Les
eaux de Vergèze
par le Docteur Edouard TRIBES, Extrait des Mémoires de l'Académie du Gard, 1868 pages 479 à 494 Vous savez tous, Messieurs, l'importance que prennent de nos jours les eaux minérales, et la faveur croissante qui s'attache à ces sources bienfaisantes où l'homme vient demander la cessation de ses maux ou le raffermissement de sa santé. En même temps qu'elles offrent aux malades des moyens thérapeutiques nouveaux et puissants, elles sont un élément de richesse pour les contrées qui les possèdent. Aussi faut-il remonter jusqu'au temps de la civilisation antique pour retrouver, auprès des stations thermales, une foule aussi empressée que celle qu'y appelle chaque jour la constatation, de plus en plus avérée, d'une influence que les anciens regardaient avec raison comme si salutaire. On ne saurait donc trop, ce me semble, encourager les efforts persévérants tentés dans le but d'appeler l'attention publique sur des eaux peu connues et que recommande cependant une minéralisation réelle et supérieure. M. le professeur Béchamp, de Montpellier, et M. le docteur Miaulet, de Nîmes, vous ont récemment adressé un travail (1) sur des Eaux que notre ville possède à ses portes, et qui sont certainement appelées à devenir, dans un temps peu éloigné, une branche de prospérité de plus pour le département du Gard. Ce travail sur les eaux de Vergèze, dites des Bouillens, je vais essayer, Messieurs, de l'analyser devant vous, en vous exprimant toutefois le regret que l'Académie n'ait pas fait porter son choix sur un de ses membres plus autorisés et plus compétents que je ne le suis, pour l'édifier sur une œuvre d'analyse chimique des plus savantes et des plus consciencieuses. (1) Les Eaux de Vergèze, par MM. Béchamp et Miaulet. Pour vous fixer tout d'abord sur la valeur des Eaux des Bouillens et tout l'intérêt qu'elles méritent, permettez-moi de me servir des propres paroles de M. le professeur Béchamp : « La nouvelle analyse, dont cet écrit est destiné à faire connaître les résultats , révèle dans les Eaux de Vergèze une espèce jusqu'ici unique en France, et certainement, sur quelques points, la première en son genre dans l'univers. Je voudrais que les médecins, après avoir lu et médité ce travail, se pénétrassent bien de l'importance des résultats que je vais faire connaître et des nouvelles voies qu'ils me paraissent ouvrir à l'expérimentation clinique. Les Eaux de Vergèze ne sont pas seulement importantes par leur composition minéralogique ; elles contiennent, en effet, des composés de nature organique qu'il n'est pas habituel de trouver dans les eaux minérales ; du moins en est-il ainsi des deux sources qui servent surtout aux bains. » Ces quelques mots suffisent pour vous convaincre de l'importance et de la valeur de ces Eaux, qui sont destinées à augmenter le bilan d'hydrologie médicale que possède notre département. Aux sources sulfureuses de Fonsanges, des Fumades, de Cauvalat, de Saint-Jean-de-Ceyrargues, aux sources bitumineuses d'Euzet, sources précieuses dans bien des cas, nous devons désormais ajouter les sources acidulées de Vergèze, destinées à se placer au premier rang parmi leurs congénères, tant de la France que de l'étranger. Les sources de Vergèze sont situées dans le département du Gard, entre Montpellier et Nîmes, à 2 kilomètres de la station du chemin de fer dont elles empruntent le nom. D'après notre savant collègue, M. Emilien Dumas, les Eaux de Vergèze arrivent à la surface du sol après avoir traversé le terrain néocomien des couches successives d'argiles subapennines, de sables subapennins, recouverts de diluvium alpin. La nature géologique du sol que traversent ces eaux explique leur composition. Tales sunt aquœ, qualis terra per quam Jluunt, disait Pline. Le bassin parallélogrammatique dans lequel elles sourdent se dirige de l'Est à l'Ouest, sur une longueur de 54 mètres et une profondeur de 2 mètres environ. Dans cette