L'HOTEL NOVI DE CAVEIRAC
(6 rue Fresque)

Extrait de la Revue du Midi, 1903-2, pages 210 à 224.

Elie Mazel.

Les dernières réparations de l'hôtel ont mis à jour les substructions du mur de façade donnant sur la rue Fresque (1).
 
(1) Autrefois Jusaterie, Jasuitarié, Juiverie.
En 1672, André Coutelle, secrétaire du roi, habitait rue Fresque, une maison entre cour et jardin qui avait un arceau passant par ladite rue (Archives de Caveirac S. 2 p. 7).
Anne de Rulman a aussi habité la même rue en 1596. Serait-ce dans notre immeuble
 
A droite de la grande porte d'entrée on a reconnu de suite, après l'enlèvement d'un fort badigeon, un très ancien appareillage exécuté à l'aide des blocs arrachés à l'enceinte romaine, quelque chose qui ressemble un peu au revêtement des parois internes du canal de la Fontaine.
A gauche étaient dessinées deux ogives superposées l'une relativement petite, l'autre plus élevée et plus grande, embrassant la première et dont le pied droit se trouve actuellement figuré par la ligne médiane perpendiculaire de cette même porte d'entrée.
Il existait là sûrement au XIIIe siècle une chapelle, dont le souvenir ne nous a pas été conservé, chapelle de confrérie ou de couvent qui occupaient un grand espace et possédaient, suivant l'usage à cette époque, de vastes jardins s'étendant jusqu'à la rue de la rue Madeleine. Les ogives dont je viens de parler en figurent évidemment la porte d'accès.
Je me suis souvent demandé si l'arceau dit de Saint ,Étienne démoli en 1781, au nord, parce qu'il gênait la circulation, ne tirait pas son nom de cette antique chapelle dédiée à Saint-Étienne.
Les troubles occasionnés par la guerre des Albigeois (XIIe et XIIIe siècle) ont pu en amener la désaffection. Toujours est-il que dans la suite il est souvent question, dans l'Histoire de Nîmes, d'une autre petite Église ou Rectorie désignée (pour la distinguer sans nul doute de la première) sous le nom de Saint-Étienne-de-Capduel (1). Celle-ci était située en face de la Maison-Carrée vers la rue Auguste et la place actuelle du théâtre. Ruinée pendant les guerres de Religion, elle fut vendue en 1665.
 
(1) Seguret 1665 (Étude Degord) : St Étienne de Capitelio.
 
Il ne faut pas perdre de vue qu'en ce temps-là notre Ville ne rappelait en rien son antique splendeur. Réduite successivement à partir du IVe siècle, elle n'était plus que l'ombre d'elle-même enserrée dans l'étroite ceinture murale que lui avaient donné les Bernard-Athon. Encore est-il vrai de dire qu'une forte partie de son enceinte, ainsi qu'en témoignent les anciens noms de quartier : Peyre-Mouillade, Rosarié, Esclafidoux, Campnau, del Prat, etc. renfermait de grands espaces vacants et plusieurs jardins. Les restes de ces derniers se voient même aujourd'hui dans nombre de maisons au centre de la Cité an Moyen âge (1).
 
(1) J'en ai relevé cinq, frappés d'anciens Compois. seulement dans le quartier del Prat (voir une ville au temps jadis par le docteur A. Puech, quartiers et faubourgs dans les mémoires de l'Académie de Nîmes, 1833, passim.)
Parlant de la démolition « de la muraille qui va du château jusqu'au coin qui vise celui des jardins des récollets et des lieux environnants, Borrelly assure que tout cela consterne bien des    gens car on fera de grands dégâts et prendra des terrains dans lesquels se trouvent des lieux fort agréables et très récréatifs. » (Mémoires Académie, 1886 pages 370 et suivantes).
 
La population, en supputant les habitations du plan du puits de l'olivier et de la Bourgade ou faubourg des Prêcheurs, ne comptait certainement pas plus de 8 à 10.000 âmes (1).
 
(1) En 1384, 400 feux (Ménard).
 
« Cette Cité, dit un auteur presque contemporain, est humide, mal, voire très mal fondée et construite..... les maisons y sont pour la plupart fabriquées avec des planches grossières et par conséquent très exposées aux incendies, sujette comme elle l'est à des vents horriblement impétueux. Malsaine, assise sur un sol marécageux mortel aux hommes des trois tempéraments, elle est affligée de tant de maladies que sur cent habitants on n'en trouverait pas un qui dépassât l'âge de soixante-ans (1). »
 
(1) Guillaume d'Aci en 1459 (Archives Municipales, EE.) (voir une ville au temps jadis par le docteur. A. Puech).
 
