs de
vers à soie , l'art de les faire éclore, de les élever et de filer
le cocon (2). Justinien accueillit avec empressement une industrie
qui s'accordait si bien avec sa politique encouragea par de grandes
récompenses ceux qui en avaient enrichi l'empire ; il favorisa leurs
entreprises, protégea leurs établissements, et retint ainsi
l'argent que ses sujets avaient coutume de transporter au loin.
(1)
Vopisc., in Tacit.
(2)
Procop., hist. misc., ch. XIII.
Les
Grecs gardèrent pendant six siècles ; exclusivement à tous les
autres peuples de l'Europe,
l'art d'utiliser le mûrier, de faire de la soie et de la convertir
en étoffes. Cette nation industrieuse se montra toujours
très-jalouse
d'un secret qui était d'une si grande importance pour elle, que
Montesquieu (1), considérant les causes de la durée de l'empire
d'Orient, met le commerce de la soie, que les Perses avaient laissé
passer dans les mains des Grecs, au rang des principaux soutiens de
cet empire.
Vers
l'an 1130, Roger , roi de Sicile, au retour d'une expédition dans la
terre sainte, s'étant emparé d'Athènes, de Corinthe et de Thèbes,
en transporta tous » les ouvriers en soie à Palerme (2).
(1)
Considérations sur les causes de la grandeur et de la décadence des
Romains, ch. XXIII.
(2)
Zach. Betti, dissertation historique sur la soie.
Les
Siciliens apprirent d'eux l'art de nourrir les vers à soie, et de
mettre en œuvre leurs cocons. Cette industrie se répandit
promptement dans toute l'Italie, où le commerce en devint si
important, que les principales républiques le permirent aux
premières familles, et le chapitre général de MaIthe, tenu en
1631, reconnut que les nobles qui l'avaient exercé, n'avaient pas
perdu le droit d'être admis dans l'ordre. Ce commerce n'était pas
moins honoré à Naples, où les souverains érigèrent un tribunal
du noble
commerce de la soie
(1).
Suivant
l'opinion commune, c'est de là que le mûrier et son inestimable
chenille furent apportés en France par des gentilshommes du Dauphiné
qui avaient suivi Charles VIII à l'expédition de Naples en
1494
(2).
Si ce fait était vrai, ils auraient fait une conquête plus solide
et plus utile que ne fut celle de ce royaume ; mais on sait que dès
1345 , Rolland, sénéchal de Nismes et de Beaucaire, avait envoyé à
la reine Jeanne m de Bourgogne douze livres de soie du pays ; de
douze couleurs différentes (3) , et l'on prétend même que le
premier mûrier planté en France, l'avait été au retour de la
dernière croisade, par Guy-Pape, de St-Auban, dans sa terre d'AIlan,
près de Montélimar, où cet arbre , dit-on , subsiste encore (4).
(1)
Zach. $ctti , loco citato.
(2)
Olivier de Serres , th. d'agr., 1804 , t. II, p.
(3)
Histoire générale du Languedoc , t. IV, p. 519.
(4)
Th. d'agr., 1804 ; lettre de Faujas de St-Fonds, t. I, p. IXXX,
Quoi
qu'il en soit, la culture du mûrier ne fut longtemps qu'un objet de
simple curiosité, concentré dans les jardins d'un petit nombre
d'amateurs des choses rares. Les manufactures que Louis XI avait
établies, en Touraine, sous la direction de Guillaume de Briçonnet,
ne s'alimentaient que de soies étrangères (1). Henri II fut le
premier qui porta des bas de soie au double mariage de sa fille et de
sa sœur (2) ; et lorsque, en 1560, peu de temps après la mort de ce
prince, la ville de Nismes attirait par des privilèges un Maitre
tissutier ; et avait des veloutiers, ainsi que l'atteste un arrêt du
parlement de Toulouse, de 1569 (3), il est certain que le mûrier,
ignoré dans les provinces du nord , était à peine connu de celles
du midi, et qu'on n'employait encore que des soies d'Espagne ou
d'Italie.
