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FOUILLES AUTOUR DU NYMPHÉE A NÎMES

Extrait de Mémoires de l'Académie, 1854-1855, pages 219-235
Par M. AUGUSTE PELET.
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Fouilles du Temple de Diane réalisées par Pelet, 1848-49 - Gravure Musée du Vieux Nîmes.
Dessin probablement exécuté par Jourdan
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Vestiges des fouilles derrière le Temple de Diane en 2016. Photo Georges Mathon
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Cette application se rapporte d'autant plus à l'édifice que nous découvrons, que le sculpteur ni le peintre ne sont pour rien dans les travaux exécutés jusqu'au moment où sa construction en a été suspendue.
Nous déclarons hautement que cc n'est pas par suite d'une opinion établie à priori que nous sommes arrivé à reconnaitre l'Horreum Nîmois dans les découvertes qui font, depuis quelques années, l'objet de nos fouilles d'hiver ; nous n'avons été dominés par aucune influence étrangère, et quel que flatteuse que fût pour nous l'approbation d'un savant haut placé dans la science archéologique, nous n'avons pas cherché à nous en prévaloir, afin qu'elle ne fût pas un obstacle aux conjectures diverses dont ces vieux restes pouvaient être l'objet.
« Je trouve , en vous lisant, nous écrivait M. Mérimée, le 3 novembre 1852, ce que je trouvais en vous écoutant au milieu des curieuses ruines : c'est qu'il n'y a pas d'autre explication plausible. »
Les fouilles exécutées cette année n'ont point changé nos convictions, nous les avons étudiées consciencieusement au point de vue archéologique et architectural, mais simultanément, car ces deux méthodes, si on les isole, pèchent en quelques points essentiels ; les faits résultant de cet examen nous ont paru confirmer de plus en plus l'opinion que nous avons émise.
« L'archéologie, dit encore M. Champollion, a pour but de tracer le tableau de l'état social des anciens par les monuments, les plus communs et les plus grossiers déposent de quelques faits, et l'ensemble de ces faits est comme une statistique morale des anciennes sociétés ; considérée de cette hauteur, l'archéologie est une science sérieuse dont l'utilité frappe dès l'abord, et l'on comprend alors combien il est essentiel, avant d'émettre une opinion, d'étudier avec conscience un monument qui ne dit pas lui-même quelle fut sa destination.
C'est parce que nous comprenons toute l'importance de cette étude, Messieurs, que nous avons voulu nous éclairer de vos lumières , en mettant sous vos yeux le relief des fouilles dont nous allons vous entretenir, afin qu'en nous suivant, vous puissiez interroger vous-mêmes le monument, qui n'est, lui, d'aucun parti, et juger si les faits qu'il énonce, portent avec eux un caractère qui contredise ou confirme notre opinion.
Les proportions herculéennes de ces constructions, dont vous ne voyez ici que la partie qui se trouve au midi du Nymphée, la bizarrerie des formes qu'elles affectent dans leur plan, ne présentent aucun point de comparaison avec les restes des anciens monuments qui existent dans le monde.
Des fragments considérables de pavés mosaïques sur divers points, indiquent que l'établissement de cet édifice avait nécessité la destruction de plusieurs maisons particulières ; cette considération prouverait déjà qu'il s'agit ici d'un monument d'utilité générale ; lors même que les vastes dimensions de son plan n'en seraient pas une preuve certaine.
Nous avons dû nous demander alors quels étaient, chez les anciens, les établissements d'utilité publique qui n'avaient laissé, de nos jours, aucune trace de leur existence ; car, vous ne l'ignorez point, Messieurs, les Romains avaient pour tous les monuments destinés aux mêmes usages, un type uniforme auquel ils n'apportaient d'autres modifications que celles que pouvait exiger la localité.
Nos recherches, à ce sujet, nous ont conduit, vous vous le rappelez, à voir l'Horreum Nimois dans les gigantesques constructions adossées contre trois côtés du Temple de la Fontaine, sans avoir néanmoins aucune communication avec cet asile mystérieux des nymphes de Némausus.
Les impôts ne se percevaient pas seulement en argent, ils se percevaient aussi en nature ; il devait donc y avoir dans les villes importantes des établissements considérables pour recevoir les objets en nature que les peuples étaient obligés de fournir et probablement les Horrea servaient à cet usage.
Les Horrea , étaient de vastes bâtiments destinés à renfermer le blé, la chair salée (1) et d'autres provisions pour l'approvisionnement des soldats marchant sur les chemins militaires de l'empire romain. On y déposait également toute sorte de meubles ou effets appartenant à divers particuliers dont le logement était trop borné pour les contenir, et même l'argent et les objets précieux qu'ils croyaient plus en sûreté que chez eux en les confiant au gouverneur de l'Horreum. D'après la loi, ce fonctionnaire devait être nobilis, prudens , fidelis , optime sibi conscius pro integritate mentis (2).
 