Ce tableau n'est pas flatteur, Il n'est malheureusement que trop juste si on veut bien se rappeler que le Nîmes du XIIe au XIVe siècle, enfermé dans son corset mural, traversé de l'ouest à l'est par plusieurs écoulements des eaux de la Fontaine, pas toujours bien aménagées, mal percé, mal aéré, affligé de rues et ruelles étroites et tortueuses, possédait quelques rares petites places, le tout sur un sol à peine déclive, peu ou point pavé, souillé de détritus de toutes sortes et imprégné de miasmes délétères. Ajoutons à cela d'autres considérations tirées des mœurs et usages courants.
C'est que la mode, si je puis m'exprimer ainsi, n'était guère en faveur de la propriété bâtie pendant les XIVe et XVe siècles. L'insécurité était grande, les troubles intérieurs fréquents et les guerres nombreuses, presque incessantes du Roi avec les-Flamands; les Anglais, les Bourguignons, pour ne citer que celles-là, n'étaient pas faites pour encourager les constructeurs.
En tous cas, je constate que les maisons remontant à cette époque lointaine sont assez. rares. Il est vrai, dirai-je avec un érudit qui s'est beaucoup occupé « de la vie de nos ancêtres », que les maisons ont rarement un état civil régulier, aussi est-on réduit presque toujours à déterminer leur âge par la constatation de certains détails architecturaux. Mais c'est là une base incertaine et bien qu'empruntée à des données scientifiques elle n'a qu'une valeur relative (1). A partir du XVIe siècle il semble démontré que l'Industrie du bâtiment est en pleine activité, principalement sous le règne de Louis XII et de François 1er. Malheureusement cette- prospérité ne dura guère et cessa complètement devant les dévastations amenées par le fanatisme religieux, Sans parler de ces années néfastes où l'on s'attache plus à démolir qu'à construire, nous constatons que-dès 1570, les prix faits de maçons visera des réparations où la nécessité a plus de part que l'embellissement. Ce n'est guère, en effet, que sous Henri IV et pendant les dix ou douze dernières années de son règne, que les maçons se remettent à l'œuvre et concourent à l'embellissement de la Cité, tantôt en reconstruisant les maisons détruites, tantôt en les réparant et apportant, notamment la façade des maisons existantes, des modifications considérables.
 
(1) Mémoires de l'Académie, 1833, pages 195 et suivantes. A. Puech et Laurent, architecte.
 
Avant cette époque, d'ailleurs, les us et coutumes de la mode du dehors pénétraient lentement dans notre ville, par la faute, sans doute, des maîtres-maçons, presque tous enfants du terroir, presque tous aussi apprentis de leurs devanciers. Ce n'est que vers le premier tiers du XVIIe siècle que maîtres maçons et architectes nous viennent du dehors.
A partir de cette date, avec les Médicis, le mouvement des constructions publiques et privées ne s'arrête plus.
Rappelons en passant quelques-unes des grandes maisons élevées ou parachevées à cette époque, celle par exemple du Trésorier de la Bourse (1); celle d'un membre de la riche famille de Fabrique, rue Daurade (2) ; la maison Carbone!, rue de l'Aspic, que l'on croit avoir été habitée par Nicot ; l'immeuble actuellement appartenant à la famille Vouland (3) ; l'hôtel des Sires de Fourniguet et de Gênas, rue des Lombards, aujourd'hui à M. de Balincourt (4), la maison Graverol, actuellement à M. Allard, architecte (5),la maison de la famille de Bernis, au XVIIe siècle, propriété du capitaine de Possac ; l'hôpital Méjean en face l'Hôtel-de-Ville actuel, et, rue des Orangers, - autrefois des Cardinaux, - les maisons portant les n°3 et 9, celle-ci occupée par M. Vincent Magne ; enfin , l'Hôtel des Novi de Caveirac.
 
(1) Rue de la Trésorerie, maison des Galeries Nîmoises,
(2) Rue Dorée, 3, maison Jalaguier, actuellement Vivier de Châtelard. Citons encore, même rue, le n° 10 "ne quid nimis".
(3) Plan de l'Aspic.
(4) Cet hôtel renferme, entr'autres choses remarquables, une des plus riches bibliothèques de Province.
(5) L'ambassadeur Nicot y est né. - Voir notice de François Rouvière (1395) page 8 et 9.
 
