- LES
CARMES A NIMES
- ET LA PAROISSE
SAINT-BAUDILE
- par
l'Abbé Goiffon, 1871
-
- Carte
de Nîmes au XVIIIe siècle de Igolin, 1938.
-
- L'histoire
ne nous apprend rien de certain sur l'époque de
l'établissement des Carmes à Nîmes ; ce qui
pourtant paraît incontestable c'est que ces religieux sont
venus dans notre ville dès que leur Ordre, obligé
d'abandonner la Syrie, vint se réfugier en Europe. On sait, en
effet, qu'une partie de ces religieux, français de nation,
abordèrent à Marseille, en 1244, et y bâtirent le
couvent des Aygalades. Resserrés dans cette nouvelle demeure,
les Carmes durent, peu de temps après, envoyer la colonie qui
fonda le couvent de Nimes. Nous en avons une preuve incontestable
dans le testa-ment que fit, le 2 mars 1264, Guillaume André,
habitant de Nîmes ; par cet acte, il légua 6 deniers aux
frères du Mont-Carmel, ce qui suppose, sans contredit, une
communauté déjà formée et' établie
depuis quelque temps. Une preuve du même genre résulte
d'un autre testament par lequel Etienne Audemar, habitant de Nîmes,
rue de la Corroyerie (de Gorregaria), légua, le 2
novembre 1270, 12 deniers tournois à la communauté des
frères du Mont-Carmel, en même temps qu'il donnait à
tous les couvents alors existants. Nous ignorons également en
quel endroit de la ville les Carmes fixèrent leur première
demeure ; nous savons seulement que ce ne fut qu'après l'an
1270 que leur couvent fut bâti hors de la ville et près
des murs, en face de .l'antique porte romaine, sur l'emplacement
qu'il occupait encore au moment de la Révolution.
-
- Le
monastère des Carmes s'agrandissait dans le silence, il n'en
est plus parlé qu'en 1313 dans le testament du 22 mai de
Raymond Ruffi le fondateur de l'Hôtel-Dieu de Nîmes ; cet
illustre catholique établit un anniversaire dans l'église
des Carmes pour le repos de son âme et de celles de ses
parents.
-
- Peu
de temps après, en 1333, les bâtiments du couvent
occupaient une vaste étendue et étaient habiles par une
nombreuse communauté ; aussi furent-ils choisis, cette année,
pour la tenue du Chapitre général de l'Ordre. Ce fut
dans ce Chapitre que fut décidée la formation de deux
nouvelles provinces, celle de Rome et celle de Bologne, ce qui porta
à seize le nombre total des provinces du Carmel. Deux
illustres religieux qui ont honoré l'Eglise et leur Ordre par
leur science et par leur sainteté assistèrent à
ce Chapitre en qualité de provinciaux, c'étaient saint
André Corsini, plus tard évêque de Fiésoli,
et Jean Baconthrop, docteur de Sorbonne, surnommé le docteur
résolu, à cause de la facilité et de la solidité
avec lesquelles il décidait les questions qui lui étaient
proposées.
-
- Les
accroissements de la communauté des. Carmes nîmois
reçurent de ce Chapitre une nouvelle impulsion ; nous en
trouvons la preuve dans ce fait qu'un acte d'échange passé
entre ces religieux et André de Languissel, prévôt
de la cathédrale, fut signé par 19 religieux ayant au
moins cinq ans de profession. Ce même acte d'échange
nous apprend que le couvent de Nîmes était un lieu
d'études pour les jeunes religieux qui s'y rendaient de toutes
les maisons des environs. (1337.)
-
- Un
autre Chapitre général de l'Ordre fut tenu dans
l'église des Carmes en septembre 1362.
- Le
Conseil de ville, rapporte Ménard, voulant donner des marques
d'affection à ces religieux et les aider à subvenir à
la dépense qu'ils étaient obligés de faire en
cette ren-contre, leur fit présent de 25 florins qui furent
comptés le 8, par le Clavaire des Consuls à F. Bernard
Gervais, prieur du monastère.
- Ce
ne fut pas, continue l'historien nîmois, la seule marque de la
bienveillance de la ville envers les Carmes ; F. Jean Trissas,
procureur général de l'Ordre et déjà
bachelier en théologie, se proposait d'aller à Paris
continuer ses études et de s'y faire déclarer maître
en celte faculté; pour l'aider à soutenir la dépense
qu'il avait à faire en cette occasion, les Consuls lui
donnèrent 10 florins. (18 février 1363.)