(1)Les Gaulois, dit Strabon, possèdent un si grand nombre de troupeaux de moutons et de cochons, qu'ils fournissaient non seulement Rome, mais l'Italie presque entière de sayes et de porc salé, etc. (Comarmond, v. 1, p. 14.)
(2) Code Justinien, tome XVI, page 726.
 
Et certes, ces prescriptions furent rigoureusement observées par la colonie Nîmoise ; une page de son histoire, écrite sur pierre, fut découverte en février 1802 dans les ruines de l'église Sainte-Perpétue ; elle nous apprend : que les hautes fonctions de Pœefectus frumenti dandi avaient été accordées par un sénatus-consulte à un homme si distingué, que les charges les plus importantes de l'État lui avaient été conférées par l'Empereur, même avant l'âge prescrit par les lois.
Voici ce qu'on lit sur cet important document :
 
L. AEMILIO. M. F. VOL
HONORAT°
III. TIR. CAPITALI. Q. PRO. PR.
PROVIN. PONTI ET BITHINIAE
LEG. EIVSDEM PROVINC. AED. PLEB. PR,
PRAEF: FRVMENTI. DANDI. EX. S.C
SACEBDOTI. FECIALI. PROCOS. PROVINC
CRAETE. ET CYRENARVM.
HIC. HOS. HONORES. BENEFICIO. OPTVMI. PRINCIPI
MATVRIVS. QVAM. PER ANNOS. PERMITTI. SOLET
GESSIT.
 
« A. L. Aemilius Honoratus, fils de Manus, de la tribu Voltinia, triumvir criminel, questeur, propréteur de la province de Pont et de Bithinie, légat de la même province, édile du peuple, préteur, préfet distributeur des blés d'après un sénatus-consulte, ministre férial, proconsul des provinces de Crète et de Cyrenayque, lesquels honneurs et faveurs lui ont été conférés ici par les bienfaits du meilleur des princes avant l'âge prescrit par les lois. »
Il existait à Rome un grand nombre d'Horrea, il y en avait aussi dans toutes les villes situées sur une voie militaire, et cependant il ne reste nulle part aucune trace de ces établissements. Les anciens auteurs en font mention sans les décrire ; de sorte que, si nos conjectures étaient fondées, la ville de Nîmes serait la seule où l'on pût étudier la disposition générale de ces monuments, dont l'histoire nous révèle l'existence et la destination , mais dont la forme reste encore inconnue. Nous savons seulement par les lois romaines, que les denrées qu'ils renfermaient devaient, sous les peines les plus graves, être à l'abri de l'humidité et de la poussière. Nous voyons aussi, dans un horrible épisode de la vie de Néron, que :
« Dans son projet d'incendier Rome, pour en faire une ville nouvelle qui devait s'appeler Neropolis, ce prince se proposait spécialement d'agrandir son palais, et parce que les greniers publics très solidement construits occupaient un emplacement dont il croyait avoir besoin, il joignit les machines de guerre au feu pour les abattre, comme si c'eût été une forteresse ennemie (1). »
N'est-ce pas là ce que nous devrions faire aujourd'hui, si nous avions à démolir le monument que nous exhumons ?
 