Ces divers édifices rappellent, dans leur forme structurale en général et plus particulièrement par le style de leurs portes d'entrée et la disposition gracieuse ou magnifique de l'escalier, le goût de l'architecture italienne.
Je me suie efforcé, mais en vain jusqu'ici, de découvrir la date précisé où cette maison des Novi, telle que nous la voyons aujourd'hui, a été élevée et les noms de son principal architecte et de ses constructeurs.
En ces sortes de recherches, je n'ai pas été plus heureux que mes devanciers. Ni les uns, ni les autres, il faut bien l'avouer, dans leurs longues et savantes études sur les anciens hôtels de Montpellier, Nîmes et Avignon, pour nous en tenir à notre pays, n'ont pu que très rarement retrouver le nom des architectes. Je ne dis pas du XIIIe XIVe XVe et XVIe siècles, mais même ceux du commencement du XVIIe siècle.
Nous voici bien loin, n'est ce pas, en ce qui concerne la maison de Léon Novi, de la chapelle gothique du XIIIe siècle, dont j'ai signalé le portique, et je dois avouer que l'obscurité la plus complète enveloppe l'histoire de cet immeuble jusqu'aux alentours de 1645.
Voudrait-on en attribuer la construction à Cabizal (1) ou à Dardaillon, son successeur, les Seuls maitres-maçons ou architectes Nîmois dont le XVIIe siècle nous a légué le souvenir ?
 
(1) C'est Cabizol qui a construit les Casernes d'infanterie en 1666. Coût 200,000 livres, et c'est Dardaillon, qui, sur les plans de Vauban, a élevé en moins d'un an (du 24 mai 1687 au 12 mari 1688) et pour le prix de 450.009 livres la citadelle de Nîmes.
 
Je ne le crois pas.
Ce qui n'est pas contestable, c'est que cette maison, avec son vaste jardin et ses dépendances amoindris certainement aujourd'hui, à la considérer dans ses grandes lignes architecturales, ne remonte pas au-delà de 1630.
Il ne faut pas oublier, en effet, qu'en province, généralement, les maisons ne datent pas toujours de l'époque dont elles gardent le style et qu'elles sont bien souvent de construction plus récente.
Quel a été ici le premier possesseur ? Je l'ignore encore. J'ai bien rencontré, au cours de mes recherches, des noms de grands vendeurs durant le XVIIe siècle et par exemple celui d'un Jean d'Assas, qui de 1655 à 1668 se défit d'un grand nombre de propriétés en ville et aux environs. Mais rien ne m'autorise à leur attribuer la possession de l'immeuble de la rue de la Juiverie.
C'est entre 1662 et 1665 qu'il devint la propriété de Léon Novi, receveur, avec son frère Pierre Novi, marchand, des tailles des diocèses d'Alais et de Nîmes.
Depuis environ quatorze ans, il formait la résidence des Intendants de la province (1). A ce titre, alors comme plus tard, il fut mis souvent à contribution par de nombreux et grands personnages.
Une première fois , le 9 janvier et ensuite le 11 avril 1660, à l'occasion du double passage à Nîmes du jeune roi Louis XIV, se rendant à Saint-Jean - de - Lux pour consommer son mariage avec l'Infante d'Espagne, une partie de sa suite avait été installée dans cet hôtel (2).
 
(1) Premier-intendant dés 1657.
(2) Entre les diverses grandes maisons occupées en cette circonstance, il convient de citer celle de M. de la Rouvière où descendit le Roi, (c'est le n° 6 de la place de la Salamandre, dite maison de François 1er.) celle-là même où avait résidé, 35 ans auparavant, le duc de Rohan avant de s'installer à l'Hôtel de Ville (en 1625) la maison du Conseiller de Fabrique où fut reçue la Reine mère ; la maison du Roi, à la place de la Trésorerie (actuellement l'Hôtel de Ville) qui eut pour hôtes principaux Monsieur frère du Roi et sa suite ; l'Évêché à la place de la Belle-Croix avec Mademoiselle fille de M. le duc d'Orléans ; la Prévôté à côté de la Cathédrale ; la maison Guiraud a la place du Marché (plus tard l'Hôtel de la Monnaie) où descendit le gouverneur du fort et de la Ville M. Ripert d'Alauzier, brigadier d'infanterie le 21 juillet 1688, en attendant que son appartement soit logeable, et enfin la maison du Président de Rochemore où logea le cardinal Mazarin, située à proximité de l'Hôtel-de-Ville (probablement sur l'emplacement de la Banque de France actuelle).
« J'ai omis de mettre, dit le notaire Borelly, que je logeai chez moi deux gentilshommes de Mademoiselle et qu'il y avait dans Nîmes, suivant le compte qui eu a été fait, quinze mille hommes de la suite du Roi et dix mille chevaux » (coût des dépenses faites alors et des feux de joie à l'occasion de la paix, en dehors des ressources ordinaires un emprunt de 2.000 livres).
 