-
- Le
bien que les Carmes faisaient autour d'eux leur avait aussi concilié
l'estime des habitants qui s'intéressaient aux succès
scientifiques du monastère. Les exécuteurs
testamentaires de Geoffroy Paumier, ancien lieutenant de la
Sénéchaussée, fondèrent, en 1392, dans la
chapelle des Carmes, un anniversaire pour le repos de son âme,
moyennant 16 francs d'or à employer en achat de livres pour le
monastère.
-
- Ce
fut aussi dans leur église que s'établit, en 1437, la
confrérie des chirurgiens sous le titre de Saint-Côme et
Saint-Damien. Cette confrérie reçut, plus tard, des
statuts, qui furent confirmés, le 17 mars 1492, par Jacques de
Villenous, vicaire général de Jacques II de Caulers,
évêque de Nîmes. Déjà auparavant la
chapelle des Carmes avait été choisie pour centre de la
con-frérie des cardeurs, érigée sous le titre de
Saint-Biaise ; celte dernière confrérie fut supprimée
en 1540 et les biens en furent unis au Collège des Arts.
-
- A
la fin du xv8 siècle, le couvent des Carmes n'avait rien perdu
de son êlat florissant et il pouvait offrir des logements
considérables; c'est ce qui le fit choisir pour le Chapitre
général de l'Ordre, qui s'y célébra le 3
juin 1498, fête de la Pentecôte. Pour aider les religieux
dans la dépense occasionnée par l'affluence des frères
venus de toutes les parties de l'Europe, la ville leur alloua 50
livres tournois, ce qui revient à 8 ou 900 francs de la
monnaie d'aujourd'hui.
-
- Le
couvent des Carmes de Nîmes possédait, en 1517, un hôte
illustre; c'était le frère carme Jean Colomb, évêque
de Troyes, venu pour prêcher au peuple la station de carême.
Ce fut pendant son séjour à Nîmes que les
autorités ecclésiastiques et civiles s'étant
entendues pour procéder à la recherche des reliques de
saint Baudile, le chargèrent de présidera l'ouverture
du tombeau; les travaux ayant été commencés peu
après, les restes du saint patron de la ville de Nîmes
furent découverts au mois de juin et on en fit aussitôt
l'élévation solennelle avec beaucoup de pompe et de
cérémonie. La Providence avait voulu donner l'honneur
de cette découverte à un religieux du Mont-Carmel,
comme elle donna plus tard aux frères du même Ordre la
direction de la paroisse établie dans Nîmes sous le
titre de Saint-Baudile. La ville récompensa les soins du frère
Jean Colomb en lui allouant une somme d'argent et en payant au prieur
du couvent la dépense qu'avait occasionnée son séjour
à Nîmes.
-
- Le
monastère continuait à posséder l'estime des
habitants ; de nombreuses fondations en sont une preuve non équivoque
; ne pouvant les citer toutes,en voici quelques-unes : peu de temps
après le départ de Jean Colomb, le 17 octobre 1517,
Louis de Jonquierettes, licencié en droit et avocat du roi en
la Sénéchaussée de Nîmes et de Beaucaire,
fit son testament par lequel il choisit sa sépulture dans
l'église des Carmes; il fonda, en outre, quatre messes par
semaine, donnant à cet effet 400 livres tournois ; de plus, il
ordonna à ses héritiers de poursuivre un procès
engagé devant la Cour du Parlement de Toulouse contre Jean
Barnier, voulant que si l'issue en était heureuse, ce que la
sentence allouerait fût employé à la réparation
du monastère. Après avoir fait divers legs et partagé
le reste de sa fortune entre sa femme Tiffène Pavée et
sa fille Antoinette, le testateur ajoute que si sa fille vient à
mourir sans enfants, ses biens seront acquis au couvent des Carmes ;
cette dernière clause devint caduque ; Antoinette, ayant
épousé le sieur de Bou-zenne, seigneur d'Aubaix, eut
des enfants.
-
- Les
exécuteurs testamentaires désignés par Louis de
Jonquierettes furent l'un des Consuls de Nîmes et Jean
Gabiolis, prieur des Carmes.
