Institution communale de Nîmes jusqu'en 1789, par J. Igolin, 1938
Gravure de Ménard Reproduction du Sceau de la Cité de Nîmes en 1226
La Civitas Némausensis, des Volques Arécomiques semblait avoir eu une administration publique se rapprochant, par sa forme, de celle de Marseille, c'est-à-dire des cités grecques. De même, avons-nous écrit, que sous l'occupation romaine, Nîmes fut constituée en municipe romain, conformément au droit romain de l'Empire. A l'époque de l'invasion des Barbares, les libertés et les formes municipales souffrirent beaucoup, mais la plupart survécurent jusqu'à l'avènement du régime féodal. Sous la domination gothique, la législation fut fondée sur l'ensemble du pays occupé par les Goths et ne fut pas barbare, c'est-à-dire personnelle, ou appliquée seulement aux hommes de même race. Le régime municipal fut ce qu'il avait été sous la domination romaine à peu de chose près et Nîmes eut alors son « capitol », ou chapitre, dans lequel se retrouvait la curie romaine, c'est-à-dire un corps public et municipal, délibérant.
956 En 956, lorsque, par suite de mariage, Nimes passa sous l'autorité des comtes de la Maison Bernard-Aton, la seigneurie resta partagée entre l'évêque et le comte, et la ville garda son administration municipale. Vers la fin du XIe siècle, lorsque se forma dans nos murs l'institution militaire des Chevaliers des Arènes, la ville se trouva divisée en deux ordres de municipes distincts; la loi romaine établissant une incompatibilité absolue entre l'état municipal et l'état militaire, il y eut alors un municipe civil dont l’évêque fut le chef et un municipe militaire ne reconnaissant pour chef que le vicomte de Nimes, ou son vicaire, le viguier. C'est vers cette époque que la lutte engagée depuis longtemps entre les seigneurs féodaux et l'Eglise, représentée par les Evêques, fut tempérée par ce qu'on a appelé « la Paix Religieuse » ou « la Trêve de Dieu » « qui a été, suivant M. Eyssette (notice sur les origines municipales de la ville de Nimes) le premier élément de la grande révolution communale et le fondement des plus importantes institutions politiques ».
1124 La Communauté de Nimes, jusqu'alors imprécise, mal connue, apparaît et se manifeste pour la première fois d'une façon nette en 1124. Cette année-là, elle achète à son vicomte, Aton IV, pour 4.000 sols melgoriens, l'exemption perpétuelle des « questes et toltes » exigées quelquefois par ce prince féodal. On se demande même si la somme précitée fut réellement comptée à Aton IV.
1144 En 1144, Aton V, fils du précédent, concéda à la Communauté de Nimes, représentée par ses ce consuls », les privilèges des Garrigues, au prix de 4.000 sols de St Gilles. C'est dans cette charte que les consuls, désignés par leurs noms, figurent pour la première fois. « A ce moment-là, a écrit M. Eyssette, la Communauté est donc constituée ; elle a conquis son exemption et son territoire, et l'année suivante, elle obtient la reconnaissance de la plus précieuse des libertés : celle maintenue à tous ses membres de ne pouvoir être saisis en leurs personnes ou leurs biens que pour les crimes de trahison ou de vol. L'inviolabilité personnelle devait être garantie à son tour. »
1181 En 1181, la vicomte de Nimes fut définitivement cédée par Aton VI au comte de Toulouse, Raymond V.
1194 En 1194, le comte Raymond autorisa les habitants de Nimes à clore leur ville de murs et de fossés depuis le mur antique de St Thomas jusqu'au fossé du Champ de Mars ; c'est là, encore, une nouvelle preuve de l'existence d'une communauté déjà organisée.
1198 En 1198, le comte Raymond VI. avant de partir pour la croisade, réglementa d'une manière stable et définitive l'institution du consulat : « Le peuple, réuni à son de trompe, dans les « quatre quartiers de la ville », sous la présidence de l'officier comtal, devait nommer par quartier cinq personnes probes et capables, lesquelles, après serment prêté de voter pour le plus grand avantage de la Communauté et du Comté, désigneraient quatre consuls. » C'était la tradition non encore éteinte de la curie et des quatuorvirs. De ce qui précède, nous pouvons conclure qu'au cours du XIIe siècle le consulat fut réellement créé et affermi à Nimes, Qu'avait été jusqu'alors le municipe militaire des Chevaliers des Arènes? nous l'ignorons; ce qui est certain, c'est qu'à partir du commencement du XIIIe siècle il allait être désormais mêlé à celui de la ville.