 « A son tour , M. l'intendant de Lamoignon de Basville, fils de M. de Lamoignon, premier président au Parlement de Paris, à l'exemple de ses devanciers, feu M. de Bezons (1657) et M. d'Aguessau (septembre 1673 ), est logé chez M. Novy, receveur du diocèse, à la rue de l'Arc de Saint-Étienne. (1er octobre 1688) » (1).
 
(1) Borelly, notaire, Livre de Raison, publié par le docteur A. Puech (Mémoires de l'Académie de Nîmes, 1886, pages 358 à 375.
M. de Basville, qui a fait son entrée à Nîmes le 1er octobre 1685, à 2 heures du soir, a tenu son emploi pendant 30 ans . L'ouverture des États du Languedoc a eu lieu le 25 du même mois, l'année suivante.
Disons que pendant ce long intervalle de temps (de 1655 à 1715) les gouverneurs de notre province ont été successivement le Prince de Conti (1655), le duc de Verneuil (22 septembre 1666), le duc de Maine (juin 1682).
 
Pendant la tenue des États, du 17 au 22 octobre 1686, qu'on n'avait pas vus à Nîmes depuis 1637, c'est-à-dire depuis quarante-neuf ans, M. de Montanègre, lieutenant du Roi, et d'autres personnages, reçurent l'hospitalité dans cette maison.
Celle-ci eut encore et par la même occasion la visite du cardinal de Bonzi, archevêque de Narbonne, président-né des États du Languedoc, qui était descendu à l'évêché.
Ce fut plus tard au tour de Fléchier. Celui-ci, à diverses reprises et en attendant la réception de ses bulles (14 octobre 1687, - mars 1692), avait séjourné à diverses reprises au château de Caveirac.
Le jour de son entrée comme évêque à Nîmes, c'est-à-dire le 25 janvier 1593, environ vers les trois heures de l'après-midi, après son installation solennelle, Fléchier descendit à la maison de Pierre Novi, y reçut les compliments d'usage et y dîna (1).
Le 28 février 1701, lors du passage des Princes, l'hôtel de Léon de Novi fut encore mis à contribution (2).
Après le départ dé Montrevel, envoyé en Guienne, le Maréchal de Villars, que l'Intendant était allé prendre à Beaucaire, arriva le 21 avril 1704, à midi. Il descendit chez Léon de Novi, où la Maréchale vint le rejoindre, le 25, à 5 heures de l'après-midi.
C'est de cette maison qu'il sortit, en chaise à porteur, accompagné de l'Intendant de la province et du marquis de Gaudricourt, le vendredi 26 avril, vers 4 heures du soir, pour aller au Jardin des Récollets (emplacement du Grand-Théâtre), recevoir la soumission de Jean Cavalier. Celui-ci avait pour témoins le baron d'Aigaliers, son principal conseiller, et le marquis de La Lande, lieutenant général, gouverneur de la ville d'Ales, avec qui il avait eu une première conférence d'entente « au Château, en bas de Vézénobres. » (3)
 
(1) Pierre de Novi, frère de Léon, acquéreur avec lui de l'office de Receveur des tailles du diocèse de Nîmes et d'Alais en 1663, mort le 1er janvier 1694, âgé de 81 ans. Il habitait avec son frère ?
(2) Ces Princes étaient les ducs de Bourgogne et de Berry, fils du Dauphin, petit-fils de Louis XIV, retour d'Espagne, où ils venaient d'assister au mariage et à l'intronisation de leur frère aîné le duc d'Anjou, désormais Philippe V, fondateur de la dynastie des Bourbons d'Espagne.
Ils furent harangués, en cette circonstance, par l'évêque Fléchier.
(3) Un historien, dont il faut priser ici le témoignage, affirme qu'on doit regarder la journée du 16 avril 1704, appelée Combat de Nages, et dans laquelle les insurgés perdirent un millier d'hommes, comme décisive dans le guerre des Camisards (Court de Gebelin). Ce grave échec précipita la soumission de Cavalier.
 