(1)
Duclos, hist.
de
Louis XI , t. II, p. 410.
(2)
Mezerai, hist.
de
Fr.
(3)
Ménard, histoire
de
Nismes, t. IV, p. 254 des preuves ; t. VI, p. 70 des Preuves.
La
culture du mûrier ne commença que sous le règne de Charles IX, à
s'étendre dans le royaume ; et ici deux hommes revendiquent
l'honneur d'en avoir fait l'une des principales sources de sa
prospérité : l'un, François
Traucat,
de Nismes, simple jardinier, cultivateur obscur, dont la mémoire
sans protection, s'est à peine conservée dans les annales
particulières de sa ville natale ; l'autre, Olivier
de Serres,
agronome illustre, écrivain célèbre, dont le souvenir intéresse
la gloire nationale, et vient de se réveiller avec tant d'éclat.
Loin
de moi l'idée de vouloir affaiblir les droits du Columelle français
à l'admiration et à la reconnaissance de la postérité ! Je sais
que le premier, recueillant les leçons de l'expérience dans une
longue pratique, il traça d'une main habile les préceptes de
l'économie rurale, et alluma un flambeau dont la lumière jette
encore une vive clarté. Je reconnais qu'il fut digne de l'estime et
de la bienveillance particulière dont l'honora le meilleur des rois,
et des éloges que lui prodiguèrent Scaliger, Chalendar et une foule
d'autres écrivains contemporains. Je ne m'étonne point que son
ouvrage ait obtenu les honneurs de vingt éditions dans le cours de
moins d'un demi-siècle, et qu'il ait eu alors une vaste influence et
exercé une grande autorité. Si, depuis, l'auteur et ses travaux
tombèrent dans une sorte d'oubli ; si son nom, à peine prononcé
par de Thou, semble avoir été inconnu jusques vers la fin du siècle
qui vient de s'écouler, à tous les historiens, à tous les
biographes ; si la maison
rustique,
cette indigeste compilation de Liger,
a pu être quelque temps préférée au théâtre
d'agriculture,
à ce traité savant et profond du plus nécessaire des arts, grâces
soient rendues aux étrangers qui nous ont avertis de cette longue
injustice, et au zèle patriotique et selon la science, avec lequel,
à la voix de Pattulo
en Écosse, de Haller
en suisse , d'Arthur
Young
en Angleterre, Sauvages,
Rozier, Parmentier, Broussonnet, Faujas de St-Fonds,
ont taché de la réparer, en ramenant l'attention publique sur le
père de l'agriculture française, et en provoquant les nouveaux
honneurs rendus à sa mémoire. Jamais la société royale des
sciences de Montpellier ne prit une résolution plus digne d'elle,
que lorsqu'elle proposa son éloge au concours (en
1782)
; et qui ne se glorifierait pas, comme nous avons droit de le faire,
de compter parmi ses concitoyens l'orateur couronné (1) ? Il a
encore mieux acquitté la dette de la patrie, ce magistrat éclairé
(2), dont la main a érigé un monument à Olivier
de Serres
dans son pays natal, à ce même Pradel, encore empreint des traces
de son génie ; monument toutefois moins glorieux et moins durable,
que celui duc la société d'agriculture du département de la Seine,
vient de consacrer à la mémoire de cet homme illustre, par le cette
édition de son théâtre
d'agriculture
enrichie de tout ce qui a pu y ajouter d'utile et d'intéressant le
concours des lumières des écrivains agronomiques de notre âge, les
plus célèbres.
(1)
M. Dorthes, mort en 1793.
(2)
M, de Caffarelli , alors préfet du département de l'Ardèche.