1207 Le 7 septembre 1207, en effet, quatre Chevaliers, consuls des Arènes, et quatre bourgeois et citoyens, consuls de la ville, assemblés et assistés de leurs conseillers, prirent la délibération suivante : 1° II y aura dorénavant un consulat commun. 2° Les habitants de la ville et les Chevaliers des Arènes vivront en parfaite union et se défendront réciproquement contre tous ceux qui voudront leur porter quelque préjudice ou attenter à leur vie ; 3° Seront déclarés traîtres et infâmes ceux qui désobéiront aux consuls et aux conseillers chargés de la défense commune. L'assemblée fixa à huit le nombre des consuls, dont quatre pris parmi les Chevaliers des Arènes et choisis par les habitants de la ville et quatre pris parmi les habitants de la ville et choisis par les Chevaliers. Les consuls devaient être nommés pour un an ; à l'expiration de leur mandat, ils devaient désigner leurs successeurs avec l'avis et consentement de l'évêque et de leurs conseillers ; ils devaient, enfin, recevoir un appointement de 100 sols payables seulement à la fin de leur mandat La confirmation de cette véritable alliance entre les Chevaliers et les habitants de la ville fut l'objet d'une grande solennité dans le Palais Episcopal, en présence d'un public des plus nombreux. L'année suivante, le comte Raymond VI, contre qui l'alliance précitée avait été dirigée, accepta et consacra le règlement intervenu entre les chevaliers et les habitants de la ville.
1226 En 1226, la charte d'alliance de 1207 fut renouvelée, telle qu'elle avait été établie,
1229 En 1229, le vicomté de Nimes fit retour à la couronne de France, sans que rien fut modifié dans l'institution communale de notre ville.
1254 En 1254, le roi Louis IX (St Louis) au cours d’un séjour dans notre ville, renouvela les privilèges, immunités et franchises dont jouissaient les habitants de Nimes.
1270 En 1270, les Chevaliers des Arènes réclamèrent le rétablissement du consulat, tel qu'il avait été fixé en 1207. A la suite de la réunion de la vicomté de Nimes à la couronne de France, en 1229, les Chevaliers avaient consenti à abandonner temporairement leur Château des Arènes pour y faire place à une garnison royale. Après cet événement, peu à peu, le consulat et le conseil du Château des Arènes cessèrent de partager l'administration de la ville. En 1270, s'apercevant de tout le désavantage de cette situation, ils présentèrent une requête au roi pour le rétablissement du consulat tel qu'il était en 1226. Les consuls de la Cité protestèrent contre cette requête alléguant qu'ils possédaient et exerçaient seuls le consulat depuis si longtemps, qu'il y avait prescription contre la demande des Chevaliers.... Ces derniers expliquant que la prescription ne pouvait leur être opposée, car il n'y avait eu réellement que suspension dans l'exercice de leur mandat municipal, le différend fut arbitré. D'un commun accord, les deux parties résolurent de se soumettre à l'arbitrage de Raymond Marc, docteur en droit, commissaire envoyé par St. Louis à Nimes, pour y régler différentes affaires. A la suite de la sentence rendue par Raymond Marc, le conseil municipal fut ainsi constitué : - Six conseillers choisis parmi les Chevaliers des Arènes. - Douze conseillers choisis parmi ce qu'on appelait « la Place de la Cité », autrement dit parmi les bourgeois, - Neuf conseillers choisis parmi les neuf états, rangs ou échelles de la ville, celle-ci devant être divisée en neuf espèces de classes. Les neuf classes ou échelles de la Cité furent ainsi composées : - La première classe comprenait les changeurs, les apothicaires, les épiciers et autres qui vendaient à la balance. - La deuxième classe comprenait les drapiers, les lingers, les pelletiers et les tailleurs. - La troisième classe comprenait les tisserands, les corroyeurs, les tanneurs. - La quatrième classe comprenait les bouchers