Après le départ de Villars, à la date du 9 janvier 1705, - c'est le prince de Berwick, fils naturel de Jacques II et Maréchal de France, qui, de retour de Barcelone révoltée et dont il venait d'effectuer la soumission, fut nommé commandant de la province et lui succéda à l'hôtel des Novi, une première fois le 18 mars et définitivement le 20 avril.
Laissez-moi vous citer encore au courant de la plume et parmi les visiteurs ou les hôtes de cette maison le marquis de Sandricourt, gouverneur du Fort, élevé par Vauban, et de la ville (1706-1710), les deux de Bornage, père et fils, Le Nain Baron d'Arfeld à partir du 3 juin 1744 et, plus tard encore en 1747 l'Infant Dom Philippe d'Espagne accompagné du duc de Modène son cousin, heureux de passer quelques moments dans notre ville, avant de continuer leur voyage vers la Provence.
Ainsi - qu'il est facile de le voir, d'après ce qui précède, l'Hôtel de Caveirac, avec les de Novi, ses nouveaux propriétaires, semble bien avoir conservé son renom de maison hospitalière et cossue que lui avaient valu ses premiers possesseurs, dès avant le mariage de Louis XIV et son double passage dans notre ville (1).
 
(1) En 1766 il est question, dans une note qui a passé sous mes yeux, d'une Isle de M. de Novi, entre la rue Fresque ou de l'arc St-Etienne et la rue de la Correjarié ou de l'Etoile, près la porte de la Madeleine avoisinant d'un côté la maison de l'avocat des pauvres et de l'autre la rue d'Orbec (actuellement une impasse), au nord de notre immeuble.
 
Léon de Novi et après lui ses descendants n'ont eu garde de laisser péricliter cette renommée. Je n'en veux pour preuve que l'état de conservation parfaite des murs de la cour d'honneur, le jardin, le grand escalier et son plafond original, nombre de peintures du XVIIIe siècle et l'appartement en style Louis XVI, intact au 1er étage, donnant sur la rue Fresque.
Il y a là une chambre, style Louis XVI, décorée d'une cheminée en marbre blanc de Carrare, appelée par tradition cheminée du Pape et sur laquelle je veux dire quelques mots.
Cette cheminée est vraiment légendaire. D'aucuns, parmi les anciens locataires de la maison, Madame de Pauc de Mondevert et la famille de Pelet par exemple, en faisaient honneur, je ne sais pourquoi, au cardinal de Bernis , ambassadeur à Borne de 1769 à 1790.
D'autres, sans plus de raison, assuraient que c'est un don du Pape Pie VII, retour de Fontainebleau, de passage à Nîmes, le 6 février 1814.
Mais nous savons tous que Pie VII n'a pas été autorisé à s'arrêter dans notre ville. Les ordres à cet égard étaient formels.
En effet, parti le matin de Lunel il est arrivé vers les onze heures, dans la voiture de M. Cavalier, maire de Nîmes (1). Harangué par ce dernier et le curé de Saint-Castor, l'abbé Ferrand, à la place de la Couronne, Pie VII, escorté par les notables de la région à cheval, s'est remis peu après en route.
 
(1) La voiture du Pape, entourée de gendarmes à cheval, par le fait de la foule débordante mit dit-on deux heures pour aller de l'octroi du chemin de Montpellier à celui de Beaucaire.
 
En passant à Saint-Vincent-Joncquières il s'arrêta quelques instants, pour se reposer.
M. de Ladevèze, notre concitoyen, qui faisait partie du cortège, se hâta de faire ouvrir les portes de sa maison. Le Pape y entra, s'assit quelques instants et accepta un verre de vin avec un œuf à la coque, après quoi il reprit son voyage vers Tarascon et l'Italie (1).
 
1) Le fauteuil existe encore et j'ai longtemps dans mon enfance entendu mon grand'père de Ladevaze, nous parler du verre et du coquetier. Que sont-ils devenus ?.... (Lettre de M. Ch. de Boisson. Alais, 20 mars 1901.
 