-
- Plusieurs
confréries avaient été établies dans
l'église du monastère. Déjà, le 17 mars
1491, la confrérie des barbiers et chirurgiens de la cité
de Nîmes avait fondé la chapelle de Saint-Côme et
de Saint-Damien et, après avoir fait confirmer ses statuts,
avait commencé ses réunions « en
l'honneur de Dieu, de la glorieuse Vierge Marie et des saints martyrs
saint Corne et saint Damien. » Cette confrérie,
dissoute lors des guerres religieuses, fut rétablie le 19
janvier 1640, à la requête des Carmes et des chirurgiens
catholiques, par ordonnance de Pierre Cal vêt, docteur et
official de l'évêché de Nîmes.
-
- Le
25 mars 1523, la Confrérie des Cardeurs fonda, à
l'autel de Saint-Biaise, dans l'église des Carmes, deux messes
qui étaient célébrées, chaque dimanche,
après le son de l'Angélus de la Cathédrale ; à
la suite de la seconde messe on chantait une absoute solennelle pour
les morts de la Confrérie. A cet effet, les Cardeurs donnèrent
au couvent une maison avec four, sise à la rue de Corcomaire
et contiguë au pont de l'Agau. Cette maison ayant été
ruinée au temps des troubles religieux, fut vendue, le 8
octobre 1576, à Jacques Sigalon, maître teinturier, pour
le prix de 340 livres, qu'on employa en achat de fonds pour la plus
grande utilité du couvent. La famille Sigalon conserva
longtemps la propriété qu'elle venait d'acquérir
et donna bientôt son nom au pont de l'Agau qui en était
voisin et à la rue qui y conduisait.
-
- Dans
des temps postérieurs, deux autres Confréries vinrent
fixer leurs réunions dans l'église des Carmes.
-
- Le
16 juillet 1700, les boulangers de la ville s'obligèrent à
perpétuité à faire célébrer une
grand'messe de saint Honorât, le 16 mai de chaque année,
avec procession autour des cloîtres ; le lendemain 17, ils
faisaient dire une messe basse pour les morts ; en outre, ils
fondaient une messe basse le troisième dimanche de chaque
mois. Ils offrirent en même temps au monastère qui
accepta, une pension annuelle et perpétuelle de 16 livres. Les
Carmes leur permirent de s'assembler dans une des salles de leur
couvent pour délibérer sur les affaires de leur Corps.
-
- Le
25 avril 1702, les traiteurs et hôteliers de Nîmes
établirent leur Confrérie dans l'église des
Carmes et obtinrent aussi la faculté de s'assembler dans une
des salles du monastère pour les affaires du Corps ; ils
offrirent la pension annuelle et perpétuelle de 30 livres, qui
fut acceptée. La fondation consistait en une grand'messe, le
jour de la fête de Saint-Laurent, 10 août, avec
procession autour des cloîtres, une messe basse de Requiem, le
lendemain, pour les confrères décédés,
une messe basse le deuxième dimanche de chaque mois et trois
autres messes basses le deuxième, le troisième et le
quatrième vendredi de chaque mois.
-
- Il
paraît qu'au XVIe siècle les Carmes de Nîmes
avaient un peu perdu de leur primitive ferveur et que quelques
désordres s'étaient introduits parmi eux. Nous voyons,
en effet, qu'à la suite d'un procès qu'ils avaient
intenté aux Consuls de la ville, en 1541, la Cour des
Grands-Jours, tout en leur donnant raison sur te fond du procès,
ordonna à l'évêque d'entreprendre la réformation
du couvent.
-
- L'état
des constructions matérielles était plus grave encore,
le couvert du monastère, l'église et le moulin, revenu
principal des Carmes, avaient besoin de réparations urgentes.
Les religieux, trop pauvres pour subvenir à cette dépense,
se virent obligés d'inféoder à Gilles Bonnaud,
bourgeois de la ville, une terre sise a Vallongue sur le chemin de
Gajan, moyennant 80 livres, une salmee de tozelle et un muid de
chaux, une fois donnés, plus une rente annuelle de d'eux
salmées de tozelle (22 septembre 1544).