et les bouviers; - La cinquième classe comprenait les taillandiers, les peaussiers ou mégissiers. - La sixième classe comprenait les serruriers, les fourniers et tous ceux qui travaillaient au marteau. - La septième classe comprenait les charpentiers et les maçons. - La huitième classe comprenait les laboureurs et autres travaillant la terre; - La neuvième classe comprenait les jurisconsultes, les médecins et les notaires. Le 23 février suivant, Raymond Marc ajouta deux articles à sa sentence : - 1°Les consuls des Arènes auront le droit d'avoir un sceau particulier avec cette légende : Sigillum consulorum nobilius castri Harenarum
2° Les consuls en exercice et leurs successeurs prêteront serment d'observer son règlement. Au sujet du sceau des Chevaliers des Arènes, mentionnons que Ménard reproduit un cachet scellant un acte de 1226, portant la figure des quatre consuls de la ville de Nimes, avec ces mots : Sigillum civitatis Nemausi
1283 Le 17 octobre 1283, à la suite d'un différend survenu dans le mode des élections et sur la manière d'imposer la taille, le règlement de Raymond Marc fut modifié comme suit : - Deux consuls seront pris au sein des neuf échelles. - Deux consuls seront pris dans la bourgeoisie. - Douze conseillers seront choisis dans les neuf échelles. - Neuf conseillers seront choisis dans la bourgeoisie. En 1253, à la suite d'une requête adressée à l'évêque de Vabres, envoyé en mission dans le Midi, par les représentants des neuf échelles, se plaignant qu'à la suite de la diminution du nombre des bourgeois et du petit nombre des Chevaliers, ils n'étaient pas assez représentés au sein du conseil, l’évêque attribua aux plaignants deux nouveaux consuls et neuf conseillers nouveaux. Le roi confirma la sentence de son évêque moyennant 600 écus d'or. Mais les chevaliers et les bourgeois, mécontents de cette atteinte à leurs prérogatives, réclamèrent auprès du roi, qui chargea l'archevêque de Rouen, chancelier de France, d'arbitrer l'affaire. Celui-ci décida alors que le consulat se composerait de huit membres et le conseil de ville de vingt-quatre conseillers seulement, et que : Deux consuls et six conseillers seraient choisis parmi les Chevaliers. Deux consuls et huit conseillers seraient choisis parmi la bourgeoisie. Quatre consuls et dix conseillers seraient choisis dans les neuf échelles. Et qu'à l'avenir la noblesse élirait seule ses consuls et ses conseillers, et qu'il en serait de même pour la bourgeoisie et les citoyens des neuf échelles.
1354 Cette sentence fut ratifiée par le roi Jean, par lettres patentes données à Avignon en 1354 ; elle attribuait donc la prédominance dans l'administration municipale aux citoyens des neuf échelles, c'est-à-dire à la majorité de la population nîmoise.
1374 Le 8 octobre 1374, le roi Charles V, à la demande des consuls, créa la charge de deux voyers, chargés de veiller la conservation, à l'entretien et à l'amélioration des rues de la ville. Il est curieux de voir dans cette charge la réminiscence de celle jadis occupée par les anciens édiles de l'époque gallo-romaine.
1378 Rappelons qu'en 1378, le duc d'Anjou confisqua l'Hôtel de Ville et les biens de la Communauté et fit emprisonner quatre des consuls et la clavaire, ou trésorier.
1390 En 1390, c'est-à-dire à l'une des époques les plus tristes de notre Histoire Locale, à la suite d'une demande, les habitants de Nimes obtinrent qu'à l'avenir il n’y aurait plus que quatre consuls et vingt-huit conseillers, les uns et les autres élus par le sort, sans distinction de classe, et que ceux-ci prendraient le titre de « Consuls et Conseillers de la ville de Nimes et des Faubourgs ». C'était, en somme, l'abolition des trois classes qui composaient la population de la Cité, la fin de la prépondérance que la noblesse et la bourgeoisie avaient jusqu'alors exercée dans la gestion municipale.