Ce que nous savons également c'est que pour les connaisseurs en fait d'œuvres d'art, architectes, sculpteurs, simples et modeste marbriers qui ont été amenés à la qualifier, la cheminée du Pape ne remonte pas au delà de 1820.
Voici son histoire.
Il faut partir de 1810, époque où Pie  VII qui avait signé le Concordat de 1801 et était venu à Paris sacrer en 1804 l'Empereur Napoléon - fut enfermé comme captif à Fontainebleau par le même Empereur. Celui-ci pour tenir plus étroitement à sa merci son prisonnier lui avait brutalement enlevé son Conseil. Le Collège des cardinaux rouges ou noirs avait été dispersé aux quatre coins de l'Empire.
Le département du Gard comptait parmi les exilés ou internés les cardinaux Gabrielli au château d'Alzon, Catelli au Vigan, Mattei de Montefiori à Alais, Pacca à Uzès et Litta à Nîmes. Celui-ci logeait dans la maison de M. le Conseiller d'Amoraux, où il disait habituellement la messe.
Dans ses mémoires le cardinal Pacca nous donne un intéressant récit de la visite, qu'à la fin de son internement, il fit à la ville de Nîmes et à ses monuments. Il descendit chez le cardinal Litta accompagné cette fois d'un Monsignore de ses amis, paraît-il, Annibale della Genga, originaire de Spolète et qui devint cardinal, à son tour, en 1816 (1).
 
(1) Communiqué par M. Redon Grand Vicaire à Avignon et M. Goiffon, Grand Vicaire à Nîmes.
 
Mgr Annibale della Genga alla s'installer à l'hôtel de Caveirac, dont le propriétaire M. de Raffélis de Soissan, époux de la descendante des Novi, habitait alors Cavaillon. Il y passa quelques temps.
C'est ce prélat qui devenu Pape, sous le nom de Léon XII en 1823, crut devoir adresser au Comte de Raffélis de Soissan, et à son hôtel, en souvenir de l'hospitalité qu'il y avait reçu, le joli marbre qui orne, à cette heure encore, sa chambre à coucher.
Les premiers administrateurs du département, sous le Consulat et sous l'Empire, n'avaient fait que passer à l'Hôtel de l'ancienne Intendance du Languedoc. Celui-ci, un moment délaissé, fut ensuite et successivement occupé par divers locataires.
Notre Académie de Nîmes, fondée, comme chacun sait, le 10 août 1682, et qui avait été dépossédée par l'orgie révolutionnaire de son hôtel, cadeau de Séguier, y a tenu ses séances de 1822 aux alentours de 1830.
Parmi ses occupants, de 1830 à 1848, je relève les noms d'une dame Girody, de l'abbé Laresche (1) et de Mme de Pelet, belle-mère à M. Gardies, conseiller de Préfecture, sous le second Empire.
 
(1) C'est l'abbé Laresehe qui, comme secrétaire du nouvel évêque de Nîmes, préconisé en juillet 1821, accompagnait ce dernier, dans la soirée avancée du 19 décembre, à son arrivée place de la Cathédrale.
Mgr de Chaffoy n'était pas attendu... Ce jour-là précisément il y avait grand bal â la Préfecture provisoire, c'est-à-dire à l'hôtel bâti par Fléchier pour la résidence des évêques.
Qu'on juge de la surprise du Préfet et de ses invités. Le nouveau prélat fut accueilli par tout le monde avec cette exquise urbanité qui caractérisait les survivants du XVIIIe siècle.
Mgr de Chaffoy coucha chez le premier magistrat du département, sauf à aller, le lendemain, s'installer dans la maison Lilleroi (aujourd'hui hôtel de M. de Balincourt), qui lui était réservé. en attendant que sa résidence définitive fut libre.
Celle-ci le devint bientôt après, - en 1822, - lorsque le Préfet alla s'installer, avec tout son personnel et ses bureaux, dans la maison Rivet, Grand'-Rue, 10, désignée actuellement sous le nom d'ancienne Préfecture. (NDLR - Actuellement Ecole des Beaux-Arts)
L'abbé Laresche devint plus tard premier Grand-Vicaire, il avait une grande influence. On l'appelait quelquefois l'évêque noir. Il est mort à Besançon en 1837.
 