-
- L'année
suivante fut, pour la ville de Nîmes, une année de
misère affreuse les récoltes insuffisantes menaçaient
le pauvre peuple d'une grande famine. Les Carmes ne pouvant oublier
les secours que plusieurs fois la ville leur avait accordés,
députèrent aux consuls Aubert la Caille, syndic de leur
couvent, pour leur offrir un moyen de subvenir aux besoins de la
population ; celui-ci se présenta donc aux magistrats de la
cité avec les supérieurs des trois autres ordres
mendiants et, de concert, ils consentirent à laisser faire des
quêtes pour les pauvres dans leurs églises, jusqu'aux
fruits nouveaux, sans renoncer toutefois pour l'avenir à
l'arrêt par lequel la Cour des Grands-Jours de 1541 avait fait
défense aux Consuls de faire aucune quête dans les
églises des quatre ordres mendiants.
-
- Cependant
les mauvais jours allaient venir; le protestantisme envahissant peu à
peu la ville ; déjà des désordres de plus en
plus graves avaient fini par ensanglanter les rues ; les partisans
des nouvelles doctrines, plus torts par l'audace que par le nombre
s'étaient emparés de l'église des Observantins,
(29 septembre 1581), Ce premier succès fuf bientôt suivi
du départ des Augustins, dont l'église fut aussitôt
transformée en prêche (15 décembre). Quatre
jours après la Cathédrale elle-même envahie par
la foule au sortir du prêche du ministre Pierre Viret, devint
une vaste ruine intérieure, les statues et les tableaux des
saints furent détruits, les autels renversés, les
reliques foulées aux pieds, les vases sacrés pillés.
Ces scènes de désordre se répétèrent
dans toutes les autres églises de Nîmes celle des Carmes
fut complètement saccagée, et les archives du couvent
furent brûlées sur la place de la Cathédrale au
milieu d'une ronde infernale, blasphémant contre les saints
mystères catholiques et hurlant : plus de messe, plus
d'idoles, plus d'idolâtres.
-
- Les
religieux se dérobèrent à l'orage par la fuite ;
ils purent cependant rentrer dans leur couvent, le 14 janvier
suivant, à la suite de l'ordonnance donnée à
Villeneuve par le comte de Crussol, que la reine avait délégué
pour la pacification des troubles en Languedoc ; ils se mirent
aussitôt à réparer leur église et leur
couvent. Mais les religionnaires, enivrés de leurs succès,
ne pouvaient voir de bon œil le rétablissement du culte
catholique, et ils essayèrent d'exciter une nouvelle émeute
pour désespérer la patience des catholiques. Dès
le 16 janvier, les Carmes ayant sonné la messe et ouvert leur
église sur-le-champ, ils y virent accourir une troupe
d'enfants envoyés pour troubler le service divin, et les
religieux durent fermer leur porte ; pareil attentat était
déjà arrivé dans la matinée à la
Cathédrale. A partir de ce moment ce ne fut qu'à de
rares intervalles que les Carmes osèrent publiquement exercer
les cérémonies de la religion ; ils durent même,
comme les autres prêtres fidèles, quitter la ville, le
31 juillet 1562, sur l'ordre du Consistoire, et ne purent rentrer
qu'en août 1563, à la suite d'Antoine de Lévis,
comte de Caylus et envoyé du roi.
-
- Ils
ne restèrent pas longtemps tranquilles. Le vaste complot de la
Michelade éclata le 30 septembre 1567. Ce n'est pas ici le
lieu d'en redire les horreurs. Plus heureux que le clergé
séculier et que les autres ordres religieux, les Carmes placés
hors de la ville n'eurent à déplorer la mort d'aucun
des leurs et ils parvinrent à échapper au massacre ;
mais leur couvent fut démoli comme tous ceux de la ville, et
l'un des principaux auteurs de la Michelade, le président
Calvière, en fit porter les matériaux, pierres et bois,
dans une maison qu'il avait au faubourg voisin ; tant il est vrai que
ce n'était pas le zèle religieux seul qui était
le mobile des huguenots. Nous en trouvons d'ailleurs une autre preuve
dans ce fait que Tristan de la Croix, autre protestant, conseiller au
Présidial de Nîmes, usurpa tous les biens qui
appartenaient au monastère des Carmes. Lorsque la paix
commença à se rétablir, ces religieux, en
rentrant dans la ville, firent entendre d'énergiques
réclamations, mais ils durent recourir aux tribunaux pour
rentrer dans leurs biens: à leur requête, le Parlement
de Toulouse rendit un arrêt ordonnant une enquête. Cette
enquête se fit le 26 juillet 1597 ; divers témoins
furent entendus qui firent la description complète de l'église
et de l'ancien couvent dont le cloître avait servi de cimetière
aux catholiques jusqu'en 1594 ; il demeura prouvé que Tristan
de la Croix s'était approprié la nef et le chœur de
l'église, et qu'il y avait fait bâtir sa bergerie avec
les pierres et les matériaux de cette même église,
et qu'en outre, depuis trois ans, il s'était emparé du
cloître et du cimetière, et en avait fait une terre
labourable.