piscine naturelle, bouillonne constamment une eau froide, trouble, acide, savonneuse au toucher. Le spectacle de cette grande nappe d'eau, grondant et bouillonnant sans cesse par le fait du dégagement continu de l'acide carbonique, est un fait géologique qui surprend autant qu'il étonne celui qui, pour la première fois, est en présence de ce phénomène de la nature. C'est à lui que les Bouillens doivent leur nom ; et, certes, il était difficile de trouver une expression plus imagée, en même temps que plus caractéristique, du fait géologique. Dès la plus haute antiquité, la piscine naturelle de Vergèze paraît avoir été fréquentée par les malades. Les fouilles récemment opérées par notre compatriote, M. Alphonse Granier, possesseur des sources des Bouillens, ont mis à nu des constructions et un bassin d'origine romaine. Des médailles à l'effigie de César, d'Auguste, de Faustine et d'Antonin, trouvées au milieu de ces débris de constructions, ne permettent aucun doute à cet égard. Les anciens ne connaissaient que la source de la piscine, les trois autres sources sont dues à des forages récents. (1) M. Béchamp, avec le rare talent qui le distingue, a soumis à l'analyse la plus exacte et la plus consciencieuse les gaz, les eaux et les boues des différentes sources. Je ne vous ferai pas assister à tous les détails de ce long travail de laboratoire, je me contenterai de vous en dire les résultats. (1) Voici le texte qui est raconté aux visiteurs de la source : "Depuis toujours, l’histoire de la Source Perrier se mêle à la légende... « Une légende qui commence en 218 avant Jésus-Christ quand Hannibal et ses troupes, en marche vers Rome, se désaltèrent à la source des Bouillens ». Cette légende nous parait peu crédible, si l'on en croit les renseignements scientifiques et historiques du docteur Edouard Tribes en 1868, et si l'on en croit le Mémoire du docteur Marc Dax de 1810, il n'y avait, aux temps anciens, que la mare des Bouillens. Difficile pour l'armée d'Hannibal de s'y désaltérer ! Pour le gaz, M. Béchamp a pu, en opérant sur de grandes quantités (7 litres de gaz au moins), arriver à démontrer, contrairement à ce qui était cru jusqu'à ce jour, que le gaz des Bouillens n'était pas de l'acide carbonique pur, mais un mélange contenant un peu d'azote et d'oxygène. Un litre d'eau renferme plus de deux fois son volume de gaz et à l'état de la plus grande fixité. Ces deux conditions en font donc une eau gazeuse des plus remarquables. Les gaz sont, relativement à un litre d'eau, dans les rapports suivants : Acide carbonique, 2 litres 290 ; Azote, 3 cent. cubes 7/10 ; Oxygène, 0 cent. cube 9/10 ; L'analyse de l'eau des différentes sources a donné une composition presque identique. Cependant, la source Dulimbert, plus spécialement destinée à la boisson, n'a pas révélé de traces des acides acétique et butyrique qui se trouvent dans les sources Granier et des Bouillens ; elle n'a presque pas donné non plus de traces de matière organique qui se trouve en quantité notable dans la source de la piscine surtout. Par contre, l'eau de la piscine ne renferme pas de trace d'arsenic et d'oxyde de cuivre qu'on trouve dans les sources Granier et Dulimbert. Ces principes métalliques se trouvent réduits eu sulfate par l'hydrogène sulfuré qui provient de la décomposition des sulfates par les matières organiques. En outre des acides acétique et butyrique, les sources Granier et des Bauillens ont offert a M. Béchamp l'occasion d'une autre découverte, celle d'organismes microscopiques vivants, en tout pareils à ceux découverts par lui antérieurement dans la craie. L'analyse des Eaux de Vergèze a donc fourni à M. Béchamp l'occasion de découvrir deux éléments nouveaux que les analyses antérieures n'avaient point signalés : ces deux éléments sont les acides organiques butyrique et acétique, et les vibroniens appelés par lui microzyma. À part ces différences, les eaux des diverses sources offrent une composition presque identique. On y découvre, en mettant en parallèle les éléments caractéristiques :