Mme de Pelet avait à son service un vieux et honnête domestique dont le nom de Baptiste a été retenu par la génération contemporaine. Ce brave homme ouvrait largement et deux fois par jour la grande porte d'entrée aux enfants du quartier, qui ne manquaient jamais d'aller s'ébattre dans la cour intérieure. C'était une vraie providence pour tout ce petit monde, et à cette heure encore, le porche de Baptiste n'est pas entièrement oublié (1).
 
(1) Je tiens ces détails de MM. d'Éverlange , avoué près le Tribunal civil ; Rebuffat. pharmacien militaire en retraite ; chanoine Tastevin ; Mlle Ducros, en religion sœur Eugénie de Saint-Vincent-de-Paul, Mme Pélissier et autres encore.
 
En 1854, j'ai trouvé installé, dans l'ancien et riche appartement de Mme de Pelet, au premier étage, un cercle, dit, je crois bien, des Amis de l'Ordre.
Deux ans plus tard, c'est-à-dire le 8 juin 1856, plusieurs d'entre nous ont dû assister à l'inauguration solennelle de la Maîtrise de Chant de la Cathédrale, récemment créée par l'évêque Plantier. Les premiers directeurs dont je crois juste de rappeler ici les noms, à côté des organistes Papel, Magger et Pelet, ont été le chanoine Vaissière et l'abbé Prouvèze, actuellement curé de Remoulins.
La Maîtrise y était encore lorsque cet immeuble, désormais historique, fut vendu par dame Angélique-Louise-Charlotte de Novi de Caveirac, veuve de Raffelis-Soissan, à M. le baron Guillaume de Bernis, époux d'Anne-Françoise-Mathilde, baronne d'Urre, fille du marquis d'Urre d'Aubais. Cette vente eut lieu le 24 mars 1857 (1).
 
(1) Étude de Maitre Dunal, notaire (Voir Bureau des Hypothèques, 9 avril 1857, volume 502, 47).
 
Le nouvel acquéreur mourut en décembre 1858, bien prématurément, laissant des enfants et sa veuve, qui habite encore son appartement bien que la maison ait, dans ces derniers temps, changé de propriétaire (1).
 
(1) C'est M, le docteur Fortuné Mazel qui est devenu acquéreur de cet immeuble (9 février 1901), S'inspirant des conseils de M. Guelte, architecte, et sous sa haute direction, il n'a pas hésité un seul instant à entreprendre des travaux de réfection qui, finiront par rendre à cet hôtel son cachet de grande et riche construction des XVIIe et XVIIIe siècles.
  
Elie MAZEL, 1903

L'Hôtel Novi de Caveirac, cadastre de 1829
De l'Hôtel Novi de Caveirac
à l'Espace Chouleur
6 rue Fresque
par Georges Mathon, 2015

1860                                                                  
Le docteur Elie Mazel (1827-1915), probablement le père de l'auteur de cet article, ce dernier publiera, en 1860 une biographie sur le Général de Division Pierre-Hector-Victoire Merle.
Il était le gendre de Fortuné Merle, ce dernier, né Combes, neveu et héritier du Général, fut autorisé par une ordonnance royale à prendre son nom.
C'est son fils, le docteur Fortuné Mazel (1862-1931), qui deviendra en 1901, propriétaire de l'Hôtel Novi.
 
1935
Dans le Bulletin de la Commission Municipale, "Le Vieux Nîmes", une série d'articles sera publiée par le Lt Colonel Blanchard sur "Les vieux hôtel de Nîmes".
Une étude sur l'hôtel Mazel, anciennement hôtel de Caveirac (XVII siècle), sera publié en 1935. Lire l'article à la suite de celui-ci.
 
1953
Nous retrouvons dans l'annuaire du Gard de 1953, le docteur Georges Mazel dans les pages professionnelles au 6 rue Fresque, ainsi que dans les pages des particuliers ayant le téléphone. Il avait succédé à son père, Fortuné Mazel,  en 1931.
Nous avons retrouvé sur le tombeau du Général Merle au cimetière St-Baudile de Nîmes, une plaque en marbre noir au nom du docteur Georges Mazel avec ces dates, 1893-1954.
 