-
- Trop
pauvres pour reconstruire leur ancienne demeure, les Carmes durent se
loger dans l'intérieur de la ville et ils habitèrent
successivement diverses maisons particulières qu'ils louaient.
Ils demeurèrent longtemps, nous dit Ménard, dans une
maison contiguë au Palais, près de là porte de
St-Gilles, louée d'abord et achetée plus tard ; à
cette époque la chapelle du Palais leur servait d'église
et ils y célébraient les offices divins. Pendant ce
temps, leur ancienne demeure avait été convertie en un
enclos et un jardin que l'arpentage général du
territoire, en 1606, évalua à, une salmée et une
émine, soit 72 ares et 57 centiares.
-
- Ils
ne purent même en garder la propriété ; lors des
troubles de Rohan, en 1621, Brison, gouverneur de Nîmes, élu
par les protestants, fit construire un bastion sur l'emplacement de
l'ancien monastère.
-
- Les
Carmes cependant ne laissèrent pas prescrire leurs droits ;
ils présentèrent requête aux sieurs Miron et Le
Camus intendants de Languedoc, pour que les Consuls fussent obligés
de leur fournir une maison commode pour leur logement et pour le
service divin.
-
- Les
parties ayant été longuement ouïes, les intendants
rendirent une ordonnance par laquelle ceux de la Religion prétendue
reformée durent payer aux Carmes une pension annuelle de 150
livres comme indemnité de logement. Ce fut alors que les
Carmes se logèrent dans la maison du sieur Laval, écuyer.
-
- Mais
bientôt les Consuls huguenots refusèrent de payer la
pension convenue et les religieux durent adresser une autre requête
aux intendants qui rendirent, le 15 février 1636, une
ordonnance portant que la Communauté payerait la somme
annuelle de 150 livres. Cette ordonnance fut signifiée aux
Consuls, le 23 du même mois, les Consuls refusèrent de
se soumettre et une nouvelle requête des religieux amena
l'ordonnance du 23 juillet 1636, portant que la pension serait payée,
sous peine de saisie des biens des Consuls et emprisonnement de leur
personne. Cette ordonnance fut signifiée, le 4 août,
mais elle ne fut pas mieux exécutée que lès
précédentes.
-
- Les
Carmes ne se laissèrent pas décourager par ce mauvais
vouloir des huguenots et ils obtinrent contre eux une nouvelle
ordonnance, en date du 21 janvier 1637. Cette affaire traîna
jusqu'au 31 décembre 1648 ; une transaction intervint alors ;
les Carmes renoncèrent au loyer de 150 livres et en
quittancèrent la ville, moyennant 600 livres qui leur
servirent à payer une partie du prix d'achat de leur maison.
Cet accord fut ratifié, le 27 avril 1649, par le Provincial ;
il l'avait été déjà par le Conseil de la
ville, le 4 janvier. Les Carmes ayant changé de Provincial peu
de temps après, le nouveau supérieur confirma l'acte,
le 3 septembre 1652. (Archives de l'hôtel de
ville de Nîmes. Série I, 4, 4eme partie)
-
- Pour
ce qui est des dommages qui leur étaient dus, à raison
de la démolition de leur couvent, les Carmes passèrent,
le 5 juillet 1644, une transaction avec les Consuls et les habitants
protestants, et renoncèrent à tout procès
moyennant 1800 livres de dédommagement. 1600 livres furent
bientôt payées ; mais les religieux n'obtinrent le reste
de la somme qu'après avoir fait de nombreux actes judiciaires
; les 200 livres ne leur furent comptées que le 13 juillet
1666, à la suite d'un arrêt du Parlement de Toulouse.