Ces Eaux ont évidemment une origine sinon commune, du moins très rapprochée, dit M. Béchamp ; les écarts qu'elles présentent tiennent à l'absence ou à la présence des matières organiques. Cette eau, dont la température en tout temps varie entre 16° et 17°, a une richesse d'acide carbonique exceptionnelle. Cet acide y abonde et y domine tous les autres éléments. Les éléments basiques s'y trouvent, en effet, tout à fait au second rang, contrairement à ce qui a lieu à Vals et â Vichy. Les deux acides gras et odorants (butyrique et acétique) ont été décelés et dosés, en ce point, sur 50 litres d'eau. Aucune source en France ne renferme ces deux éléments ; les eaux seules de Brucknaü, en Bavière, acidulées comme celles de Vergèze et si utilisées à titre de médication reconstituante, offrent l'exemple d'une composition à peu près identique. M. Béchamp a été conduit à rechercher les acides organiques dont il est question ci-dessus, par la découverte qu'il a faite dans ces eaux de la présence des organismes vibrants qu'il avait, il y a peu de temps, trouvés dans la craie et qui ont été si bien décrits dans le journal des Comptes rendus de l'Académie des sciences et qui ont reçu le nom de microzyma cretœ, et, plus tard, mycrozyma Vergesii. Il avait constaté que la présence des microzyma jouait le rôle de ferment, et que le propre de leur action était de donner lieu aux acide butyrique, lactique et acétique dans les fermentations. La découverte des microzyma, à laquelle l'a conduit la nature bien connue des terrains traversés par ces eaux, l'a amené à rechercher les acides organiques dont s'agit. Ses espérances, vous l'avez vu, ne furent point trompées. Par cette découverte, fut confirmée à nouveau celle qu'il avait faite antérieurement de la présence des microzyma dans la craie. II y a quelques années, M. Béchamp se demandait si le rôle de la craie, dans les fermentations butyrique et lactique, était d'agir seulement en tant que carbonate de chaux, c'est-à-dire de saturer les acides organiques à mesure qu'ils se forment, et par conséquent, comme le pensaient tous les chimistes, de maintenir la neutralité du milieu. Il n'en est rien : là où la craie agit avec une rare énergie, le carbonate de chaux est absolument sans action. M. Béchamp chercha à se rendre compte du phénomène; et, après des recherches microscopiques du plus haut intérêt, il lui fut révélé que, dans la craie, se trouvaient des organismes vivants et les plus petits que l'on connaisse. Ce sont eux qui, d'après lui, provoquent d'abord les transformations de la matière organique et produisent avec elle, dans les fermentations lactique et butyrique, les acides acétique, lactique et butyrique. Après avoir réfléchi à la nature des terrains traversés par les Eaux de Vergèze, le savant professeur de Montpellier chercha dans ces eaux la confirmation de ses observations sur la craie et d'autres calcaires. C'est ainsi qu'il fut amené à rechercher les organismes microscopiques, analogues à ceux de la craie, et, après les avoir découverts, à chercher les acides organiques qui, selon lui, devaient résulter de l'action de ces organismes sur la matière organique que ces eaux contiennent. Ses espérances ne furent point déçues. C'est alors qu'il proclama les microzyma des Eaux de Vergèze les analogues de ceux de la craie, et qu'il rapporta à leur action sur la matière organique de l'eau minérale les acides organiques volatils que ces eaux renferment. Il fut même plus loin, et c'est à eux qu'il attribua le dégagement continu de l'acide carbonique qui les minéralise surtout : « Les microzyma de Vergèze, dit-il, viennent bien évidemment des roches calcaires que ces eaux traversent, marnes, argiles subapennines, etc., etc. Si donc on suppose qu'il existe dans leur trajet des amas de matière