L'architecte nîmois Georges Chouleur aura ses bureaux dans cet immeuble pendant plusieurs décennies.
« Georges Chouleur est né le 5 octobre 1909 à Nîmes. Sous l’Occupation, il exerce la profession d’architecte au 6 rue Fresque à Nîmes, il est, selon l’historien Aimé Vielzeuf, un des pionniers de la Résistance nîmoise. » (extrait de la Résistance gardoise)
 
1988
La municipalité fera l'acquisition de l'Hôtel Novi en 1988 et installe les bureaux des services culturels. 

1991
A partir de 1991, le Club de la Presse y aura bureau, siège social et salle pour Conférences de Presse. Il y restera près de 15 ans, et n'en partira que quelques mois après la vente à Gervais Matériaux. Les locaux, situés au rez-de-chaussée, avaient une baie vitrée donnant sur la rue Fresque.
 
2004
Le site entier sera classé Monument historique le 18 novembre 2004 par la Commission régionale du patrimoine et la Commission supérieure des monuments historiques.


L'escalier d’honneur, photo Jean Pey 1980
Un magnifique escalier à 4 piliers noyaux, soutenu par des arcs rampants, avec un plafond à gypserie, au décor exceptionnel inspiré de l’art baroque italien.
 
2005
La société Gervais Matériaux sous l'impulsion de son PDG, Frédéric Gervais, fera l'acquisition le 22 février 2005 de l'Hôtel particulier NOVY DE CAVEIRAC (dit Espace Chouleur), et entreprendra d'importantes restaurations sous la direction de l'architecte Nicolas Crégut en collaboration avec l'architecte des monuments historiques, Thierry Algrin.
Trois objectifs sont défendus dans cette réalisation, conformément au cahier des charges déterminé par la Ville de Nîmes lors de la vente.
C'est-à-dire, projet tendant à valoriser le paysage urbain et à participer au développement touristique et économique de la ville.
Il était prévu, dans ce projet, que ce bâtiment devait être en grande partie dédié à l'art par la création d'une galerie d'Art Contemporain et d'un appartement de résidence d'artiste.
Le rez-de-chaussée devait être destiné aux manifestations de prestige.
Ce bâtiment est généralement ouvert au public lors des journées du patrimoine.
 
2009
La propriété de l'immeuble est transférée, en grande partie à Union-Matériaux, repreneur de Gervais Matériaux.
 
Des précisions sont données par une brochure sur les détails et l'utilisation des diverses parties du bâtiment : www.espace-chouleur.fr
 
Détails des lieux :
 Au rez de chaussée
- Un Cour d’honneur avec illuminations, ancien puits.
- Cours intérieure d’environ avec bassin 5 x 2.5 m sur 1.6 m de profondeur. Eclairage au sol et façade plantée de jasmins.
- Un Escalier d’honneur : Un magnifique escalier à 4 piliers noyaux, soutenu par des arcs rampants, avec un plafond à gypserie, au décor exceptionnel inspiré de l’art baroque italien (masques, pinceaux, feuilles, angelots sortant d’un bouquet de fleurs…)
- 3 pièces en enfilade avec voûtes, très probablement une ancienne chapelle, et un salon qui s’ouvre sur la cour intérieure du bassin. – Toilettes
- Les salles Nicot : 2 pièces de réception en enfilade – Toilettes.
- Galerie d’art avec 3 pièces à voutes ouvertes et en enfilade. Accès par la rue fresque avec portes vitrées ou par la cours d’honneur.
- Chambre froide
 
Au 1er étage - étage noble.
Par l’escalier d’honneur, un appartement privé en duplex avec terrasse de 650 m2.
Entrée – Salon avec cheminée, belles gypseries et cheminée. Accès à un 2eme salon avec cheminée et salle de bain, toilettes et lavabo séparé.
Par ce salon ou par le salon principal, accès à un très beau boudoir Louis XIV avec cheminée en marbre blanc et à une chambre avec salle de bain très design.
Par une antichambre ou par l’entrée, accès à la salle à manger, la cuisine professionnelle doublé d’un local plonge/froid.
 
2ème étage.
Un couloir dessert plusieurs appartements :
- Une suite aménagée dans un style contemporain : une chambre avec de belles poutrelles sous les combles, et une cuisine équipée /séjour + salle d’eau / toilettes.
- Une chambre avec salle de bain et dressing
- Un Appartement composé d’un boudoir, une chambre avec salle de bain / douche et dressing.
- L’appartement du gardien avec séjour, cuisine, 1 chambre mansardée, salle de bain. Un accès par l’escalier de service.
   
Georges Mathon, mai 2015

L'Espace Chouleur, cadastre de 2015.

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> L'Hôtel Mazel par le Lt Colonel Blanchard en 1935 - Version imprimable PDF

> La rue Fresque par Albin Michel

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