Souscrivons
à des honneurs si bien mérités ; partageons les sentiments
qu'inspirent, à si juste titre, les travaux de celui qui en est
l'objet ; mais, par le même principe de justice, ne laissons pas
orner sa couronne d'un fleuron qui appartient à celle d'un autre.
Olivier
de Serres publia, il est vrai , en 1599, par ordre de Henri IV, un
chapitre de son ménage des champs, intitulé : la
cueillette de la soie par la nourriture des vers qui la font.
Ce petit ouvrage, dédié aux prévôts des marchands, échevins,
conseillers et autres officiers de I'hôtel-de-ville de Paris, avait
pour objet de prouver que le Mûrier pouvait croître par toute la
France, et de propager la culture de cet arbre autour de la capitale
et dans les provinces du nord. En vain Sully s'était opposé à ce
système ; en vain il proposait des lois somptuaires : j'aimerais
mieux,
avait répondu le monarque à son austère ministre , combattre
le roi d'Espagne en trois batailles rangées, que ces gens de
justice, de finance, d'écritoire et de ville, et surtout leurs
femmes et leurs filles que vous me jetteriez sur les bras par tant de
bizarres règlements que je suis d'avis de remettre à une autre
saison
(1) ; et préférant les conseils des Bourg
et des Cuman
qui
lui avaient persuadé qu'il était facile d'établir dans le royaume,
et la culture des mûriers, et l'art d'élever les vers à soie, et
celui de filer le cocon, et les manufactures qui en sont la suite, il
avait envoyé pendant son voyage en Savoie (2), le surintendant de
ses Jardins (3) à Pradel, fait apporter, par les soins d'Olivier
de Serres,
quinze à vingt mille plants de de mûriers aux tuileries, et ordonné
qu'il en fût fourni aux généralités de Paris, de Tours,
d'Orléans et de Lyon, en même temps qu'il serait distribué
des,œufs de vers à soie, avec une instruction sur la manière
d'élever et de perpétuer ces chenilles, et sur
l'art de filer la matière qui en provient (4), Olivier de Serres
seconda avec activité les intentions du roi ; mais les effets en
furent peu durables ; et s'il est juste de louer les efforts de son
zèle, on ne peut plus dire avec un de ses panégyristes (5), que,
parmi
les grandes améliorations qu'on doit à son génie, on compte
particulièrement la culture du mûrier et l'éducation des vers à
soie,
puisque les contrées qui ont été le théâtre de ses principales
entreprises en ce genre, n'en ont pas conservé le bienfait, et que
les premières tentatives en grand, dont le fruit est encore
recueilli par les provinces méridionales, ne furent pas son ouvrage.
(1)
Mémoire de Sully , ch. XXV.
(2)
En 1601.
(3)
Bordeaux, baron de Colonas.
(4)
Legrain , déc.
de
Henri IV, page 857 ; Mezerai, histoire
de
France, tome III, page 1255 ; lettres-patentes de 1601.
(5)
Th. d'agr., 1804 ; Notice sur Olivier de Serres, par M. de la
Boissière , tome II, page Ixxij.
Il
fixe lui-même la date de ses premiers essais en Vivarais : il y
avait trente-cinq ans qu'il s'y était livré, lorsqu'il publia
l'opuscule dédié au corps municipal de Paris. Mais dans cet
ouvrage, il cite Nismes comme ayant donné l'exemple d'attendre
d'être abondamment pourvu de mûriers, avant d'entreprendre
l'éducation des vers à soie (1). Cette circonstance autorise à
penser que cette ville avait, la première, cultivé la nouvelle
branche d'industrie agricole, et cherché à tirer de son propre sol
la matière que devaient mettre en œuvre ces ouvriers en soie dont
il a déjà fait mention, et quelle avait appelés quatre ans
auparavant ; et cette présomption acquiert un caractère
incontestable de certitude, quand on voit en 1564, la même année
qui correspond aux premières expériences du Pradel, Traucat jeter à
Nismes les fondements d'une pépinière dont les nombreux sujets
couvrirent en peu d'années le Dauphiné, la Provence et le
Languedoc.