organique, on conçoit que, grâce à ces microzyma, s'accompliront des réactions complexes d'où résulteront le dégagement d'acide carbonique et les acides organiques volatils. » En outre des microzyma, qui sont par myriades, M. Béchamp a trouvé, dans les Eaux des Bouillens, des navicules, des conferves, des desmidiées, des diatomées, des oscillaires, toutes productions organiques qui agissent sur la composition de l'eau, soit en y introduisant des principes nouveaux, soit en éliminant certains autres principes ou les modifiant. C'est à leur influence qu'il attribue la formation des boues qui s'y trouvent si abondantes et dont la richesse minérale va nous être révélée par l'analyse. Analyse des boues. - Les boues qui se déposent au fond du bassin des Bouillens sont quelque chose de très complexe ; elles sont noires et douces au toucher. 100 grammes de boue humide, contiennent : Sulfure de fer, 0,01 Carbonate de chaux, 0,85 Carbonate de magnésie, 0,17 Carbonate ferreux, 3,10 Alumine, 1,85 Silice soluble, 0,07 Sulfure de cuivre, décelable dans 50 gr. Arsénic, décelable dans 100 gr. Sable et argile, 40g40 Eau, infusoires, matière organique 53 55 Total, 100,00 Si l'eau de la source de la piscine ou des Bouillens ne contient ni cuivre ni arsenic, c'est que ces métaux se trouvent constamment et d'une façon permanente réduits à l'état de sulfure par l'hydrogène sulfuré, qui résulte de la décomposition du sulfate de chaux. Les sulfures de cuivre et d'arsenic qui en proviennent sont insolubles et se précipitent au fond de l'eau avec le sulfure de fer et forment la base minéralisante des dépôts boueux. Je craindrais, Messieurs, de fatiguer votre attention par de plus longs détails sur un sujet que M. Béchamp a traité d'une façon si savante et si originale; je craindrais surtout de ne vous traduire que très imparfaitement les idées de l'auteur. Je termine donc en vous renvoyant à l'examen d'un travail magistral, qu'il est impossible de faire connaître dans un court résumé. Il est impossible, en effet, de vous dire tous les procédés d'analyse employés par M. Béchamp pour arriver à déterminer la présence des corps minéralisateurs. Quand on la suit dans ses opérations, on est vraiment frappé de l'intelligence autant que de la conscience qu'il apporte dans ses investigations. Rien n'a échappé à l'analyse de son creuset : les boues, les eaux, les gaz, tout a été étudié avec un soin et un scrupule qui sont au dessus de tout ce qu'on peut dire. C'est donc là un travail des plus savants et des plus consciencieux, qui se recommande à l'attention comme un modèle du genre. Le seul point sur lequel on pourrait élever quelques objections, serait celui de la genèse des organismes microscopiques vibrants qu'on a rencontrés exclusivement dans les sources qui sont à ciel ouvert, mais qu'on ne rencontre pas dans les sources bien captées, comme la source Dulimbert. M. Béchamp avoue que les quatre sources ont une même origine géologique ; il affirme aussi que les microzyma proviennent des terrains crétacés auxquels ils sont inhérents et desquels les eaux les entraînent. Comment se fait-il alors que toutes les sources de Vergèze ne les possèdent pas au même degré, et que la source qui sort à la boisson en soit même complètement privée ? Nous aurions désiré voir M. Béchamp s'expliquer sur ce singulier phénomène, et ne pas laisser prise à des objections d'autant plus sérieuses qu'elles pourraient faire naître les microzyma en dehors des terrains crétacés. Ne pourrait-on pas lui dire, en effet, que, puisque les organismes ne sont trouvés que dans les sources exposées à l'air libre, ce sont les courants atmosphériques qui en portent la semence dans un milieu propre à la vie qui leur est particulière. C'est donc là une lacune que nous aurions bien désiré ne pas rencontrer dans un travail si intéressant et si consciencieux à tant de points de vue. Valeur
thérapeutique des Eaux de Vergèze.