-
- Au
milieu de tous ces tracas temporels, le couvent des Carmes n'avait
pas cessé d'être un lieu de fortes études. Nous
en trouvons la preuve dans un livre publié, en 1656, chez Jean
Plasses, imprimeur et marchand libraire de Nîmes. C'est Le
thrésor de la Saincte Messe avec son appareil, tiré de
l'Ecriture Saincte, des Pères et Conciles des quatre premiers
siècles. L'auteur de cet ouvrage était le R.P. Jean
Obrier, du Puy-en-Velay, docteur en saincte théologie et
prieur dés Carmes de Nîmes. Ce livre dédié
à Mgr Cohon parut avec l'approbation du Provincial de
Narbonne, de Nicolas de Hallay, prévôt du Chapitre, de
M. de Trimond, chanoine et conseiller du roi au Sénéchal
et Présidial de Nîmes, et du prieur des Carmes de
Montpellier. C'est un exposé bien fait de la Doctrine
catholique sur le Saint-Sacrifice de la Messe, avec réfutation
des principales objections protestantes ; les diverses cérémonies
et en particulier l'usage de la langue latine dans la liturgie y sont
très-bien vengés des attaques de l'hérésie.
L'ouvrage est précédé et suivi d'épigrammes
et d'anagrammes dans le goût du temps, parmi lesquelles se
trouve un sonnet d'Ingignac, chanoine de St-Gilles.
-
- Les
Carmes soupiraient après le moment où il leur serait
possible de rétablir leur monastère; enfin, ils se
sentirent en mesure d'en entreprendre la reconstruction dans leur
enclos et ils en donnèrent le prix fait à Gourdan,
maître maçon. La pierre fondamentale en fut
solennellement bénite, le samedi, 11 février 1679, à
dix heures du malin ; elle fut ensuite posée par le Juge-
Mage, Francois-Annibal de Rochemaure, en présence des Consuls
en chaperon et de tout le Corps de ville.
-
- Les
travaux furent activement poussés et, le 4 novembre 1685, les
religieux vinrent dès le grand matin, prendre possession de
leur couvent; réunis aussitôt en Chapitre, ils
choisirent à l'unanimité S. Charles Borromée
pour patron de leur chapelle et pour protecteur de leur nouvelle
demeure. Bientôt après arriva l'Archidiacre Causse,
vicaire général et official du diocèse de Nîmes,
qui procéda à la bénédiction de la
maison.
-
- Comme
l'église n'était pas encore commencée, les
religieux convertirent en chapelle une salle basse de la nouvelle
construction, qui fut bénite par l'archidiacre, sous le titre
de Saint-Charles.
-
- Les
Carmes, reconnaissants des soins de Gourdan, lui concédèrent,
à perpétuité et gratuitement, un tombeau dans
leur église pour lui et les siens.
-
- Dès
lors, nos religieux purent plus facilement observer la règle
de leur Ordre et il sortit de leur maison comme un parfum de piété
qui leur attira une plus grande affection du peuple nîmois, et
le Conseil de ville se crut obligé de leur donner une marque
publique de la satisfaction que procuraient aux habitants leur zèle
et leurs services, et les indemniser en même temps des perles
qu'ils avaient faites de leurs titres et de presque tous leurs biens
enlevés par les religionnaires pendant les troubles. Il leur
donna, en conséquence, le 19 novembre 1694, un cimetière
que les catholiques avaient établi a l'extrémité
de l'enclos de leur ancien monastère et dont Mgr Fléchier
ne voulut plus qu'on se servît, à cause que son
éloignement le rendait presque inabordable dans les saisons
extrêmes de l'hiver et de l'été.
-
- Cette
donation fut faite à condition que les Carmes célébreraient
chaque année, le jour des Rois, une messe solennelle du
Saint-Esprit pour implorer le secours du Ciel en faveur des habitants
et à laquelle ils inviteraient le Corps de ville.
-
- Vers
cette époque, le 10 juillet 1698, les Carmes, convaincus de
l'indispensable nécessité d'une église,
délibérèrent et convinrent d'en faire
incessamment dresser les plans et d'y faire travailler avec le plus
de diligence qu'il se pourrait, et votèrent un emprunt de
3,000 livres au plus modique intérêt qu'on pourrait les
trouver, mais le Provincial refusa son autorisation et les choses
restèrent dans le même état quelques années
encore.