(1)
Th. d'agr., 1804, (Ép. déd.
de la
cueillette de la soie), t. II,
Il
avait déjà été planté par ses soins, dans ces deux dernières
Provinces, plus de quatre millions de mûriers (1) à l'époque où
Olivier
de Serres
s'efforçait d'introduire la culture de cette espèce d'arbres dans
les provinces au-delà de la Loire.
Ces
faits consignés dans un panégyrique du mûrier (2), composé par
Traucat en 1606, et dont Henri IV accepta la dédicace, n'ont pas été
démentis ; ils étaient avancés du vivant même d'Olivier de
Serres, au temps de sa plus haute faveur auprès du prince : comment
aurait-il laissé un autre s'approprier une gloire qu'il aurait eu le
droit de revendiquer, et souffert sans réclamation qu'on prodiguât
à un usurpateur la récompense due à ses services ?
(1)
Disc. abr, sur les vertus et propriétés des mûriers tant blancs
que noirs, ayant petites mûres blanches et petites mûres noires,
qui ont semblables feuilles propres à nourrir les vers à soie, et
aussi propres à servir au corps humain et à faire beaux meubles et
ustensiles de ménage.
(.2)
Disc. abr, sur les vertus et propriétés des mûriers, etc.
Le
roi crut, je n'en doute pas, en décerner une considérable à
Traucat,
en lui permettant de débIayer la Tourmagne, et en lui accordant le
tiers des trésors qu'il y découvrirait (1) , et qu'une ancienne
tradition disait être ensevelis sous les décombres qui
remplissaient cet édifice antique. L'événement ne laissa à
Traucat que le regret de s'être ruiné en vaines recherches ; mais
bientôt après, outre une pension (2) le monarque lui donna la
faculté de planter des mûriers dans tous les endroits du royaume où
il jugerait à propos (3), trésor plus réel que les chimères qu'il
avait si chèrement poursuivies, puisque, comme celui que le
laboureur de la fable légua à ses enfants (4), il promettait la
richesse pour prix du travail.
(1)
Lettres-patentes de 1601.
(2)
Mém. de Bâville, pag. 238.
(3)
ibid.
(4)
Lafontaine, I. v , fabl. 9.
On
a vu combien Traucat avait mérité ce privilège, et comment il sut
en profiter ; et en considérant la date de ses premières
plantations, leur immense et rapide accroissement, on ne peut se
refuser à reconnaître avec Bâville
(1) et avec l'historien de Nismes (2) qu'il fut
le premier qui mit en vogue le mûrier en France,
et à le regarder comme la principale cause des avantages
inappréciables qu'elle en a retirés, et dont l'utilité s'est plus
particulièrement fait sentir aux provinces méridionales, et surtout
à la ville où Traucat avait reçu le jour.
(1)
Mém., loc. citat. Traucat y est mal à propos nommé Brocard.
(2)
Tom. V, P.u7n. v
, p.