Vous avoir révélé la valeur minérale des eaux de Vergèze, c'est presque vous avoir dit leur valeur thérapeutique, c'est-à-dire ce que peuvent en attendre les médecins et les malades. La chimie est pour les eaux minérales ce que l'anatomie est pour le corps humain. Connaître la composition chimique d'une eau, c'est, d'après Bergmann et Alibert, en connaitre presque la vertu curative. Cependant, l'étude chimique ne saurait dispenser de l'analyse clinique. Le travail de M. Béchamp serait donc incomplet, s'il n'était suivi d'une appréciation exacte et sérieuse des Eaux des Bouillens, comme moyen pratique de venir en aide à l'homme malade. Il ne suffisait pas, en effet, d'en trouver la richesse minérale, il fallait aussi en rechercher et en prouver la richesse thérapeutique ou médicamenteuse. Cette tâche devait être celle d'un médecin versé depuis longtemps dans l'art de guérir, d'un clinicien, en un mot. M. le docteur Miaulet, de Nîmes, dont vous connaissez tous le mérite comme praticien, s'est chargé de cette partie du labeur, partie non moins importante et non moins ingrate que la première. Après nous avoir dit que, de temps immémorial, la piscine de Vergèze est fréquentée par des malades dont les cures non contestées perpétuent la renommée des Bouillens, M. Miaulet n'oublie pas de nous signaler les travaux des médecins qui, les premiers, ont attiré l'attention sur les eaux de Vergèze. II cite, entre autres, le docteur Dax, de Sommières (1); le professeur Chaptal, le médecin Raizon, de Vergèze, qui tous, à une époque déjà loin de nous, ont vanté la valeur curative de ces eaux. (1) Voir son Mémoire intégral de 1810 publié dans ce site. Prenant ensuite un à un chacun des éléments minéralisateurs de cette source salutaire, il nous montre la part qui doit être faîte à chacun d'eux dans les guérisons dont on peut les gratifier à bon droit. Il s'occupe des gaz, des eaux, des boues, des matières organiques, de tous les éléments enfin qui les constituent chimiquement. C'est ainsi qu'il nous signale tout ce que peut espérer l'art de guérir, de cette puissante source naturelle d'acide carbonique par les services que rend en Allemagne l'eau de Brucknaü, à laquelle celle de Vergèze ne le cède en rien, et qui doit à l'acide carbonique dont elle est chargée ses propriétés thérapeutiques. C'est à titre de médication fortifiante, réparatrice, reconstituante et sédative, que sont utilisées les sources de Brucknaü qui, comme celles de Vergèze, possèdent aussi les acides butyrique et acétique. L'acide carbonique est un excitant énergique du système cutané ; il rappelle à la peau la chaleur et la vie. Agent anesthésique puissant, il apaise les douleurs les plus vives des plaies et des ulcérations, et en accélère le pouvoir cicatrisant. M. le professeur Sympson, à Édimbourg ; MM. Broca, Claude Bernard, Follin, en France, ont dans ces dernières années utilisé l'acide carbonique en injections, en lotions, et cela de la façon la plus heureuse, dans des maladies graves entre toutes, les ulcérations malignes, les engorgements chroniques du système utérin et de ses annexes. Dois-je, avec M. Miaulet, vous rappeler les services que rendent les eaux chargées d'acide carbonique dans les névroses les plus graves, épilepsie, éclampsie, catalepsie, hystérie, asthme, etc., etc. ? Vous savez trop aussi tout ce qu'elles ont de puissant sur l'estomac et le tube digestif en général, pour que j'aie besoin de vous le rappeler. Les rhumatismes à forme nerveuse et non fébrile, les entorses, les fractures douloureuses, les contusions anciennes, les fausses ankyloses, certaines douleurs goutteuses peuvent trouver là un puissant moyen de soulagement. Les maladies du larynx, les angines, les bronchites chroniques, les inflammations pharyngiennes, auront dans l'acide carbonique un puissant modificateur ; la phtisie elle-même, en dehors des périodes d'acuité, peut être heureusement influencée par les inhalations de ce gaz. Vous parlerai-je maintenant des maladies cutanées, dont M. Miaulet fait une longue énumération et qui se trouvent rapidement modifiées et guéries par les eaux ou par les boues de Vergèze ? L'arsenic le cuivre, à l'état libre ou à l'état de sulfure, les matières organiques rendent parfaitement compte de cette puissante action curative. Il n'est pas jusqu'aux