1420 Rappelons encore qu'en 1420, le Dauphin fit supprimer momentanément le consulat, la capitainerie de la ville et abattre une partie des remparts. Dans les années qui suivirent le règlement de 1390, les élections favorisèrent peu à peu l'ancienne neuvième classe ou échelle de Raymond Marc, composée par les hommes de loi, les médecins et les notaires, au détriment des autres classes qui, un beau jour, en 1476 présentèrent une requête au sénéchal pour obtenir la réforme des abus introduits dans la gestion municipale et une répartition plus équitable des honneurs consulaires. A la suite de cette requête, le sénéchal établit sur les bases suivantes le nouveau statut municipal : Les quatre consuls seront choisis : Un parmi les avocats. Un parmi les bourgeois, marchands ou médecins. Un parmi les notaires ou artisans. Un parmi les laboureurs. Les consuls élus choisiront ensuite chacun trois conseillers dans la classe à laquelle ils appartiennent et les quatre consuls anciens choisiront douze autres conseillers, d'après la même règle. Le règlement, ainsi établi par le sénéchal, prévoyait en outre un certain nombre de chapitres relatifs à diverses obligations imposées aux consuls. Rédigé par un notaire en latin, ce règlement fut traduit en langue vulgaire, ou patois. « Le règlement du 14 novembre 1476, a écrit M. de la Farelle, mérite d'autant plus de fixer notre attention, qu'il peut être considéré comme le dernier complément de l'organisation municipale de notre cité ; il est en quelque sorte la grande charte, et depuis lors il est demeuré la base fondamentale, la pierre angulaire de notre édifice communal, jusqu'à la disparition de tous les types communaux particuliers opérés en 1789. » Nous devons cependant signaler quelques modifications de détail survenues à ce règlement avant la Révolution.
1631 En 1631, un édit royal ordonna que les consuls de Nimes et des autres villes religionnaires du Languedoc et de la Guyenne, seraient mixtes ; le premier et le troisième consul devant être catholiques, les deuxième et quatrième protestants ; cette mesure semblait vouloir confirmer les bonnes dispositions dans lesquelles avait été signée la récente Paix de Nimes (en 1629).
1678 Deux ans avant la révocation de l'Edit de Nantes, Louis XIV, pour prévenir toute opposition et toute division au sein du conseil municipal, provenant du mélange de différentes opinions dans le conseil, prit, en date du 12 décembre 1678, un arrêt en conseil d'état décidant qu'à l'avenir, et à partir du 1er janvier suivant, les protestants seraient exclus du consulat, comme du conseil de ville, et qu'il n'y serait admis que des catholiques. En même temps, l'arrêt nomma pour l'année qui allait commencer des consuls et des conseillers tous pris parmi ces derniers. Ce fut la fin du mi-partiment du corps municipal dans notre ville.
1778 Disons, enfin, pour terminer, que le 12 mai 1778, à la suite des doléances des commerçants et des industriels, un arrêt du conseil modifia encore une fois la constitution municipale de Nimes, qui fut ainsi fixée : Le conseil municipal comprendra dorénavant : - Deux gentilshommes ou nobles. - Deux avocats. - Six citoyens appartenant à la deuxième échelle, autres que les négociants et fabricants faisant fabriquer ; - Trois citoyens appartenant à la troisième échelle, autres que les marchands et fabricants. - Deux citoyens appartenant à la quatrième échelle, autres que les maîtres ouvriers, fabricants ou artisans. - Deux négociants en gros ou fabricants faisant fabriquer et payant 100 livres de taille. - Deux marchands en détail et fabricant. - Deux maîtres ouvriers fabricants. - Deux artisans. Ce dernier règlement ne fut appliqué qu'une seule fois, sitôt après sa promulgation et la nouvelle réorganisation des conseils municipaux de France, par la Révolution.
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« La gravure de Ménard est la reproduction du Sceau de la Cité de Nimes, en 1236, publié par Ménard, tome VII, page 685, dans son « Histoire de Nimes. » Ce sceau représenterait les quatre consuls de Nimes ; les quatre consuls sont debout, portent une tunique étroite et serrée par une ceinture au milieu du corps ; ce vêtement ne descend qu'à mi-jambe dans les deux figures du milieu, et jusqu'à la cheville dans les deux autres. Les deux premiers portent par-dessus cette tunique une espèce de manteau ou de chape très courte qui leur couvre l'épaule droite, s'attache au-dessus de la poitrine et reste ouverte par devant ; les deux derniers, ceux à la longue tunique, n'ont point de petit manteau, mais bien une sorte de scapulaire ou large bande d'étoffé qui pend par devant et par derrière, maïs plus courte que le premier vêtement. Les figures au manteau et à la courte tunique ne seraient-elles pas celles de deux consuls pris dans les rangs supérieurs de la Cité, et les deux secondes, celles de leurs collègues appartenant à des classes moins élevées »
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