(1) Crevier, I. Il, page 221, d'après Suétone, 38, I. 55.
I. Locator horrei propositum habuit se aureum argentum, margaritam non recipere suo periculo : deinde cunt futurum tibi obligatum dixi, aitsi propositum fuit remissum videtur. (Labeon in digest, XIX, t. 2, Leq., 6086).
II. Effracturœ fiunt plertunque in insulis, in horreisque ubi homines pretiosissimam partem fortunarum suarum repronunt : cum vel cella effringitur, vel armarium, cet arca : et custodes plerumque puniuntur et divus Antoninus Ericio claro rescripsit : aitenim posse cum horreisque effractis quœstionent habere se servis custodibus ( Paulus in digest, I , t. 15, 1. 392).
III. Horrea in omnibus regionibus publica fecit, ad qœ conferrent bona ii qui privatas custodias habent ( Lamprid Alexandre Sévère, 39)
 
Voyons maintenant quel a été le résultat des fouilles opérées cette année sur la face méridionale du Nymphée.
Sous le rapport du mode de construction et des matériaux, nos découvertes sont en harmonie parfaite avec celles des années précédentes (1).
Les fouilles ont été poussées jusqu'à l'alignement de la façade actuelle du Temple ; là nous avons trouvé un mur de 17m de longueur qui semble former, en quelque sorte, le prolongement de cette façade dans la direction du midi ; sur toute cette longueur ce mur s'est conservé depuis 1 mètre jusqu'à 5 mètres de hauteur.
Ce n'est pas sans intention, Messieurs, que nous venons de nous servir de l'expression, en quelque sorte, elle a pour but de vous rappeler : que nous considérons le monument qui fait l'objet de nos recherches actuelles comme tout-à-fait indépendant du Nymphée ; il l'embrasse, à la vérité , sur trois de ses faces et semble protéger par sa force et sa disposition ce sanctuaire du dieu Nemausus ; mais nous supposons que, dans cette circonstance, comme dans une infinité d'autres analogues, l'architecte romain a eu pour but de placer l'annona sous la protection du génie tutélaire de la cité (2).
 
(1) Voyez notes Essai sur le Nymphée de Nîmes.
(2) Gruter, page 81, rapporte une inscription dédiée à la Sainte Annone : SANCTÆ ANN0NÆ.
 
Ces édifices étaient situés, tous les deux, sur le portique qui formait l'enceinte des anciens thermes de Nîmes, et de cette situation, qui leur était commune, il va ressortir la preuve que ces deux monuments étaient entièrement distincts l'un de l'autre.
Le genre de construction et les matériaux employés différents essentiellement ; il n'y a pas la moindre harmonie dans leurs décorations, et le mur nouvellement découvert, qui semble aujourd'hui former la continuation de la façade du Nymphée vers le midi, était, dans le principe, en retraite de 3 mètres sur cette dernière, comme le sera bientôt l'hôtel du Luxembourg sur la façade de l'église que l'on construit en ce moment.
Le Nymphée, décoré avec tout le luxe de la sculpture antique, est généralement construit en gros blocs de pierres dures posées sans ciment, provenant des carrières de Roquemalière et de Lens ; le monument qui le circonscrit au nord , à l'ouest et au midi, est , au contraire , bâti en moellons d'appareil, et les gros matériaux qui entrent dans sa construction sont en pierres tendres de Sernhac (1) taillées en bossage (2) et grossièrement appareillées, tandis que celles du Temple sont parementées avec le plus grand soin. Il n'y a donc rien, au point de vue architectural, qui puisse faire supposer que ce ne soit là qu'un seul et même monument.
 
(1) Les mêmes que celles qui ont servi à construire le Pont-du-Gard
(2) On les appelle également pierres de refend. Ce sont des pierres qui semblent excéder le nu du mur, à cause que les joints de lit en sont marqués par des renfoncements ou canaux carrés, lapides eminentes , d'après Vitruve.
 