Dix
générations ont joui du fruit de ses soins, et lui ont dû leur
subsistance, leur bien-être, que dis-je ! leur existence même. Il
n'y a pas un seul des arbres qu'il a plantés, ou des rejetons qui
les ont perpétués, qui n'ait en quelque sorte protégé l'union de
deux époux, et le berceau d'une famille nombreuse. Ici, les hommes
se sont multipliés avec les mûriers. Ces arbres sont devenus une
source abondante de popuIation, parce qu'ils en étaient une
d'industrie. Sans ces utiles végétaux, nos villes seraient mornes
et désertes l'agriculture de nos plaines, inactive et languissante
faute de consommateurs, et nos montagnes si riantes et si fertiles,
grâce à la diligence infatigable de leurs industrieux habitants,
n'offriraient que d'arides rochers, que l'attristant spectacle d'une
nature stérile et morte. Et un mouvement de gratitude ne s'élèverait
pas dans tous les cœurs, pour l'utile citoyen dont l'influence, se
perpétuant depuis plus de deux siècles et demi, peuple, féconde,
enrichit, vivifie la contrée qui l'avait vu naître ! Oh ! que ne
puis-je savoir ou repose sa cendre ! que ne puis-je planter sur son
humble tombeau une de ces tiges dont il sema le premier germe ! Où
est le plus antique mûrier de ce département ? La main même de
Traucat l'a peut-être confié à la terre. C'est là, c'est sur ce
monument contemporain de l'origine du bienfait, que je voudrais
graver en traits ineffaçables, le nom du bienfaiteur. Ah ! que du
moins, dans la place la plus apparente du chef-lieu, un témoignage
public de gratitude rappelle ce nom à notre âge et aux races
futures. Une pierre simple et modeste comme le cultivateur dont elle
doit retracer et éterniser le souvenir, suffira, si on y lit :
Hommage
du département du Gard à la mémoire de François Traucat de
Nismes, qui le premier cultiva et propagea le mûrier en France.
-oOo- Quand la CCI de Nîmes, nous raconte la SoieDans son immeuble situé rue de la République et inauguré en 1937, un vaste hall donnant accès
à l'escalier monumental et desservant les grandes salles de réunions du
rez-de-chaussée est décoré de panneaux peints à l'huile par des
artistes gardois.
..On
y trouve à droite une toile de Vidal, professeur au Lycée de Nîmes, représentant
un paysage nîmois agrémenté de porteuses de châles aux multiples
couleurs..Ci-dessous,
reproduction d'une peinture à fresque de Henri Pertus, situé dans la
salle des séances du premier étage, et placé à gauche de la cheminée. .Le
paysage représente le vieux pont du Vigan, au premier plan, à gauche une
paysanne en costume cévenol apporte une corbeille de cocons, qu'une femme
assise pèse avec une romaine. À droite des femmes assises dévident les cocons
dans une bassine pleine d'eau chaude, pendant que l'une d'elle rattache le fil
au tourniquet suspendu au plafond. . En
face à gauche de la porte du bureau du Président de la CCI, on y
trouve, les représentations d'hommes célèbres ayant marqué l'industrie
à Nîmes.
Sur un
fond où se situent les principales villes du ressort de la Chambre de Commerce
de Nîmes se placent les personnages les plus célèbres, qui ont illustré d'une
façon ou d'une autre, le Commerce et l'Industrie á Nîmes. En commençant par la
gauche, ce sont :
Les
LOMBARDS, qui au XIIIe siècle ont introduit à
Nîmes le Commerce, la Banque et le Change. .François TRAUCAT
au XVIe siècle qui, parallèlement à OLIVIER DE SERRE, introduisit et
développa la culture du mûrier dans notre région et Jean NICOT (XVIe siècle), Ambassadeur au Portugal, en rapporta le
tabac qui arrivait d'Amérique et propagea son usage. -oOo-
.. L'industrie de la soie dans la région. > Origine de l'Industrie de la Soie à Nîmes et dans le monde, par Vincens St-Laurent, 1809 > Industrie de la Soie dans les Cévennes en 1928 > Les maladies
des vers à soie sous l'ancien régime >
La station séricicole de
Montpellier en 1874 >
La maladie des vers à soie
1853-1875, achats de graines lointaines >
Les moyens de lutte >
Est-il possible de reconnaître
les graines et les vers malades >
La mission de Louis Pasteur >
Qu'est ce que le moulinage - extrait de "Au fil de
l'écomusée" de Chirols .. L'industrie textile à Nîmes > Grizot introduit, à Nîmes, le métier à tisser en 1680 > Histoire de l'industrie textile de la ville de Nîmes par Hector Rivoire, 1853 > Passé et Présent de la Classe Ouvrière à Nîmes, étude de Félix De La Farelle, 1863. > Contact Webmaster
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