microzyma dont il ne faille tenir grand compte, d'après M. Béchamp, dans l'influence modificatrice que subissent les affections cutanées. Je laisse le savant chimiste de Montpellier vous parler lui-même de tout le cas qu'on doit faire de ces organismes microscopiques, dans les services rendus parles Eaux de Vergèze : « L'analyse qui a révélé la présence d'un composé arsenical et cuivreux, ainsi que le sulfure de fer, dans les boues des Bouillens, la présence de l'arsenic et du cuivre dans les eaux des sources Granier et Dulimbert, expliquent sans doute cette efficacité. Mais ne convient-il pas de tenir compte de l'action excitante de l'acide carbonique, et ne peut-on pas faire concourir au même but l'action modificatrice d'agents aussi puissants que les microzyma et les conferves, qui, par leur contact nécessaire avec la peau, y agiraient en provoquant des réactions qui seraient comparables à une fermentation, modifiant ainsi la vitalité des tissus en les prédisposant d'une manière plus efficace à subir l'action des principes minéralisateurs de l'eau ? Il peut n'être pas inutile de rappeler que, dans ces derniers temps, les hommes de l'art ont vu leur attention appelée sur le rôle extraordinaire que l'on peut faire jouer aux petits infusoires vibroniens dans la production de quelques maladies. Si certains infusoires sont producteurs de maladies, je pense, pour ma part, que d'autres espèces, dans d'autres circonstances, peuvent être considérées comme des agents thérapeutiques. J'ai déjà fait remarquer, dans nos leçons, que des infusoires peuplent nos voies digestives. On en trouve dans la bouche et tout le long du canal intestinal. Luvenhock en trouvait dans sa bouche autant que la Hollande contient d'habitants. Leur influence n'est pas malfaisante, et, selon moi, leur rôle n'est pas secondaire ; sans doute ils ont une part dans l'acte de la digestion. Les organismes de l'Eau de Vergèze, les microzyma surtout, agissent comme ferments sur le sucre de canne et sur la fécule : pourquoi, appliqués sur la peau malade, n'en modifieraient-ils pas le mode de fonctionnement, en modifiant la nature des produits excrétés dans les maladies dont elle peut être le siège ? Tout en faisant ces rapprochements avec réserves, je ne puis m'empêcher de faire observer que les guérisons obtenues à Vergèze ne s'expliqueraient pas exclusivement par l'influence de l'arsenic et du cuivre que les boues contiennent en même temps que le sulfure de fer, si ces agents n'étaient pas aidés dans leur action curative par l'influence modificatrice que je suppose aux conferves, aux infusoires et aux microzyma de Vergèze. Ce sera aux médecins a voir, ajoute M. Béclamp, si ces conjectures, fondées sur la connaissance de l'activité multiple des organismes ferments, peuvent désormais entrer en ligne de compte dans l'explication de l'action thérapeutique des eaux minérales en question. » Je termine là ma tâche, Messieurs ; je désire que l'analyse rapide que j'ai faite du travail si remarquable de MM. Béchamp et Miaulet puisse vous convaincre de l'importante richesse hydro-minérale de Vergèze. On trouve dans ces eaux, comme le fait très judicieusement remarquer le professeur de Montpellier, ce que l'on ne voit dans aucune autre source, à savoir, la présence des acides butyrique et acétique et celle des microzyma. On peut dire, de plus, qu'aucune autre source, si ce n'est certaines eaux d'Allemagne, ne dégage une quantité aussi considérable d'acide carbonique. Il ne peut être donc bien loin de nous, le temps où toutes les richesses de la station thermale de Vergèze seront utilisées et mises à profit pour l'intérêt des malades, comme pour celui de certaines branches de l'industrie. Ne serait-il pas digne de l'Académie du Gard de consacrer, dès aujourd'hui, l'existence de cet élément nouveau de prospérité pour notre département, en donnant, dans ses archives, au travail qui le révèle, la place qu'il mérite ? M. Béchamp est un de nos chimistes les plus éminents, un de nos micrographes les plus distingués. Nîmes ne saurait oublier qu'avant M. Pasteur, il a fait connaître au monde savant la véritable cause à laquelle doit être rapportée la maladie épidémique actuelle des vers à soie. M. Miaulet est un médecin trop connu de vous tous pour que j'essaie de vous en dire les titres. .. |