Vous remarquerez, également, Messieurs, que le nouvel édifice n'a, dans son plan, aucune communication avec le Nymphée ; que ses murs sont simplement juxtaposés contre ceux du Temple sans la moindre liaison avec eux, ce qui indique que ces deux monuments ne sont pas de la même époque, et le moindre examen démontre que le Nymphée est d'une construction antérieure.
En adossant l'Horreum contre le sanctuaire du dieu de la cité on mettait non-seulement les greniers publics sous le patronage de cette divinité, séparée du sanctuaire de Nemausus (1), mais on utilisait aussi, par cette disposition, les plans inclinés placés dans les galeries latérales du Temple, exclusivement établi, dans le principe, pour arriver sur la terrasse qui couronnait le portique des bains ; ces plans inclinés servirent alors à conduire aussi aux greniers publics, qui n'étaient. accessibles, comme nous allons le voir, que par leur partie supérieure ; mais on comprend que ces passages, auxquels, on n'arrivait qu'en traversant le Temple, devaient être exclusivement destinés aux unonarii riparii (2) aux mensores ou custodes commis au service de I'Horreum. Quant aux denrées qu'on y renfermait, on verra bientôt de quelle manière elles y étaient conduites et déposées.
Voici quelle était la disposition du mur de 17 mètres de longueur découvert sur le prolongement de la façade actuelle du vieux Temple.
Cette construction, sans ouvertures, est divisée en cinq trumeaux , d'environ deux mètres de large, bâtis en moellons d'appareil (3) et séparés par des pilastres carrés, d'un mètre de côté , construits en gros quartiers de pierres de Sernhac taillées en bossage. Il faut convenir que, de prime-abord, ce mur, sans ouverture sous le portique des bains, l'un des endroits les plus fréquentés de la ville, doit paraître choquant au point de vue du bon goût. Permettez-nous à cet égard une légère digression qui n'est pas sans intérêt et rentre dans notre sujet.
 
(1) Les richesses que renfermait I'Horreum auraient été un peu trop exposées, il leur fallait un local plus sûr, et c'est pour une plus grande sûreté, qu'outre celle des pièces closes, on avait de bonne heure imaginé de leur donner la garantie du respect au lieu saint. Et l'usage était de faire servir les temples à cette garantie (Quatremère de Quincy, volume 1, page 17).
(2) Les annanarii riparii étaient chargés de la surveillance de l'emmagasinement temporaire et de l'embarquement de l'approvisionnement et des redevances de blé ; ils étaient dans les provinces, les agents du Præfectus annome ( M. de Boissier , page 397 ).
(3) Du côté intérieur de ce mur on voit encore des moellons laissés en saillie ayant servi d'appui aux échafaudages de construction.
 
Sur le forum de Pompéi on voit un monument connu sous le nom d'Eatnachia, dont nous vous entretiendrons peut-être un jour ; le côté latéral de cet édifice est aussi sans ouverture, comme le mur dont nous parlons, et subdivisé dans toute sa longueur en pilastres formant encadrement à des panneaux lisses ; ici, ce mur a toute sa hauteur ; il est surmonté d'une belle corniche et les panneaux sont couronnés de frontons alternativement triangulaires et en segments de cercle, tels qu'on les voit dans la cela de notre Nymphée. L'analogie ne nous conduit-elle pas naturellement à supposer que notre mur de 17 piètres, dont la disposition est la même à sa base, devait être terminé par une décoration de même nature ? Poursuivons : sur les panneaux lisses des murs d'Eumachia sont peintes une foule d'inscriptions d'un intérêt public, qui nous initient aux détails les plus intimes de la vie des anciens. On y lit encore aujourd'hui :
 
FAMILIA GLADIATORIA
VENATIO ET VELA.
________________
A. SVETII. CERTI
IS. FANILIA. GLADIATORIA. PVGNABIT
EIS. PR. K. IVNIAS. VENATIO. ET. VELA
ERVNT.
La troupe de gladiateurs;
chasse et tente.
_____________
La troupe de gladiateurs d'Aulus
Suetius Certius, édile, combattra
à Pompéï le dernier jour de mai ;
il y aura chasse et tente.
 
On y voit aussi des réclames électorales qui certes ! n'étaient pas destinées à passer à la postérité; ainsi, le nommons Battur qu'on affichait naguères sur les murs de la capitale, n'était qu'une réminiscence des mœurs romaines du premier siècle, époque à laquelle, cependant, Tibère avait aboli les élections et les comices ; mais les murs de Pompéï nous font connaître les subterfuges employés par le peuple pour éluder l'édit impérial ; ce sont là, dit M. Alp. de Boissieu, des témoins vivants et irrécusables des mœurs intimes de la civilisation romaine, où l'on rencontre l'expression pittoresque des acclamations, des critiques et des pétitions populaires de chaque jour. Voici quelques-unes de ces inscriptions :
 
VETVM.
AED 0 V F D R P 0 V F PILI CREPI
FACITE
________________
SECVNDVM : AED
FVRNACATOR. ROG.
________________
PVPIDIVM. RVFVM : AED
PISCICAPI. O. V. F
Vetum cedilem orant ut faciatis dignum
reipublicæ, orant ut faciatis Pilicrepi....
facite I
_______________
Secumdum œdilem
fornacatores Rogant.
_______________
Popidium Rufum œdilem Piscicapi orant ut faciatis.
 