-
- En
1711, les Carmes avaient terminé leur maison par l'adjonction
d'un réfectoire avec infirmerie et bibliothèque
au-dessus ; ils tournèrent alors leurs soins et leurs
ressources vers la construction d'une église plus convenable
que leur chapelle provisoire ; par une délibération du
12 août 1712, ils votèrent à cet effet un premier
emprunt de 3,000 livres dont le Provincial s'engagea à payer
les intérêts ; plusieurs particuliers ayant offert de
contribuer à cette bâtisse, on mit la main à
l'oeuvre le 17 mai 1713, et dès le 19 juin, Mgr de la
Parisière, en présence du Corps de ville, en bénit
les fondements et en posa la première pierre. Cette pierre,
nous dit Ménard, portait l'inscription suivante :
-
- D.
0. M. - Beatœ Virgini Mariœ, régnante Ludovico decimo
quarto, regum orbis maximo, suscitabat tabernaculum Domini quod
ceciderat, et ea quœ corruerant instaurabat, et reedificabat istud,
sicut in diebus antiquis, illustrissimus, reverendissimus ,
meritissimus dominus et pater m Christo Joannes Cœsar, episcopus
Nemausensis. Anno reparatœ salutis 1713, decimo tertio calendas
Julii.
-
-
- Ancienne
église des Carmes
-
-
-
- L'église
des Carmes se bâtit lentement, divers emprunts furent
nécessaires pour en achever les travaux. Mais, enfin, le 28
octobre 1747, Mgr de Becdelièvre put procéder à
sa consécration ; les Consuls, en chaperon, assistèrent
à la messe pontificale qui suivit la cérémonie;
on plaça dans le maître-autel des reliques des trois
martyrs Martial, Prosper et Perpet. Afin de conserver à la
postérité le souvenir de cette consécration,
l'inscription suivante fut placée dans l'église ;
-
- CONSECRATIO.
Vigesima octava mensis octobris, anni 1747, illustrissimus ac
reverendissimus Carolus Prudentius de Becdelièvre, episcopus
Nemausensis, ad longos annos ! consecravit ecclesiam Carmelitarum
hujus civitatis Nemausensis, et altare in quo reconditœ sunt ab
eodem Illustrissimo reliquiœ sanctorum Martyrum, Martialis, Prosperi
et Perpetui, singulisque Christi fidelibus supradictam ecclesiam,
hodie unum annum, et in die anniversario hujusmodi consecrationis
quadraginta dies de vera indulgentia, concessit.
-
- -oOo-
-
- LES
CARMES
- par
Albin Michel, 1876
-
- Un
moine natif de Calabre, ayant bâti une église sur le
Mont-Carmel, en Palestine, donna naissance à l'ordre des
Carmes, qui, en 1244. fonda son premier établissement à
Marseille, où ils bâtirent le couvent des Aigalades.
C'est probablement quelques années après qu'ils durent
s'établir à Nîmes. Ce qui le prouve, c'est un
testament d un habitant de Nîmes, appelé Guillaume
André, qui, à la date du 2 mars 1263, légua six
deniers aux frères du Mont-Carmel, ce qui suppose sans
contredit une communauté déjà formée et
établie depuis quelque temps.
-
- On
ne connaît pas d'une manière certaine dans quelle partie
de la ville fut cette première demeure. On sait seulement que
ce ne fut qu'après l'an 1270 que leur couvent fut bâti
hors de la ville, près de la porte Rades qui, plus tard, a
pris le nom de porte des Carmes.
-
- C'est
là le deuxième ordre mendiant établi à
Nîmes.
-
- Près
de la porte des Carmes, et dans l'intérieur de la ville, se
tenait au moyen âge le marché aux brebis, et je ne
serais pas éloigné de croire que c'était dans la
rue Bât-d'Argent, là où l'on voit encore une
porte ornée de têtes de brebis sculptées.
-
- Ménard
nous apprend qu'en 1481, le dimanche des Rameaux, selon l'usage
établi depuis un temps immémorial, on célébra,
sur la place du Marché-aux-Brebis, l'office du jour. L'évêque
et les chanoines s'y rendaient processionnellement, on y prechait, et
les consuls y assistaient avec un grand concours de monde. On y
dressait un autel et une espèce de chapelle ardente, avec des
bancs tout autour. C'étaient les chefs des charpentiers et des
menuisiers qui faisaient ce travail et on leur donna, cette année-là,
2 livres 5 sols.
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- En
1643, le premier consul Trimoud, avocat, fit, avec l'autorisation du
conseil, planter une allée d'ormes sur le chemin situé
hors de Nîmes et qui allait de la place de la Couronne à
l'enclos des Carmes.
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- C'est
en 1679 que les religieux commencèrent à bâtir un
monastère dans cet enclos. On en bénit avec beaucoup de
pompe la première pierre, qui fut posée le 11 février
par le juge-mage François-Annibal de Rochemaure, en présence
du corps de ville et des consuls en chaperon.
-
- Ce
couvent ne fut fini qu'en 1685, mais comme l'église n'était
pas encore commencée , ils convertirent la salle d'en bas en
une chapelle qui fut bénie, le 4 novembre, par l'archidiacre
Causse, vicaire général et officiai de l'évêque
Séguier. Elle fut dédiée à Dieu, sous
l'invocation de saint Charles Boromée.
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- L'église
des Carmes a été finie en 1747, et fut consacrée
par l'évêque Becdelièvre. C'est là que les
chirurgiens de Nîmes, sous le titre de Saint-Cosme et
Saint-Damiens, et les cardeurs, sous le titre de Saint-Biaise,
avaient établi leur confrérie.
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- (Extrait
de Nîmes et ses Rues - Tome I, page 119 à 121, Albin Michel,
1876)
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- -oOo-
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- L'Ancienne
église des Carmes
- remplacée
par le Théâtre de la
Renaissance.
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- Le
théâtre de la renaissance, photo montage Georges Mathon.
En 1856, à
l’emplacement actuel de l’Université des sciences, se
dressait l’ancienne église des Carmes, cette dernière
menaçait ruine, de plus le faubourg de la route d’Avignon
s’accroissant, il avait fallut l’agrandir, des réparations
mal engagées provoqueront des fissures à la voûte
et ainsi que sur les murs latéraux. Les conseillers
municipaux qui se rendirent en commission sur les lieux, constatèrent
qu’il y avait un véritable danger à continuer la
célébration du culte dans ces conditions. Des réparations
qui devaient provisoirement la consolider furent effectuées en
urgence, la construction d’une nouvelle église est proposée.
-
En 1859, le maire de
Nîmes M. Duplan et son Conseil prennent la décision de
construire un nouveau lieu de culte sur « l’Île
d’Orange », actuellement place des Carmes, ce sera la
splendide église de St Baudile que bien des nîmois
prennent pour une cathédrale. L’adjudication de la
construction de l’église ne se fera que 7 ans plus tard, le
20 mars 1866, elle sera terminée et consacrée en 1877. Peu après la
démolition de l’ancienne église, un Théâtre
dit « de la Renaissance » sera construit sur
l’emplacement laissé libre, l’ancien Presbytère
attenant gardera ses attributions.
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- Ce Théâtre
brûlera deux fois, un premier incendie le consumera le jour
même du suicide de Ali Margarot, Maire de Nîmes, dans la
nuit du 21 au 22 avril 1885. Il ne sera relevé
de ses ruines qu’en 1887. A la demande du curé
de la paroisse St Baudile, gêné par les « orgies »
nocturnes de la salle de spectacle un contre-mur séparera son
logement du théâtre ; cette séparation
sauvera le presbytère des flammes lors du deuxième
incendie du 6 juin 1893.
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En 1892 suite à un
changement de direction, le théâtre de la Renaissance
avait pris le nom pompeux de « Scala de Nîmes ».
Le nouveau directeur, M. Pic, originaire d’Avignon fasciné
par les fastes des grands théâtres italiens orientera
cette scène nîmoise vers le lyrique et le bel canto,
malheureusement l’expérience se termina dans les flammes en
1893. Complètement
détruit, il ne restera plus que la façade, que nous
pouvons encore admirer actuellement, un grand magasin, les Dames de
France, lui succèdera.
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- Depuis 1998, elle orne le
bâtiment reconstruit en arrière plan, de l'Université
des Sciences et Techniques des Carmes.
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Article
Georges Mathon, 2005.
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