Et ce qu'il y a de remarquable , dit M. Raimondo Guarini, qui a fait des recherches au sujet de ces inscriptions (1), c'est qu'aucune de ces réclames électorales n'est restée sans succès, è quello che piu importa si è l'osservare che queste petizioni non si vegogono mai deluse dalle loro speranze.
 
(1) Fasti duunivirali e Annali della colonia di Pompei , nap. in-8., 1842.
 
Nous n'avons relaté ces inscriptions, Messieurs , que pour vous rappeler cet usage où étaient les anciens d'écrire au pinceau, en couleur rouge ou noire, sur les murs des endroits les plus fréquentés , tout ce que nous avons l'habitude de publier au moyen des affiches imprimées ; c'est ainsi qu'ils annonçaient les ventes, les locations, les fêtes publiques, les spectacles, etc.
Toutes ces inscriptions ont fait donner le nom d'Album de Pompéi à cette façade du monument d'Eumachia sur laquelle elles sont tracées ; or, le mur que nous découvrons au midi du Nymphée est disposé de la même manière ; comme lui, il est situé sur l'un des endroits les plus fréquentés par les anciens ; pourquoi l'analogie ne nous amènerait-elle pas à supposer que la partie extérieure de ce mur servait d'Album à la cité Nemausienne ?
Une remarque importante qui prouve que ces constructions n'avaient aucun rapport avec le vieux temple, dont le mur que nous venons de décrire semble former la continuation , c'est qu'en établissant la façade du Nymphée, on a eu le soin de disposer ses pieds-droits de manière à les faire correspondre avec les colonnes du portique des thermes dont ce monument n'était qu'un appendice; tandis qu'on n'avait aucun Motif d'assujettir à cette disposition les édifices qui entouraient les portiques des monuments publics, lorsque ces édifices n'avaient aucune relation avec l'établissement principal.
Notre mur présente, en effet, cette particularité ; les pilastres ne correspondent nullement avec les colonnes du portique.
Cette construction formait le côté oriental d'une grande pièce rectangulaire de 6 mètres 50 de large, du levant au couchant, sur 12 mètres de long du nord au midi. Le mur opposé est, comme lui, sans ouvertures et disposé également en trumeaux et pilastres ; niais ici les premiers , au nombre de quatre seulement, ont 2m50 de largeur et sont construits en gros blocs de pierres de Sernhac, tandis que les trois piliers sont bâtis en moellons d'appareil de la même dimension que ceux du mur de façade.
Le côté méridional de cette pièce est aussi sans ouvertures ; un trumeau de 3 mètres de large, en moellons d'appareil, en occupe le milieu, mais les angles sont en gros quartiers de pierres de Sernhac taillées en bossage.
Le côté du nord était clos par un mur plein de 90 centimètres d'épaisseur, entièrement bail en pierres de moellons irréguliers ; derrière lui se trouve un long corridor voûté de 1m30 de largeur, longeant le mur latéral du Nymphée, dont il est séparé par un autre mur compact de 85 centimètres d'épaisseur.
Ce corridor n'était point ouvert sur la façade et n'a jamais été terminé du côté occidental; on le voit par les pierres d'attente et le terrain vierge contre lequel il vient s'amortir.
Dans la pièce rectangulaire dont nous parlons, il y avait, contre le mur du nord, deux énormes piliers en gros quartiers de pierres de Sernhac, formant l'intérieur une saillie de 1m30 de largeur sur 1m85 de longueur. Ces 6piliers sont sans liaison avec le mur contre lequel ils étaient appliqués : l'un d'eux est encore tout entier ; les pierres de celui qui se trouvait du côté de la façade ont été enlevées, mais on voit par l'empreinte qu'elles ont laissée dans le ciment du mur, que ces pierres avaient les mêmes dimensions que celles du pilier qui reste encore debout.
Si cette grande pièce n'affecte pas la forme bizarre des constructions découvertes l'an passé auxquelles elle se rattache , on y remarque cependant mie analogie parfaite avec ces mêmes constructions, précisément sur le point qui doit paraître le plus extraordinaire, celui de n'être ouverte et par conséquent accessible que du côté qui regarde le ciel.
Enfin, une dernière pièce, également rectangulaire, mais large seulement de 3 mètres, contiguë à celle que nous venons de décrire, la relie, du côté de l'ouest, aux découvertes des années précédentes dont nous avons eu l'honneur de vous entretenir (1). Le mur mitoyen que nous venons de décrire conserve sa même disposition sur toute son épaisseur d'un mètre, et sa décoration en trumeaux et pilastres se trouve répétée sur le mur qui lui est parallèle dans ce dernier local ; la clôture, du côté du nord, est la même que celle de la pièce qui lui est contiguë.
Mais on remarque ici une particularité qui ne s'est présentée dans aucune partie de nos fouilles, c'est que, du côté du midi, cette pièce n'a point de mur de clôture, et que, seule, elle débouche sur une rue antique qui longe nos fouilles de l'est à l'ouest, se dirigeant sur la colline par une inclinaison de 4m50 sur une longueur de 20 mètres. Cette rue est, comme celle de la porte d'Auguste, pavée en larges dalles irrégulières, recouvrant un canal d'écoulement, et sa pente est rachetée par des marches placées de distance en distance sur toute sa longueur ; le même dallage se trouve répété dans la pièce dont nous parlons.
 
(1) Essai sur le Nymphée de Nîmes.
 
L'autre côté de la rue est occupé par diverses maisons romaines plus ou moins conservées , quelques-unes ont des pavés mosaïques et leurs murs revêtus de stuc colorié ; celle qui fait face à la seule entrée qu'offre notre monument au rez-de-chaussée, nous parait, d'après ses dimensions et ses matériaux, avoir eu une certaine importance ; son entrée principale a 2m90 d'ouverture ; sa porte, à deux ventaux, tournait dans des grenouillères de bronze de 16 centimètres de diamètre ; à côté d'elle, on avait ménagé , pour le service journalier de la maison, une autre petite porte, large seulement d'un mètre, dont il reste encore les marches, le seuil et l'un des pieds-droits ; quelques-uns de ses murs, fort épais, sont revêtus de stuc colorié, d'autres sont construits en gros quartiers de pierres de Roquemalière, posées sans ciment , comme celle du Nymphée. Là s'est trouvée une foule de fragments divers, et entre autres choses, une espèce d'enseigne en marbre blanc, portant d'un côté un lièvre, et de l'autre, un cheval marin sculpté en bas-relief.
Il est probable que la maison existait lorsqu'on voulut construire l'Horreum placé vis-à-vis, et que c'est à cette circonstance qu'il faut attribuer la retraite de 2ra 50 que font les murs de ce monument , précisément en face de la porte d'entrée de cette maison ; l'utilité de cette retraite s'explique alors naturellement par la nécessité de laisser le plus d'espace possible au-devant de la seule ouverture que présente l'Horreum sur la rue.
Mais, demandera-t-on avec raison, de quelle utilité pourrait être cette unique entrée qui n'aboutissait que dans une espèce de remise sans aucune communication avec les autres parties de l'édifice ?
Dans l'état où nous trouvons ces ruines, il serait fort difficile de résoudre une telle question sans proposer une restauration du monument, et nous sommes fort loin d'avoir cette prétention ; mais supposons, pour un instant, que les six grands trumeaux qui décorent les murs de cette remise eussent été couverts en arcades ouvertes seulement à leur partie cintrée, n'y attrait-il pas eu là un moyen de communication entre la remise et les parties latérales qui n'étaient accessibles, comme nous l'avons vu, que par le haut ? Par cette disposition, les denrées apportées par des chars, dans cette remise, auraient été élevées par des poulies et déposées dans les greniers qui devaient les recevoir.
Toutes ces considérations nous semblent confirmer de plus en plus l'opinion que nous avons émise, et nous aimons à penser que la commission des monuments historiques persistera à ne pas trouver à nos ruines d'autre explication plausible.
Quoi qu'il en soit, nous sommes loin de considérer le problème comme résolu, et nous appelons de tous nos vœux les architectes, les archéologues et les économistes à l'étude de ces vieux débris, ils y trouveront, bien certainement, des motifs de recherches sérieuses et intéressantes.
 
Texte d'Auguste Pelet, 1855 ; relevé et illustré par Georges Mathon, 2016
 
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